FIGA_20230119_complet Flipbook PDF


10 downloads 121 Views 6MB Size

Recommend Stories


Porque. PDF Created with deskpdf PDF Writer - Trial ::
Porque tu hogar empieza desde adentro. www.avilainteriores.com PDF Created with deskPDF PDF Writer - Trial :: http://www.docudesk.com Avila Interi

EMPRESAS HEADHUNTERS CHILE PDF
Get Instant Access to eBook Empresas Headhunters Chile PDF at Our Huge Library EMPRESAS HEADHUNTERS CHILE PDF ==> Download: EMPRESAS HEADHUNTERS CHIL

Story Transcript

3,40 €

jeudi 19 janvier 2023 le figaro - N° 24 389 - www.lefigaro.fr - France métropolitaine uniquement

Dernière édition

lefigaro.fr

enquête

haute joaillerie

la tyrannie administrative pousse les agriculteurs à bout Page 12

L’hommage de boucheron à Elizabeth II Page 24

exécutif

Réforme des institutions : Macron veut recevoir Sarkozy et Hollande PAGE 5

sommet

Dans les Pyrénées, ces murs qui barrent l’amitié franco-espagnole PAGE 6

Le crash d’un hélicoptère décapite le ministère de l’Intérieur PAGE 7

Réforme des retraites : le bras de fer s’engage

transport

Entre Limoges et Paris, la friture sur la ligne de train attise les colères PAGE 8

formation

archéologie

champs libres

Découverte d’un crime vieux de 3 700 ans PAGE 10 Le tête à tête de Charles Jaigu Les tribunes d’Olivier Babeau et de Yannick Moreau Les chroniques d’Eugénie Bastié et de Luc Ferry L’analyse de Jean-Pierre Robin n

n

Ce jeudi, à l’appel d’un front syndical uni, les Français vont descendre dans la rue pour engager le rapport de force avec l’exécutif sur la réforme des retraites. PAGES 2, 3 ET L’Éditorial

Les ventes d’automobiles en Europe au plus bas depuis trente ans L’automobile européenne ne parvient toujours pas à sortir de sa déprime. L’an dernier, les constructeurs n’ont vendu que 9,3 millions de véhicules dans les 27 pays de l’UE, contre

PAGES 13 à 15

@

FIGARO OUI FIGARO NON

Réponses à la question de mercredi : Emmanuel Macron doit-il relancer la politique familiale ?

OUI 69 %

NON 31 %

TOTAL DE VOTANTS : 106 990

Votez aujourd’hui sur lefigaro.fr Faut-il créer un véritable service minimum dans les transports ? J.-C. MARMARA/Le Figaro ; Boucheron ; S. SORIANO/Le Figaro

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

l’on fait semblant d’imposer des mesures plus fermes », martèlet-il. Pour lui, certaines mesures vont dans le bon sens, mais elles sont insuffisantes. « En matière d’immigration, nous n’avons pas besoin d’homéopathie, mais d’une thérapie de choc. » PAGE 4

P

Confinement syndical

endant que le gouvernement et les syndicats lancent le nouvel épisode d’une série de plus en plus prévisible, pendant que se préparent les éléments de langage et les cortèges, il faudrait peut-être lever le voile sur une part du pays qui, en ce jeudi noir, risque d’être absente des écrans. Il est des Français, en effet (et peut-être sont-ils majoritaires), qui ne sont pas enthousiastes à l’idée de travailler deux ans de plus, mais encore moins prêts à supporter pendant des semaines le désordre stérile d’une société plongée dans un dérèglement volontaire. La vie quotidienne transformée en course d’obstacles ; trains fantômes, écoles vides, activités réduites, routes bloquées, couvre-feu imposé : le confinement syndical. Ces gens ordinaires participent activement à la vie de la cité, mais ils le font sans « débrayer », ni défiler. Ils se contentent de travailler, parfois âprement, pour leur famille. S’ils sont naïfs, il leur arrive de rêver d’un pays où l’on pourrait voter et manifester en toute liberté sans pour autant éteindre la vie économique et mettre systématiquement le feu en fin de cortège. Quand ils entendent les dignitaires de la grève dénoncer la « bru-

talité inouïe » du gouvernement, la « violence sociale » d’une réforme, ils savent qu’il y a malheureusement des violences et des brutalités d’un autre ordre qui les menacent comme elles menacent leurs enfants. On pourrait imaginer qu’un jour ils se révoltent contre les agités du blocage. Au nez et à la moustache de M. Martinez, ils feraient démarrer les trains, travailler les élèves, alimenter les stations-service. Mais ces genslà respectent les règles et, chose extraordinaire, ils n’oseraient jamais déranger l’existence des autres. C’est cette France prise en tenaille entre les décideurs et les syndicats qui subira dans les moindres détails ces jours de grève. C’est elle aussi qui, si le conflit dure, pourra être le point de bascule de l’opinion. Nul ne sait si la fatigue civique qui frappe notre pays est d’abord le fruit des politiques ou de ceux qui systématiquement entravent l’exercice du pouvoir. Mais il est clair que cette France silencieuse refuse plus que tout le cirque de la zadification. ■

Du 11 janvier au 7 février

Éviter des semaines de désordre stérile

AND : 4,10 € - BEL : 3,50 € - CH : 4,40 FS - CZ : 115 CZK - D : 4,00 € - ESP : 4,10 € - GR : 3,60 € - LUX : 3,50 € - MAR : 37 DH - MTQ/GLP : 4,10 € - PORT.CONT : 4,20 € - REU : 4,50 € - TUN : 11,00 TND ISSN 0182.5852

Demain

Pour le président des Républicains, il n’est pas question de voter le projet de loi de Gérald Darmanin. « Ce texte est un leurre, fruit d’un mauvais compromis où l’on concède un peu à l’aile gauche, avec une politique de régularisation accentuée, et où

éditorial par Vincent Trémolet de Villers [email protected]

n

n

15,3 millions en 2019. Pénurie des composants, hausse des prix, perturbation de la chaîne logistique et passage à l’électrique empêchent le marché de redécoller. PAGE 18

Éric Ciotti : « Je ne voterai pas la loi immigration »

Liste des magasins Roche Bobois participant à l’opération sur www.roche-bobois.com

OUVERTURE EXCEPTIONNELLE LES DIMANCHES DE L’OPÉRATION (selon autorisation)

C

Les écoles veulent pallier la pénurie de personnel en hôtellerierestauration PAGE 9

Richard MOUILLAUD/PHOTOPQR/LE PROGRES/MAXPPP

ukraine

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

2

l'événement

Des frondeurs dans la majorité Quelques voix de l’aile gauche du camp Macron continuent de se faire entendre contre la réforme, avant sa présentation lundi en Conseil des ministres. Après que l’ex-ministre macroniste Barbara Pompili et trois députées de son microparti macroniste En commun ! ont déclaré ne pas pouvoir voter « à ce stade » le texte, pointant les « injustices sociales » qu’entraînerait le texte, le député Renaissance Patrick Vignal les a rejointes. Réinstauration des critères de pénibilité, élargissement de l’index seniors à toutes les entreprises, assouplissement de la mise en œuvre de la réforme des retraites… « Nous déposerons des amendements », prévient de son côté au Figaro Benoît Bordat, député apparenté Renaissance et membre de Fédération progressiste, le parti de l’ex-ministre du Travail François Rebsamen. « Nous sommes une quinzaine d’élus du camp présidentiel à être sur cette ligne : si nous ne sommes pas entendus, nous pourrions nous tourner vers l’abstention et même le vote contre », conclut l’élu de la Côted’Or qui, pour l’instant, compte s’abstenir.

Nous espérons que cette expression populaire ne se transformera pas en blocage

»

Olivier Véran, porte-parole du gouvernement

Retraites : la rue engage un nouveau bras de fer avec Macron Attendu en Espagne avec une bonne partie du gouvernement, le président observera les cortèges depuis Barcelone ce jeudi. Il laisse Élisabeth Borne et Olivier Dussopt en première ligne à Paris. Arthur Berdah £@arthurberdah et François-Xavier Bourmaud £@fxbourmaud

RÉFORME des retraites, acte II, scène 1. Après les concertations avec les partenaires politiques et sociaux ; après la présentation officielle de la réforme par la première ministre ; après les réactions outragées des opposants au texte… place à la rue. Elle se mobilise ce jeudi à l’appel d’un front syndical uni. Objectif : dépasser le million de manifestants, pour engager le rapport de force avec l’exécutif. La scénographie a beau être habituelle, elle n’en demeure pas moins source d’inquiétude pour le gouvernement, qui joue sur le registre de l’humilité et de la détermination en même temps. « C’est un mouvement qui correspond à une expression démocratique, que nous respectons bien entendu », a ainsi prudemment glissé Olivier Véran, à l’issue du Conseil des ministres mercredi. Avant d’ajouter aussitôt : « Nous espérons que cette ­expression populaire ne se trans­formera pas en blocage. » C’est de toute façon depuis l’autre côté des Pyrénées qu’Emmanuel Macron et une ­ bonne partie de ses troupes observeront les cortèges s’élancer. Le président de la République et onze de ses ministres sont attendus à Barcelone pour signer un traité d’amitié France-Espagne, sur le modèle de ce qui a déjà été fait avec l’Allemagne et l’Italie. « Le sommet avait été fixé bien en amont », rappelle-t-on à l’Élysée, où l’on regrette de n’être « pas totalement maîtres du calendrier ».

Or, s’il n’y a « pas de marge de manœuvre (…) sur la modification de cette date », il y en a en revanche sur le casting de la ­ délégation qui accompagnera le ­ chef de l’État. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a ainsi été prié de renoncer au voyage, « estimant (…) qu’il a mieux à faire à Paris », notamment participer à une émission spéciale sur BFMTV dans la soirée. Comme lui, « d’autres ministres, (…) partiellement concernés par le mouvement pourront écourter le programme sur la moitié de la journée, pour rentrer à Paris un peu plus tôt ». Allusion à celui des Transports, Clément Beaune, dont le secteur est l’un des plus touchés par les grèves. Allusion aussi à son collègue de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui a mobilisé quelque 10 000 policiers et gendarmes face aux menaces d’actions violentes des blacks blocs, voire des « gilets jaunes ». Tous resteront en lien étroit avec la première ministre, Élisabeth Borne, qui suivra la situation depuis Matignon, et pourrait être poussée à s’exprimer en fin de journée.

Toutes les hypothèses restent à l’étude

Une prise de parole suspendue à l’ampleur de la protestation et aux éventuels débordements. Car la journée de jeudi conditionnera en partie l’avenir de la réforme. Si le gouvernement affiche pour l’heure sa volonté d’aller au bout, certaines voix reconnaissent hors micro que toutes les hypothèses restent à l’étude. « On planifie toujours tous les scénarios quand on fait une réforme. Et personne ne dit qu’un processus de réforme ne

comprend pas des discussions à un moment donné… », glisse-t-on dans l’entourage de Macron. Sans toutefois reculer d’un pouce sur le report progressif de l’âge légal de départ en retraite pour ramener le système à l’équilibre. « Je m’attends à une mobilisation, mais pas forte. Après, s’il y a trois millions de personnes dans la rue, on verra », confie un poids lourd du gouvernement. Au risque de voir le piège des pronostics se refermer sur l’exécutif. « Fixer un objectif, c’est donner envie aux gens de l’atteindre », corrige un proche du chef de l’État, qui redoute les inévitables comparaisons avec les précédentes manifestations. Surtout si elles se révélaient défavorables pour l’exécutif. « La question de la jauge, c’est la question à un million d’euros. Personne n’est capable de dire ce qu’il va se passer. J’ai juste regardé les chiffres de 2010, et même la police avait recensé “plus d’un million de personnes”. Donc on verra bien », évacue un ministre de Bercy. Entré perdant dans la bataille de l’opinion, avec plus d’un Français sur deux hostile à son ­ projet selon le dernier sondage Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro, l’exécutif a fait son deuil d’un retournement de situation. « Sur le nucléaire, l’opinion a complètement basculé, observe un membre du gouvernement. On peut connaître le même phénomène sur les retraites, mais c’est loin d’être le plus probable. » Sauf en cas de violences répétées, comme cela avait été le cas avec les ­« gilets jaunes ». ■

+

Des manifestants devant une banderole représentant Élisabeth Borne, Emmanuel Macron et Olivier Dussopt, à Rennes, le 10 janvier. DAMIEN MEYER/AFP

Christophe Cornevin £@ccornevin

Les retraités « font l’objet

de toutes les attentions. Il est difficile d’estimer leur niveau de colère. Ils pourraient faire gonfler les rangs des contestataires

»

une source informée

» Lire aussi pages 14 et 15 « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

L’exécutif cale sur le service minimum garanti

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

Loris Boichot £@lboichot et Tristan Quinault-Maupoil £@TristanQM

LA PREMIÈRE journée de mobilisation contre la réforme des ­retraites, prévue ce jeudi, relance le débat. Sans attendre les ­premiers « blocages » redoutés, la chef de file des députés Renaissance (ex-LREM), Aurore Bergé, a esquissé les contours d’un durcissement de la législation. « Si les blocages sont trop importants et que cela nécessite ­ qu’on fasse évoluer la loi, je crois qu’on fera évoluer la loi », a-t-elle prévenu dimanche, dans « Le ­ Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI ». À droite, le patron des sénateurs Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, a appelé l’exécutif à ­ reprendre sa proposition de loi reposant sur le principe de ­ ­« réquisitions ». Emmanuel Macron s’était luimême saisi du sujet fin décembre, alors que la loi de 2007 est accusée de ne pas être opérante. Cet ­héritage du quinquennat Nicolas Sarkozy n’impose que le dépôt d’un préavis de 48 heures,

afin de communiquer un « plan de transport adapté » aux usagers, 24 heures avant le début des p ­ erturbations. À l’approche de la grève de Noël des contrôleurs de la SNCF, le chef de l’État avait demandé au ­gouvernement de « réfléchir à la mise en place d’un cadre pour ­assurer la continuité des services publics en toutes circonstances ». Une manière de « tenir compte de ce nouveau type de mouvement de grève qui échappe au dialogue ­social », avait souligné le porteparole du gouvernement, Olivier Véran. Près d’un mois plus tard, ­plusieurs ministres se livrent à un tir de barrage contre l’élan présidentiel. De Clément Beaune à ­Olivier Dussopt, des membres de l’exécutif issus de la gauche font bloc. « Ce n’est pas un débat qui est ouvert aujourd’hui. Nous n’avons pas de projet de texte à l’étude », a indiqué lundi sur Sud Radio le ­ministre du Travail. Son collègue Clément Beaune (Transports) abonde en ce sens. « Un service minimum, ça voudrait dire que vous interdisez à une partie des personnes de faire grève, a-t-il

75 % des Français se disent favorables à l’élargissement du service minimum dans les transports, via un recours aux réquisitions de personnel en cas de mouvement social, selon un sondage ­Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro publié en novembre dernier. À Matignon, on prône prudence et mesure. Tout en prenant ses distances avec l’exemple italien, Ce n’est pas un qui interdit les grèves dans les débat qui est ouvert périodes de fort trafic. À la place aujourd’hui. Nous de « slogans », Clément Beaune a lui-même évoqué mardi des pisn’avons pas de projet tes « plus pragmatiques » : « péde texte à l’étude riodes préservées », « plus d’antiOlivier Dussopt, ministre du travail cipations », ou encore « réserves de personnes qui peuvent être mobilisées quand il y a une grève ». Seule initiative prise pour À l’Assemblée nationale, ces l’heure, les ministres Clément propositions sont vues d’un bon Beaune et Agnès Pannierœil par la porte-parole du groupe Runacher (Transition éner­ Renaissance, Sabrina Agrestigétique) ont été chargés par Roubache. Un service minimum, Matignon de mener un tour ­ « je n’y crois pas en pratique », ­d’horizon des entreprises concerexplique-t-elle. La parlementaire nées, afin d’améliorer le dispositif est convaincue qu’il serait difficiactuel. Sans être tenus par un le de « fixer » un niveau minimal ­calendrier, ni par l’objectif d’en d’agents présents, eu égard à la passer par une nouvelle loi. protection du droit de grève par La pression de l’opinion la Constitution. ■ publique reste pourtant forte. ­

Entre 600 000 attendus dans

i­ndiqué mardi sur France 2. C’est très encadré par notre Constitution. Le droit de grève a été une conquête sociale, il ne faut pas le dévoyer. » La crainte est vive d’alimenter la contestation sociale. Dans les rangs du gouvernement, consigne a été donnée d’éviter les ­déclarations incisives.





Manifestation à Marseille, mardi, contre la réforme des retraites. NICOLAS TUCAT/AFP

L’EXÉCUTIF se prépare à une forte mobilisation pour cette première journée d’action nationale contre la réforme des retraites, même si celleci pourrait ne pas prendre l’ampleur de la déferlante déclenchée contre le plan Juppé en décembre 1995. Entre 600 000 et 800 000 manifestants sont attendus lors du « jeudi noir ». Soit un chiffre inférieur au million de ­personnes dans la rue qu’espèrent les syndicats. « La mobilisation va ­prendre dans tous les secteurs traditionnels de la fonction publique, du secteur privé, des transports ou encore de l’énergie », confirme une source ­informée avant d’ajouter : « Beaucoup de citoyens, pas toujours habitués à battre le pavé, vont se joindre au ­mouvement. » À l’appel de toutes les organisations professionnelles, entre 220 et 250 cortèges devraient se former à travers le pays. Marseille ou Lyon pourraient accueillir les plus gros défilés en ­région, susceptibles d’abriter chacun jusqu’à 25 000 opposants à la réforme. Dans le même temps, entre 50 000 et 80 000 personnes sont attendues à Paris où les manifestants quitteront la place de la République à 14 heures, pour rejoindre la place de la Nation à 19 heures. Les « gilets jaunes » seront bel et bien au rendez-vous mais les services de renseignement ne s’attendent pas à un raz-de-marée. Lors de ses ­récentes mobilisations, les partisans de cette contestation citoyenne étaient au nombre de 40 000 et les analystes de la Place Beauvau doutent

le figaro

jeudi 19 janvier 2023

l'événement

3

À gauche, aussi unis que les syndicats Sophie de Ravinel £@S2RVNL

C’EST une manifestation syn­ dicale. À ce titre, jeudi au départ de la place de la République à ­Paris, les responsables politiques Insoumis, socialistes, écologistes et communistes ne marcheront pas en tête de cortège. Suivant la tradition, ils resteront sur leurs « points fixes » et ne s’élanceront qu’à la toute fin. Cette fois-ci cependant, l’unité politique sans faille de la Nupes rejoint une unité syndicale exceptionnelle. Pour marquer cet événement à gauche, une délégation de parlementaires, Assemblée et Sénat, devrait aller saluer le carré de tête en tout début d’aprèsmidi. Ces élus sont ceux qui ont discrètement participé, les 9 et 10 novembre, à deux journées d’auditions de l’ensemble des responsables syndicaux. L’initiative avait été proposée et organisée par le secrétaire national du PCF et député du Nord, Fabien Roussel. Comme lors de la précédente mobilisation contre la réforme des retraites, celle d’Édouard Philippe en 2019, les parlementaires de la

gauche ne devraient pas non plus marcher en ordre dispersé jeudi à Paris, leur écharpe à l’épaule, mais dans un même carré. C’est au moins ce qui a été convenu lors d’une réunion de la Nupes et au-delà - un format de repré­ ­ sentants des 7 groupes parlementaires et de leurs collaborateurs qui s’est tenue mercredi à la ­mi-journée.

Relations tendues avec la CGT

Un certain nombre de figures de la Nupes cependant, ne seront pas à Paris. Yannick Jadot, l’ex-candidat à la présidentielle des écologistes et député européen défilera à Strasbourg ; le président socialiste du groupe au Sénat, Patrick Kanner, sera chez lui à Lille et Jean-Luc Mélenchon, à la tête des Insoumis, sera à Marseille, où il a été député sous la précédente mandature. Marseille, deuxième ville de France, est aussi la ­capitale sociale, ce qui peut justifier cette présence, en plus des liens noués les dernières années. Mais Jean-Luc Mélenchon entretient aussi des relations très tendues avec la CGT, avec Philippe

Martinez en particulier, qui ­termine son mandat. Il n’est pas impossible que les Insoumis aient voulu éviter quelques débor­ dements à Paris, susceptibles d’émailler l’unité affichée. Car des tensions fortes existent au sein de chacune des formations de la Nupes, encore accentuées par les congrès à venir ou en cours, chez les communistes ou les socialistes. Au PS, la tension monte ­entre ceux qui soutiennent pleinement la Nupes et ceux qui cherchent une voie médiane alors que le deuxième tour de l’élection interne se déroule jeudi soir, ­ ­départageant le premier secré­taire sortant, Olivier Faure, et son opposant et maire PS de Rouen, Nicolas Meyer-Rossignol. Soutien de ce dernier, Patrick Kanner a ­ ffirme que l’unité à la marche de jeudi dépasse les seuls enjeux de la Nupes. « Cette marche commune, ditil, c’est l’expression que nous pouvons être alliés sans être alignés. » À l’entendre, la gauche, des Insoumis au Parti socialiste, est ­ « capable de produire une contreréforme avec des propositions communes sur le rééquilibrage ­ ­financier nécessaire ». ■

Une grève très suivie dans l’éducation Aude Bariéty £@AudeBariety et Caroline Beyer £@BeyerCaroline

et 800 000 manifestants le pays

Présence de casseurs À Paris, entre 200 et 400 casseurs politisés sont attendus, sachant qu’ils pourraient franchir la barre des 2 000 à l’échelon national. Même s’ils n’ont pas détecté ­d’appel général à la mobilisation sur les réseaux sociaux, les s­ ervices de renseignement ­ surveillent les foyers traditionnels de la mouvance anarcho-auto­nome comme Nantes, Grenoble, Rennes, Lyon, Toulouse et Montpellier mais aussi Dijon et Le Puy-en-Velay. Ces émeutiers pourraient profiter de la masse de ­manifestants pour se glisser dans les cortèges, constituer des black blocs ayant la capacité de d ­ éployer des « banderoles renforcées ». « Cette technique vise à i­nstaller un grand drapeau noir, épais et rigide, en ­première ligne pour se cacher et se protéger des jets de grenades »,

souffle un t­ echnicien. Avant cette journée qui fera f­igure de test, l’exécutif est face à deux inconnues bien identifiées. La jeunesse d’abord : « Même s’il n’y a pas d’appel général à ­débrayer, les étudiants et les ­ lycéens risquent d’être dehors dans la mesure où les enseignants font grève. » En région parisienne, une vingtaine d’appels à bloquer des lycées ont été recensés et des assemblées générales se sont tenues dans plusieurs facs en province. La présence d’ado­ ­ lescents et de jeunes adultes dans les défilés est toujours un défi pour les forces de l’ordre, encore marquées par la mort de Malik ­ Oussekine, en décembre 1986 à ­ ­Paris. « Les retraités ensuite font l’objet de toutes les attentions, ­souffle une source informée. Il est difficile d’estimer leur niveau de ­colère. Ils pourraient faire gonfler les rangs des contestataires. » Enfin, en raison de menaces et de possibles actes de malveillance ­visant des élus dans ce contexte de fronde sociale, le ministre de ­l’Intérieur, Gérald Darmanin, a diffusé mercredi une note aux préfets pour demander la mise en place de « mesures de protection » spéci­fiques. Dans ce document, le ­premier flic de France prévient : « Aucun acte d’intimidation, et a fortiori aucune violence, à l’égard ­ des élus, notamment des parle­ mentaires, n’est tolérable. » Alors que les abords des permanences et les réseaux sociaux vont être ­surveillés, chaque fait sera signalé au procureur de la République. ■

Nos « conditions

de travail sont difficiles. Nous sommes mal payés. Et on nous demande de rester plus longtemps

»

Sophie Vénétitay, secrétaire générale du syndicat enseignant SNES-FSU

jean-yves guérin £@jyguerin

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

Hausse des courses réalisées sur les trottinettes et les vélos Lime, à Paris, le 10 novembre dernier, lors du mouvement social à la RATP

un

Cette journée du 19 janvier pourrait bien ressembler à celle du 5 décembre 2019, date de mobilisation contre le précédent projet de ­réforme des retraites. Il y a trois ans, 70 % des enseignants du primaire s’étaient déclarés grévistes. Dans les faits, 51 % avaient finalement fait grève. Quid des professeurs du second degré, qui avaient été 42 % à se mobiliser il y a trois ans ? Difficile, pour l’heure, de donner une estimation, puisque, contrairement à ceux du primaire, ils ne sont pas tenus de se déclarer. « Mais d’après les remontées de nos sections, on peut d’ores et déjà dire que les grévistes seront majoritaires, assure Sophie Vénétitay, au SnesFSU, syndicat majoritaire du s­ econd degré. Nos conditions de travail sont difficiles. Nous sommes mal payés. Et on nous demande de rester plus longtemps », résume celle qui évoque une « accumulation ». « Ce mouvement s’annonce beaucoup plus suivi que les grèves précé-

* Les prénoms ont été modifiés.

BlaBlaCar et Lime profitent du conflit

127 %

Demain

Forte mobilisation

dentes », renchérit Laurence Colin, proviseur du lycée professionnel Condorcet d’Arcachon et secré­ taire générale adjointe du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (Snpden). Elle table notamment sur une forte mobilisation des enseignants en fin de carrière, ­ « directement impactés par la ­réforme », alors qu’ils ont « déjà l’impression d’être les oubliés des revalorisations annoncées par le m ­ inistère ». Cette réforme arrive « à un ­moment où les personnels de l’Éducation nationale ne se sentent pas reconnus », ajoute Laurence Colin. « Ça fait trop pour eux, le climat n’est vraiment pas apaisé », avertit-elle. « À travers cette mobili­ sation, c’est bien la réforme des ­retraites qui est largement rejetée, mais il est clair que l’absence de ­revalorisation salariale et la dégradation continue des conditions de travail accentuent la colère de nos collègues ! », confirme le SNUippFSU de Paris. Les syndicats enseignants avaient d’ailleurs rendez-vous mercredi Rue de Grenelle pour entamer les négociations sur la ­ fameuse revalorisation, promise ­ pendant la campagne présiden­ tielle. Mais le cabinet du ministre, à la veille de la grève, avait déjà prévenu qu’il n’y aurait pas ­ d ­ ’annonces. ■

LE MALHEUR des uns fait le bonheur des autres. Avec des TGV à l’arrêt et des lignes de métro fermées, les autres opérateurs de mobilité que la SNCF ou la RATP se préparent à faire de bonnes affaires ce jeudi. Ils ont déjà vécu l’expérience lors des grèves massives dans les transports en commun. « Le 10 novembre où il y a eu un gros mouvement social à la RATP, nous avons réalisé 70 000 courses à Paris sur nos trottinettes et vélos partagés soit une augmentation de 127 % par rapport à un jour normal à cette période, illustre Hadi Karam, directeur général France de Lime. C’est notre deuxième jour d’activité record dans la capitale. » La preuve que le recours au télétravail ne gomme pas tous les trajets domicile-travail. Même explosion de la demande chez Vélib’, le système de vélos en libre-service parisien où l’on avait enregistré 212 000 locations le 10 novembre contre 120 000 à 130 000 les jours de la même semaine. De son côté, BlaBlaCar Daily qui cible les covoitureurs du quotidien constate une

hausse de 50 % des trajets proposés par les conducteurs pour ce jeudi. Il n’y a guère que les plateformes VTC plus circonspectes sur l’effet positif d’une grève. « Les mouvements sociaux créent souvent des embouteillages monstres, estime-t-on chez Uber France. Si Paris est bloqué, qu’une course prend une ­ heure au lieu de vingt minutes, pas mal de chauffeurs risquent de ­renoncer à travailler. »

« On est prêt pour un jour de grève »

Le boom sera aussi plus mesuré pour ceux qui proposent des voyages longue distance. Ainsi, ­ Flixbus a enregistré une augmen­tation des réservations d’un peu moins de 10 % pour ce jeudi. « Lors du week-end de Noël marqué par la grève de dernière minute des contrôleurs de la SNCF, nous ­ avions transporté 120 000 à 125 000 passagers contre 100 000 habituel­lement », détaille-t-on chez ­l’opérateur de bus longue distance. Un phénomène pas si étonnant : à moins d’un impératif, beaucoup de passagers remettent un dépla­ cement prévu un jour de grève de la SNCF.

Les opérateurs se mettent en ordre de marche pour répondre à cette demande. Cityscoot, leader des scooters électriques en libre-service à Paris et à Nice, a renforcé ses équipes pour être au rendez-vous. « Entre les personnels qui changent les batteries et ceux qui entretiennent nos engins, nous avons habituellement soixante personnes sur le terrain, souligne Bertrand Altmayer, PDG de la startup française. Jeudi, ils seront 70 car nous avons adapté les plannings. » Tier, qui opère des trottinettes et des bicyclettes en “free floating” à Paris, disposera de trois intérimaires qui renforceront les rangs des quinze « patrouilleurs » chargés de recharger et redispatcher les engins et aux endroits stratégiques de la capitale. Heureusement pour leurs affaires, ces transporteurs n’ont pas de grévistes dans leurs rangs. En revanche, ils s’organisent via What App, pour mettre en place du covoiturage afin que personne ne soit absent à cause de transports en commun défaillants. « On est prêt pour un jour de grève, estime Jacques Greiveldinger, directeur général de Smovengo, qui exploite Velib’. Si cela devait durer plus longtemps, ce serait très compliqué. » ■

A

qu’ils puissent fédérer davantage ce jeudi. « Lors de cette journée syndicale, ils n’ont pas la capacité de mener le mouvement et personne ne sait d’ailleurs s’ils ­seront intégrés ou mis de côté dans les c­ ortèges », observe une source i­ nformée. Pas moins de 10 000 policiers et gendarmes seront mobilisés sur l’ensemble du territoire, dont 3 500 à Paris. « L’inquiétude, c’est évidemment que cela dégénère sur le terrain », concède un cadre de l’ordre public. S’il n’y a rien à ­ craindre du côté des syndicats, qui vont défier l’exécutif en mobilisant et en lançant des mots d’ordre ­pacifiques, l’ultragauche fait l’objet de toutes les attentions.

CE JEUDI, l’institutrice de Charles*, élève de petite section ­ d’une école classée réseau d’éducation prioritaire (REP), fera cours comme d’habitude. « J’avoue être assez soulagée et contente d’être tombée sur l’une des rares maîtresses de l’établissement qui ne fait pas grève », souffle Marie*, la mère du petit garçon. La trentenaire devra tout de même adapter son emploi du temps et faire du télétravail, car ni la cantine ni le périscolaire ne seront assurés. Alors que les syndicats enseignants appellent unanimement à la grève, rejoints par les organisations lycéennes et étudiantes qui pour certaines appellent même aux blocus, l’institutrice de Charles sera vraisemblablement en minorité. Selon le SNUipp-FSU, premier syndicat du primaire, 70 % des professeurs des écoles pourraient être grévistes à l’occasion de cette première journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Un chiffre élevé, qui n’est « pas une surprise » pour Guislaine David, secrétaire générale du syndicat. « La mobilisation va être importante. Les parents se préparent, rapporte de son côté Laurent Zameczkowski, vice-président de la Peep, la deuxième fédération de parents

d’élèves. Nous comprenons que certains soient opposés à cette réforme, mais notre préoccupation, ce sont nos enfants, dont la scolarité a été très impactée par la crise du Covid, notamment les collégiens. Pour un jour, les parents sont prêts à s’organiser mais ils s’inquiètent déjà de la suite d’un mouvement qui pourrait s’inscrire dans la durée. Ce qui ne serait pas tolérable pour les élèves. »

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

4

Politique

Éric Ciotti : « Nous ne serons pas les supplétifs d’un pouvoir qui achève sa course » Le président des Républicains présentera officiellement son équipe lors de ses vœux, mardi prochain, au siège. PROPOS RECUEILLIS PAR

EmmanueL Galiero £@EGaliero et Marion Mourgue £ @MarionMourgue

LE FIGARO. - Vous venez de finaliser la composition de la direction des Républicains. Qui avez-vous choisi pour redresser le parti ? Éric CIOTTI. - Plus que jamais, le moment est au rassemblement et à l’offensive. J’ai voulu que cette équipe dirigeante soit à la fois le reflet de l’unité retrouvée mais aussi de l’expression d’une grande détermination pour préparer les échéances à venir. J’ai donc beaucoup travaillé avec Bruno Retailleau et Aurélien Pradié pour bâtir cette équipe de rassemblement. Notre organisation en est l’illustration. C’est pour cela que je souhaite la présence à mes côtés de deux vice-présidents exécutifs, Aurélien Pradié et FrançoisXavier Bellamy. Je souhaite aussi confier le secrétariat général à Annie Genevard. Elle a dirigé notre parti et a une forte expérience des fédérations et de la direction. Rachida Dati présidera le Conseil national. Elle est, sans doute, aujourd’hui la figure la



Je pense que la France a besoin des idées et des valeurs de droite, qui ont déserté la gouvernance du pays depuis bien longtemps



plus populaire de notre famille politique et elle incarne aussi l’espoir de nous voir conquérir la capitale de la France. Pour moi, la victoire à Paris sera une étape majeure vers les victoires nationales. Sur les idées, j’ai confié une mission de préfiguration à Jean Leonetti pour que l’on puisse très vite accueillir à nos côtés des personnalités nonmembres de notre famille politique pour mettre en place très vite un cercle de réflexion, prémices d’une future fondation. C’est par les idées que nous retrouverons le pouvoir. Michel Barnier, fort de son autorité morale, suivra les relations internationales et notre place dans le Parti populaire européen (PPE). Quelle place Bruno Retailleau occupera-t-il dans le dispositif ? Je lui ai proposé d’occuper une responsabilité majeure à la tête du parti. Il siégera naturellement au comité exécutif mais il préfère se concentrer sur la présidence du groupe au Sénat. Depuis l’élection interne, nous avons échangé qua-

siment chaque jour. Notre relation est fluide, simple. Sur l’essentiel des sujets, nous partageons la même analyse et notamment sur la réforme des retraites.

tif. Chacun a le souci de la cohésion et de la cohérence. Nous ne connaissons pas les contours précis du texte. Nous attendons encore des avancées, notamment sur la prise en compte des carrières longues, sujet sur lequel Aurélien Pradié est légitimement très attaché. Nous avons toujours des demandes sur l’amélioration de la situation des petits retraités même si nous avons obtenu la prise en compte des retraités actuels dans les revalorisations. Nous sommes encore loin du vote à l’Assemblée mais chaque député mesure ses responsabilités.

Comment évitez-vous l’armée mexicaine et la dilution de la ligne politique ? Ce nouvel organigramme est un peu plus resserré que le précédent. Quant à la ligne, elle est claire et à droite. Je veux refaire des Républicains un grand parti de gouvernement et de droite. J’insiste sur ces deux mots. Nous sommes un parti responsable qui ne sombrera pas dans toutes les démagogies et qui doit proposer un projet fiable et crédible aux Français. De droite, car je pense que la France a besoin des idées et des valeurs de droite, qui ont déserté la gouvernance du pays depuis bien longtemps. La France a besoin d’autorité, d’identité, pour mieux préserver ce que nous sommes face au délire wokiste ou à l’islamisme. La France a besoin de liberté, notamment au plan économique. Ces idées, que j’ai portées pendant le congrès, s’appliqueront naturellement dans la ligne du parti. Tout en intégrant des éléments portés par Bruno Retailleau et Aurélien Pradié sur une indispensable approche populaire. Se dire « parti de gouvernement », cela indique-t-il la possibilité d’un contrat de gouvernement avec Emmanuel Macron ? Je le redis : nous sommes un parti d’opposition ayant vocation à redevenir un parti de gouvernement et de droite. Nous sommes résolument dans une opposition déterminée à un pouvoir qui, au bout de dix ans, n’aura pas fait progresser la France et aura même, malheureusement, causé des dégâts importants, aussi bien au plan économique qu’au plan de la sécurité, avec une violence jamais atteinte et une immigration battant tous les records. Que répondez-vous à ceux qui perçoivent votre renoncement aux 65 ans sur les retraites comme la preuve d’un reniement ? C’est tout le contraire ! Ma position sur les retraites n’a rien à voir avec un « deal ». Elle est le signe de la cohérence qui doit marquer l’ADN de notre famille politique mais ma position traduit aussi le sens des responsabilités. Dire qu’il faut réformer les retraites rejoint ce que nous avons toujours dit et toujours fait. Souligner que cette réforme est indispensable dans l’intérêt du pays, notamment pour des raisons démographiques si l’on ne veut pas détruire le système de retraites par répartition, c’est faire preuve de responsabili-

Les Républicains voteront-ils le projet de loi sur l’immigration proposé par Gérald Darmanin ? Je voterai contre ce texte. C’est un leurre, fruit d’un mauvais compromis où l’on concède un peu à l’aile gauche, avec une politique de régularisation accentuée et où l’on fait semblant d’imposer des mesures plus fermes. Certaines vont dans le bon sens mais ­elles sont très largement insuffisantes. En matière d’immigration, nous n’avons pas besoin d’homéopathie mais d’une thérapie de choc. Nous devons réduire drastiquement les flux migratoires et nous engager dans une politique de reconduite de tous les illégaux aux frontières. Ils ne sont sans doute pas loin de 1 million dans notre pays. Quand je parle avec des ­préfets, tous me disent leur désarroi face à l’affaiblissement des moyens de l’État et à l’absence de véritable volonté du pouvoir pour porter une politique courageuse. Iriez-vous sur ce thème jusqu’à défendre une motion de censure ? C’est un outil parlementaire. Rien n’est exclu.

Éric Ciotti, président des Républicains au siège de LR à Paris, le 18 janvier. SEBASTIEN SORIANO/Le Figaro

té. C’est vrai, j’ai défendu la retraite à 65 ans, mais je mesure aussi que compte tenu de la procrastination d’Emmanuel Macron de 2017 à 2023, il est difficile d’imposer en peu de temps un rythme trop grand de réforme. C’est pour cela que les 64 ans à la fin du quinquennat prochain traduisent déjà une avancée positive permettant de garantir l’équilibre de notre système de retraites au cours des vingt prochaines années. Pour moi, ce dossier est emblématique de notre volonté de ne rien céder sur la réforme, de toujours privilégier l’intérêt général et de ne jamais prendre des positions en contradiction avec les intérêts supérieurs du pays. Faut-il une réforme des retraites ? J’ai toujours répondu oui. Je ne vais pas changer d’avis.

Ce ne sont pas les premiers pas d’une alliance avec Emmanuel Macron ? En aucun cas. « L’intérêt supérieur du pays » ne pourrait-il pas justifier votre présence dans un gouvernement ? Mon seul objectif, c’est de conduire notre famille politique à la victoire en 2027. M. Macron ne sera plus candidat. Toutes les cartes sont rebattues. Nous n’avons pas vocation à être les supplétifs d’un pouvoir qui achève sa course. Nous avons l’ambition de retrouver la première place. Sur la question des retraites, combien de députés LR ne suivent pas votre position ? L’état d’esprit au sein du groupe autour d’Olivier Marleix est posi-

Vous aviez annoncé vouloir revoir les statuts de LR pour la désignation du candidat à la présidentielle. Quand le ferez-vous ? Dès ce semestre. Mon attitude respectera mes engagements. Cette réforme des statuts mettra un terme au processus de primaire et permettra au bureau politique de proposer le soutien à un candidat à l’élection présidentielle. Ensuite, il appartiendra aux militants de ratifier ce choix. À titre personnel, j’ai toujours dit que le meilleur pour relever ce défi était Laurent Wauquiez. Le calendrier de son engagement pour 2027 n’appartient qu’à lui-même. Quelle est la date limite selon vous pour Laurent Wauquiez ? Laurent Wauquiez connaît mon analyse. À lui de définir une date. Quoi qu’il fasse, je respecterai son choix mais je pense qu’il ne faudra pas sortir du bois trop tard. ■

« Je désignerai un “shadow cabinet” dans les jours qui viennent »

«

Ce contregouvernement sera composé d’une vingtaine de membres en charge de l’opposition à chaque ministre principal du gouvernement Borne-Macron

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

»

LE FIGARO. - Vous aviez évoqué pendant la campagne un « shadow cabinet ». Où en êtes-vous ? Éric CIOTTI. - Je le désignerai dans les jours qui viennent. Ce contre-gouvernement sera composé d’une vingtaine de membres en charge de l’opposition à chaque ministre principal du gouvernement Borne-Macron. Au-delà du suivi d’un département ministériel particulier, ils devront préparer notre projet sur chaque sujet concerné. Par exemple, Frédéric Péchenard sera en charge de la sécurité, Pierre-Henri Dumont sera mobilisé sur l’immigration. Je précise que notre trésorier reste Daniel Fasquelle. J’installe aussi un comité des élus présidé par Isabelle Le Callennec (maire LR de Vitré) pour que l’on préserve ce lien précieux entre notre tissu territorial qui couvre près de la moi-

tié des collectivités en France et le siège du parti. Ce comité servira aussi à préparer les prochaines échéances électorales. Pour préparer nos victoires futures, la commission nationale d’investiture sera présidée par Michèle T ­ abarot. Laurent Wauquiez, Michel Barnier, David Lisnard, Olivier Marleix… Comment comptez-vous associer ces personnalités ? Je suis lié à Laurent Wauquiez par une amitié et une fidélité de longue date ! J’ai déjà souligné l’espoir qu’il incarne pour notre famille politique et au-delà pour notre pays. Il siégera au comité stratégique. Nous échangeons en permanence depuis des années. Il en est de même avec Olivier Marleix, qui dirige le groupe à l’Assemblée. Lui aussi siégera institutionnellement

au comité stratégique. Michel Barnier incarne une immense autorité morale pour notre famille politique, et je compte m’appuyer sur lui, notamment pour tout ce qui relève de la crédibilité de la représentativité de notre famille politique en Europe. Il occupera un poste de conseiller spécial en charge des relations internationales et des relations avec le PPE. David Lisnard est un ami. Il siégera au comité stratégique. Nous avons une proximité géographique et une fidélité jamais démentie. J’ai échangé avec lui avant la constitution de cette équipe. Ses fonctions à la tête des Maires de France (AMF) sont importantes, car il porte cette vérité de la France des territoires. Le comité stratégique, tel que mes prédécesseurs l’avaient institué, restera dans sa composition avec les grandes figures de notre parti.

Je pense à Gérard Larcher, mais aussi à François Baroin et Christian Jacob, avec lesquels je me suis entretenu et qui participeront à nos travaux stratégiques. Les oracles prédisaient l’éclatement du parti après mon élection. Je suis fier de réunir une équipe d’une telle qualité avec de grandes personnalités. Quid des porte-parole ? Il y en aura trois : Alexandra Borchio (sénatrice), Nicolas Daragon (maire de Valence) et Guilhem Carayon (président des Jeunes LR). Avec Guilhem Carayon, qui sera également vice-président en tant que président des jeunes, je compte continuer à donner une impulsion forte à notre mouvement de jeunesse qui est l’une des grandes réussites de la présidence Jacob. Nous avons réussi à refaire des Jeunes Républicains un mouve-

ment puissant, alors qu’il avait complètement disparu. Le parti comptera une quinzaine de viceprésidents et quatre secrétaires généraux délégués, qui seront Geoffroy Didier (député européen), Othman Nasrou (conseiller régional d’Île-de-France), Éric Pauget (député) et Raphaël Schellenberger (député). Chacun aura un rôle thématique. La nouvelle équipe des vice-présidents tient compte des résultats du congrès. Elle compte Julien Aubert, Valérie Bazin-Malgras, Émilie Bonnivard, Valérie Boyer, Fabien Di Filippo, Julien Dive, Virginie Duby-Muller, Laurent Duplomb, Agnès Evren, Jacqueline Eustache-Brinio, Victor Habert-Dassault, Nadine Morano, Frédéric Péchenard, Florence Portelli et Frédérique Puissat. ■ E. G. et M. M.

le figaro

jeudi 19 janvier 2023

Politique

5

CONTRE-POINT

PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard

Réforme des institutions : Macron veut recevoir Sarkozy et Hollande

U

n chantier peut en cacher un autre. Si la réforme des retraites accapare l’espace politique et médiatique pour les semaines à venir, Emmanuel Macron n’oublie pas une autre réforme que, comme celle des retraites, il avait été contraint d’abandonner sous son premier mandat et qu’il entend relancer sous son second : les institutions. Et comme pour les retraites, la copie de Macron 2 ne sera pas la reprise de celle de Macron 1. Lors de son premier quinquennat, le chef de l’État avait dû prendre acte de son incapacité à faire aboutir son triple projet de réduction d’un tiers du nombre de parlementaires, de limitation des mandats dans le temps et d’instauration d’une part de proportionnelle aux législatives. Lors de sa campagne de réélection, il avait remis le sujet sur la table. Mais sans entrer dans le détail. Davantage en énonçant une méthode qu’en dévoilant un projet. Il avait ainsi promis la mise en place d’une commission transpartisane.



Le chef de l’État tient à la clarté des rôles : l’exécutif consulte, mais c’est lui qui propose sa vision



Depuis sa réélection, on n’entendait cependant plus guère parler du projet. Mais Emmanuel Macron ne renonce pas. Sans attendre la fin de la séquence retraites, il relance le sujet. Certes avec prudence. Comme le confie un de ses proches, « il veut goûter l’eau avant de plonger ». En clair : pas question de se lancer dans une réforme institutionnelle sans garantie d’aboutir et sans un minimum d’envergure. Place aux consultations, donc. Et la première étape de ce parcours sera de recevoir ses deux

prédécesseurs, Nicolas Sarkozy - qui avait fait voter une réforme constitutionnelle d’ampleur en 2008, notamment pour limiter à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs - et François Hollande. Ce mercredi, aucun des deux n’avait été informé de l’intention de leur successeur. Les cartons devraient partir dans les jours qui viennent de l’Élysée en direction de la rue de Miromesnil et de la rue de Rivoli. Dans leur entourage, on assure qu’ils répondront évidemment positivement à l’invitation d’Emmanuel Macron. Les deux anciens présidents seraient toutefois reçus séparément. Dans l’esprit de Macron, il s’agit de les consulter. Pas de leur confier la réforme. À l’été, l’idée avait circulé, faisant de Sarkozy et de Hollande les pilotes d’un tel projet ou les animateurs d’une éventuelle commission. Comme ce fut le cas d’Édouard Balladur à qui Nicolas Sarkozy avait confié la présidence du comité qui avait conduit à la réforme de 2008. Ce ne sera pas le cas cette fois. L’actuel chef de l’État tient à la clarté des rôles : l’exécutif consulte, mais c’est lui qui propose sa vision. Que veut faire Macron ? Le président ne dévoile pas encore ses batteries. Il y a tout juste une semaine, dans Le Figaro, Stéphane Séjourné, le patron de Renaissance, annonçait un travail de réflexion interne au parti présidentiel, dont les conclusions devraient être présentées au mois de février. Et parmi les pistes suggérées par Séjourné : la limitation à deux du nombre des échelons territoriaux - ce qui signifierait deux « sacrifiés» entre commune, intercommunalité, département et région -, la transformation du Conseil constitutionnel en une véritable Cour suprême à l’américaine - ce qui mettrait en cause le rôle du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Le patron de Renaissance souhaiterait

Emmanuel Macron, conscient de l’absence de majorité suffisante à l’Assemblée et au Sénat, ne veut pas aller au casse-pipe

»

également reprendre l’idée d’une réduction du nombre total de parlementaires et de l’instauration de la proportionnelle, le retour à la possibilité du cumul pour les maires des petites villes - ce qui créerait une étonnante distorsion entre les communes -, ou encore la facilitation du recours au référendum d’initiative partagée (RIP). Enfin, il plaidait pour la fin des grandes régions créées par François Hollande, certaines il est vrai sur un principe de fusion arbitraire, comme ce fut le cas pour le Grand Est, dont l’Alsace cherche maintenant à s’émanciper pour retrouver sa pleine identité. Il est tentant de voir dans les propositions du parti du président un ballon d’essai des intentions du président. On n’en est cependant pas là. Il y a bien une approche commune quant au calendrier : les institutions juste après les retraites. Mais sur le contenu, le chef de l’État ne se sent pas lié par les suggestions de Séjourné. Le vœu d’Emmanuel Macron est d’abord de « redonner de la force à la souveraineté populaire ». Ce qui passerait par une clarification du cadre institutionnel dans un pays où les instances élues sont de plus en plus concurrencées par des instances administratives et hautes autorités, toujours plus nombreuses et imposant souvent leurs vues sans disposer de la moindre légitimité populaire. L’effet de cette prolifération est de rendre parfois impuissantes les autorités politiques. Et, par ricochet, de dissuader les vocations politiques de haut niveau. Rétablir la primauté des instances élues ? C’est justement l’un des points mis en avant par Nicolas Sarkozy lors d’un colloque organisé le 5 octobre dernier à l’Institut. Lors de ce même colloque, François Hollande avait défendu de son côté la bascule vers un régime présidentiel en portant à six ans le mandat du chef de l’État, en ramenant à quatre celui des députés et en supprimant le poste de premier ministre.

Dans sa dernière campagne, Emmanuel Macron avait aussi évoqué l’idée d’un découplage des mandats présidentiel et parlementaire. Aujourd’hui, il confirme son désir d’inscrire davantage la fonction de président de la République dans le temps long, en l’extrayant de la gestion du quotidien. Mais est-ce bien dans le tempérament de l’actuel occupant de l’Élysée ?



Soit il obtient un consensus large sur un projet ambitieux, soit il renoncera



Par ailleurs, Macron n’a jamais été fan d’une décentralisation qui, sous couvert de transfert de compétences, fait des collectivités territoriales de simples guichets locaux de l’action de l’État. Plus que des compétences, le président de la République voudrait leur transférer des responsabilités qu’elles auraient à assumer devant les électeurs. Mais le chef de l’État, conscient de l’absence de majorité suffisante à l’Assemblée et au Sénat, ne veut pas aller au casse-pipe. Il ne voudra ni échec au Congrès, ni demi-mesures. Soit il obtient préalablement un consensus large sur un projet ambitieux, soit il renoncera. Et regarder l’équilibre politique actuel du Parlement, n’est-ce pas deviner par avance l’issue de cette réflexion institutionnelle ? ■

UN COUP DE POUCE

POUR ANTICIPER VOS JOURNÉES SUR

TV sur

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

canal 160

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

6

International

Depuis deux ans, la France maintient des barrières physiques sur huit routes frontalières avec l’Espagne, (ici, le col de Banyuls).

Un sommet France-Espagne se tient ce jeudi à Barcelone pour resserrer les liens entre les deux pays. Mathieu de Taillac £@mdetaillac

europe Ce sont quatre grosses pierres alignées sur une route de terre. La plus imposante doit mesurer un demi-mètre de haut, pour 1,50 m de long. Là, sur un col des Pyrénées, à la limite de la commune de La Vajol et du village de Las Illas, une frontière physique a ressurgi entre la France et l’Espagne. Quatre gros cailloux barrent l’accès aux véhicules. En principe. Nos guides, trois Français et un Espagnol, nous font remonter dans leur SUV. Dix mètres à droite des rochers posés sur ordre de la préfecture des Pyrénées-Orientales, une piste a été aménagée sur quelques centaines de mètres par un engin de chantier. Elle traverse une parcelle privée, à l’abri donc de l’intervention publique. Quiconque ayant un véhicule assez haut ou assez vieux pour ne pas craindre d’en esquinter le châssis peut défier à peu de frais les remparts de la République. Cela fait un peu plus de deux ans que cela dure. Alors que la France et l’Espagne s’apprêtent à célébrer leur amitié à un niveau seulement comparable à celle consacrée par les traités de l’Élysée, pour l’Allemagne, et du Quirinal, pour l’Italie, Paris continue de compliquer la vie des Espagnols les plus francophiles, et des Français les plus habitués à visiter l’Espagne. Au cœur de l’espace Schengen censé consacrer la libre circulation des personnes et des marchandises, la France maintient des barrières physiques sur huit routes secondaires, de la Catalogne jusqu’au Pays basque. Des obstacles que les habitants des villages concernés disent n’avoir connus ni pendant la guerre civile, ni au cours des deux conflits mondiaux, ni même sous la dictature franquiste. Vingt-cinq kilomètres à vol d’oiseau à l’est de La Vajol et de Las Illas, la route qui part du village espagnol d’Espolla s’arrête, elle aussi, devant cinq ou six blocs de béton. Les conducteurs qui pensaient pousser jusqu’à Banyuls, côté fran-

JC MILHET/Hans Lucas via AFP

madrid

Dans les Pyrénées, ces murs qui barrent l’amitié franco-espagnole Les pierres « gênent

la population locale mais ne sont pas pour autant une solution aux problèmes qu’elles sont censées résoudre : les passeurs ou les trafiquants empruntent d’autres voies

Stéphane Galan, habitant de Las Illas

»

çais, doivent faire demi-tour. « Enfin, pas tous. Les 4x4 passent par là », signale Josep Maria Tegido, un habitant d’Espolla membre du Collectif pour l’ouverture des points de passage de la frontière. Les 4 × 4 escaladent le talus à droite de la ligne de pierre. Sans compter les piétons, les cyclistes ou les motards… Les autres, les touristes qui ne savent pas, les locaux trop âgés pour de telles aventures, les conducteurs de véhicules trop gros ou trop frêles pour ce genre de secousses, sont condamnés aux grands détours ; perdre une heure ou davantage pour passer par Le Perthus, le point où l’AP7 espagnole devient l’A9 française. La raison évoquée par les autorités françaises quand les pierres ont été posées en septembre 2020 était la menace terroriste. Depuis, la France s’inquiète des mouvements secondaires : les migrants, arrivés généralement d’Afrique, qui veulent passer de l’Espagne vers la France et le reste de l’Europe. Soit, précisément, l’un des principes dérivés de Schengen, ce qui surprend les autorités espagnoles, accusées à demi-mot de ne

pas assez surveiller leur frontière nord. Le trafic de drogue a également été évoqué par le préfet, qui n’a pas été autorisé à répondre à nos questions. Aucun de ces motifs ne convainc les habitants, bien placés pour savoir que qui veut franchir les Pyrénées trouve toujours la voie.

Détour de 30 km En attendant, ils souffrent des conséquences de cet état de fait, gênes quotidiennes ou plus angoissantes. À Espolla par exemple, le couple qui gère le bar-tabac El Portal de l’Albera estime qu’ils vendraient 50 % de plus si le col était ouvert. « On a toujours vécu ici, dit Ester, on se rend bien compte du monde qui passe par le village. Il y a bien sûr les Français qui achètent leurs cigarettes, mais dans l’autre sens aussi, des travailleurs de la construction qui prenaient leur petit déjeuner avant de passer en France. » Sur l’autre col, c’est Conchita qui tient un restaurant et un gîte à La Vajol. « Des clients m’appellent quand ils arrivent devant les pierres. Je dois leur dire de faire un détour de 30 km à travers la monta-

Pere Aragonès : « Nous sommes dans une société européiste »

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

LE PARTI au pouvoir en Catalogne, Esquerra Republicana de Catalunya (ERC, gauche indépendantiste), appelle à une manifestation sécessionniste aux portes du sommet francoespagnol ce jeudi. Le plus haut représentant de cette formation politique, Pere Aragonès, président de la région depuis septembre 2020, souhaitera la bienvenue à Barcelone aux deux délégations. Une illustration, sans doute, des dilemmes de ce courant politique ; les deux ailes de l’indépendantisme sont divisées entre la stratégie ­réputée modérée d’ERC et les prétentions jusqu’auboutistes du mouvement de Carles Puigdemont, l’ex-président qui, depuis le référendum illégal de 2017, vit en Belgique pour échapper à l’action de la justice espagnole. LE FIGARO. - Vous allez recevoir les participants au sommet et, en même temps, votre parti participera à une manifestation contre sa tenue. N’y a-t-il pas là un paradoxe ? Pere ARAGONÈS. - Il s’agit d’un sommet entre les gouvernements espagnol et français qui traitera de sujets concernant ces deux gouvernements. Mais certaines questions traitées relèvent aussi de l’intérêt de la Catalogne. En tant que

président de la Catalogne, et compte tenu des bonnes relations que nous entretenons avec les autorités françaises, nous faisons donc notre possible pour qu’il se déroule bien. L’utilisation politique que fait le gouvernement espagnol de cette réunion bilatérale est une autre histoire. ERC ne proteste pas contre le sommet en lui-même, mais contre le discours du gouvernement espagnol. Vous faites allusion aux déclarations de certains ministres du gouvernement espagnol selon lesquelles le choix du lieu de ce sommet marquerait la fin du processus indépendantiste. Où en est, précisément, l’indépendantisme ? Une chose n’est pas terminée : c’est la lutte démocratique et pacifique pour obtenir l’indépendance de la Catalogne. Cette lutte ne s’achèvera que lorsque nous aurons obtenu l’indépendance. Il y a une partie suffisamment solide de la société catalane qui défend que l’indépendantisme est le projet politique à même de libérer notre pays. Un processus de dialogue et de négociation avec le gouvernement espagnol est en cours.

gne ». Son mari indique qu’ils arrivent à honorer les factures, « mais si on devait payer un loyer, cela fait longtemps que l’on aurait mis la clé sous la porte ! » Au-delà des questions d’argent, les quelques pierres sont perçues comme une coupure aussi inédite que blessante par les habitants des communes concernées. Un sentiment partagé sur le col de Manrella. « Nos deux communes sont liées depuis toujours, explique Évelyne Cuenet, membre de la principale association de Las Illas. Jusqu’à la fermeture de la frontière, on échangeait les dates de nos manifestations culturelles, pour aller les uns chez les autres et ne pas se faire la concurrence. Aujourd’hui le jumelage est au point mort. » Pour son voisin d’une dizaine de kilomètres, Josep Lluis Fernández, « C’est aussi des familles qui sont coupées. Tout le monde a un cousin ou une sœur qui vit de l’autre côté. La frontière ici est une notion relative. Notre histoire est faite de passages de part et d’autre. » Tout proche de La Vajol se situe la piste qu’empruntèrent en février 1939 le président de la République espagnole, Manuel Azaña, le prési-

dent du gouvernement catalan, Lluís Companys, et son homologue basque, José Antonio Aguirre. Sans entraves, les trois élus loyalistes fuyaient la répression franquiste par le col de Lli et, de là, empruntaient le chemin de l’exil. Comme le rappelle une plaque sur la façade, ils s’arrêtèrent à Las Illas à l’auberge des Trabucayres. Le propriétaire actuel de l’établissement, Stéphane Galan, a dû réduire le nombre de ses services. Il dit, comme tant d’autres, « ne pas comprendre » les raisons évoquées par la France. « Les pierres gênent la population locale mais ne sont pas pour autant une solution aux problèmes qu’elles sont censées résoudre : les passeurs ou les trafiquants empruntent d’autres voies. » Au sommet de Barcelone, l’Espagne réitérera sa demande d’une levée des barrières le plus tôt possible. L’Élysée proposera de mettre en place des brigades mixtes. La création d’un groupe de travail sur le sujet doit permettre « de créer les conditions pour pouvoir aller vers la réouverture ». Et d’enfin déblayer les pierres jetées dans le jardin de l’amitié franco-espagnole ? ■

sont donc dans une situation judiciaire plus favorable après la réforme. Mais on assiste à une bataille interne, au sein du pouvoir judiciaire espagnol, dont une partie refuse d’accepter les décisions votées par le Parlement espagnol. Un juge d’instruction critique une réforme du code pénal, c’est insolite ! La réforme du code pénal est claire et doit être appliquée telle qu’elle a été votée.

tent un vote sur l’indépendance de la Catalogne, sur la relation avec l’Espagne, et en reconnaissent le résultat. Je crois que c’est là la façon de régler les conflits territoriaux dans une société profondément européiste.

“ Le président de la Catalogne, Pere Aragonès, mercredi, à Barcelone. David Zorrakino/AP

Vous avez obtenu des avancées à travers ce dialogue, notamment des grâces et une réforme du code pénal favorable aux organisateurs du référendum illégal d’indépendance, poursuivis ou condamnés par la justice. Il est possible que le nouveau mandat d’arrêt européen émis contre l’ex-président catalan Carles Puigdemont, qui prend en compte ces modifications, soit mieux accueilli par les juges belges. La disparition du délit de sédition, que ces derniers ne reconnaissaient pas, pourrait, paradoxalement, faciliter sa remise aux autorités espagnoles… Le délit le plus grave dont étaient accusés tous les responsables du référendum, celui de sédition, a disparu des chefs d’accusation. Les inculpés

ERC ne proteste pas contre le sommet en lui-même, mais contre le discours du gouvernement espagnol



Pere Aragonès

Avec au maximum une petite moitié de Catalans favorables à l’indépendance, selon les sondages et les scrutins, vous ne semblez pas en mesure d’imposer à Madrid la sécession ni même l’autodétermination, pas plus aujourd’hui qu’en 2017… Nous avons toujours défendu, dans mon parti, qu’il fallait engranger les forces et les soutiens pour faire avancer nos revendications. Mais le principe d’un référendum remporte un consensus bien plus large. C’est pourquoi je propose que nous élaborions un accord de clarté (inspiré de la loi sur la clarté référendaire au Canada, NDLR) qui définisse à quelles conditions toutes les parties accep-

Qu’en est-il de l’action concrète de votre gouvernement ? Diriez-vous qu’un Catalan est mieux protégé de l’inflation qu’un Madrilène ou qu’un Valencien par exemple ? Le taux d’inflation en Catalogne est parmi les plus bas de toute l’Espagne. Le taux de chômage est de trois points inférieur à la moyenne espagnole, plus bas aussi que celui de la Communauté de Madrid. L’économie catalane s’est donc renforcée au cours des deux dernières années et la Catalogne est en tête en matière d’exportations et d’investissements. La Catalogne est en voie de réindustrialisation, elle recommence à jouer un rôle très important, non seulement au sein de l’État espagnol, mais également audelà, dans tout le sud de l’Europe. Si la Catalogne se développe si bien en Espagne, comment convaincre vos électeurs de vouloir l’indépendance ? Au contraire ! Si sans l’indépendance, sans disposer de tous les outils d’un État, nous avons tant avancé économiquement, socialement, si la protection sociale a été renforcée… Imaginez ce que nous pourrions obtenir en disposant de tous les leviers d’un État indépendant membre de l’Union européenne. propos recueillis par M. T.

le figaro

jeudi 19 janvier 2023

International

7

Ukraine : le crash d’un hélicoptère décapite le ministère de l’Intérieur

Denys Monastyrsky, titulaire du portefeuille, et deux proches ont été tués, ainsi que des enfants d’une école. Europe de l’Est La « terrible tragédie », selon les mots du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a décapité son ministère de l’Intérieur. Outre le ministre, Denys Monastyrsky, 42 ans, son premier adjoint, Ievgueni Ienine, et le secrétaire d’État du ministère, Youriï Loubkovytch, ont été tués dans le crash de leur hélicoptère, qui se rendait à Brovary, une ville de quelque 100 000 habitants, attenante à la banlieue est de Kiev. Selon un bilan encore provisoire, au moins quatorze personnes ont été tuées - dont trois enfants et une trentaine ont été blessées, lorsque le Super Puma français, selon un porte-parole de l’armée de l’air ukrainienne, s’est crashé sur une école maternelle. « Le but de ce vol (était d’aller) vers l’un des points chauds de notre pays où se déroulent les combats », a déclaré Kyrylo Timochenko, le chef adjoint du cabinet de la présidence, à la télévision ukrainienne. Au moment du drame, à 8 heures du matin mercredi, « des enfants et des employés » de l’école maternelle située près du lieu de l’accident se trouvaient sur place. Trois enfants sont morts dans le

crash, et douze autres ont été blessés. Sur des images circulant sur les réseaux sociaux, on pouvait voir les restes de l’appareil mélangés à des débris, près d’une voiture détruite sous le poids du métal. Plusieurs corps gisaient dans une cour voisine, près d’un bâtiment. « On pouvait entendre des cris », commenta un voisin à l’agence Reuters. « Il y avait beaucoup de brouillard, on a pris des enfants et on les a fait passer de l’autre côté du mur pour les mettre à l’abri de l’incendie qui détruisait le jardin d’enfants. » Le président Zelensky a demandé une enquête à la police nationale. Sur Telegram, il a affirmé que « la douleur est indicible ». Aucune information n’a été dévoilée sur les causes du drame, « en cours d’élaboration », selon le gouverneur de la région, Oleksiï Kouleba. L’hélicoptère appartenait au service d’État pour les situations d’urgence. Dans les ­ heures qui suivirent, aucun responsable ukrainien ne pointait du doigt la Russie. Dans une première réaction, le Service de la sécurité d’État ukrainien examinait plusieurs hypothèses : d’une vio-

14

personnes

ont été tuées – dont trois enfants lors du crash qui a fait également une trentaine blessées

lation des règles de vols à un mauvais fonctionnement technique, en passant par une destruction intentionnelle. Denys Monastyrsky est la plus haute personnalité ukrainienne à trouver la mort depuis le début de la guerre déclenchée par la Russie le 24 février 2022. Cet avocat de profession avait été nommé à ce poste en juillet 2021, après avoir été élu deux ans plus tôt député sous l’étiquette « Serviteur du peuple », le parti présidentiel.

Poutine n’a « aucun doute » Des équipes de secours sont à l’œuvre dans la cour de l’école maternelle touchée par le crash de l’hélicoptère qui transportait le ministre ukrainien, mercredi, à Brovary. V. OGIRENKO/REUTERS

Sur Twitter, le président du Conseil européen, Charles Michel, a déploré le décès d’un « grand ami de l’UE », tandis que la ministre britannique de l’Intérieur, Suella Braverman, parlait d’un « crève-cœur ». À Paris, le Quai d’Orsay a souligné que Denys Monastyrsky « était personnellement engagé pour l’approfondissement des relations » bilatérales.

Cette nouvelle tragédie intervient quatre jours après une frappe d’un missile contre un immeuble résidentiel de Dnipro, dans l’est de l’Ukraine, imputée aux forces russes par Kiev qui tua au moins quarante-cinq morts dont six enfants - le plus jeune avait 11 mois - un des bombardements les plus meurtriers depuis le début de l’invasion russe. Alors que Moscou a nié fermement toute implication dans ce bombardement, le président Zelensky a juré de traduire en justice « chaque personne coupable de ce crime de guerre ». Alors qu’on s’approche du premier anniversaire du conflit, Vladimir Poutine a une fois de plus affirmé sa volonté à poursuivre la guerre, en faisant peu de cas des pertes dans les rangs de son armée qui a subi d’importants revers militaires. Une victoire « est garantie, je n’en ai aucun doute », a tenu à déclarer le président russe, au cours d’un déplacement

dans une usine d’armement à Saint-Pétersbourg. Ce qui pourrait aider la Russie, a ajouté Vladimir Poutine, « c’est l’unité du peuple russe, le courage et l’héroïsme de nos soldats ». Faisant écho aux propos de son président qui a répété que la Russie affrontait « un régime nazi » en Ukraine, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a comparé les actions des pays occidentaux contre Moscou à la « solution finale » du régime hitlérien pour exterminer les Juifs. « Tout comme Napoléon a mobilisé presque toute l’Europe contre l’Empire russe, comme Hitler a mobilisé et conquis la plupart des pays européens pour les lancer contre l’Union soviétique, aujourd’hui les États-Unis ont monté une coalition » contre Moscou, a déclaré Sergueï Lavrov lors de sa conférence de presse de début d’année. Des thèses aujourd’hui régulièrement évoquées à Moscou. ■ G. M. (avec Agences)

choses se passent réellement et de proposer des solutions », souligne le journaliste de Kommersant. De fait, après les revers militaires de la fin de l’été, autour de Kharkiv, puis les dérapages de la mobilisation partielle, les voienkor se sont défoulés, à l’image de Semion P ­ egov, qui ne s’est pas privé de déplorer « des échecs au front, des combattants non équipés, la mobilisation mal organisée ». Des mots acerbes se sont aussi fait entendre, à l’encontre du ­ministre de la Défense et du chef d’état-major des armées, Valéri

(ISW), basé aux États-Unis, dans une note datant de novembre dernier. L’ISW explique une telle attitude de la manière suivante : Poutine serait conscient de l’échec de communication du Kremlin et du ministère de la Défense sur l’« opération militaire spéciale ». Pour conserver l’adhésion d’une part significative de la population, nécessaire aux efforts supplémentaires qu’il compte lui demander, le chef du Kremlin consentirait à « essuyer des critiques de la part d’un groupe, (les « correspondants de guerre »), qu’il perçoit comme loyal, pour “sécuriser” le centre de gravité de l’opinion », avance l’ISW. Quoi qu’il en soit, en juin dernier déjà, à Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine s’était entretenu avec deux blogueurs militaires, Alexander Sladkov et Evgueni Poddubni, qui ont dressé de la situation sur le front un bilan sans fard. Le rendez-vous prévu pour durer cinq minutes s’est prolongé durant quarante-cinq minutes. Selon Bloomberg, un autre rendez-vous aurait eu lieu en septembre, à la suite duquel Poutine aurait enjoint aux médias d’État de rendre compte davantage des difficultés sur le front. Le président russe n’omet pourtant pas de tenir sous contrôle les voienkor, par exemple en leur attribuant des décorations. L’un d’eux, Alexandre Kots (de la Komsomolskaïa Pravda), a même été nommé en novembre dernier au Conseil russe des droits de l’homme, un organisme dépendant étroitement du pouvoir. ■

10 km

Boutcha PLACE MAÏDAN

Brovary

KIEV

r

iep

Dn Infographie

Alain Barluet £@abarluet Correspondant à Moscou

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

BARBE rousse à la viking, diction énervée, casque, treillis et gilet pare-éclats en tous points semblables à ceux des soldats russes : le blogueur Semion Pegov, 37 ans, est une figure parmi les voienkor - les correspondants de guerre -, dont l’influence n’a cessé de croître depuis le début du conflit en Ukraine, jusqu’à peser dans les rivalités à l’œuvre à Moscou entre les clans du pouvoir. En quelques mois, la chaîne Telegram de Pegov, « Le projet WarGonzo », est passée de 200 000 à 1,3 million d’abonnés. Avec une recette simple : des images chocs, et une « ligne éditoriale » militante - rendre hommage aux exploits des nachi ribiata (nos gars) et soutenir leur combat contre les « forces nazies ». Nous l’avions rencontré à Donetsk, à la veille de l’invasion, bondissant d’un 4 × 4 noir, à tu et à toi avec les militaires de la « république » prorusse de Donetsk (DNR), et se faufilant partout où les journalistes n’ont pas accès. Quelques heures plus tard, WarGonzo publiait quelques-unes des premières images de cette guerre qui ne disait pas encore son nom. Pas un jour depuis sans que Semion Pegov, dans les pas des forces spéciales de la DNR ou ceux des militaires russes, ne « poste » ses vidéos tournées au cœur de l’action. Le « kif » de cet as de la perche à selfie et de la caméra GoPro : se filmer sur fond de lancemissiles Grad crachant ses salves, ou débarquant dans une tranchée fraîchement saisie à l’ennemi. Dans les rangs prorusses, on l’accueille à bras ouverts, car on sait à qui l’on a affaire. Voilà quinze ans,

depuis la guerre de 2008 en Géorgie, qu’il cultive ses réseaux dans l’armée, mais aussi parmi les ­ultranationalistes, avec notamment l’écrivain Zahar Prilépine, dont il est proche. Avec la guerre au HautKarabakh de 2020 qu’il couvre de bout en bout, sa notoriété explose. En octobre dernier, Semion ­Pegov est blessé au pied par une mine dans le Donbass. Sans gravité. On le retrouve au Kremlin, le 20 décembre, appuyé sur une béquille, lorsque Vladimir Poutine lui décerne en personne l’ordre du Courage. Le 12 janvier, le premier ministre Mikhaïl Michoustine r­emettait à ­Pegov un prix gouvernemental pour les médias (doté de 1 million de roubles, soit 14 000 euros), ainsi qu’à d’autres « journalistes » militaires : Evgueni Poddubni et Andreï ­Rudenko (VGTRK, holding regroupant trois télévisions fédérales et des radios), et Sergueï Filatov ­(Russia Today). Une trentaine de blogueurs militaires, solitaires ou affiliés aux grands médias, mais tous proKremlin et plus ou moins liés au gouvernement, sont ainsi montés en graine avec la guerre en Ukraine. Leur caractéristique, et leur force : le suivi des opérations en temps réel, une proximité avec les réalités du terrain et une certaine liberté de ton, au contraire de l’information très formatée des médias fédéraux où sévit quotidiennement le porte-parole de l’armée, le général Igor Konachenkov, surnommé « Androïd » pour son discours mécanique et désincarné. Au total, quelque cinq cents sites, souvent anonymes, constituent, en particulier sur Telegram, ce nouveau champ médiatique alternatif assez hétéroclite, voire

Il s’agit « d’une

sous-culture de blogueurs qui s’y connaissent plus ou moins en affaires militaires et qui vont sur le front tourner des vidéos grâce à leurs contacts

»

Alexander Tchernykh, journaliste

carrément sulfureux, qui néanmoins se retrouve sur une rhétorique ultraconservatrice et ultraagressive contre l’Ukraine. Parmi les blogueurs, on relève ainsi Igor Girkin, dit Strelkov, exhomme des « services » russes dans le Donbass en 2014, qui traitait récemment le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, de « maréchal en contreplaqué ». Ou encore Alexandre Khodakovski, chef de la brigade Vostok composée de volontaires en DNR, qui éreinte régulièrement la hiérarchie militaire et les généraux, dont « la prise de décision est si lente qu’elle perd le plus souvent de son objet… ». « On ne peut pas appeler cela du journalisme. Il s’agit d’une sousculture de blogueurs qui s’y connaissent plus ou moins en affaires militaires et qui vont sur le front tourner des vidéos grâce à leurs contacts », commente Alexander Tchernykh, journaliste au quotidien Kommersant, actuellement en reportage au Donbass. « Ils n’ont aucune objectivité, aucune réflexion et se concentrent clairement sur le soutien au côté pro-russe », ajoutet-il. Mais en même temps, « ils ont évolué », poursuit Tchernykh. « Si au début de l’année ils juraient tous fidélité à Poutine et étaient persuadés de l’invincibilité de l’armée, ils ont été témoins des erreurs et des mensonges. (…) Quoique totalement partiaux, ils sont tous arrivés à la conclusion que l’armée et la gestion du pays sont loin d’être idéales et ils ont été tentés de dire comment les



Poutine a défendu les blogueurs militaires face aux attaques du ministère russe de la Défense



Institut pour l’Étude de la Guerre

Guérassimov, en résonance avec d’autres critiques formulées par les partisans de l’escalade ­militaire, tels les propagandistes m ­édiatiques Vladimir Soloviev et Margarita ­ Simonian, Evgueni P ­ ­rigogine, le patron des mercenaires de ­ ­« Wagner », ou Ramzan Khadyrov, le président tchétchène. Toutefois, « de façon étonnante, alors que le Kremlin a accru la répression de l’opposition et la censure, Vladimir Poutine a défendu les blogueurs militaires face aux attaques du ministère de la Défense et a protégé leur indépendance », relève l’Institut pour l’étude de la guerre

A

Ces blogueurs russes qui ont l’oreille de Poutine

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

Société

Des entrepreneurs et des élus locaux se sont rassemblés, le 12 décembre 2022, à la gare de Limoges (Haute-Vienne), pour protester contre la réduction du trafic ferroviaire de la ligne SNCF Polt (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse).

Entre Limoges et Paris, la friture sur la ligne de train attise les colères Des entreprises, dont récemment la manufacture de porcelaine Bernardaud, menacent de se délocaliser à cause des retards et du temps de trajet. Élus et patrons montent au créneau.

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

À Limoges

Transport Lettre à la SNCF, manifestations en gare, réunions entre élus, coups de pression dans les médias… Depuis plusieurs semaines, les tensions autour de la dégradation de la ligne de train Limoges-Paris ne cessent de croître. Dernier exemple en date : l’appel de détresse lancé par Michel Bernardaud, PDG de la manufacture éponyme, spécialisé dans la fabrication de porcelaine, un fleuron de la ville. « Si la situation ne s’arrange pas, les prochains dirigeants de l’entreprise ne pourront pas maintenir le centre de décision à Limoges. Ce n’est pas une menace mais un triste constat », regrette le responsable de l’entreprise créée en 1863. Il cible notamment la durée du trajet pour rallier la capitale : minimum 3 h 15 en empruntant le Polt (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse). « Depuis Paris, il faut autant de temps pour aller à Limoges qu’à Marseille. C’est ridicule. Notre ville a énormément d’atouts mais encore faut-il pouvoir y accéder. » La colère de cet acteur économique majeur de Limoges, une commune de 130 000 habitants, n’est pas isolée. Fin novembre, la direction de Legrand, entreprise spécialisée dans les infrastructures électriques, a adressé un courrier à la SNCF pour dire son exaspération concernant les changements d’horaires laissant un créneau vide de 5 h 30 à 9 heures pour rejoindre Paris. L’entreprise cotée au CAC 40, l’une des rares dont le siège est encore installé en province (une singularité partagée avec la société Michelin basée à ClermontFerrand), évoquait alors une réflexion sur « l’intérêt de continuer à localiser sur Limoges » ses équipes et ses dispositifs d’accueil clients. Aujourd’hui, ce discours n’a pas changé. « Notre volonté est de mettre la pression sur la SNCF pour faire comprendre que le territoire a une dynamique économique qui doit être portée par la qualité et la fiabilité des infrastructures de transport. Actuellement, nous ne l’avons pas et ça se détériore d’an-

née en année », explique un représentant de Legrand. Le premier employeur privé de Limoges, avec 2 200 personnes sur ses sites, n’en est pas à sa première déconvenue ferroviaire. « Il y a quelques années, on nous a mis un train couchette à disposition, en pleine journée… Pourtant, il ne s’agit pas du simple caprice d’une ou deux personnes, plusieurs salariés nous font régulièrement remonter ces problèmes. Ils intègrent même les retards du train dans leur planning quand ils partent en rendez-vous. » L’entreprise a déjà tenté de résoudre le problème en mettant en place des bus-navettes, mais son souhait de privilégier les transports décarbonés l’y a finalement fait renoncer. « On ne peut plus dire à nos salariés que Limoges est attractive à tout point de vue. Aujourd’hui, une entreprise de la taille de Legrand ne pourrait pas s’installer dans cette ville. »

Un constat alarmant Pierre Massy, président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Haute-Vienne, partage ce constat alarmant. Le tissu économique de la ville pourrait pâtir de ces trop nombreuses fritures sur la ligne. « Une très grande entreprise ou un entrepôt logistique géant préférera s’installer à Poitiers ou à Angoulême qu’ici, car nous avons des trains du Far West. Or, on a besoin de ces entreprises pour créer des emplois, valoriser l’immobilier et permettre aux collectivités de percevoir de nouvelles recettes fiscales. » Une problématique qui ne concerne pas uniquement les salariés des grandes entreprises de la région. « Il y a aussi les petits patrons, les collaborateurs, les universités, les administrations, les hôpitaux… Tout le monde souffre. Ce qui peut aussi expliquer pourquoi la population vieillit et ne se renouvelle pas. » Selon les derniers chiffres de l’Insee, Limoges a en effet perdu environ 4 000 habitants entre 2014 et 2020. Un dépeuplement auquel pourrait bientôt contribuer Julien Veyssière. Chaque jour, le jeune commercial utilise ce train Intercités pour rejoindre Paris. Ce Limousin de naissance est heureux de conserver un pied

dans sa ville natale. Mais il s’interroge, comme beaucoup d’usagers, sur la pérennité de ce mode de vie. « Mis à part les purs Limougeauds, je ne vois pas qui d’autre pourrait avoir envie de faire ce choix car il y a trop de problèmes avec ce train. C’est dramatique de ne pas pouvoir arriver à Paris pour une réunion à 9 heures même en se levant à 4 heures du matin… » Cette problématique de connectivité a des conséquences directes sur l’activité commerciale des entreprises de Limoges. La société américaine Catalent, spécialisée dans les biomédicaments et incluse dans l’indice S&P 500, y possède une usine. Et sa clientèle internationale se heurte régulièrement à des problèmes de transports. « Ils arrivent très souvent à Paris par avion et c’est très compliqué pour eux de venir ici. Quand ils ont le choix avec un concurrent qui a une usine plus accessible, nous sommes souvent pénalisés », rapporte Florent Mourieras, directeur du site qui a estimé ces pertes commerciales : « Sur une année, nous sommes à une perte de 4 millions d’euros de chiffre d’affaires sur un budget de 20 millions. C’est gigantesque. » Très attaché à son territoire, l’entrepreneur limousin ne prévoit pas de délocaliser sa direction. Ce qui ne l’empêche pas d’attendre des avancées rapides et concrètes. « Avec mes collaborateurs, on a noté le retard de 80 trains sur un total de 112… Mais plus qu’un train qui arrive à l’heure et qu’un temps de trajet raisonnable, il faut un train confortable, avec du Wi-Fi et qui ne bouge pas dans tous les sens comme si on était dans une diligence. C’est facilement atteignable. » Les élus locaux se sont emparés de ce sujet depuis plusieurs années. Parlementaires, maires et présidents de collectivités se mobilisent régulièrement pour se faire entendre via, notamment, l’association Urgence Ligne Polt. À commencer par Émile Roger Lombertie, premier édile de Limoges : « Les annonces de ces grandes entreprises sont néfastes pour l’image de la ville. Mais je comprends ces coups de pression. Nous avons déjà dit à la SNCF que c’était inacceptable. Plutôt que de créer des problèmes, il faut apporter des solutions. » Pour ce faire,

le maire LR mise sur la modernisation de la ligne qui devrait faire gagner quelques dizaines de minutes sur le trajet. « Ce sont des trains de pays sous-développés. Heureusement, une rénovation des rames est engagée mais il faudrait aussi une modernisation des voies pour un montant total de 380 millions d’euros. Théoriquement, on devrait déjà être à 2 h 49 de trajet en 2025 sur la liaison rapide, puis encore moins avec une ligne plus moderne. »

Une revendication commune

Comme alternative au Polt, Michel Bernardaud souhaite relancer le projet de ligne à grande vitesse entre Limoges et Poitiers, enterré en 2016 après une décision du Conseil d’État annulant le décret la déclarant d’utilité publique. « Bien sûr qu’il faut rénover le Polt mais c’est juste le prolongement d’un train de banlieue. Il faut aussi avoir une autre ambition avec la technologie d’aujourd’hui que représente le TGV. Ça permettrait d’avoir Limoges à deux heures de Paris. » Pour Pierre Massy, l’abandon de cette LGV est symptomatique d’une déconsidération du territoire. « À l’époque, François Hollande ne s’était pas assez bien battu alors que c’était sur son territoire d’élection. Jacques Chirac l’a fait avec l’autoroute en Corrèze et Alain Juppé avec le TGV à Bordeaux… Maintenant, le Limousin n’a plus beaucoup de poids donc tout est plus compliqué. » Alain Rousset a récemment renouvelé son intérêt pour cette ligne de TGV dans ses vœux prononcés en terres limougeaudes. Le président PS de la région Nouvelle-Aquitaine se place ainsi en opposition avec plusieurs élus limousins, partisans de la rénovation du Polt. Ces derniers se sont réunis, le mardi 17 janvier, à la CCI de l’Indre, pour porter une revendication commune avec des acteurs du monde économique. Celle de demander « la réception d’une délégation par la première ministre, Élisabeth Borne, et la constitution d’un groupe de travail interministériel ». Sans réponse concrète, les représentants de ces collectivités et structures prévoient d’organiser « une grande mobilisation à Paris ». ■

NOAM GALAI/Getty Images via AFP

ALix Vermande £@alixvermande

Si la situation ne s’arrange pas, les prochains dirigeants de l’entreprise ne pourront pas maintenir le centre de décision à Limoges. Ce n’est pas une menace mais un triste constat

»

Michel Bernardaud, PDG des porcelaines bernardaud

PASCAL LACHENAUD/AFP

8

zoom Un vendeur de crack condamné après la mort d’un de ses clients

Un vendeur de crack a été condamné en appel à Paris le 11 janvier dernier pour homicide involontaire après la mort de l’un de ses clients dans la capitale en 2021. Cet homme de 25 ans, Ahmed B., déjà condamné à trois reprises pour trafic de stupéfiants, s’est vu infliger 5 ans d’emprisonnement pour homicide involontaire ainsi que pour transport, détention, acquisition, offre ou cession de drogue. Pour la cour, « il est établi et non contesté » que la victime, Gérard A., mort le 9 juin 2021, avait acheté du crack au prévenu dans la nuit du 7 juin dans le quartier de Stalingrad et que la vente « a contribué de façon certaine à créer la situation ayant permis (…) le décès ».

en bref Rhône : des restes humains découverts dans une canalisation

Une enquête pour « homicide volontaire » a été ouverte après la découverte, mardi soir, de restes humains dans une canalisation bouchée d’un immeuble d’habitations de Saint-Priest, dans la banlieue de Lyon. Des mains, un pied ou des bouts de chair ont été retrouvés dans ces conduits ainsi qu’une scie électrique, un peu plus loin du bâtiment.

Paris : trois enfants de 4 ans s’échappent d’une école maternelle Trois enfants âgés de 4 ans sont sortis seuls de leur école maternelle, rue Balard dans le 15e arrondissement de Paris, échappant à la vigilance des animateurs du périscolaire. Ils ont été retrouvés sains et saufs dans la rue, à plus d’un kilomètre de l’établissement scolaire.

Incendie à Rambouillet : enquête ouverte pour meurtre Une enquête a été ouverte pour « meurtre et destruction volontaire par incendie ayant entraîné la mort » après qu’un adolescent, sa petite sœur et sa mère ont été retrouvés morts mercredi dans un appartement de Rambouillet (Yvelines).

le figaro

jeudi 19 janvier 2023

Société

9

Hôtellerie-restauration : les écoles s’ingénient à pallier la pénurie de personnel 200 000 postes sont vacants dans ce secteur, qui a été particulièrement affecté par la pandémie de Covid-19. aude bariéty £@AudeBariety

formation Deux cent mille postes non pourvus. Parmi les secteurs qui, depuis des mois, alertent sur la pénurie de personnel – enseignants, chauffeurs, soignants… -, l’hôtellerie-restauration tient une place prépondérante. Depuis la pandémie de Covid-19, les salariés fuient cet univers professionnel aux conditions de travail difficiles, aux horaires décalés et aux rémunérations souvent peu élevées. « Les gens se sont rendu compte qu’ils pouvaient avoir une meilleure vie familiale et sociale. Beaucoup n’ont pas souhaité reprendre après la crise », souffle un restaurateur. Résultat : une « claque énorme » pour le secteur. « On a cruellement besoin de talents. Il faut qu’à court terme on arrive à faire en sorte de pourvoir ces jobs », reconnaît Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme. Dans ce défi, les organismes formant aux métiers de l’hôtellerie et de la restauration sont en première ligne. Extrêmement divers, ils mêlent formations initiales ou continues, publiques ou privées, à temps complet ou en alternance… Les lycées hôteliers et centres de formation des apprentis (CFA) côtoient les écoles privées de renom, françaises ou étrangères, ainsi que les formations de courte durée permettant une insertion professionnelle rapide. Malgré leurs différences et leur concurrence, tous partagent un même objectif : donner envie aux jeunes – et aux moins jeunes de rejoindre le secteur. Si aucune solution miracle ne se dégage, les formateurs fourmillent d’idées.

que « lesIl faut managers

de demain sachent s’adapter au défi de cette nouvelle génération, qui n’a plus les mêmes attentes et est notamment plus attachée à sa qualité de vie en dehors du travail

»

Jérémie Laurent, directeur adjoint du Lausanne Palace

Des élèves assistent à un briefing dans la cuisine du lycée professionnel hôtelier Ferrandi, à Paris, le 14 novembre 2019.

vail », souligne Jérémie Laurent, directeur adjoint du Lausanne Palace et ancien élève de l’EHL. Très concrètement, Richard Ginioux suggère de proposer des activités aux salariés pour « meubler la coupure » entre le service du déjeuner et celui du dîner. « Des salles de repos, des abonnements pour des activités type salles de sport ou de gaming, des formations… » Autre piste de réflexion, sur le modèle espagnol : un service en continu, du matin au soir, avec deux équipes, pour faire disparaître cette fameuse « coupure ». Par ailleurs convaincu que « l’intéressement à l’activité » est une clé, Richard Ginioux cite le modèle américain de pourboires obligatoires. Ou du moins, sans aller aussi loin, l’instauration dans tous les établissements d’un « vrai partage des pourboires » pour « éviter le sentiment d’injustice ». Le directeur de Ferrandi rappelle également l’importance de coller aux aspirations des jeunes, nombreux à être attachés aux circuits courts, au bio, à la saisonnalité et très sensibles au gaspillage. Guy Lambert, chef de cuisine formateur dans l’école parisienne Cuisine mode d’emploi(s), préco-

nise quant à lui de rappeler la possibilité d’ascension sociale dans le secteur. « On peut devenir patron en partant de rien, il suffit d’avoir de la niaque ! », souligne celui qui déplore par ailleurs que l’image de son métier soit souvent « dénigrée » : « Le refrain, c’est : “Si t’es pas bon à l’école, tu seras cuisinier.” » « C’est un cliché que nous essayons de déconstruire auprès des jeunes et de leur famille, lance Richard Ginioux. Les parents ont parfois peur que leurs enfants soient enfermés dans des métiers qui leur semblent limités en termes d’horizons. Alors qu’avec le savoir-être acquis dans nos écoles, les jeunes peuvent faire un nombre de choses incroyable, notamment dans le domaine très large de l’hospitalité. » Pour lutter contre les stéréotypes persistants, et faire découvrir aux élèves l’ensemble des familles de métiers, l’exécutif compte sur la demi-journée « Avenir », expérimentation menée dans certains collèges depuis la rentrée. La ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, Carole Grandjean, croit également dur comme fer aux rencontres

avec des jeunes engagés dans les Olympiades des métiers, cette compétition internationale de professionnels âgés de moins de 25 ans aussi connue sous le nom de WorldSkills. « Des jeunes qui parlent aux jeunes, c’est souvent plus efficace », souligne-t-elle. « Je crois beaucoup en l’élève ambassadeur », opine l’inspecteur Jean-Luc Lapeyre, qui rappelle aussi le rôle crucial des principaux de collège dans l’orientation des adolescents. Le gouvernement et les écoles parient par ailleurs encore et toujours sur l’alternance, qualifiée de « voie de réussite » par Carole Grandjean.

« Métiers en tension » Reste une dernière piste, évoquée par Thierry Marx, célèbre chef cuisinier, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) et fondateur des écoles Cuisine mode d’emploi(s). Le sexagénaire souhaiterait que l’hôtellerie-restauration figure sur la liste des « métiers en tension ». Prévu dans le projet de loi du gouvernement sur l’immigration, ce dispositif permettrait d’attribuer des titres de séjour à des étrangers en situation irrégu-

lière qui travaillent dans des secteurs qui peinent à recruter. Cette liste est « en cours d’élaboration », fait savoir le ministère du Travail. En position de force face à un secteur très en demande, les formations sont confrontées au revers de la médaille : la fuite, avant la fin de leur scolarité, de jeunes se voyant proposer des contrats par les entreprises les ayant par exemple accueillis en stage. Le phénomène, difficile à quantifier, touche essentiellement les lycées professionnels. « Dans un contexte de très forte reprise économique, vous avez des élèves qui peuvent avoir fait le choix de l’insertion professionnelle en cours d’année », admettait en juin dernier Édouard Geffray, le directeur général des affaires scolaires (Dgesco) du ministère de l’Éducation. « Ces deux dernières années, nous avons en effet constaté des désaffectations d’élèves débauchés par le monde professionnel, confirme Laurence Colin au lycée Condorcet d’Arcachon. Or il est très important pour les jeunes de valider un diplôme, qui leur permettra d’aller plus loin dans la suite de leur carrière et éventuellement de rebondir s’ils changent de secteur. » ■

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

Inès Blal : « Nos métiers se sont toujours relevés des crises » « Nous formons nos élèves à devenir des managers qui comprennent l’importance du travail d’équipe et de l’excellence, qu’ils se destinent à une carrière dans l’hôtellerie ou non », déclare Inès Blal. Aurélien Bergot/:EHL Hospitality Business School

DIRECTRICE générale de l’École hôtelière de Lausanne (EHL Hospitality Business School), la Franco-Tunisienne est optimiste sur l’avenir du secteur, à condition que ce dernier sache se réinventer pour attirer la jeune génération. Le Figaro. - Quelle est la situation du marché du travail dans l’hôtellerie-restauration ? Inès Blal. - Après plusieurs années de pandémie, le secteur de l’hôtellerie-restauration fait face à un véritable déséquilibre. D’un côté,

on observe un retour, voire une explosion, de la demande sur les produits hôteliers, le tourisme, la restauration. Et de l’autre, on constate de grandes difficultés de recrutement. C’est une tendance que l’on observe au niveau mondial, malgré évidemment des différences géographiques. Je ne suis absolument pas pessimiste sur l’avenir du secteur. L’hôtellerierestauration est un vieux métier qui a traversé crises, pénuries, guerres, pandémies, attentats… Et s’est toujours relevé. C’est cyclique. Pour parler de la situation actuelle, on a bien vu pendant le Covid-19 que nous étions des animaux sociaux. Tant qu’il y aura des humains, il y aura de l’hôtellerie et de la restauration ! Mais après chaque crise, les entreprises du secteur doivent innover, chercher de nouvelles solutions. Et ce sont généralement celles qui réussissent à faire cela qui émergent comme des leaders.

D’abord, il faut arrêter de dire que les jeunes veulent travailler moins. Ce n’est pas le cas. La jeune génération est à la recherche de plus de sens, de transparence de la part des entreprises. Elle est attachée au triptyque « travail, salaire, impact » quand ma génération était peutêtre plus centrée sur « travail, salaire ». Les entreprises doivent prendre cela en compte. Ensuite, il faut valoriser le secteur de toutes les manières possibles. Rappeler que si les contraintes horaires existent, elles peuvent permettre à certains de trouver un équilibre vie privée-vie professionnelle qui leur convient. Mettre en avant des success-stories. Montrer que l’hôtellerie-restauration est l’un des secteurs où le relationnel humain est le plus gratifiant. Accompagner le développement de carrière de ceux qui se lancent…

Comment donner envie aux jeunes d’entrer dans le métier et d’y rester ?

Que fait l’EHL pour lutter contre la pénurie de personnel dans le secteur ?

Nous travaillons à être un laboratoire d’innovation, un lieu où on élabore des idées pour faire avancer les choses et où on peut tester de nouvelles pratiques de management. Nous accompagnons les professionnels qui arrivent à se dégager du temps pour réfléchir à ces solutions innovantes. Nous formons nos élèves à devenir des managers qui comprennent l’importance du travail d’équipe et de l’excellence, qu’ils se destinent à une carrière dans l’hôtellerie ou non. Ainsi, pendant le premier semestre de la première année de notre bachelor, que nous appelons « l’année préparatoire », les étudiants changent de poste de travail très régulièrement. Ils enchaînent des sessions de gestion de réception, nettoyage, boulangerie, service ou cuisine dans tous nos points de vente, du fast-food au restaurant étoilé… L’idée est de les exposer à tout ce qui existe dans l’industrie hôtelière, encadrés par des experts de leur domaine. PROPOS RECUEILLIS PAR A. B.

A

Premier axe, évoqué par tous : la « valorisation » de ce secteur auprès de l’opinion publique. D’abord, par le biais des multiples trophées existants, qu’ils soient destinés aux jeunes ou non : concours général des métiers, meilleur ouvrier et meilleur apprenti de France, Coupe Georges Baptiste… Mais aussi par les émissions de télévision, très à la mode ces dernières années, comme « Top Chef » ou « Le Meilleur Pâtissier ». « On a eu une espèce d’engouement à la suite du succès de ces émissions », confirme Laurence Colin, proviseur du lycée professionnel Condorcet d’Arcachon (Gironde) et secrétaire générale adjointe du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNPDEN). Richard Ginioux, directeur de Ferrandi Paris, et Jean-Luc Lapeyre, inspecteur en charge des filières hôtellerie et alimentation pour l’académie d’Orléans-Tours, évoquent toutefois un écueil : le peu de place accordé aux métiers de la salle. « Malheureusement, ils sont trop peu valorisés, alors que le service et la cuisine ne vont pas l’un sans l’autre ! », insiste Jean-Luc Lapeyre. Par ailleurs, l’évolution du secteur passe forcément par une meilleure considération des envies de la jeune génération. À l’École hôtelière de Lausanne (Suisse), les professeurs tentent d’« inculquer » aux futurs managers une approche « plus humaine » du management et de leur faire comprendre l’importance de l’« expérience employé ». « Nous leur apprenons à prendre en compte les besoins de l’entreprise, mais aussi les demandes du staff », explique Alain Berruex, enseignant à l’EHL. « Il faut que les managers de demain sachent s’adapter au défi de cette nouvelle génération, qui n’a plus les mêmes attentes et est notamment plus attachée à sa qualité de vie en dehors du tra-

CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP

Possibilité d’ascension sociale

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

10

Sciences

Découverte d’un crime vieux de 3 700 ans Dans le nord de la Syrie, une mission archéologique française a mis au jour les restes de deux victimes d’homicide. 100 km

Vincent Bordenave £@bordenavev

Archéologie Pas de corps, pas d’homicide… C’est une des meilleures défenses possibles dans les affaires de meurtre. L’absence de cadavre laisse planer le doute, et le doute profite à l’accusé. Ce principe est bien connu, mais il est rare de découvrir une scène de crime parfaitement maquillée plusieurs millénaires après les faits. C’est le cas avec deux squelettes vieux de 3 700 ans découverts dans le nord de la Syrie, sur le site de Tell Mohammed Diyab par l’archéologue française Virginia Verardi. Les fouilles en question remontent en fait à 2008, mais cette histoire n’a été révélée que récemment par la revue The Ancient Near East Today, avant d’être reprise dans Science et Avenir, à partir d’une publication parue en 2021 dans la Revue d’assyriologie et d’archéologie orientale. Le site de Tell Mohammed Diyab est une ancienne métropole de Mésopotamie du Nord qui a pu abriter entre 2 000 et 2 500 habitants du milieu du IIIe millénaire au début du IIe millénaire avant J.-C. Les fouilles y ont débuté en 1987. Les tells désignent les collines artificielles formées par la décomposition des briques crues qui caractérisaient les habitations de ces villes. « J’ai commencé à y travailler en 1999, raconte Virginia Verardi, actuellement chef du service d’archéologie du Val-deMarne. On y a découvert deux zones principales, d’un côté une zone religieuse avec la présence d’un temple et de l’autre, une zone plus politique avec un palais. On a également mis au jour une troisième zone, plus petite avec les habitats privés. » C’est dans cette troisième zone que le crime a été découvert. « Nous fouillions alors une très belle maison avec un parterre en galet, continue l’archéologue. On a vu une irrégularité circulaire apparaître dans le sol. On a d’abord pensé que c’était une fosse de plantation pour un palmier, mais il s’agissait en fait d’un ancien silo à grains. » C’est ici que

TURQUIE

Qamishli

Tell Mohammed Diyab SYRIE LIB.

JORDANIE

Les deux squelettes ont été retrouvés dans un ancien silo à grain sur le site de Tell Mohammed Diyab, en Syrie. La disposition des corps montre clairement qu’ils ont été jetés dans la fosse, l’un des squelettes reposant au-dessus du premier (plié en deux, les jambes au-dessus de la tête).

On a la « certitude qu’il

ne s’agit pas de sépulture. (...) On a rapidement évacué l’idée qu’il s’agisse de guerriers morts lors d’une bataille, car aucune arme ne les accompagne

»

Virginia Verardi, chef du service d’archéologie du Val-de-Marne

les deux corps ont été jetés pêlemêle avant d’être recouverts de terre. Le premier a été retrouvé les bras en avant et les jambes écartées. « Cet individu n’avait plus de phalanges sur la main gauche, précise la scientifique. Et son bras gauche était cassé au niveau du radius et du cubitus. » L’autre corps, reposait au-dessus et était plié en deux les jambes au-dessus de la tête. « On a la certitude qu’il ne s’agit pas de sépulture, explique Virginia Verardi. Les tombes suivent toujours un même modèle. À cette époque on enterrait les défunts sur le côté, les jambes légèrement repliées, ou bien couchés sur le dos. Ici la disposition des corps montre très clairement qu’ils ont été jetés dans la fosse. On a rapidement éva-

cué l’idée qu’il s’agisse de guerriers morts lors d’une bataille, car aucune arme ne les accompagne. »

Des objets dans la fosse Le second squelette porte des marques d’attaque au couteau. Une première au niveau d’une vertèbre lombaire. « Il s’est donc pris un coup de couteau dans le ventre », détaille Virginia Verardi. Un second coup a été dévié par le sternum, signe d’une attaque au niveau de la poitrine. « Rien n’indique qu’il n’y a pas eu d’autres coups de couteau, mais seuls ces deux-là ont laissé des traces sur le squelette, » continue l’archéologue. Quant à connaître la cause des doigts coupés du premier mort, les scientifiques ne peuvent

procéder que par spéculation. « Plusieurs codes de lois existaient à cette époque, raconte Virginia Verardi. Les codes d’Ur-Nammu ou de Lipit-Ishtar sont ainsi les plus anciens textes de loi mésopo­ tamiens jamais retrouvés. Tous deux reposent sur le principe de la loi du talion. Si un homme tue un autre homme de même rang, il sera tué à son tour. L’absence de phalanges est peut-être une punition, même si généralement, c’est la main entière qui était coupée. Il est donc plus probable qu’il s’agisse d’un accident. » Pourquoi ces deux individus ont ainsi été assassinés ? 3 700 ans après le crime, impossible bien sûr de la savoir… Les scientifiques disposent de très peu d’indices.

Les voitures électriques, futur stockage pour les réseaux d’électricité Les batteries embarquées pourraient servir de tampon et répondre aux pics de la demande dès 2030.

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

Marc CHERKI £@mcherki

Énergie Les véhicules électriques sont encore très minoritaires, mais des chercheurs étudient déjà les opportunités qui vont accompagner leur déploiement massif ces prochaines années. Car la forte augmentation du parc d’automobiles électriques dans le monde entier, avec l’interdiction programmée des moteurs thermiques dans plusieurs pays à partir de 2030 et dans l’Union européenne à partir de 2035, va s’accompagner d’un nombre conséquent de batteries qui pourront être utilisées pour constituer une sorte de stockage temporaire pour le réseau électrique. « Cela permettra de limiter les pics de la demande et de les adapter au fort déploiement d’énergies renouvelables intermittentes, l’éolien et le solaire, sur les réseaux électriques », précise Gilles Bernard, président de l’Afirev (Association pour l’itinérance de la recharge des véhicules électriques) et ancien d’EDF et du distributeur Enedis.

IRAK

Damas

Il s’agit, en quelque sorte, de gérer les pointes de la demande sur le réseau électrique. Selon une étude publiée dans Nature Communications, le 17 janvier 2023, les batteries des véhicules électriques pourront satisfaire les pics de la demande du réseau électrique au niveau mondial dès 2030. Ce sera vrai « dans la plupart des régions, explique au Figaro, Chengjian Xu, postdoctorant à l’université de Leiden (Pays-Bas), et premier auteur de l’article. Nous arrivons à cette conclusion en partant du principe que la capacité des batteries des véhicules électriques sera supérieure à la capacité de la demande de service de stockage à court terme sur le réseau ». Dans le futur, les batteries de ces véhicules électriques pourront apporter une capacité de stockage considérable (entre 32 et 62 térawatt-heures, soit la production mensuelle de plusieurs dizaines de réacteurs nucléaires) en 2050. Et cet objectif sera atteint avec une contribution de seulement « 12 % à 43 % des batteries » des véhicules électriques pour répondre à la de-

mande globale d’électricité. Si la moitié des anciennes batteries, qui ne servent plus dans les véhicules, sont utilisées ensuite pour du stockage temporaire, ce taux pourrait même tomber à 10 %. Pour l’instant, on estime qu’en 2050 le taux de recyclage des anciennes batteries sera seulement de 26 %, ce qui laisserait un grand nombre de batteries disponibles pour ce stockage temporaire.

Étaler les recharges pendant la nuit

Le chercheur précise que « ces prévisions sont conservatrices ». Car, l’article estime que la capacité de stockage des batteries dans le futur et le niveau de dégradation sera stable, tandis qu’il est probable que la capacité future des batteries des véhicules électriques augmentera légèrement et que leur dégradation diminuera « à mesure que la technologie s’améliorera, ce qui augmentera les possibilités de stockage d’énergie des batteries des véhicules électriques », précise Chengjian Xu.

Selon le cabinet de conseil Avicenne Energy, dont les prévisions ont été utilisées pour cette étude, de même que celle de l’Agence internationale de l’énergie et de l’Irena (Agence des énergies renouvelables), les batteries du futur auront des densités de stockage supérieures à celle des batteries lithium-ion actuelles. Elles utiliseront toujours du lithium mais associé à d’autres métaux (nickel, cobalt, oxyde de manganèse ou d’aluminium). Ces nouveaux accumulateurs sont en développement aux États-Unis, en Chine et en Europe, souligne l’article de Nature Communications. Par ailleurs, il faudra que les voitures puissent stocker et fournir de l’énergie au réseau électrique, et non plus être seulement rechargées comme c’est le cas aujourd’hui. Des expériences pilotes « sont déjà conduites actuellement aux Pays-Bas et au Royaume-Uni » avec des incitations financières pour connecter les batteries au réseau électrique, souligne Chengjian Xu. Dans ce but, le CEA et

Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le groupe Renault (ici, une ligne de production de moteurs électriques de l’usine de Cléon, en SeineMaritime) développent un chargeur embarqué bidirectionnel permettant au véhicule branché d’injecter l’énergie de la batterie vers le réseau électrique. ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Infographie

« Nous avons retrouvé quelques objets dans la fosse, détaille Virginia Verardi. Une roue de carrosse miniature, une petite tête de taureau peinte, ainsi qu’un vase. Étaient-ils dans la fosse avant qu’elle soit recouverte ? S’agit-il d’une forme de marque de respect au défunt en leur permettant de partir dans l’au-delà avec quelques apparats, en dépit de l’homicide ? » Les squelettes ont pu être datés à l’aide de méthodes indirectes, et les deux malheureux ont été tués environ 1 700 ans avant J.-C. C’est une période qui a été marquée par de nombreux bouleversements culturels et cultuels. « Le temple est ainsi totalement réaménagé et réorienté, précise Virginia Verardi. Il y a aussi de nombreux mouvements migratoires avec des exodes de plusieurs populations proche-orientales. » Malheureusement, impossible pour les équipes de procéder aujourd’hui à des études génétiques supplémentaires qui permettraient de savoir qui sont ces deux personnes, leurs sexes, leurs origines géographiques. Car la France a abandonné ces travaux de recherche sur le territoire syrien en 2010, quelques mois avant le début de la guerre civile. « Il y a quelques équipes de recherche sur la zone, mais on a aucune information sur l’état de conservation des découvertes de Tell Mohammed Diyab », regrette Virginia Verardi. ■

Renault ont décidé de développer ensemble un chargeur bidirectionnel, de haute performance, qui pourrait être embarqué sur tous les véhicules de la marque française vers la fin de la décennie. Par ailleurs, au moyen d’un programme d’investissement d’avenir, en lien avec Enedis « nous finançons une expérience sur plusieurs dizaines de véhicules électriques qui se poursuivra jusqu’en avril », explique Nicolas Doré, coordinateur des carburants alternatifs à l’Ademe. TotalEnergies, Schneider et Renault, notamment en lien avec l’université Aix-Marseille et celle de Grenoble, participent à l’expérience française. Il s’agira également « de gérer l’appel de puissance de pointe au réseau électrique, c’est-à-dire gérer la demande pour que tous les véhicules électriques ne se rechargent pas en même temps, le soir, entre 18 heures et 21 heures au moment du pic de consommation électrique », ajoute Gilles Bernard, de l’Afirev. Comme l’usage moyen d’une voiture électrique correspond à une heure de charge (qui correspond à une autonomie de 30 ou 40 kilomètres), il sera possible d’étaler les recharges pendant la nuit, quand la demande sur le réseau électrique sera au plus bas. Des outils de communication et d’intelligence artificielle devraient permettre d’optimiser la demande. Sinon, le réseau électrique pourrait ne pas tenir. Un autre article académique, publié dans Nature Energy, en septembre dernier, soulignait que la puissance de pointe pourrait augmenter de 25 % à 50 %, avec le déploiement des véhicules électrique et des énergies renouvelables aux ÉtatsUnis en 2035. Une hausse que le réseau électrique actuel ne pourrait pas supporter. ■

le figaro

Sport

11

Nadal : cap sur Roland-Garros pour repousser la retraite

Djokovic défié par Couacaud Vainqueur mercredi du Bolivien Hugo Dellien (6-4, 7-5, 6-0), le qualifié français Enzo Couacaud défiera Novak Djokovic, ce jeudi au 2e tour de l’Open d’Australie, lors de la session nocturne (9 heures, heure de Paris, Eurosport). Le natif de Maurice de 27 ans, classé 191e à l’ATP, succédera à Caroline Garcia (opposée à Leylah Fernandez) dans la Rod Laver Arena. Ce mercredi, en fin de 1er tour, Richard Gasquet n’a pas résisté à Ugo Humbert, vainqueur 6-3, 6-4, 6-3, et Adrian Mannarino a battu John Isner 6-7, 7-6, 6-2, 6-2. Au 2e tour, Corentin Moutet a bataillé, mais en vain, face à Francisco Cerundolo 3-6, 6-4, 6-2, 7-5, et Constant Lestienne a longuement résisté contre Cameron Norrie, vainqueur 6-3, 36, 7-6, 6-3. Les autres têtes de série Medvedev, Tsitsipas, AugerAliassime ont aussi évité la sortie de route précoce subie par Nadal. Du côté du tableau féminin, Clara Burel s’est inclinée contre Barbora Krejcikova 6-4, 6-1, et Coco Gauff a dominé le joli choc de la jeunesse contre Emma Raducanu 6-3, 7-6. M. C.

Encore trahi par son corps à l’Open d’Australie, l’Espagnol va tenter de se relancer avant son tournoi fétiche.

tennis Le guerrier est sorti en boitant du court Rod-Laver, battu au 2e tour par l’Américain Mackenzie McDonald 6-4, 6-4, 7-5. Son coach, Carlos Moya, a affiché une mine sombre, sa femme a versé des larmes, et, devant la presse, le champion n’a pas caché un certain découragement. « Il y a eu tellement de blessures… La réalité est que, lors des trois derniers tournois du Grand Chelem, j’ai souffert de blessures. Ça fait quelques jours que j’avais quelque chose, mais pas à ce point. J’ai déjà eu des problèmes de hanche, mais ça n’a jamais été aussi fort. Cette fois, je ne peux plus bouger. » Son corps l’a lâché une nouvelle fois. Après le pied, les côtes et les abdominaux l’an dernier, c’est au tour de la hanche. Le tenant du titre s’est blessé à la fin du deuxième set de son deuxième tour, contre M ­ cDonald, 65e mondial. Mais, en monstre de fair-play, la tête de série numéro 1 a refusé d’abandonner. La gestion des blessures, Nadal connaît. Le Majorquin a été contrarié par des ennuis de santé dans pas moins de 26 tournois du Grand Chelem depuis ses premiers pas sur le circuit, il y a plus de vingt ans, et, à douze reprises, il n’a même pas pu s’aligner. Cela a été une constance durant toute sa fabuleuse carrière,

mais c’est plus que jamais une réalité, l’Espagnol ne peut plus défendre pleinement ses chances, lâché en permanence par son corps. Annoncé à Dubaï fin février, il attendait un premier diagnostic médical mercredi mais ne cachait pas un certain dépit. « Parfois, c’est frustrant. Parfois, c’est difficile à accepter. Parfois, vous vous sentez super fatigué de toutes ces blessures. Je ne peux pas venir et mentir en disant que la vie est fantastique, qu’il faut rester positif et continuer de se battre… pas maintenant. C’est encore une blessure. Je ne peux pas dire que je ne suis pas détruit mentalement en ce moment. J’espère que ce n’est pas trop sérieux et que ça ne m’éloignera pas trop longtemps des courts, parce qu’alors il sera difficile de refaire tout le processus de récu­pération. Il n’y a pas que la récupé­ration, il y a aussi tout le volume de travail qu’il faut fournir pour retrouver un niveau acceptable. Je suis passé par là trop de fois dans ma carrière. » Il fera tout, évidemment, pour être à 100 % pour Roland-Garros fin mai. D’ici là, il espère qu’il pourra rejouer presque sans douleur et qu’il aura chassé ses doutes tennistiques.

Battu en trois set (6-4, 6-4, 7-5) au 2e tour par Mackenzie McDonald, Rafael Nadal a refusé d’abandonner, mercredi, à Melbourne, contre l’Américain, malgré une blessure très douloureuse à la hanche. MArtin KEEP / AFP

Cercle infernal des blessures

Car, même quand il est apte, Nadal inquiète, ces derniers mois. Face à un excellent McDonald, le joueur de 36 ans a été régulièrement pris de vitesse, en difficulté en début de ­

match, et ce avant sa blessure. Le guerrier qui abhorre la défaite ne sait plus comment gagner une rencontre. Après une entame compliquée face à Jack Draper au premier tour, il s’était un peu rassuré avec une ­victoire en quatre manches. Depuis sa défaite en 8es de finale de l’US Open, début septembre dernier, il a perdu ainsi sept de ses neuf derniers matchs. Il n’a jamais connu un tel trou d’air dans sa carrière. Le Majorquin laisse une drôle d’impression, alors que son corps continue de lui adresser de sérieux avertissements. Touché deux fois aux adducteurs depuis Wimbledon, où il avait déclaré forfait pour sa ­demi-finale, il a du mal à retrouver des repères et des sensations sur les courts. Depuis son élimination dès le

deuxième match de groupes du ­Masters, en novembre, il réclame du temps, mais son corps ne lui en laisse pas beaucoup. Le refrain est connu. Il ne faut jamais enterrer l’homme aux 22 titres du Grand Chelem. Surtout pas dans la perspective de Roland-Garros. L’an dernier, alors que son pied ­gauche terriblement douloureux lui avait compliqué les choses lors de la quinzaine parisienne, des rumeurs avaient surgi, laissant entendre que le roi de la terre pourrait raccrocher en cas de 14e triomphe Porte d’Auteuil. On connaît la suite… Et depuis, un nouveau traitement soulage ses douleurs au pied gauche. Mais, quand ce n’est pas le pied, ce sont d’autres parties de son corps qui ne le laissent pas en paix.

Pourquoi la NBA est amoureuse de la France La ligue américaine de basket joue, ce jeudi, avec Detroit-Chicago, son deuxième match officiel à Bercy. Sébastien ferreira £@sebferreira23

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

basket Oubliez les fish & chips et les tasses de thé, dites bonjour aux baguettes de pain et aux croissants au beurre. Tel fut le mantra de la NBA il y a trois ans. De 2011 à 2019, la grande ligue américaine a joué un match officiel par an au RoyaumeUni. Elle a zappé Londres en janvier 2020 pour lui préférer Paris, et sera de retour dans la capitale ce jeudi (21 heures, Canal+ et beIN Sports), pour sa première grande sortie loin de l’Amérique depuis la pandémie de Covid-19. Pourquoi la NBA, l’une des plus puissantes ligues sportives au monde, choisit-elle encore l’Hexagone au détriment de ses grands voisins européens ? « Il y a un intérêt phénoménal en France » pour la NBA, répond au Figaro George Aivazoglou, patron du marketing de la ligue américaine en Europe. Les chiffres dévoilés par la NBA en 2021 le prouvent : la France est le premier pays européen acheteur de maillots NBA et produits dérivés en tout genre. C’est chez nous que la NBA récolte son plus grand nombre de vues sur YouTube et Instagram, et notre pays est le deuxième d’Europe au nombre de ventes du jeu vidéo NBA 2k. Qui dit intérêt et consommation dit gain financier. Si la NBA vend d’abord un lien historique avec la France, de par « tous ses grands joueurs comme Tony Parker », comme le dépeint George Aivazoglou, elle ne peut nier la réalité économique qui l’amène à Paris. « La communauté de fans a plusieurs dimensions, détaille son res-

ponsable marketing. Il y a ceux qui regardent les matchs. D’autres qui, à cause du décalage horaire, se tournent vers des highlights ou le merchandising, car ils veulent faire partie de la culture NBA. Et il y a ceux qui aiment les jeux vidéo. » Loin d’être anecdotique, la saga NBA 2k est « super importante » dans l’exportation du basket américain, s’enthousiasme Aivazoglou. Ses jeux, vendus par millions d’exemplaires en France depuis dix ans, sont considérés comme la meilleure simulation sportive, dans un milieu où, à l’instar de Fifa, la NBA s’est fait un nom, et a ainsi touché un nouveau public.

L’Accor Arena, une salle aux standards NBA

Mais alors qu’est-ce que la NBA est allée faire en Angleterre pendant dix ans avant d’enfin jouer des matchs en France ? La réponse est aussi simple que pratique : la salle de Paris-Bercy n’était pas aux normes pour accueillir un match de NBA. Le dernier en date (2010) est resté un rendez-vous de pré-saison entre les New York Knicks et les Minnesota Timberwolves. Vingt et un mois de travaux initiés en 2014 et sponsorisés par Accor, partenaire de la NBA, ont changé la donne. L’Accor Arena « est désormais l’une des rares salles à être franchement aux standards NBA » en Europe, confie Aivazoglou. Plus besoin de se réfugier à la séduisante O2 Arena de Londres, dont l’unique mais flagrant défaut est d’être située dans un pays où le basket n’a jamais transcendé les foules. C’était « un mariage de raison », comme le qualifiait Adam Silver, grand patron de la NBA, en 2019, plus souriant à

Cette saison, les Bulls ont déjà battu (132-118) les Detroit Pistons le 31 décembre à Chicago. David Banks/ USA TODAY Sports/via reuters connect

l’heure d’évoquer la France, « un marché historiquement fantastique pour la NBA ». Demeure une interrogation : pourquoi un tel succès du basket américain en France plus que chez nos voisins ? Pour Fabrice Auclert, rédacteur en chef du site francophone Basket USA, la réponse se trouve chez les passionnés. « Je me souviens avoir discuté avec un dirigeant de la NBA, confie le journaliste aux 29 ans de carrière. Il me disait : “La France, vous êtes à part.” C’est le seul pays où le site le plus visité en lien avec la NBA n’est pas NBA. com. » Traduction : la couverture médiatique est unique en France, à l’image de TrashTalk, média vulgarisateur de la ligue américaine très populaire (400 000 abonnés Twitter, 176 000 abonnés YouTube), qui n’a « pas d’équivalent » en Italie ou en Espagne pour Fabrice Auclert. Cette démocratisation, la célèbre ligue la doit aussi à beIN Sports, son

diffuseur en France depuis 2012, passé d’un à deux matchs par nuit en 2017, en plus des rediffusions le lendemain matin et de l’achat des droits de la WNBA, la ligue féminine. Dans un cercle vertueux, les investissements se mettent à la hauteur des audiences, sur un territoire fertile, en réalité, depuis trente ans. « Pour moi, c’est une culture NBA qui est revenue en France, résume Fabrice Auclert. Comme au début des années 1990 quand ça explose avec Michael Jordan, mais aussi George Eddy et Canal+. » Bien avant beIN Sports, la chaîne cryptée avait importé le basket en France, avec l’inimitable accent de George Eddy aux commentaires. « Les premières années, on avait dix jours de décalage en moyenne pour la diffusion des matchs, rembobinait le FrancoAméricain pour Télérama en 2019. Le premier match que nous avons retransmis à l’antenne avait été joué un mois avant. » Ce jeudi, promis, ceux qui seront devant leur télévision verront le match en direct. ■

A-t-il disputé mardi le 18e et ­ ernier Open d’Australie de sa card rière ? S’il chasse le spectre de la ­retraite lors de ses prises de paroles, elle plane plus que jamais et deviendra bientôt aussi inéluctable que ­celle de Roger Federer s’il ne parvient plus à briser dans ces ­prochains mois le cercle infernal des blessures. S’il est apte physi­ quement, l’homme aux 14 RolandGarros sera évidemment le favori pour sa succession dans son royaume sur sa terre battue chérie. Pour une dernière danse ? L’Allemand Alexander Zverev a prédit récemment sur Eurosport que Nadal prendrait sa retraite au mois de juin après avoir gagné un 15e Roland-Garros. Les fans du Majorquin prient pour que le pronostic du champion olympique ne se révèle pas exact, mais il n’est pas insensé de penser que Rafael Nadal aimerait annoncer, ­ cette année ou plus tard, son départ sur cette terre qui l’a sacré roi… ■

en bref Football : retrouvailles Messi-Ronaldo

Respectivement septuple et quintuple Ballon d’Or, souvent rivaux sur les pelouses d’Espagne avec Barcelone et le Real Madrid, Lionel Messi et Cristiano Ronaldo se retrouvent, ce jeudi à Riyad (18 heures, beIN Sports), lors du match amical qui met aux prises le PSG à une sélection des meilleurs joueurs des formations saoudiennes d’al-Nassr, nouveau club de Ronaldo, et d’al-Hilal. Après un passage au Qatar avec leur club, Kylian Mbappé et Neymar seront également opposés à la star portugaise, qui disputera son premier match dans le royaume saoudien depuis sa signature fin décembre.

Handball : les Bleus au top L’équipe de France championne olympique a battu facilement le Monténégro (35-24) pour son premier match dans le tour principal qui mène aux quarts de finale des Mondiaux. Suivront l’Iran vendredi et l’Espagne dimanche.

Hayes, le Français qui monte avec Detroit En clair-obscur depuis sa sélection au 7e rang de la Draft 2020, record pour un Français en attendant Victor Wembanyama au printemps prochain, Killian Hayes tourne au super depuis le début de saison. Et ce même si les Pistons sont à la peine (14es à l’Est). 10 points et 5,7 passes décisives pour le meneur de 21 ans, titulaire avec Detroit. « Cade Cunningham (numéro 1 de la Draft 2021) s’est malheureusement

blessé, donc mon rôle a un peu changé », souligne l’ancien Choletais, qui arrive donc lancé pour le match à Bercy contre Chicago. « Avoir l’occasion de jouer à Paris alors que je suis en bonne forme, ça ajoute un plus », savoure-t-il, lui qui postule pour une place en équipe de France cet été, à la Coupe du monde. « Il est clairement dans ma réflexion », a confirmé Vincent Collet dans L’Équipe. C. R.

A

romain schneider [email protected]

jeudi 19 janvier 2023

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

12

champs libres Enquête

Des agents de l’OFB vérifient le niveau de l’Yser depuis un pont à Herzeele, dans le nord de la France, en août dernier, dans un contexte de sécheresse intense.

FRANCOIS LO PRESTI/AFP

Quand la police de l’environnement pousse à bout les agriculteurs Éric de La Chesnais

£@plumedeschamps

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

I

ls encourent des amendes conséquentes, voire des peines de prison, pour avoir détruit l’habitat d’un castor ou taillé un bout de haie en dehors des périodes autorisées. Partout en France, les agriculteurs vivent de plus en plus mal les contrôles inopinés des services de l’État, notamment ceux des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), pour vérifier s’ils sont bien en règle avec la législation en vigueur. Certaines de ces lois sont difficiles à appréhender pour des paysans déjà obnubilés par les aléas climatiques, les crises sanitaires à répétition ou la volatilité du prix des denrées agricoles. La crainte d’être jugés par des fonctionnaires, dont ils dénoncent le vocabulaire froid et le manque d’empathie, cherchant la moindre faille plutôt que l’accompagnement à appliquer une réglementation très théorique, ajoute un stress supplémentaire dont ils se passeraient bien. « Quand on va sur le terrain, on se rend compte que la charge mentale des agriculteurs leur fait plus de mal aujourd’hui que la pénibilité physique du métier ou la crainte de cours trop bas par rapport à leur prix de revient, explique Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), syndicat majoritaire de la profession. Les paysans vivent très mal le fait que des contrôleurs de l’OFB aillent sur leurs terres sans se présenter à eux et qu’ensuite ils leur envoient des convocations par la poste avec des formules administratives qui les condamnent avant même de les avoir entendus. » Celle qui est également éleveuse de porcs dans le Maine-et-Loire évoque le cas de Christophe Budin, qui a ému l’ensemble du monde agricole et bien au-delà. Ne supportant plus d’être sous le coup d’une procédure de contrôle de l’OFB, ce céréalier de 52 ans, maire adjoint du village de Brunvillers-la-Motte (Oise), a mis fin à ses jours le 3 octobre dernier. Suspecté d’avoir traité au glyphosate 688 mètres d’un chemin rural qu’il n’était pas le seul à utiliser, il avait clamé son innocence durant neuf mois et constitué des preuves. « Contrôlé donc coupable, voilà ce que nous retenons. Christophe aurait donc pris pour un autre. Aujourd’hui, cela a conduit à un drame, c’est inadmissible », pointait Régis Desrumaux, président de la FDSEA de l’Oise, dans un courrier circonstancié de deux pages adressé au ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, daté du 19 octobre 2022. « Nous sommes des professionnels et avons le souci du travail bien fait. Nous demandons le respect des corps de contrôle de l’administration », avait-il insisté, quelques jours plus tard, devant 150 agriculteurs réunis devant le bureau de l’OFB à Beauvais, où ils avaient rendu hommage à leur collègue décédé et exprimé leur ras-le-bol des contrôles et

Dans un secteur en crise, ils doivent déjà composer avec les aléas climatiques, les crises sanitaires à répétition et la volatilité du prix des denrées. La tyrannie des normes finit d’accabler ces exploitants, de plus en plus nombreux à dénoncer les méthodes des contrôleurs de l’Office français de la biodiversité (OFB).

la peur qu’ils engendrent. Ce désarroi fait tache d’huile dans toutes les régions. « Quand on aborde ce sujet en réunions syndicales, chacun a un cas à évoquer, témoigne Luc Smessaert, éleveur laitier et vice-président de la FNSEA en charge des questions liées au mal-être agricole. Pourquoi des contrôleurs OFB viennent-ils armés dans nos fermes, souvent sans prévenir ni même dire bonjour ? Nous ne sommes pas des délinquants. Les procédures de six mois à deux ans sont trop longues. On prête trop de crédit aux délateurs et pas assez aux paysans. » Mise en cause, l’OFB relativise ces cas, sans nier l’existence d’un certain malaise. « Il faut éviter les incompréhensions et les tensions, assure Loïc Obled, directeur général délégué de l’établissement public. Quand on effectue des missions de police chez des agriculteurs, les choses se passent bien dans 98 % des cas. La règle de base doit être la courtoisie et l’explication. Dès qu’il y a une tension à la suite d’un contrôle, il faut dialoguer entre le service départemental de l’OFB et la chambre d’agriculture. Nous avons dans nos rangs des effectifs d’origines très diverses : des ruraux, des jeunes urbains détachés de l’administration, des anciens venus d’établissements publics différents qui ont fusionné pour créer l’OFB en 2020. Mais il n’y a pas de stigmatisation de la profession agricole. »

« La règle de base doit être la courtoisie et l’explication »

Dans les Vosges, Bertrand Humblot se sent pourtant « humilié ». Il a été accusé par l’OFB d’avoir détruit l’habitat d’un castor. « En avril 2021, j’ai eu la visite d’agents de l’OFB armés. On est tombés des nues avec ma femme, raconte cet éleveur laitier à Viocourt. Lona, une association de défense de l’environnement, portait plainte contre nous, car nous avions détruit l’habitat d’un castor en enlevant un tas de branches dans notre champ suite à des crues hivernales. Malgré nos explications, le délégué du procureur de la République d’Épinal nous a convoqués, plus d’un an après, dans ses bureaux à Vittel pour une audition dans le cadre d’une enquête de police judiciaire. Je suis ressorti la boule au ventre. Non seulement nous risquions une amende de 1 500 euros et 10 000 euros de dommages et intérêts à verser à Lona, mais, en plus, j’avais été la cible de préjugés déplacés. » L’attitude et le discours du délégué du pro­ cureur marquent l’exploitant. « Il n’a eu de cesse d’avoir des mots dégradants, voire haineux, envers ma personne, et les agriculteurs en général. Il m’a dit que nos organismes et syndicats contribuaient à tuer la biodiversité, qu’on ne pensait qu’à se plain-

Nous ne sommes pas des délinquants. Les procédures de six mois à deux ans sont trop longues. On prête trop de crédit aux délateurs et pas assez aux paysans Luc Smessaert, éleveur laitier et vice-président de la FNSEA FNSEA

»

dre et qu’avec les primes PAC on n’avait plus besoin de travailler. Selon lui, l’amende réclamée ne représentait rien pour des entreprises comme la nôtre (…) et, si mon fils voulait reprendre l’exploitation, c’est parce que l’agriculture rapporte. Ces propos blessants ont provoqué chez moi un profond malaise pendant un certain temps. C’est dur, surtout quand, quotidiennement, on s’applique à travailler avec passion », regrette-t-il, la voix encore chevrotante. Près de deux ans après la première dénonciation, le dossier reste ouvert. « La procédure est en cours, confirme Frédéric Nahon, procureur de la République d’Épinal. Le mis en cause n’avait pas forcément l’intention de détruire l’habitat du castor. En outre, je ne cautionne pas les propos du délégué, qui auraient pu être tenus contre l’agriculteur, et suggère à ce dernier de m’écrire pour clarifier la situation. Il est préférable de recommander la prévention, des stages de remise en état de la biodiversité cofinancés avec les chambres d’agriculture, plutôt que des condamnations fermes. » Dans la Nièvre, Emmanuel Bernard, éleveur de vaches allaitantes charolaises, a fait lui aussi l’objet d’une dénonciation auprès de l’OFB. « En mai 2022, dans le cadre d’une randonnée gourmande pédestre qui passait dans notre ferme, mon salarié a nettoyé les abords de l’exploitation, raconte le paysan. Il a, de son propre chef, taillé un bout de haie sur 150 mètres le long. Ce n’est pas autorisé au printemps, mais il ne le savait pas. Un nid vide de passereaux a été retrouvé par un riverain. Ce dernier m’a dénoncé auprès de l’OFB. Leurs agents sont venus sur place et ont regardé partout dans la ferme, sans nous prévenir. » Prévu pour le 24 août - « Pendant ma semaine annuelle de vacances » -, le rendezvous est finalement repoussé au 3 octobre, sur son insistance. « Chez la déléguée du procureur de Nevers, j’ai attendu entre un dealer et un voleur de voiture, c’était très humiliant, souffle l’éleveur. Après avoir été entendu, j’ai dû écrire, comme lors d’une punition à l’école, que je m’engageais à ne plus recommencer, que je pouvais écoper de 3 ans de prison et de 150 000 euros d’amende en commettant ce type d’infraction. » Emmanuel Bernard doit aussi s’engager « à replanter des haies ». C’est« ce que nous faisons depuis quatre générations. Dans une petite commune, tout se sait. Je ne vous dis pas les conséquences pour ma femme directrice d’école et mes enfants si j’avais été condamné », conclut-il. Pour Luc Smessaert, « il faut réduire cette pression morale le plus rapidement possible en 2023 ». « Après le drame de Brunvillers-la-Motte, une rencontre a eu lieu entre les responsables agricoles et les directeurs de l’OFB de l’Oise et des Hauts-deFrance. Nous allons généraliser les chartes de bonnes conduites entre contrôleurs et contrôlés dans chaque département. Nous allons également faire des contrôles pédagogiques à blanc avec des agriculteurs et des fonctionnaires pour démystifier cette procédure et la rendre plus humaine », annonce le vice-président de la FNSEA. Lors du salon des maires à Paris cet automne, des agents de l’OFB, anciens gardes-chasses forestiers venus de l’ONCFS (Office français de la chasse et de la faune sauvage), reconnaissaient ne pas avoir été formés aux problématiques du monde agricole. ■

jeudi 19 janvier 2023

champs Idées libres le figaro

13

L’UE finira-t-elle comme l’Empire austro-hongrois ? Un essai passionnant compare l’Europe des Vingt-Sept à la double monarchie des Habsbourg, mosaïque de peuples qui s’est effondrée en 1918 des suites de la guerre.

monde d’hier, monde de demain Caroline de Gruyter, Actes Sud, 359 p, 23,50 €.

chronique Eugénie Bastié £@EugenieBastie

C

’est évident : Ursula von der Leyen n’a pas les ­grâces de Sissi, Bruxelles les charmes de Vienne et les eurocrates ne sont pas des aristocrates. Pourtant, n’est-il pas pertinent de comparer l’Union européenne à l’Empire austrohongrois qui s’effondra en 1918 après six siècles d’existence ? C’est le parallèle que tisse la journaliste Caroline de Gruyter dans son livre Monde d’hier, monde de demain (Actes Sud). Un voyage passionnant où l’on passe des cafés de Vienne aux bureaux de la Commission européenne, où l’on croise des descendants de la plus vieille dynastie du continent et des commissaires européens, des extraits d’écrivains de la Mitteleuropa et d’essais géopolitiques. Les points communs entre l’empire des Habsbourg, qui contenait l’Autriche, la République tchèque, la Slovaquie, la Croatie, la Hongrie, des morceaux d’Italie de Pologne, d’Ukraine et de Roumanie, et l’Union européenne et ses 27 États membres sont nombreux. Comme l’UE, l’Empire austro-hongrois était une mosaïque de peuples, de langues et de cultures, mais aussi une zone de libreéchange et d’union douanière, où circulait une monnaie unique. Pour faire régner l’ordre, on y avait déployé depuis Marie-Thérèse d’Autriche une bureaucratie pléthorique de 400 000 fonctionnaires (rien à voir, note de Gruyter avec les 50 000 fonctionnaires européens d’une Europe jugée pourtant technocratique). Les conflits entre les différents

européenne, de Gruyter s’abstient de juger et présente assez objectivement à travers un dialogue avec une ambassadrice hongroise les attentes comme les frustrations d’un pays qui a été sans cesse envahi dans son histoire et est aujourd’hui mis au ban de la communauté européenne pour son « illibéralisme ». Ce livre foisonnant nous fait méditer sur le balancier historique qui régit l’histoire du Vieux Continent. Au XVIIIe siècle, l’Europe se couvre de frontières. Au XIXe elles sont démantelées, c’est l’époque de la première mondialisation et de l’apogée économique de l’empire. Au début du XXe, c’est la multiplication des États-nation, puis dans la deuxième Comme l’UE, l’empire des Habsbourg moitié du siècle, se caractérisait par sa lenteur, l’éclatement des frontières et la monsa médiocrité et son indécision dialisation libérale. Le pathologiques, mais aussi par début du XXIe siècle une certaine résistance, une capacité voit le retour des murs… d’adaptation et une forme de solidité La question la plus cruciale est celle de la tendance à oublier : l’Europe centrale. chute. Alors que bien souvent on met en Aujourd’hui encore, le centre géograavant le mythe de la « prison des peuphique de l’Union européenne se situe ples » pour expliquer l’effondrement quelque part entre Vienne et Prague. d’un empire voué à l’implosion, la jourCette Mitteleuropa, qui se caractérise par naliste relève que l’historiographie la une pluralité linguistique et nationale plus récente démontre que les indépendans un espace concentré est sans cesse dantismes n’avaient pas tant d’audienécartelée entre le libéralisme de l’Ouest ce, que l’empire n’était pas si rigide et et le conservatisme de l’Est. Aujourd’hui autoritaire, et que la seule raison de l’efencore, rappelle de Gruyter, cette partie fondrement tient en un fait : la guerre. de l’Europe est beaucoup plus ancrée En 1914, l’assassinat de l’archiduc dans l’histoire, beaucoup plus conservaFrançois-Ferdinand, censé être l’héritrice. Si on n’étudie pas l’histoire de tier de l’empire, à Sarajevo par un natiol’empire des Habsbourg on ne comprend naliste serbe donna le la de la Première rien au fait que l’Autriche soit pro-russe, Guerre mondiale. Le vieil empereur que la Hongrie soit furieuse qu’on lui imFrançois-Joseph voulait donner une pose des migrants, ou que les « puissansimple correction à la Serbie. Quand ces enclavées » aient l’obsession de la l’Allemagne déclara la guerre, il se serait paix. Bien que plutôt favorable à l’Union écrié : « C’en est fait de nous ! » En réalipeuples étaient judiciarisés et plusieurs juridictions empiétaient les unes sur les autres. Les frontières étaient floues, la souveraineté partagée. Comme l’UE, l’empire des Habsbourg se caractérisait par sa lenteur, sa médiocrité et son indécision pathologiques, mais aussi par une certaine résistance, une capacité d’adaptation et une forme de solidité. Mélange de souplesse et de rigidité, l’UE ne pourrait-elle pas elle aussi être définie comme un « un absolutisme tempéré par le laisser-aller » ? Cet essai a le grand mérite de nous faire redécouvrir une partie de l’Europe que nous, Européens de l’ouest, avons

«

»

té, l’empire des Habsbourg, qui régnait par le soft power, était trop hétérogène pour se permettre le moindre bellicisme. Ce passé résonne aujourd’hui, à l’heure où la guerre en Ukraine exige de jour en jour davantage d’implication de la part de l’empire européen. Reste une grande différence, majeure, entre l’Union européenne et l’empire des Habsbourg : l’empereur. Dans La Marche de Radetzky, le roman de Joseph Roth racontant la chute des Habsbourg, le personnage prédit : « Dès l’instant où l’empereur se sera éteint, nous nous fracasserons en mille morceaux ». Le défaut d’incarnation est au cœur du déficit d’attachement à l’Union européenne. Si, comme l’écrivait Norbert Elias, les vieilles familles aristocratiques ont toujours été le moteur du processus de civilisation européen, par quoi ontelles été remplacées ? Le seul point commun entre l’élite mondialisée et les Habsbourg est le cosmopolitisme. Mais un cosmopolitisme consumériste et déraciné, sans sens de l’honneur et du devoir. Bruxelles est incapable de mettre un visage sur les billets en euros, alors que la double monarchie austro-hongroise a su produire une effervescence culturelle, littéraire et musicale incomparable. Où sont les Klimt, les Mahler et les Zweig de l’Union européenne ? Le livre se termine par un portrait touchant d’Otto de Habsbourg, fils aîné de Charles Ier, le dernier empereur d’Autriche, qui s’est farouchement battu pour la construction européenne. Catholique, il considérait que « la hauteur des églises doit dépasser celle des banques » et défendait, non pas une Europe du marché et du droit, mais une Europe enracinée dans l’histoire, qui devait « pousser comme un arbre, pas surgir d’un coup comme un gratte-ciel américain ». Vite, un Habsbourg à Bruxelles ? ■

Rien ne va plus, et pour longtemps tête à tête Charles Jaigu

[email protected]

C

omment traduire dans la langue respectable des économistes l’expression chiraquienne « les emmerdes, ça vole en ­ e­ scadrille » ? Traduire « emm… » par catastrophes ? « Le mot “polycrise”, ou celui de “confluence de calamités”, employé par Kristalina Georgieva, patronne du FMI, au début du mois de janvier reflètent bien la préoc­cupation du moment », nous dit Nouriel Roubini, lui-même auteur de Mégamenaces, livre où il en énumère dix : hyperdettes, crédit facile, vieillissement démographique, destruction d’emploi par l’intelligence artificielle, Étatsprovidence à l’agonie, changement climatique, risques pandémiques accrus, guerre froide sino-américaine. Si vous échappez à l’une, vous êtes rattrapé par l’autre. Peine perdue, les jeux sont faits. Roubini a 64 ans, un accent rocailleux qui signale son éducation italienne. Le jeune migrant juif a débarqué avec sa famille à Milan après quelques tribulations pour quitter l’Union soviétique. Il vit aujourd’hui à New York, et nous le voyons à Paris après son passage par Israël, où vivent ses parents. Roubini est

l’un de ces turbo-économistes toujours entre deux vols, qui font le tour du globe de conférence en conférence. Il s’est très jeune fait une spécialité des crises régionales qui frappaient ici et là sur la planète (Argentine en 1982 et 2001, thaïlandaise en 1997, russe en 1998). Ces effondrements étaient à chaque fois causés par des dettes d’État excessives et en devises étrangères, ou des crédits toxiques. Il s’est exercé à détecter les signaux faibles des effondrements ­ boursiers. Il y a quelques années, un astucieux et agile intellectuel libanais, Nassim ­Nicholas Taleb avait écrit un livre sur le cygne noir, métaphore de ces catastrophes qu’on ne voit jamais venir. Le cygne noir est rarissime – sauf en Australie - et donc il est naturel qu’on ne s’attende pas à le voir glisser sur les eaux d’un lac. Il en va de même de nombreux risques que nos cerveaux optimistes minorent. Qui a vu venir les emprunts toxiques en 2008 ? Qui a vu venir les printemps arabes en 2010 ? Qui a vu venir la pandémie de 2020 ? Roubini fait partie des rares qui ont eu raison contre tout le monde en prévoyant l’effondrement du marché de l’immobilier américain dès 2006. Il avait vu juste. Il n’était pas le seul. Le Prix Nobel d’économie, Robert Shiller, théoricien de l’exubérance irration­nelle, avait prévenu la Fed que tout ça allait mal finir. « Je suis juste un expert parmi tant d’autres, et mes inquiétudes ne changeront pas la

pandémie « duLaCovid-19 nous

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

SéBASTIEN SORIANO/Le Figaro

a poussés au bord du gouffre, le prochain choc risque de nous faire basculer dans le vide Nouriel Roubini

»

face du monde, je souhaite avoir tort », nous dit Roubini. La situation est néanmoins différente cette fois-ci : Nouriel Roubini n’est plus le seul à crier dans le désert. Il n’est pas question de cygne noir ni de signaux faibles mais d’un éléphant dans la pièce que tout le monde voit. La dette mondiale est égale à trois fois le PIB de la planète, l’inflation peut mener à la grande stagnation, les crises géopolitiques sont des fruits mûrs sur le point d’exploser. À Davos, où il a rendez-vous après Paris, il ne sera question que de cela. Roubini a néanmoins une obsession : la dette privée et publique n’a jamais été aussi insoutenable, en temps de paix. C’était déjà ce que nous disait en septembre dernier l’ex-directeur de la Banque de France, Jacques de Larosière. Tout le monde voit l’éléphant, mais le déni s’est déplacé sur la manière de s’en débarrasser. La plupart des économistes et des politiciens font comme s’il était possible de le faire sortir par la porte ou par la fenêtre sans pulvériser la façade et tout l’édifice. Pas Nouriel Roubini, qui ne croit pas aux coups de baguette magique. « La pandémie du Covid-19 nous a poussés au bord du gouffre, le prochain choc risque de nous faire basculer dans le vide », écrit-il dans son excellent livre. Ce gouffre est celui formé par le « piège de l’endettement ». Relever les taux d’intérêt permettrait de stopper la course à l’emprunt, mais cela déclencherait une récession sévère, dont personne ne veut. Les banques centrales, sous pression politique, ne savent pas, ne peuvent plus, faire autre chose que faciliter un endettement plus important encore. Telle est la matrice des mégamenaces à venir. Un piège dont les banquiers centraux ne savent plus comment sortir. « Il est déjà trop tard pour corriger l’emballement », constate Roubini. Nous lui posons donc la question. Que vaut-il mieux pour diminuer l’emprise des dettes : se résoudre à l’inflation qui réduira la valeur de l’argent ou écraser cette inflation par une franche hausse des taux d’intérêt en assumant la récession capable d’assommer même un éléphant ? « L’inflation n’est pas la solution car elle ne sera pas suffisante pour faire fondre nos dettes, et elle étouffera la croissance : ce sera la stagflation. La solution la moins mauvaise est donc de remonter les taux, aussi désagréable que cela puisse être, mais cela ne se produira

pas. » Le seul banquier central qui s’y soit risqué est Paul Volker au début des années 1980. Mais c’était une autre époque. Roubini nous rappelle comment il avait remonté les taux de vingt points, à la stupéfaction de Ronald ­Reagan lui-même, qui venait d’arriver au pouvoir dans une Amérique embourbée dans la stagflation. « Reagan voulait le virer, mais Volker a tenu bon, et il leur a demandé d’être patients. » L’inflation a effectivement été domptée, et le monde a connu quarante ans de « grande modération ». Ce furent des années de croissance stable, d’inflation faible et de taux faibles, moins glorieuses que les trente précédentes, car il y avait un certain nombre d’inconvénients : l’argent facile s’est détourné des investissements de long ­terme dans l’industrie, et la mondialisation a déshabillé l’Europe et les États-Unis pour habiller le reste du monde. « La méthode Volker était encore possible à l’époque, mais elle serait fatale aujourd’hui compte tenu du piège de l’endettement dans lequel nous sommes. » En Europe, la zone euro éclaterait probablement, l’Italie menant la danse, et la France juste derrière. Nous sommes donc à un stade très désagréable où il n’y a rien à faire qu’attendre de se laisser étrangler par le nœud coulant de la stagflation, qui combinera l’inflation avec une quasi-récession. « D’une manière ou d’une autre, nous ne pourrons pas éviter l’atterrissage brutal, on ne sait pas exactement quand, mais il aura lieu », nous dit-il en annonçant déjà « une récession d’ici à 2024 ». Un seul espoir, mais il relève de la pure superstition : cette fois-ci, Roubini n’est pas un Cassandre, car tout le monde l’écoute et opine du chef. Or Cassandre n’a raison que contre tous. Donc les prévisions de Roubini ne se réaliseront peutêtre pas… ■

Mégamenaces Nouriel Roubini, Éditions Buchet-Chastel, 268 p., 23,50 €.

A

Le dernier livre de Nouriel Roubini, économiste star, se lit comme un roman d’épouvante. Bienvenue dans le siècle des catastrophes !

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

14

champs libres Débats

La vraie injustice : les retraités de demain seront pauvres

+

L

e dossier des retraites a ses évidences mille fois ressassées : dans les années 1960, on comptait quatre cotisants pour un pensionné. Aujourd’hui, ce rapport est de 1,7 pour un ; il sera presque de un pour un en 2070. La fin du baby-boom déséquilibre les comptes d’un système où l’argent des actifs va directement dans les poches des retraités. En 2030, le déficit du système serait autour de 25 milliards d’euros. Une somme qu’il faudrait financer par l’impôt ou la dette, qui n’est qu’un impôt différé. En 1945, la retraite avait été fixée à 65 ans, mais l’espérance de vie des ouvriers était inférieure : elle était seulement un filet de sécurité pour ceux qui avaient la chance de vivre plus longtemps que les autres. La retraite est désormais l’espoir d’une seconde vie. Presque la seule qui vaille aux yeux de certains, et que beaucoup attendent avec impatience. En 1983, on vivait 12 ans à la retraite en moyenne. Désormais, c’est 22 ans. On peut s’en réjouir, mais notre système n’était pas conçu pour cela. Le dossier a aussi ses contre-vérités répétées à l’envi : non, tout ne commence pas avec le Conseil national de la Résistance en 1945 ; c’est au régime de Vichy que revient la paternité de la mise en place du principe de la retraite par répartition, Le débat sur la réforme des retraites ce dernier abolissant le fonctionnement passe sous silence l’évolution très défavorable par capitalisation, du rapport entre les cotisations payées qui préexistait. Moins et les pensions perçues, argumente le président chic, évidemment. de l’Institut Sapiens (think-tank), soulignant Les retraites, que les jeunes actifs sont les grands perdants ce sont aussi, au-delà du système par répartition. de toute l’encre que le

» Lire aussi pages 2 et 3

« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

Olivier Babeau

projet de réforme fait couler, des points essentiels presque jamais évoqués. Il existe deux logiques possibles pour un système de retraite. Il peut d’abord être « contributif », c’est-à-dire que les pensions versées sont strictement proportionnelles aux cotisations acquittées. C’était l’idée sous-jacente à la retraite par points, où l’actif accumule des points qui sont autant de droits à versements futurs. Seconde logique possible : un système redistributif. Les pensions sont alors déterminées sans référence stricte aux cotisations, notamment pour donner accès à des prestations minimales. Cette seconde logique a phagocyté la première.

de ses contributions. Les régimes spéciaux en sont l’illustration : pour financer les (pas si) vieux jours de quelques catégories professionnelles qui ont su habilement fixer les règles et maintenir des âges de départ sans rapport avec la pénibilité réelle, nous payons collectivement 10 milliards par an. Un privilège est un avantage injustifié payé involontairement par d’autres. Nous y sommes. Le régime de retraite des fonctionnaires est une autre anomalie insuffisamment relevée : l’État doit ajouter chaque année un versement d’une trentaine de milliards au titre des pensions publiques. Une somme qui s’ajoute au déficit et donc à L’explosion du prix des logements la dette collective. depuis vingt ans a accentué l’inégalité, Mais le plus grand scandale que nos les anciens bénéficiant souvent dirigeants passent d’importantes plus-values alors que sous silence est ailleurs. les plus jeunes ont de moins en moins C’est le secret que les moyens de devenir propriétaires l’on s’efforce de cacher à nos jeunes : l’évolution très défavorable du taux de Dans l’esprit initial des premières récupération, c’est-à-dire du rapport caisses de retraite, il s’agissait d’une entre les cotisations payées et les sorte d’assurance sur la vieillesse qui pensions perçues. Après avoir versé devait résoudre le problème de ce que les 26 % de son salaire total au titre de ses économistes appellent « les préférences cotisations, le Français né en 1990 (qui intertemporelles » : l’actif aura tendance est donc aujourd’hui dans la vie active) à vouloir profiter tout de suite de ce qu’il gagnant en moyenne 39 000 euros a et ne mettra pas assez de côté pour ses par an cotisera 430 000 euros environ. vieux jours. Le système est donc une Une fois parti à la retraite, compte tenu épargne obligatoire. Le cotisant espère de son espérance de vie, il n’en touchera récupérer au moins l’équivalent de ce en revenus que 380 000. Autrement dit, qu’il a cotisé. Et plus, si par bonheur le taux de récupération sera de 87 % la somme a été judicieusement placée. seulement. La retraite est un bas de laine Or, que voyons-nous lors des débats percé. Les générations d’avant ont débat récents ? Il n’est, semble-t-il, bénéficié de conditions plus favorables : question que des avantages particuliers la cohorte 1940 aura touché 200 % que chacun espère capter lors de ses cotisations, la cohorte 1960 de sa retraite, indépendamment

«

»

(qui part en retraite maintenant) peut s’attendre à un taux de retour encore correct de 160 %. C’est ensuite, donc, que les choses se gâtent. La fête aura battu son plein pendant un demi-siècle. Les travailleurs nés après-guerre et partant à la retraite actuellement auront bénéficié de conditions uniques comparées à celles du futur : cotisations limitées, taux de remplacement important, durée de pension étendue par une espérance de vie en constant allongement. C’est ce qui explique que le niveau de vie des retraités soit aujourd’hui 5 % plus élevé que celui des actifs. Entre 1970 et 2013, le revenu moyen par unité de consommation des 60-69 ans aura crû de 152 % ; 3 % seulement pour les 20-29 ans. L’explosion du prix des logements depuis vingt ans a accentué l’inégalité, les anciens bénéficiant souvent d’importantes plus-values alors que les plus jeunes ont de moins en moins les moyens de devenir propriétaires. On est loin d’un simple système d’épargne pour ses vieux jours. Le génie français a fait de la retraite non seulement un impénétrable maquis d’avantages particuliers, où son aspect contributif disparaît, mais aussi un instrument inique de transferts entre générations. La réforme actuelle, c’est le secret parmi les secrets, n’empêchera pas la baisse tendancielle du taux de remplacement, c’est-à-dire du rapport entre le dernier salaire et la pension. Il est aujourd’hui en moyenne de 54 % ; il devrait baisser continûment pour atteindre 36 % en 2070. Les retraités de demain seront pauvres. Alors que faire ? Seule l’introduction d’une partie significative de retraite par capitalisation permettrait au système de continuer à offrir le juste repos d’une vie de labeur.

Vingt mille pieux sur les mers : quand l’éolien s’attaque au dernier sanctuaire

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

Yannick Moreau


sur les mers. Barrage sur l’Atlantique. Clignotants et aérogénérateurs sur les sentiers littoraux, vrombissement d’éoliennes autour des îles… Seraient-ce là les rêves et l’héritage que nous voulons laisser à nos enfants et petits-enfants ? Aurons-nous donc, en une génération, tout gâché, tout défiguré, tout consumé ? À leur tour, nos sanctuaires et nos cimetières marins seront-ils profanés ? Baudelaire, Chateaubriand, Brassens, réveillez-vous, ils sont devenus fous ! Et pourtant, un autre avenir est À son tour, la grande bleue possible. Nous avons sera contrôlée, planifiée, monétisée, devant nous un océan de solutions, telles consommée, industrialisée. que ces éoliennes de Place aux nouveaux bords de mer : seconde génération déployées en Chine, circulez, il n’y a plus rien à voir en Écosse ou ailleurs, flottantes, recyclables, locales, pouvant même Eole empale Neptune, fait tomber bientôt fabriquer sur place une énergie les masques et se lever la tempête : hydrogène inépuisable sans tapisser l’écologie d’État était bel et bien une les fonds de centaines de kilomètres idéologie destructrice ; elle est l’alliée de câbles supplémentaires… du consumérisme progressiste qu’elle Nous autres, les 8 millions prétendait dénoncer ; tout, jusqu’aux de Français habitant sur les littoraux, paysages de nos châteaux de sable, nous autres, 1 000 « maires des mers », sera livré aux champs d’éoliennes.

 gardiens vigilants des communes du À son tour, la grande bleue littoral, aux avant-postes de la montée sera contrôlée, planifiée, monétisée, des océans, de l’érosion du trait de consommée, industrialisée. côte, de la conjugaison harmonieuse Place aux nouveaux bords de mer : des activités maritimes, nous le savons, circulez, il n’y a plus rien à voir. nous le vivons : la mer, c’est la liberté Du haut des mâts gigantesques, plus et le dernier espace qui échappait aux rien ne se contemple. Vingt mille pieux lâchement torpillés. Le 10 janvier 2023, les députés ont livré notre littoral aux promoteurs éoliens. Plus de limite, plus de verrou, plus de frein : l’idéologie du courant d’air doit pouvoir circuler sans contrainte. Les projets de centrales éoliennes en mer se répartiront sur toutes les façades maritimes ; l’avis des élus et des habitants devra laisser le dernier mot à l’État ; il n’est plus fixé d’obligation de distance des côtes ou de seuil protecteur pour l’implantation d’éoliennes en mer.

«

»

formulaires, aux zones industrielles et aux vacarmes de ce monde. Maire de cette terre vendéenne où les moulins se plaisent plus que les éoliennes, maire de la cité du Vendée Globe, devrais-je demain voir partir nos marins pour un tour du monde en solitaire et buter sur de nouveaux champs d’éoliennes au large du chenal des Sablesd’Olonne, des îles d’Yeu et de Ré ? Ici, comme nos communes sœurs des littoraux métropolitains ou ultramarins, nous avons vécu les drames que le sort nous envoie. L’Erika, le Prestige et leur marée noire souillant nos côtes, nos plages et nos oiseaux. Xynthia et ses ravages dans nos ports, nos forêts, nos maisons. La mort de nos sauveteurs au grand cœur qui ont donné leur vie pour tenter d’en sauver une autre. À chaque fois, nous avons fait face. À chaque fois nous nous sommes relevés plus forts.
 Voici donc émerger une nouvelle menace délibérée, imposée, inédite qui s’apprête à sacrifier sans vergogne et sans procès notre identité maritime, notre art de vivre littoral, et la beauté immaculée de nos paysages maritimes. Qui de nous ou de la mer en mourra le premier ? Qui de nous ou de la mer se mettra le premier en colère ? Peut-être les deux… Il existait pourtant un pacte millénaire entre la France et l’océan.

CCI Paris IDF / Dircom - Photo © Dan Tsantilis

D

e la naissance du premier port maritime français, Montreuil-sur-Mer, en 988 au One Ocean Summit de Brest en 2022, il existe un pacte millénaire entre la France et l’Océan. En métropole et outre-mer, les littoraux sont le dessin de nos silhouettes et le dessein de tous nos rêves. Des rêves écrits à l’encre salée par La Fayette, La Pérouse, Jules Verne, Cousteau, Éric Tabarly, Florence Arthaud, Desjoyeaux ou Van Den Heede. Seraient-ils partis à la conquête du grand large pour nous rapporter leurs trésors, ces explorateurs, ces navigateurs, ces pêcheurs, ces aventuriers, ces pionniers, ces plaisanciers, s’ils n’avaient d’abord été saisis par la beauté simple d’un soleil couchant, appelés à la découverte de ce qui se cache derrière la ligne d’horizon, bercés par le roulis des vagues qui fredonne inlassablement Le 10 janvier 2023, les députés ont voté en faveur l’antique chant du projet de loi relatif à l’accélération d’Ulysse ? de la production d’énergies renouvelables. Tout cet héritage naturel inviolé, L’État n’aura plus à tenir compte de l’avis des élus tout cet imaginaire locaux et des habitants pour implanter de nouvelles socles centrales éoliennes ou solaires, notamment en mer, français, de notre caractère se désole le maire des Sables-d’Olonne et président et de nos exploits, de l’Association nationale des élus du littoral. viennent d’être

jeudi 19 janvier 2023

champs libres le figaro

Opinions [email protected] www.lucferry.fr

Le « roi Pelé » et la folie du foot

D

ans la vieille Europe nostalgique, pétrifiée par le sentiment de son inéluctable déclin, au hit-parade médiatique, ce sont les funérailles de la reine d’Angleterre qui l’auront emporté sur les autres décès de l’année passée. Mais dans le reste du monde, et à l’évidence au Brésil, ce sont celles d’un autre souverain, le « roi Pelé », qui auront fait couler le plus d’encre et, à coup sûr, le plus de larmes. La façon dont on a pris l’habitude de parler du « meilleur joueur de tous les temps » en le désignant comme

@

100 000 citations et proverbes sur evene.fr

un « roi » mérite qu’on s’y arrête. Pour être métaphorique, le qualificatif n’a rien d’anodin. Il est au contraire au plus haut point significatif de notre rapport aux héros du sport. Depuis l’invention par les Grecs des Jeux olympiques, ce dernier possède une double dimension paradoxale, à la fois populaire et aristocratique. Populaire d’abord, parce qu’il peut traverser les classes sociales : l’élite de l’argent, de la politique ou de la culture s’intéresse au foot autant que le peuple et quand (par malheur) ce n’est pas le cas, elle se fait malgré tout un devoir de faire semblant, d’afficher quand même sa passion dans les médias

ENTRE GUILLEMETS

19 janvier 1343 : signature de la trêve de Malestroit en Bretagne entre Édouard III d’Angleterre et Philippe VI de France, en la chapelle de la Madeleine pour tenter d’interrompre la guerre de Succession de Bretagne.

Édouard III d’Angleterre déclare la guerre à Philippe VI de Valois Classic Image / Alamy via Reuters

Nous conquerrons par notre puissance notre héritage de France, et, de ce jour, nous vous défions et vous tenons pour ennemi et adversaire» analyse Jean-Pierre Robin [email protected]

+

» Lire aussi pages 2 et 3 « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

Dassault Médias (actionnaire à plus de 95 %) 14, boulevard Haussmann 75009 Paris Président-directeur général Charles Edelstenne Administrateurs Thierry Dassault, Olivier Costa de Beauregard, Benoît Habert, Rudi Roussillon

pour ne pas passer pour prétentieuse et méprisante des masses. La dimension aristocratique de ce jeu n’en est pas moins fascinante. D’abord, quoi qu’on en dise pour défendre notre bonne vieille méritocratie républicaine, parce que les dons naturels sont infiniment plus importants dans les sports (et d’ailleurs, pour les mêmes raisons, aussi dans les arts) que le travail et les efforts laborieux. Dès la petite enfance, les dons du futur champion deviennent visibles. Plus tard, le jeune footballeur (ou tennisman, ou pianiste, ou violoniste…) ne fera plus que « s’exercer », c’est-à-dire actualiser les dons de nature, ce qui, comme le savaient les anciens, est le contraire du travail laborieux et pénible du malheureux qui, comme vous et moi, lutte contre une nature rétive à défaut de pouvoir faire passer à l’acte d’heureuses dispositions naturelles. C’est alors que la dimension aristocratique de la compétition apparaît au grand jour, car, dans tous les sports, un roi ou une reine apparaissent, une espèce de « génie » dans son genre qui domine tous les concurrents de son époque : Fangio en F1, Borg sur terre battue, Pelé au foot… Et quand d’aventure il n’est pas tout seul, quand il s’en trouve un ou deux autres (au tennis, McEnroe et Connors) pour lui faire concurrence, de toute façon, ces trois-là forment quand même une aristocratie hors concours par rapport à la masse des besogneux qui face à eux n’ont aucune chance. De là, l’étrange admiration qui s’empare de nous face à ces têtes qui dépassent. Pourquoi ce qui nous fait nous sentir moindres, inférieurs, ce qui à la limite pourrait nous écraser de sa supériorité, nous donne-t-il malgré tout un sentiment de joie ?

Pourquoi ne pas détester tout ce qui nous rappelle notre médiocrité, tout ce qui tend à nous rapetisser ? La réponse s’impose, elle aussi : l’admiration, par-delà notre infériorité, nous donne le sentiment de participer malgré tout au grandiose, ne fût-ce que par le spectacle qu’il nous offre, et cette participation suscite en nous une certaine forme d’enthousiasme, au sens étymologique du terme : en théos, être plongé dans le théos, dans le divin. Si l’on retient l’étymologie (sans doute fausse, mais malgré tout significative) selon laquelle le mot religion viendrait du latin religere, « relier », alors le football est bel et bien une religion et, pour tout dire, une religion qui, au lieu de diviser les fidèles en communautés qui ne cessent de s’affronter, traverse non seulement les classes sociales, mais aussi les frontières. On me dira que chaque nation défend son pays, que le nationalisme et même le chauvinisme sont omniprésents dans le foot. C’est vrai, mais ils n’en restent pas moins relativement paisibles et, quand l’équipe qui représentait sa nation est éliminée, on se tourne en général vers d’autres champions et d’autres équipes qu’on tente de faire siennes. Cette passion du sport qui sacralise et couronne d’humbles mortels est-elle raisonnable ? Si Victor Hugo, Bach, Pasteur ou Hegel revenaient dans ce monde, je crains bien qu’à côté de Zidane, Pelé ou Mbappé, ils passeraient pour des nains de jardin, et d’ailleurs pour d’illustres inconnus aux yeux des foules. Quitte à passer pour un membre de l’élite prétentieuse, je dois avouer, même si je sens bien que c’est navrant, que ma grille de lecture de la hiérarchie des êtres et des valeurs est rigoureusement inverse.

Travailler plus longtemps pour combler le déficit de production

L

e pouvoir d’achat est-il vraiment la première préoccupation de nos compatriotes comme on le répète à satiété depuis un an et demi ? On peut en douter à écouter les opposants à la réforme : « Retraites : nous ne voulons pas passer notre vie à la gagner », lit-on aujourd’hui, placardé en grosses lettres blanches sur les murs des villes, à Bordeaux notamment. Nous sommes aux antipodes du slogan de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2007, « travailler plus pour gagner plus », une formule qui visait à remettre en cause indirectement les 35 heures et qui s’est traduite par une détaxation et par l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Sans ignorer la question de la pénibilité de certains métiers : est-il possible de faire comprendre au Français que l’amélioration de leurs ressources passe nécessairement par le travail ? Les débats, particulièrement intenses, souffrent de deux gros malentendus. D’une part sur le fonctionnement réel du système de retraite par répartition, dont Élisabeth Borne, la première ministre, pense que la survie est en jeu. Et d’autre part sur la finalité de la réforme : contrairement à ce qui est mis en avant, il ne s’agit pas tant de renflouer les caisses de retraite que de combler un déficit de production abyssal. Le juge de paix à cet égard est le déficit commercial qui aura pulvérisé tous ses records en 2022, dépassant 160 milliards d’euros. Un chiffre très supérieur au déficit public et dont les conséquences sur notre prospérité sont bien plus graves. La polémique sur les déséquilibres d’une quinzaine de milliards d’euros, tels

de redistribution solidaire, autrement dit l’impôt. Les contribuables sont tous partie prenante, quelles que soient leurs ressources (salaires, pensions ou revenus du capital). Le deuxième malentendu porte sur la finalité de l’allongement des durées de cotisation et du report à 64 ans de l’âge légal. Certes il s’agit à première vue de rééquilibrer les caisses de retraite proprement dites. Mais, dans la mesure où l’État finance déjà 41 % du fardeau, la distinction entre financement public et cotisations reste théorique, quoi qu’en dise Olivier Marleix, le président du groupe LR Contrairement à ce qui est mis à l’Assemblée en avant, il ne s’agit pas tant nationale. De même, le souci de rééquilibrer de renflouer les caisses de retraite comptes sociaux que de combler un déficit de production les n’est qu’un objectif abyssal. Le juge de paix à cet égard est « intermédiaire » : le déficit commercial qui aura pulvérisé si les Français doivent travailler plus, en tous ses records en 2022, dépassant dernier ressort, le but est d’augmenter 160 milliards d’euros la production et de pallier les pénuries de toutes sortes, en régimes confondus, y compris Agircparticulier les files d’attente de plusieurs Arrco -, 143 milliards d’euros, soit 41 % mois pour obtenir des papiers d’identité ! du total, émanent de l’État et des autres Ce surcroît d’activité permettra alors acteurs publics. François Bayrou, d’élargir les recettes fiscales et sociales, le haut-commissaire au Plan, en donne et, ce qui compte plus que tout, le détail dans une note spéciale de développer le « made in France » (« Retraites : une base objective pour et de réduire notre dépendance aux le débat public ») : de l’exonération de importations. Tel est le cercle vertueux cotisations sur les bas salaires et en faveur des chômeurs, aux fameux régimes qu’il convient d’enclencher. Dans ses spéciaux, en passant par les subventions vœux de la Saint-Sylvestre, Emmanuel aux départs anticipés, ou les aides Macron n’a rien dit d’autre quand aux mères de famille, toute la société il a prononcé à dix-sept reprises le mot française bénéficie de cette manne. « travail ». Les deux cinquièmes des retraites sont Ces réalités sont assez simples pour être donc financés par des mécanismes comprises de tous. Ce qui ne veut pas dire que les calcule le COR, le Conseil d’orientation des retraites, est à côté de la plaque. Cet affichage occulte les véritables circuits de financement et l’importance du rôle de l’État. Rappelons que le système par répartition se fonde sur une double solidarité. Tout d’abord entre les générations : les cotisations de la population active d’aujourd’hui financent les actuels retraités. Or les cotisations des salariés du public et du privé ne contribuent que pour une faible majorité au financement : sur les 346 milliards d’euros de recettes totales selon les chiffres du COR – tous

«

»

qu’elles soient incontestées. Bien au contraire. On connaît la formule de Friedrich Nietzsche : « Il n’y a pas de faits, il n’y a que des interprétations » datant de 1887. Le philosophe allemand estimait qu’une même chose peut avoir de multiples sens et se voir de plusieurs points de vue, ce qu’on appelle le « perspectivisme ». Tel est semble-t-il l’état d’esprit des Français, qui considèrent possible de « s’enrichir en se reposant », pour parodier une expression célèbre de François Mitterrand en 1990.

Les rencontres du Figaro François Sureau : la littérature d’abord ! le vendredi 3 février à 20 h, Salle Gaveau. Tarif : 25 €. Réservations : 01 70 37 18 18 ou www. lefigaro.fr/ rencontres.

Ce soir à 20h sur le site du Figaro, présenté par Eugénie Bastié

SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy Jacques-Olivier Martin (directeur Directeur artistique (société éditrice) Pierre Bayle 9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 93290 Tremblay-en-France Alexis Brézet de la rédaction du Figaro.fr), Midi Print, 30600 Gallargues-le-Montueux Rédacteur en chef 14, boulevard Haussmann Tél. : 01Directeur 56 52 20 00 Dassault Médias SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Étienne de Montety Directeur(Figaro des rédactions FIGAROMEDIAS ISSN 0182-5852Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy artistique Philippe Gélie (International), Frédéric Picard (Web) 75009 Paris (actionnaire à plus de 95 %) (société éditrice) Fax : 01Pierre 56 52 23 07 Bayle 9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 93290 Tremblay-en-France Alexis Brézet Étienne de Montety Littéraire), n° 30600 0426Gallargues-le-Montueux C 83022 14, boulevard Haussmann Midi Print, 14, boulevard HaussmannBertrand de SaintDirecteur délégué Rédacteur en chef Tél. : 01 56 52 20 00Commission paritaire Directeurs adjoints de la rédaction (Figaro Littéraire), 75009 Paris ISSNLundi 0182-5852 75009 ParisVincent (Culture, Télévision), Frédéric Picard (Web) au vendredi de 7 h à 18h ; Fax : 01 56 52 23 07Pour vous abonner du pôle news Directeurs adjoints de la rédaction Président n° 0426 83022 Bertrand de Saint-VincentPrésident-directeur Gaëtan de Capèle (Économie), Président-directeur général Directeur délégué général sam. de 8 h à 13 hCommission au 01 70 paritaire 37 31 70. FaxC: 01 55 56 70 11 . (Enquêtes, de Capèle (Économie),Bertrand Pour vous abonner Lundi au vendredi de 7 h à 18h ; GiéFigaroscope, Télévision), Charles Edelstenne du pôle news (Culture, Président Yves ThréardGaëtan espace www.lefigaro.fr/client Charles Edelstenne Aurore Domont Président-directeurGérez généralvotre abonnement, Laurence de Charette sam. de 8 h à 13 h au 01Client 70 37 :31 70. Fax : 01 55 56 70 11 . Laurence deSports, Charette (directeur Bertrand Gié Administrateurs Yves Thréard (Enquêtes, Éditeurs Charles Edelstenne Opérations spéciales, Gérez votrepour abonnement, Client : www.lefigaro.fr/client 1 an - espace France métropolitaine Aurore Domont Formules d’abonnement Direction, administration, rédaction (pôleThierry audiovisuel), Anne-Sophie de la rédaction du Figaro.fr), Éditeurs Dassault, Olivier Formules d’abonnement pour 1 an - France Opérations spéciales, Sports, Direction, administration, rédaction Robert Mergui Club : 509 €. Semaine : 385 €. Week-end : 329 €. métropolitaine Sciences), Vincent Trémolet de Beauregard, Benoît 14, boulevard Haussmann 14, boulevard Haussmann Club : 469 €. Semaine : 329 €. Week-end premium : 270 €. Robert Mergui Anne-Sophie von Claer Directeur général, Sciences), von Costa Claer (Style, Art de vivre, F), Directeur général, Anne Pican Anne Pican Habert, Bernard Monassier, (Style, Art de vivre, F), de Villers (Politique, Société, Imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement. 75438 Paris Cedex 09 75438 Paris Cedex 09 Vincent Trémolet de Villers directeur de la publication directeur de la publication Philippe Rudi Roussillon Gélie (International), Origine du papier : Allemagne. Taux de fibres recyclées : 100%. Ce journal Anne Huet-Wuillème (Édition, de forêts durablement. Tél. : 01 57 08 50 00Imprimé sur papier issu (Politique, Société, Débats Opinions) Marc Feuillée est imprimé sur ungérées papier UPM porteur de l’Ecolabel européen sous Tél. : 01 57 08 50 00 Débats Opinions) Marc Feuillée Origine du papier : Allemagne. Taux de fibres recyclées : 100%. Cedejournal Anne Huet-Wuillème (Édition, Photo, Révision), le numéro FI/011/001. Eutrophisation : Ptot 0.002 kg/tonne papier. [email protected] [email protected] est imprimé sur un papier UPM porteur de l’Ecolabel européen sous Photo, Révision, DA), FR

“Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur” Beaumarchais

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

le numéro FI/011/001. Eutrophisation : Ptot 0.002 kg/tonne de papier.

Demain

fabien clairefond

Luc Ferry

Ce journal se compose de : Édition nationale 1er cahier 16 pages Cahier 2 Économie 6 pages Cahier 3 Le Figaro et vous 10 pages

A

chronique

15

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

16

[email protected]

L

e général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre, préside le jury du prix Erwan-Bergot, qui récompense une œuvre littéraire célébrant un ­exemple d’engagement au service de la France. Cette année, la lauréate est Marie-Laure Buisson pour Femmes combattantes ­ (Presses de la Cité).

LE FIGARO. - Les écrivains, la littérature, sont-ils de bons porte-parole pour les armées ? Général SCHILL. - Il est difficile de répondre dans l’absolu. Certains écrivains amènent à réfléchir sur le sens de l’engagement militaire. Mais être un porteparole signifierait porter une pensée militaire qui existerait de manière formalisée, je ne pense pas que ce soit une réalité. La singularité de militaire réside dans le fait d’être prêt à donner la mort au prix de ­risquer sa propre vie. Les écrivains proposent une ­réflexion sur la guerre et l’approche de la réalité des combats : le courage, l’héroïsme, l’honneur et la ­fraternité d’armes, mais aussi la peur, la souffrance, l’horreur et parfois la folie. Ce sont des combattants qui deviennent écrivains ou des écrivains qui sont envoyés à la guerre ? Les deux. Ce sont avant tout des hommes ou des femmes qui ont le goût de l’écriture et qui s’appuient sur leur expérience de soldat. Un exemple récent est celui de Jean Michelin, l’auteur du roman Ceux qui restent. Cet officier écrit-il parce qu’il est militaire ? Ou est-ce un officier qui a toujours écrit et qui, au contact de la guerre, en fait sa matière ? Être déployé en opération extérieure ne signifie pas être occupé en permanence. Il y a des temps libres, j’en ai été le témoin, propices à l’écriture. Pendant la Première Guerre mondiale, de nombreux artistes et écrivains ont combattu sur le front. Des écrivains sont devenus combattants. Certains ont partagé leur expérience. Cet automne, ­Nicolas Diat m’a sollicité pour rédiger la postface du ­livre Les Écrivains sous les drapeaux : des auteurs ont plongé dans l’univers des régiments et mesuré l’enga-

Général Schill :

« J’encourage les militaires à écrire » gement de nos soldats. La guerre invite à écrire pour mettre en perspective et donner du sens. Corps et âme, le livre lauréat du prix Erwan-Bergot en 2021, l’illustre aussi. Nicolas Zeller, médecin militaire, a manifes­tement mûri son livre pendant plusieurs années. Encouragez-vous vos subordonnés à écrire ? Oui, très clairement. J’encourage à écrire. Notre métier repose intrinsèquement sur l’écrit et l’expression. Une des premières pratiques militaires à apprendre est de donner des ordres et de les comprendre car le succès en dépend, et même la vie. Les mots ont un sens précis. Dans notre approche française, l’intention du chef et le sens de la mission occupent une ­place encore plus centrale que la lettre de la mission. Notre style de commandement est fondé sur les principes de responsabilité, de subsidiarité. Avant l’exécution, l’intention doit donc être ramassée et définie

clairement. Mais votre question porte davantage sur l’expression d’une prise de recul, d’un témoignage. Notre métier nous appelle à être témoins et acteurs de situations hors du commun. L’écriture est un moyen de rappeler la portée d’une lourde responsabilité, ­celle de demander à des soldats de prendre des risques, d’agir en situation de crise, d’en faire évoluer l’état et parfois d’accepter l’incapacité à y parvenir. Il faut écrire pour témoigner, pour poser un jalon ­destiné à ceux qui prendront la relève. C’est aussi une prise de risque pour l’institution, car écrire permet de remettre en question… La remise en question est constructive. Ce que l’on nomme « le retour d’expérience » participe à l’efficacité de notre organisation. Il est fondamental pour les armées. Souvent factuel, il peut s’avérer plus profond, et porter sur les ressorts psychologiques, sur l’expé-

SOLDES D’HIVER

50% de réduction

sur une large sélection de produits culturels

« ilAuy acombat, une forme

de saut dans l’inconnu avant l’action que les mots ne peuvent traduire complètement. Les livres fournissent quelques clés de compréhension mais la lecture ne garantit pas qu’on sera capable d’apporter la bonne réponse, de maîtriser sa peur et d’avoir le courage nécessaire

»

Livres - Magazines - Accessoires www.lefigaro.fr/soldes

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:03:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

Du 11 janvier au 7 février inclus

« Notre métier repose intrinsèquement sur l’écrit et l’expression. Une des premières pratiques militaires à apprendre est de donner des ordres et de les comprendre car le succès en dépend, et même la vie. Les mots ont un sens précis. »

rience individuelle des soldats. Quand on les invite à réfléchir sur ce qu’ils ont vécu, il faut accepter une forme de critique. Elle peut s’exprimer d’homme à homme, dans le dialogue de commandement, ou ­publiquement. À une limite près : les militaires ont un devoir de réserve, de s’exprimer avec retenue, ­discernement et recul pour ne pas porter atteinte à la cohésion interne. Ces dernières années, le nombre de soldats ayant pris la plume pour s’exprimer dans des domaines variés – stratégie, histoire, récits de combat – est en augmentation. Je m’en réjouis. Maurice Genevoix a été panthéonisé il y a quatre ans. Son récit de la guerre est marqué par la violence des bombardements. Aujourd’hui, les écrits sont parfois plus introspectifs. Les livres sur les guerres décrivent-ils tous une même réalité ? Fondamentalement, c’est la même réalité, même si le côté paroxystique des situations vécues et racontées est probablement différent. L’armée de terre a constamment été au combat. De nos jours, elle paye encore le prix du sang. Il y a toujours des situations de haute intensité où des unités risquent de lourdes pertes. À propos de l’Afghanistan, le colonel Vincent ­Lazerges en parle par exemple dans Mercredi noir à Mobayan. La description des affrontements sous le feu au milieu de la zone verte montre l’enfermement du combat : lutter jusqu’à l’extrême limite pour s’en sortir face à un ennemi qui cherche votre mort et que vous cherchez à abattre. Maurice Genevoix rapporte la souffrance, la dureté de la vie quotidienne des poilus, les pieds dans la boue, dans le froid ; une épreuve qui a duré des mois et des mois, qui a marqué des générations entières. Ce sont des situations à la frontière du soutenable et de la folie. Peut-être que des soldats ukrainiens ou russes, en surveillance, dans ce qui rappelle les tranchées de la Grande Guerre, par - 20° C, après avoir été trempés par la raspoutitsa, nous ­livreront des récits de situations similaires. La lecture ou l’écriture permettent-elles d’apprendre à dompter la guerre ? Clairement non. La guerre comporte une part de technique, que l’on peut apprendre, mais elle est fondamentalement humaine. La lecture, la réflexion ou l’entraînement ne permettent jamais de s’y préparer totalement. Nul ne sait quelle sera sa réaction tant qu’il n’a pas vécu l’épreuve du feu. Au combat, il y a une forme de saut dans l’inconnu avant l’action que les mots ne peuvent traduire complètement. Les livres fournissent quelques clés de compréhension mais la lecture ne garantit pas qu’on sera capable d’apporter la bonne réponse, de maîtriser sa peur et d’avoir le courage nécessaire. En tant que chef militaire, j’ai été marqué par la lecture de L’Étrange défaite de Marc Bloch. Le livre, toujours d’actualité, interroge sur la capacité à prendre les bonnes décisions face à ­l’ampleur des responsabilités qu’elles emportent. Dans Les Écrivains sous les drapeaux, vous soulignez la « distance » qui s’est accrue entre les civils et les armées. Qu’est-ce qui s’est perdu ? Il y a une distance qui s’est logiquement installée entre nos concitoyens et la guerre. Nous avons la chance d’être une société en paix. Quelle est la dernière génération qui a connu la guerre ? Probablement celle qui avait 20 ans en 1960. Néanmoins, la guerre demeure une réalité à travers le monde. Notre pays doit se ­préparer à se protéger. Il est bon que nous fassions mémoire de ce qui a été et de ce qui a forgé notre pays. Dans son livre Femmes combattantes, Marie-Laure Buisson, lauréate 2022 du prix Erwan-Bergot, retrace le parcours de femmes héroïques. Certaines sont connues, d’autres étaient tombées dans l’oubli. L’écriture permet le travail de mémoire. La lecture d’ouvrages sur la guerre ou de récits d’hommes et de femmes face au combat par une génération qui a la chance de ne pas les connaître est un vecteur de ­l’esprit de défense – ou de résilience – qui doit rester celui de notre nation. ■

Sébastien SORIANO/Le Figaro

Nicolas Barotte

RENCONTRE

Président du jury du prix Erwan-Bergot, le chef d’état-major de l’armée de terre évoque les relations entre armée et littérature.

jeudi 19 janvier 2023 le figaro - N° 24 389 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

> focus

lefigaro.fr/economie

INFLUENCEURS

Les stations amorcent leur mue

LES AGENCES SE STRUCTURENT POUR SE DÉFENDRE Page 22

kenzo, Rossand Helen, Photo Gallery/stock.adobe.com ; Vincent Isore/IP3/MaxPPP

Page 20

La grande déprime de l’automobile européenne

Les ventes de voitures ont encore reculé en 2022 en Europe, retombant sous leur niveau de 1993. La reprise s’annonce très lente. PAGE 18

Microsoft va supprimer 10 000 postes Après Meta et Amazon, c’est au tour de Microsoft d’annoncer une coupe conséquente dans ses effectifs. Le groupe informatique entend licencier d’ici à fin mars, 10 000 salariés, soit environ 5 % de ses effectifs mondiaux. Il va également réduire sa surface de bureaux et faire des ajustements dans sa gamme d’appareils électroniques, sans préciser lesquels seront touchés. « Ce sont des choix difficiles que nous avons faits tout au long de nos quarante-sept ans d’existence

le PLUS du FIGARO éco Fiscalité Bercy veut s’attaquer aux niches « brunes »

page 19

LA SÉANCE DU MERCREDI 18 JANVIER 2023

CAC 40 7083,39 +0,09% DOW JONES 33296,96 -1,81% ONCE D’OR 1911,55 (1913,61) PÉTROLE (lond) 86,940 (86,660) EUROSTOXX 50 4173,96 -0,01% FOOTSIE 7830,70 -0,26% NASDAQ 11410,29 -1,27%

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

NIKKEI 26791,12 +2,50%

pour rester une entreprise de poids dans un secteur qui ne pardonne pas à ceux qui ne s’adaptent pas aux changements », plaide son PDG, ­Satya Nadella. Microsoft justifie ces licenciements par le contexte macroéconomique qui pousse ses clients professionnels à être plus regardants sur leurs dépenses, notamment en cloud. « Ils veulent faire plus avec moins », résume le PDG. Dans le même temps, « la prochaine grande vague de l’informatique est en train de naî-

tre avec les progrès de l’IA », et Microsoft ne doit pas passer à côté, plaide Satya Nadella. Selon la presse américaine, le groupe s’apprête à investir 10 milliards de dollars dans OpenAI, l’entreprise à l’origine des intelligences artificielles génératives Dall-E et ChatGPT. Ces dernières viennent d’intégrer les outils du groupe informatique. Il attend aussi un feu vert des autorités antitrust pour acquérir l’éditeur de jeux vidéo Activision Blizzard pour 69 milliards de dollars.

« Nous allouons nos capitaux aux relais de compétitivité de long terme, tout en désinvestissant dans d’autres domaines », poursuit le dirigeant. Ces annonces interviennent à une semaine de la publication des résultats trimestriels de Microsoft. Sa croissance devrait être inférieure à 3 % selon les analystes, un taux très bas pour le groupe. Plus de 150 000 emplois ont été supprimés l’an passé dans les entreprises américaines de la tech.

l'histoire

Aux États-Unis, le Wyoming s’oppose aux véhicules électriques

C’

est pour le moins un paradoxe. Au moment où l’Union européenne s’efforce de trouver une parade au méga-plan de Joe Biden, qui veut relancer et verdir son économie grâce aux véhicules électriques, l’opposition au plan du président américain émerge du… Wyoming. Des élus républicains de cet État de l’ouest des États-Unis veulent bannir la voiture électrique, qui nuit au secteur des hydrocarbures, devenu le moteur de l’économie dans cet ex-paradis des cow-boys. Des sénateurs du Wyoming ont déposé une proposition de loi pour interdire la vente de véhicules électriques d’ici à 2035 afin de protéger les industries pétrolière et gazière locales. Ce projet, présenté vendredi à l’Assemblée législative de l’État,

soutient que les véhicules électriques entraveront la capacité du Wyoming à commercer avec d’autres États. Les « vastes étendues d’autoroutes » et le « manque d’infrastructures de chargement des véhicules électriques » rendent « leur utilisation généralisée impraticable pour l’État ». « La prolifération de véhicules électriques nuira à l’économie du Wyoming », alors que l’industrie pétrolière y a créé des milliers d’emplois, justifie le document. Sans compter que l’État pourrait être contraint de mettre en place des pratiques coûteuses de recyclage des minerais contenus dans les batteries électriques. Le projet de loi du Wyoming ne s’oppose pas seulement au plan climat de Joe Biden. Il va aussi à l’encontre des dispositions d’États comme la Californie, qui entendent, eux, faire disparaître les véhicules à essence. ■ Armelle Bohineust

Les ministres de Bercy, Bruno Le Maire et Gabriel Attal, ont beau répéter que la France est sortie du « quoi qu’il en coûte », dégainé pour faire face à la crise sanitaire de 2020, les budgétaires restent plus que sceptiques. « L’année 2022 n’a pas été l’année de sortie du “quoi qu’il en coûte” », a déploré Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, lors de la présentation de ses vœux à la presse, mercredi. Avec encore plus d’insistance qu’auparavant, l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande a ainsi exhorté l’exécutif à s’attaquer sérieusement au redressement des comptes publics. Et pour cause : « préoccupé » par la situation des finances du pays avec une dette publique qui dépasse toujours les 110 % du PIB, le président a rappelé que les perspectives pour 2023 étaient encore « plus dégradées » qu’en 2022, dans un contexte dangereux de hausse des taux d’intérêt sur les marchés financiers. « Depuis la rentrée de janvier, j’observe un changement de ton. Maintenant, il faut clairement passer à l’action », a lancé Pierre Moscovici. Lors de la présentation de ses vœux aux acteurs économiques, au début du mois de janvier, Bruno Le Maire a en effet annoncé le lancement d’une « revue » des dépenses de l’État, des collectivités locales et de la « sphère sociale », en vue de présenter des économies concrètes en juin - qui seront intégrées dans le prochain projet de loi de finances (PLF) pour 2024. « La revue des dépenses publiques est indispensable, mais il ne faut pas faire comme nous avons fait dans le passé », a averti le président de la Cour. Et de citer l’absence de succès de plusieurs grands plans de réformes des politiques publiques comme la « RGPP » lancée sous Nicolas Sarkozy ou encore le « CAP22 » initié durant le premier mandat d’Emmanuel Macron. « Il faut une méthode, un calendrier, des objectifs explicites », a insisté Pierre Moscovici. Sans oublier de citer une « volonté politique forte ». M. M.

chloé woitier

Bruxelles enquête sur le soutien de la France à Fret SNCF La Commission européenne a annoncé mercredi avoir ouvert une enquête approfondie sur le soutien financier dont a bénéficié Fret SNCF durant la période 2007-2019. Sans préjuger de la suite qui sera donnée à ses investigations, l’exécutif de l’UE souligne que cette ancienne filiale à 100 % de la SNCF, devenue société privée au 1er janvier 2020, « a été constamment déficitaire » durant la période 2007-2019, sauf en 2021. Il redoute que les mesures de soutien dont a bénéficié Fret SNCF « ne soient pas conformes aux règles de l’UE en matière d’aides d’État ». Ces aides massives ont été financées par le groupe SNCF, lui-même détenu à 100 % par l’État. Dans son communiqué, la Commission précise qu’elle va se pencher sur les 4 milliards à 4,3 milliards d’euros consentis à Fret SNCF sous forme d’avance de trésorerie.

Elle examinera aussi l’annulation de 5,3 milliards d’euros de dette - y compris les avances de trésorerie ainsi que l’apport en capital de 170 millions d’euros octroyé lors de la transformation de cette filiale de la SNCF en société commerciale ­privée. L’ouverture de cette enquête approfondie va également permettre à la France et aux parties tierces - notamment Fret SNCF - de transmettre des éléments à Bruxelles. « Le gouvernement aborde la procédure de la Commission européenne sur les conditions de financement du Fret SNCF avec confiance, au vu des réformes et efforts engagés. Nous sommes plus que jamais déterminés à garantir et à développer la place du fret ferroviaire en France », a réagi le ministre des Transports, Clément Beaune, en soulignant le rôle clé du fret face à l’urgence A. R. climatique.

C

Thermalisme

La Cour des comptes exhorte l’État à faire des économies

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

l'événement

Le marché automobile durablement déprimé en Europe Les ventes de véhicules neufs ont fait un bond en arrière de trente ans. Les experts ne voient pas de retour au niveau de 2019 avant plusieurs années. Ces facteurs négatifs se cumulent au point que beaucoup se demandent si le niveau des ventes retrouvera un jour, sur le Vieux Continent, celui des années fastes. Les cabinets de conseil en stratégie ne prévoient pas d’amélioration significative ces prochaines années. En juin dernier, AlixPartners tablait sur une très légère croissance d’ici à 2026, mais pas sur un retour aux volumes de ventes de 2019. Outre-Rhin, l’analyse est tout aussi morose. Les professionnels du secteur prévoient une très légère reprise en 2023, a indiqué la fédération allemande des constructeurs (VDA). Les constructeurs allemands s’attendent à une hausse d’environ 2 % seulement des ventes de voitures.

valérie collet £@V_Collet

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

Le big bang déclenché par Stellantis chez ses revendeurs il y a presque deux ans continue à secouer l’univers de la distribution automobile. En mai 2021, les concessionnaires voyaient déjà les ventes de voitures plonger après la crise du Covid et celle, consécutive, des approvisionnements (en semi-conducteurs notamment). C’est à cette date que le groupe aux quatorze étoiles a annoncé qu’il résiliait tous les contrats commerciaux conclus avec les revendeurs des marques en Europe (Peugeot, Citroën, DS Automobiles, Fiat, Jeep, Opel, Alfa Romeo, Abarth…). La stupeur fut totale. En France, des centaines d’entreprises et des milliers de points de vente et de salariés, étaient concernés par cette réorganisation. Dans le sillage de Stellantis, d’autres constructeurs se sont positionnés depuis, soit pour répliquer le modèle choisi par le groupe de Carlos Tavares - c’est le cas de Volkswagen, Mercedes, BMW -, soit pour aménager les contrats actuels comme Renault, Toyota, Nissan, Hyundai et Kia. En clair, Stellantis demande aux concessionnaires privés (c’est-àdire autres que les revendeurs possédés par Stellantis) de devenir des « agents commissionnaires ». Un vocabulaire technique qui traduit une révolution. Actuellement, les concessionnaires - qui font généralement partie de groupes, le marché s’étant concentré - achètent les voitures neuves au constructeur. Cela permet à l’industriel de faire financer par des tiers une partie de son stock. En contrepartie, le concessionnaire fixe le prix de vente. Il choisit aussi le montant des remises sur les modèles. Dans la réalité, les tarifs sont dépendants des « moyens commerciaux », ces rabais sur le prix-catalogue autorisés par les marques et remboursées au vendeur par la suite. Avec le statut d’agent commissionnaire, le stock sera détenu par le constructeur et non plus par le distributeur. Celui-ci sera rémunéré par un système de commission selon les services rendus (conseil, essai des véhicules…) ; le prix fixe sera défini par le constructeur. Ce dernier devrait verser un loyer au commissionnaire et prendre en

Succès de Dacia Globalement, tous les constructeurs ou presque ont vu leurs ventes plonger en 2022 en Europe. Le groupe Volkswagen, numéro deux mondial, enregistre une baisse de 5,2 % avec 2,3 millions de véhicules écoulés. Sa part de marché (25,1 %) reste stable. Le groupe allemand a privilégié ses marques premium Audi et Porsche, dont les marges sont plus élevées, au détriment des généralistes comme Skoda et Seat. Au deuxième semestre, ces ventes

Le marché automobile européen recule pour la 3e année consécutive VENTE ANNUELLE DE VOITURES PARTICULIÈRES DANS... ... l’Union européenne (UE)

... l’UE à 15 sans le Royaume-Uni (à périmètre constant de 14 pays entre 1993 et 2022) UE à 15

15 000 000

UE à 25*

UE à 27*

UE à 28*

UE à 27*

post-Brexit

10 932 229 9 255 930

10 000 000 9 153 803

8 130 984 5 000 000 Source : Acea

1993

1995

2000

2004 2005 2007

2010

* sans Chypre de 2003 à 2021

2013

2015

2020 2022 Infographie

Stellantis demande aux concessionnaires privés (ici à Auch, dans le Gers) de devenir des « agents commissionnaires ».

Baisser de 40 % les coûts Cependant, le vrai motif est plutôt d’ordre financier. Les dirigeants de Stellantis, Carlos Tavares en tête, sont réputés pour tailler dans les moindres coûts pour faire croître la marge (14,1 % au premier semestre 2022). Après avoir économisé dans



Stellantis : - 14,1 %

1,823 million de véhicules vendus en 2022 ■

Volkswagen : - 5,2 %

2,321 millions de véhicules vendus en 2022 ■

Renault : - 4,3 %

984 558 de véhicules vendus en 2022 ■

BMW : - 5,1 %

624 940 véhicules vendus en 2022 ■

Mercedes : + 0,01 %

549 023 véhicules vendus en 2022

1points 200 de vente

des marques du groupe Stellantis en France avant la réorganisation

900 points

de vente

des marques Stellantis en France après la réorganisation

Points de friction

Stellantis restructure à la hache son réseau de concessionnaires charge la formation des vendeurs. Pourquoi avoir lancé un tel coup de pied dans la distribution, quelques mois seulement après le mariage de PSA et Fiat Chrysler ? Stellantis a justifié la nécessité de transformer son modèle de distribution par plusieurs raisons, et d’abord par l’évolution de la réglementation européenne. Le secteur de l’automobile et sa distribution bénéficient depuis 2010 d’un régime d’exemption qui leur permet d’échapper aux interdictions concernant les accords verticaux entre un fournisseur et un distributeur. Le nouveau règlement européen, qui doit entrer en vigueur en juin 2023, supprime ce régime d’exemption. Ce qui oblige les constructeurs à s’adapter.

Évolution du nombre de véhicules vendus

patron de Stellantis France. Les investisseurs ont associé leurs avocats aux dernières négociations. »

SéBASTIEN LAPEYRERE/Hans Lucas via AFP

automobile L’Europe de l’automobile est toujours en convalescence. En 2022, le marché européen des ventes de voitures neuves est retombé à son niveau de 1993, selon l’Association des constructeurs européens d’automobiles (Acea) qui compile les ventes de l’ensemble des constructeurs dans les vingtsept pays de l’Union. Malgré une légère amélioration des ventes depuis le mois d’août, le marché a reculé de 4,6 % sur l’année, avec 9,3 millions de véhicules neufs écoulés. En 2019, c’était 15,3 millions… Les ventes de véhicules neufs restent à un niveau très bas depuis 2020 et la crise sanitaire. Après le choc des confinements, d’autres crises se sont ajoutées : le manque de semi-conducteurs, les perturbations de la chaîne logistique, les pénuries de certains composants liées à la guerre en Ukraine, l’inflation des coûts. Pis, en Europe, la demande est encore plus en berne qu’en Amérique du Nord ou en Chine. La révolution technologique en cours dans l’automobile et les nouvelles réglementations (fin de la vente de voitures neuves thermiques en 2035) per­ turbent les clients européens. Ne sachant plus s’il faut acheter une ­ voiture électrique, hybride ou thermique, beaucoup renoncent. Les prix élevés des véhicules électrifiés sont aussi un repoussoir.

de modèles électriques comme la compacte ID.3 et le SUV ID.4 ont bondi. Volkswagen talonne ainsi Tesla pour les ventes électriques sur le continent. Stellantis accuse un plus fort recul (- 14,1 %), avec une part de marché en baisse à 19,7 %. Ses marques Jeep, Citroën et Fiat sont celles qui ac­cusent le plus fort ralentissement. Le groupe Renault résiste (- 4,3 %) ­grâce aux performances de Dacia, et garde une part de marché de 10,6 %. Le Losange présentait également mardi ses résultats commerciaux mondiaux. Il affiche un recul de 5,9 % en volume avec 2,051 millions de véhicules vendus dans le monde en 2022. Comme en Europe, Dacia affiche une belle croissance (+ 13,2 %), avec près de 570 000 ventes de voitures particulières. Le groupe coréen Hyundai-Kia, mieux protégé des pénuries grâce à sa proximité avec les fabricants de semi-conducteurs, affiche une belle année (+ 2,6 %) avec une part de marché en hausse à 9,2 % en Europe. Le japonais Toyota, numéro un mondial de l’automobile, bondit pour la deuxième année consécutive (+ 7,7 %) avec ses modèles hybrides comme la Yaris et la Corolla. Les constructeurs qui concentrent leurs ventes sur les véhicules à forte marge, souffrent peu de cette atonie du marché. Les concessionnaires, si. Et leur secteur est bouleversé par les changements des règles du jeu imposés par les fabricants. ■

« Ce chiffre serait encore inférieur d’un quart à celui de 2019, avant le déclenchement de la pandémie de ­Covid-19 », a souligné Manuel Kallweit, économiste à la VDA.

LES CONSTRUCTEURS PRESQUE TOUS EN BAISSE EN EUROPE

les achats, la production, la R&D…, le patron du groupe a demandé de réduire de 40 % les coûts de distribution du groupe d’ici à 2030. Le constructeur ne veut plus entendre parler de ces vendeurs trop bien payés, touchant jusqu’à 6 000 euros par mois… « C’était les meilleurs commerciaux. Ces rémunérations étaient justifiées », souligne pourtant un patron de concessions. Stellantis a procédé par étapes pour mener son coup de rabot. Dès 2021, dans la foulée de l’annonce du big bang, le groupe a décidé d’éliminer en Europe toutes les entreprises qui affichaient des performances de vente insuffisantes, ainsi que celles qui n’étaient pas prêtes à s’adapter aux nouvelles méthodes. Il les a listés. Stellantis les a toutefois gardés sous contrat pendant deux ans, le délai du préavis. Ensuite, il a lancé les négociations avec les têtes de pont des revendeurs représentant chacune des marques. « Nous arrivons dans les toutes dernières discussions, résume aujourd’hui Guillaume Couzy, le

Alors que Stellantis disposait de 1 200 points de vente avant le big bang en France, il devrait en compter 900 à l’issue de la réorganisation. Chacun déploiera en moyenne trois marques de Stellantis, soit plus qu’actuellement. Une première phase de test sera lancée en juillet en Belgique, aux Pays-Bas et en Autriche. En janvier 2024, le test s’étendra aux marques premium (Lancia, Alfa Romeo, DS) et aux utilitaires légers en Europe - et donc en France. Enfin en 2027, le système concernera tous les marchés. Au final, le groupe promet que ce nouveau statut sera « win, win, win », c’est-à-dire gagnant pour le constructeur, les distributeurs et les clients. Réseau plus petit et davantage mutualisé entre marques, développement des ventes en ligne, maîtrise plus directe des coûts : on voit bien le gain pour Stellantis. En revanche, l’expression n’emporte pas l’adhésion des concessionnaires. Si la majorité d’entre eux est prête à accompagner l’évolution, ils ne veulent pas accepter sans broncher les conditions qui leur sont proposées. Les points de friction sont nombreux, sur le niveau des commissions, les ventes en ligne à réaliser, les coûts des aménagements… Les revendeurs estiment que certaines marques, Citroën notamment, sont en perte de vitesse et que leur performance commerciale n’est donc pas en cause. « Il y a un problème de positionnement et d’attractivité de la gamme », pointe l’un d’eux à propos de la marque aux chevrons, citant a contrario la progression en Europe des ventes de Dacia (+13,8 % en 2022 en volume) ou même de Toyota (+7,7 %). Tous déplorent la méthode Stellantis, une mise sous pression brutale, pointée aussi par les fournisseurs. Plusieurs revendeurs qui distribuent toutes les grandes marques mondiales, citent en exemple le leader mondial Toyota. « Dans le contexte actuel, nous apprécions la logique de partenariat de ce constructeur, ajoute l’un d’eux. Il ne

Sébastien SORIANO/Le Figaro

18

Les revendeurs sont davantage une source de coût que de satisfaction

»

carlos tavares, patron de Stellantis, lors d’une table ronde avec le jury européen de la Voiture de l’année, fin 2021

cherche pas à rogner sur le moindre euro. » À l’inverse, les distributeurs ont en tête ce qui s’est passé lorsque Stellantis a rompu son contrat avec le prestataire de transport Gefco. Les ruptures de livraisons et les cafouillages liés au changement de système informatique ont perturbé leur activité. « Nous n’avons pas été dédommagés et surtout certains véhicules qui devaient être livrés à nos clients ont été perdus. Ils attendent toujours leur livraison… », raconte un concessionnaire. Normalement, les véhicules d’occasion et l’après-vente échapperont aux nouveaux contrats d’agents commissionnaires. Mais Stellantis met aussi la pression en ce domaine. Le groupe a créé sa marque, Spoticar, dédiée aux véhicules de seconde main, et incite les concessionnaires à passer par elle. Un climat de défiance s’est instauré entre les deux parties. ■ V. C.

le figaro

économie

jeudi 19 janvier 2023

19

Bercy tenté de s’attaquer aux niches fiscales « brunes » Pour attirer les usines « vertes » en France, le ministère cherche aussi à améliorer l’environnement fiscal. Manon Malhère £@ManonMalhere

fiscalité Sur le papier, l’idée est séduisante. Pour attirer les usines « vertes » en France, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, veut « créer un environnement fiscal plus attractif » dans le cadre du projet de loi industrie verte qui devrait être présenté d’ici l’été. Et, pour éviter d’enfoncer un peu plus les comptes de l’État dans le rouge vif, une option à l’étude consisterait à compenser ces nouvelles dépenses dites « vertes » en s’attaquant aux niches fiscales « brunes » (ou « grises ») jugées, elles, défavorables à l’environnement et très critiquées par les économistes à l’heure où la lutte contre le changement climatique est une priorité. Ces « niches brunes » comprennent notamment divers avantages

fiscaux sur les énergies fossiles comme, par exemple, la réduction de taxes pour les essences commercialisées en Corse. Ou encore l’application d’un taux réduit pour « les carburants utilisés par les taxis » et pour « les gazoles utilisés comme carburant par les véhicules routiers de transport de marchandises d’au moins 7,5 tonnes ». « Dans l’industrie verte, il y a verdissement et ça pose effectivement la question des dépenses fis­cales brunes », se borne à indiquer Bercy. Et puis la suppression de ces niches constituerait au total une manne financière non négligeable pour l’État, évalué autour de 7 milliards d’euros par an. Il reste qu’en pratique une suppression de ces avantages s’annonce politiquement très difficile à mener. Déjà, quelles soient « brunes » ou « vertes », les exécutifs

qui ont cherché à s’attaquer aux niches depuis des décennies n’y sont guère parvenus, leurs bénéficiaires n’hésitant pas à les défendre vigoureusement. « Dans chaque niche fiscale, il y a un chien qui aboie », indiquait à juste titre l’exprésident de la commission des ­finances de l’Assemblée nationale et député LR Gilles Carrez.

Les « niches brunes » comprennent divers avantages fiscaux sur les énergies fossiles comme, par exemple, la réduction de taxes pour les essences commercialisées en Corse. PASCAL

Par ailleurs, « certaines de ces “niches brunes” sont très dispersées », poursuit le député. Ces avantages fiscaux sont en effet nombreux et, pris individuellement, coûtent finalement quelques millions ou centaines de millions d’euros à l’État. Peu pèsent plus de 1 milliard. Bref, à moins de supprimer toutes ces « niches brunes », ce qui impliquerait de se mettre à dos bon nombre de professions et d’autres catégories de bénéficiaires, le gain financier risque d’être limité. Pour Mathieu Lefèvre, « les dépenses fiscales neutres » - qui ­ n’ont aucun impact sur l’environnement - ou les « niches mixtes » qui ont des aspects défavorables à la transition écologique et d’autres favorables - devraient également être passées au crible. Le député n’exclut pas non plus

POCHARD-CASABIANCA/AFP

Secteur de l’énergie Aussi, dans le contexte actuel de flambée des prix, « supprimer ces “niches brunes” est d’autant plus difficile que beaucoup sont liées au secteur de l’énergie », explique le député Renaissance Mathieu ­Lefèvre - qui fut d’ailleurs le collaborateur parlementaire de Gilles Carrez -, chargé du groupe de travail dédié à cette question fiscale dans le cadre des réflexions sur le plan industrie verte.

l’examen « des dépenses budgétaires “brunes” ». Voilà pour les économies. Reste ensuite à déterminer les mesures vertes pour favoriser l’implan­ tation d’industries décarbonées. « L’option des incitations fiscales ou subventions publiques peut se heurter aux règles européennes en matière d’aides d’État. Le sujet reste donc complexe et nécessitera de modifier les règles européennes », avertit Frédéric Teper, avocat associé au cabinet Arsene. L’assouplissement du régime communautaire d’aides d’État est justement examiné par la Commission européenne dans le cadre de son plan de riposte face aux Américains. Entrée en vigueur le 1er janvier, l’Inflation Reduction Act (IRA) prévoit en effet près de 370 milliards de dollars de subventions vertes aux industriels locaux. ■

L’impôt minimum mondial à 15 % plus lucratif que prévu La réforme sur la taxation des multinationales rapporterait 220 milliards de dollars par an, selon l’OCDE. Florentin Collomp £@fcollomp

9%

des recettes

de l’impôt sur les sociétés dans le monde proviendront de ce nouveau seuil

Fiscalité La mise en place de la réforme créant un impôt minimum sur les profits des multinationales est un long chemin pavé d’embûches. Adoptée par un accord signé en grande pompe sous l’égide de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) en octobre 2021 par 136 pays, endossée par le G20, elle n’est pas entrée en vigueur au début de cette année, comme espéré à l’époque. On parle maintenant de début 2024. Peut-être afin d’encourager les pays à s’y rallier, l’OCDE vient ­de publier une étude approfondie sur les recettes fiscales attendues. Et celles-ci seraient supérieures aux estimations précédentes. Selon

de nouveaux calculs très savants des économistes de l’organisation ­internationale, l’impôt à 15 % (pilier 2 de la réforme), rapporterait 220 milliards de dollars (203 milliards d’euros) en moyenne par an, plutôt que les 150 milliards attendus précédemment. Cela représente 9 % des recettes mondiales de l’impôt sur les sociétés. Cette révision à la hausse est due à une redéfinition de la base de calcul, qui s’explique par une envolée des profits des multinationales concernées (celles qui réalisent plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires). Entre 2016 et 2021, la base de ces profits « résiduels » est passée de 363 milliards à 790 milliards de dollars. Il s’agit en grande majorité d’entreprises du numérique et de l’électronique, mais aussi la chimie, la pharmacie,

l’alimentaire, les boissons et le tabac. En conséquence, note ­ l’OCDE, « les droits sur les profits taxés se réallouent depuis les régions à faible taxation vers celles avec des taux d’imposition plus élevés ». Par ailleurs, la réforme profiterait davantage aux pays à faible ou bas revenus en proportion de l’impôt ainsi redistribué. L’objectif de lutter contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale semblerait donc fonctionner.

en œuvre, ce mécanisme permettrait d’espérer des gains de recettes fiscales compris entre 13 et 36 milliards de dollars (12 à 33 milliards d’euros) par an. « L’augmentation significative des gains de recettes dont l’OCDE fait état souligne l’importance d’une mise en œuvre rapide, efficace et à grande échelle des deux piliers pour l’ensemble des pays », plaide l’organisation basée à Paris. Or certains pays freinent encore. In extremis, l’Union européenne a obtenu l’unanimité nécessaire de ses 27 États membres à la toute fin de 2022, après la levée des derniers blocages de la Hongrie, qui avait suivi la Pologne, l’Estonie et l’Irlande à exprimer des réserves. Une directive pourra donc être adoptée pour une entrée en vigueur début 2024. L’impôt minimum mondial a

Les États-Unis traînent Les gains de revenus se matérialiseraient aussi sur le pilier 1 de la réforme, qui réalloue une part de la taxation localement dans les pays où se déroule effectivement l’activité des multinationales, quelle que soit leur présence physique sur place. Très complexe dans sa mise

aussi été inscrit dans les budgets du Royaume-Uni et du Canada, et a été voté en Corée. L’Afrique du Sud, Hongkong, la Chine, Singapour et la Suisse ont annoncé leur détermination à l’adopter, tandis que l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie et Jersey ont lancé des consultations publiques. Mais les États-Unis rechignent encore à traduire le principe dans la loi, malgré le soutien de Joe Biden. Il ne l’a pas inscrit dans l’énorme paquet fiscal de l’Inflation Reduction Act. Pour l’adopter, il faudrait 67 voix au Congrès, ce qui semble très loin d’être acquis. Si les États-Unis restent en dehors du spectre de la réforme, cela risque de placer les multinationales dans une situation de régime instable selon les juridictions où elles opèrent. ■

Malgré la guerre, l’Ukraine prépare son avenir énergétique Envoyé spécial à Davos

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

Énergie Alors que la guerre fait rage dans leur pays depuis presque onze mois, les Ukrainiens, avec cet esprit de résilience qui force le respect du monde entier, bâtissent déjà leur réseau électrique du futur. Au Forum mondial de Davos, des responsables politiques et économiques ukrainiens font part de leurs projets à des partenaires et alliés. « La victoire nous mènera à la reconstruction d’un pays vert, décarboné », assure Oleksiy Tchernychov dans son anglais parfait. Ex-ministre du Développement territorial, qui avait exposé au Figaro les destructions d’infrastructures au début de la guerre, il vient d’être nommé à la tête de la compagnie gazière Naftogaz. « Bien sûr, concède-t-il, notre but immédiat est de survivre et de gagner la guerre. »

Depuis octobre, l’armée russe a intensifié son pilonnage des infrastructures énergétiques. Les dégâts sont considérables. Rostyslav Shurma, conseiller du président Zelen­sky, ne souhaite pas rendre public les chiffres détaillés. Actuellement, environ 70 % de la population a de l’électricité. Ce qui en laisse près d’un tiers dépourvu, avec des enfants contraints de faire leurs devoirs à la bougie, comme l’évoquait mardi à Davos la première dame d’Ukraine, Olena Zelenska.

Oleksiy Tchernychov, directeur général de Naftogaz, et Ioulia Svyrydenko, première vice-première ministre d’Ukraine et ministre de l’Économie, mardi, au Forum mondial de Davos, en Suisse.

train de déployer des turbines de 6 mégawatts (6 MW) dans le sudouest du pays. Des éoliennes présentes offrent des cibles à l’artillerie russe, moins commodes que des ­ centrales thermiques massives. « C’est plus décentralisé, plus difficile à attaquer », abonde le représentant républicain de Californie Darrell Issa,

Hub énergétique Oleksiy Tchernychov s’est fixé pour objectif de ne plus importer de gaz et d’en produire davantage. Son collègue Maxim Timchenko, patron de l’énergéticien privé DTek, mise pour sa part sur l’énergie éolienne. Actuellement, explique-t-il, 90 % de la capacité éolienne est entre les mains des Russes, dans la région de la mer d’Azov, à l’est, occupé. DTek est en

GIAN EHRENZELLER/AP

Fabrice nodé-langlois £@FNodelanglois

fervent soutien des Ukrainiens, qui participe à une réunion avec eux à Davos. DTek reçoit le soutien de Vestas, le fabricant danois d’éoliennes. Son patron, Henrik Andersen, considère Maxim ­ Timchenko de DTek comme son « ami », après une année 2022 qu’il n’oubliera pas. « L’éolien apporte l’indépendance, ça fonctionne, et c’est faisable en Ukraine », assure Andersen. Il est convaincu que l’Ukraine pourrait déployer en quelques années 30 gigawatts (GW) de capacité renouvelable, soit la puissance d’une trentaine de réacteurs nucléaires type Fessenheim. Rostyslav Shurma pense que son pays peut passer en deux ans d’une capacité de 3 GW de renouvelables à 10 GW. « On peut acheter des terres agricoles très rapidement, accélérer la connexion au réseau tout en rendant tous les process transparents », poursuit le conseiller. Ce dernier rêve son pays en « hub énergétique », capable d’exporter

de l’électricité et de l’hydrogène à l’Europe. Depuis sa connexion au réseau électrique européen, il est arrivé à l’Ukraine, en pleine guerre, d’exporter du courant. Pour moderniser son infrastructure, le pays a besoin de 40 milliards d’euros d’investissements. Le conseiller du président sait bien que « le gros de l’argent ne viendra pas avant la fin de la guerre ». Il compte sur un apport du secteur privé à hauteur de 90 %. Il faudra avoir réduit la corruption, encore présente même si elle a diminué, reconnaît le représentant américain. Il se dit prêt à soutenir l’Ukraine le temps nécessaire. « Mais, prévient-il, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs : tant que les infrastructures peuvent être détruites, les investisseurs privés ne viendront pas. » En attendant de devenir un hub énergétique ­décarboné, l’Ukraine doit gagner la guerre. ■

A

Au Forum mondial de Davos, les Ukrainiens présentent un plan axé sur les éoliennes.

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

20

Entreprises

Les stations thermales misent sur le bien-être Elles se tournent vers la prévention et l’hébergement haut de gamme pour attirer un public plus large. fonnent. Les professionnels planchent sur de nouvelles indications thérapeutiques. La prise en charge des femmes en rémission d’un cancer du sein ainsi que le sevrage des anxiolytiques font désormais partie des 12 indications homologuées (rhumatismes, surpoids, maladies de la peau…).

keren lentschner £@Klentschner

tourisme À Nancy, le compte à rebours a commencé. Le 1er avril, le centre thermal ouvrira ses portes au cœur de la ville. Deux bassins olympiques, un spa, un hôtel, des cures pour les rhumatismes grâce à une eau à 35 °C, puisée à 800 mètres de profondeur. L’exploitation de ce complexe de 20 000 m2 a été confiée à la société familiale Valvital, numéro deux français des stations thermales, dans le cadre d’une délégation de service public. Ce projet à 100 millions d’euros, l’un des plus ambitieux des dernières années, illustre la volonté du secteur de prendre un nouveau départ. Et de tourner la page du Covid. « Nous avons réussi à passer ce cap difficile et nous sommes aujourd’hui dans une stratégie d’expansion grâce à l’arrivée de nouveaux établissements », indique Bernard Riac, directeur général de Valvital. « Les campagnes de réservation ont recommencé, ça semble bien parti », se réjouit Éléonore Guérard, qui dirige le leader, Chaîne thermale du soleil. 200 millions d’euros d’investissements sont prévus cette année dans les 90 stations thermales de l’Hexagone. Parmi les grands travaux prévus, ceux de Vittel (60 millions d’euros), Vichy (50 millions) ou Luchon (40 millions). Le Covid, avec ses confinements et ses restrictions sanitaires, a plombé le secteur qui n’a toujours pas retrouvé son niveau prépandémie. Avec 437 000 curistes, la fréquentation est restée l’an passé en recul de 25 % par rapport à 2019, selon les chiffres du Conseil national des établissements thermaux (CNETH), publiés à l’occasion du salon des Thermalies, qui ouvre ce jeudi au Carroussel du Louvre. Pire : la filière - qui générait 4,9 milliards

Recettes supplémentaires

Bernard Riac, directeur général de Valvital, dans l’enceinte de la piscine ronde du site Grand Nancy Thermal, qui ouvrira ses portes le 1er avril.

d’euros de chiffre d’affaires en 2019 (tombé à 2,5 milliards en 2021) - a perdu une partie de ses bras. En 2021, elle n’employait plus que 27 700 personnes, contre 45 000 avant la crise sanitaire.

Alexandre MARCHI/ PHOTOPQR/L’EST REPUBLICAIN/MAXPP

De lourds investissements Malgré le soutien de l’État, certaines entreprises n’ont pas survécu. La société Opalia 2, exploitante des thermes de Montrond-les-Bains (1 900 curistes), a été placée en redressement judiciaire. Les thermes ont finalement été repris par Chaîne thermale du soleil. Déjà en difficulté avant le Covid, la station d’Amnéville (Moselle), qui exploite les thermes de Saint-Eloy (10 000 curistes), est passée dans le giron du landais Arenadour, propriété

du groupe Sagesse Retraite Santé, devenu le troisième acteur en France. Le Covid n’a fait que renforcer la consolidation du secteur, rendue incontournable par les lourds investissements de maintenance imposés par l’activité. Quatre groupes (Chaîne thermale du soleil, France Thermes, Eurothermes, Valvital) concentrent près de 70 % de l’activité. L’Oréal s’est invité dans le secteur en rachetant en 2016 et 2018 les thermes de SaintGervais et de La Roche Posay. La crise sanitaire a creusé les écarts. Une dizaine de petites stations sont maintenues sous perfusion, tandis que les dix plus grosses (Balaruc-les-Bains, Dax, Gréoux-les-Bains…) captent la moitié de l’activité. Challes-les-

Eaux (Chaîne thermale du soleil) n’est plus rentable depuis plusieurs années, mais son ancrage local (17 salariés) rend difficile une fermeture. « Le point d’équilibre pour une station est à 2 500 curistes, précise Thierry Dubois, à la tête du CNETH. En dessous, elles ne peuvent pas s’en sortir économiquement sauf si elles sont entre les mains d’une collectivité ou d’un groupe. » Or 26 stations comptent moins de 1 000 curistes annuels. Conséquence : la crise sanitaire a précipité la réflexion autour du modèle économique des stations. 90 % de leurs revenus proviennent des cures médicales (18 jours), prises en charge par l’Assurance-maladie (65 %) et les mutuelles, mais dont les tarifs pla-

Autre levier d’action, la prévention. Un énorme marché en perspective en raison du vieillissement de la population. Or l’âge moyen du curiste est de 64 ans. La détection des premiers signes de dépendance pourrait bientôt faire l’objet d’une prise en charge. Mais les professionnels entendent aussi développer les cures libres (hors prise en charge) ou plus courtes, axées sur le bien-être et la prévention, pour un public prêt à payer de sa poche. « Pourquoi laisser au secteur de la thalasso le marché des courts séjours ? », s’interroge Thierry Dubois. « Nous sommes écrasés par l’image d’Épinal de la station thermale réservée aux personnes âgées, ajoute Sylvain Sérafini, à la tête de France Thermes (Vichy, Vittel…). Le secteur doit adapter ses infrastructures à de nouvelles cibles comme nous le faisons en nous dotant de plateaux sportifs dernier cri. » Un moyen aussi de générer des recettes supplémentaires en proposant du coaching sportif, des randonnées ou autres consultations diététiques qui sortent du cadre purement médical, ainsi qu’un hébergement plus haut de gamme. Une diversification qui n’est pas forcément à la portée de tous les sites. « Une petite station n’a pas les moyens d’avoir une hôtellerie 4 étoiles, où ses curistes n’iront pas, à moins d’avoir une forte activité touristique », commente Thierry Dubois. La mue du secteur est en marche. ■

En Inde, la quête laborieuse des investissements étrangers Le pays veut profiter des échecs du « zéro Covid » en Chine pour doper l’industrie en attirant des groupes étrangers. Emmanuel Derville £@e_derville

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

New Delhi

Asie Trois ans après le début de la pandémie, la Chine se débat toujours contre le coronavirus. Les scènes de malades affluant dans les hôpitaux rappellent celles qu’a connues l’Inde il y a deux ans. Depuis, la vie a repris son cours chez le géant d’Asie du Sud, qui rêve de profiter de la crise sanitaire chinoise pour attirer les investisseurs. « Le gouvernement fait tout pour convaincre les multinationales d’implanter leurs usines au lieu d’aller en Chine ou en Europe », a déclaré la ministre des Finances, Nirmala Sitharaman, lors d’un discours devant la diaspora le 11 janvier. L’Inde est parvenue à séduire les groupes étrangers dans le secteur des services à partir des années 1980. L’industrie manufacturière, elle, a longtemps préféré s’installer en Asie orientale. À en croire le gouvernement, la situation serait en train de changer. « Des produits à haute valeur ajoutée sont désormais produits en Inde », a assuré Nirmala Sitharaman, citant l’exemple d’Airbus. L’avionneur a posé la première pierre d’une usine d’assemblage de son avion de transport léger C295 dans l’ouest du pays l’automne dernier. Deux mois plus tôt, Apple annonçait que l’iPhone 14 serait fabriqué près de Madras (Chennai). Le gouvernement de Narendra Modi a affirmé, à l’occasion du huitième anniversaire du plan « Make in India » en septembre 2022, que les investissements étrangers avaient doublé pour atteindre

83 milliards de dollars sur l’exercice fiscal 2021-2022, qui court d’avril à mars. La réalité est moins brillante. Le chiffre officiel est contredit par la Banque centrale indienne (RBI) qui fait état d’une augmentation des investissements directs étrangers (IDE) de 35 à 56 milliards de dollars entre 2014-2015 et 2021-2022. La Cnuced évoque, elle, une hausse de 34 à 44 milliards entre 2014 et 2021.

Simplification des procédures administratives

Cette communication trompeuse autour du « Make in India » illustre à quel point l’attractivité de l’Inde compte pour le gouvernement nationaliste, qui en a fait un symbole

de fierté et de grandeur. Le succès de ce programme censé doper l’industrie repose sur les investissements directs étrangers. En gonflant les chiffres, le pouvoir central tente de convaincre les milieux d’affaires que ses réformes portent leurs fruits et que de plus en plus d’entreprises choisissent l’Inde. « Le gouvernement veut accréditer l’idée qu’il y a une tendance à l’industrialisation alors que ce n’est pas le cas. Il comptabilise les investissements et les annonces d’investissements », nuance un observateur basé à Delhi. La valeur ajoutée produite par l’industrie manufactu­ rière stagne autour de 14 % à 17 % du PIB depuis vingt ans, d’après la

La ministre indienne des Finances, Nirmala Sitharaman, lors du sommet du G20 à Bali, en Indonésie, en juillet 2022. POOL/REUTERS

Les Indiens en force au Forum de Davos Dans un virage de la Promenade, la rue principale, enneigée, de la station de Davos, une immense affiche couvrant la façade d’un immeuble met en scène le premier ministre indien, Narendra Modi. Avec le slogan : « L’Inde, la destination de vos investissements. » Dans ce même virage, un magasin a été transformé en Indian Lounge d’où émanent du matin jusqu’au soir des effluves attirants de cuisine indienne. La maison voisine, de style alpin, a été convertie en pavillon du Magnetic Maharashtra.

Cette année encore, l’Inde est venue en force au Forum économique mondial. Selon un organisateur, il y aurait quatre fois plus d’Indiens à Davos que de Français. Pas moins de quatre ministres fédéraux ont fait le voyage. Deux autres États, le Telangana et le Tamil Nadu ont aussi loué chacun un pavillon. Et c’est sans compter le dôme éphémère de la branche conseil du groupe Tata. C’est dans cette structure, dont toute la paroi intérieure est décorée de scènes animées de nature tropicale, que le

géant indien convie ses invités, par centaines, à des cocktails. Objectif de ce déploiement : « Nous voulons démontrer que l’Inde est la meilleure destination pour l’investissement », explique Astha Tyagi, une conseillère de l’agence gouvernementale Invest India. Industrie verte, santé, semi-conducteurs font partie des secteurs prioritaires. Alors que le rival chinois fait son retour à Davos après trois ans de Covid, les Indiens comptent annoncer plusieurs accords d’investissement d’ici la fin de la semaine. F. N.-L. (à Davos)

Banque mondiale. Le gouvernement fondamentaliste hindou a lancé plusieurs mesures pour rattraper son retard industriel. Il a simplifié les procédures administratives dès son arrivée au pouvoir en 2014. Surtout, depuis 2020, il déroule un plan de 1 970 milliards de roupies de subventions (23 milliards d’euros) pour encourager la production nationale dans quatorze secteurs, comme l’automobile, l’industrie électrique et électronique, les énergies renouvelables…

Éviter les sanctions américaines

Problème : l’Inde est concurrencée par les membres du RCEP (Partenariat économique régional global), la plus grande zone de libre-échange au monde créée en 2020 qui regroupe quinze pays d’Asie-Pacifique. Ce sont surtout le Vietnam, la Thaïlande et Taïwan qui attirent les entreprises délocalisant leur production de Chine, selon une enquête du groupe Nomura parue en 2019, en particulier dans les semi-conducteurs. Et la Chine (hors Hongkong), forte de son marché intérieur et de sa bonne intégration dans les chaînes de valeur, continue de séduire avec des flux entrants quatre fois

supérieurs à l’Inde en 2021, d’après la Cnuced. « Personne ne quitte la Chine pour s’installer en Inde », note Sumeet Anand, PDG du cabinet IndSight, basé à Bombay (Mumbai) qui aide les groupes étrangers à investir dans le pays depuis dix ans. L’homme d’affaires, également président de la chambre de commerce et d’industrie franco-indienne, observe malgré tout que la persistance du Covid en Chine et les tensions géopolitiques avec les États-Unis poussent les dirigeants à s’intéresser au géant sud-asiatique. « Les entreprises cherchent à développer d’autres relais de croissance et de nouveaux fournisseurs. Et l’Inde en bénéficie depuis un an », estime-t-il. Parmi les secteurs concernés, Sumeet Anand remarque des sociétés agroalimentaires, automobiles, de la santé et cosmétiques. Beaucoup de grands groupes ne veulent pas se retrouver pénalisés par d’éventuelles sanctions américaines contre la Chine. Ainsi cette entreprise française de matériel électronique, dont on taira le nom, qui importe des composants fabriqués en Chine pour sa production en Inde : elle envisage de renforcer son réseau de fournisseurs indiens. Au cas où. ■

le figaro

jeudi 19 janvier 2023

Entreprises

21

Antoine de SaintAffrique s’entoure d’un trio pour transformer Danone Quinze mois après avoir succédé à Emmanuel Faber, il crée trois postes de directeurs généraux adjoints, tous confiés à des vétérans du groupe.

Accor veut rallier les petits hôtels de charme

Le Saint-Gervais Hôtel & Spa intègre le giron de la nouvelle marque Handwritten Collection, du groupe Accor. Arnaud Laplanche via Accor

Le groupe lance l’enseigne Handwritten Collection, pour attirer les indépendants dans le milieu de gamme. hôtellerie Accor veut rallier les petits hôtels indépendants de charme. Pour augmenter son parc (5 400 établissements dans le monde), le géant de l’hôtellerie les appelle à profiter de la puissance de frappe de sa distribution et à son programme de fidélité, sans les obliger à s’adosser à l’une de ses grandes marques (Mercure ou Novotel en l’occurence). Comme il l’a déjà fait dans le haut de gamme avec MGallery et dans le luxe avec Emblems, Accor lance Handwritten Collection, qui regroupera des hôtels de caractère, chacun dans leur style. Cette flexibilité leur facilite la vie, et permet à Accor d’engranger de nouvelles redevances en ciblant large. « Avec Handwritten, Accor apporte une réponse au marché fragmenté de l’hôtellerie milieu de gamme, déclare Jean-Jacques Morin, directeur général adjoint d’Accor. C’est une opportunité pour les propriétaires comme pour le groupe. De plus, cela permet d’accentuer notre stratégie de conversions très en ligne avec nos engagements RSE. » Douze hôtels à travers le monde ont déjà rejoint Handwritten Collection, en signant des accords de franchise. Parmi eux, l’Hotel Shanghai Sheshan Oriental en Chine, ou encore l’Hotel Morris Sydney en Australie. Ils reversent des redevances à Accor, dont le montant est adossé

15 suites) qu’il possède et exploite. Ouvert en février 2022 dans la station de ski, l’hôtel est installé dans une maison bourgeoise de la fin du XIXe. Il manquait de visibilité visà-vis de la clientèle étrangère. « L’hôtel avait besoin d’une meilleure distribution sur internet, explique Jean-François Delettre. Mais la mairie était sensible à ce qu’il garde son identité locale. Nous ne voulions pas d’une marque qui soit trop apparente. » Ce qui l’a poussé à choisir Handwritten malgré son absence de notoriété -, c’est l’accent mis sur un service raffiné, tout en restant sur un positionnement 4 étoiles. « Cela nous assure un rapport qualité-prix favorable », justifie-t-il. Dans leur course à la croissance, tous les grands groupes hôteliers développent des marques avec peu de contraintes à l’entrée. Au niveau mondial, les chaînes restent dominées par les indépendants. Elles font tout pour qu’ils aient envie de les rejoindre au plus vite. La période leur est favorable : après chaque crise, les indépendants ont tendance à vouloir s’adosser à un réseau. Elle les pousse aussi à accélérer, car il est de plus en plus compliqué de construire des hôtels. « En particulier dans les centres-villes », souligne Vanguelis Panayotis, directeur du cabinet MKG Consulting. L’an dernier déjà, la moitié des ouvertures chez Accor s’est faite grâce à des changements d’enseignes et à l’arrivée d’indépendants. ■

Course à la croissance Lancée en 2008, MGallery rassemble plus d’une centaine d’adresses. Dans le luxe, Emblems n’en a attiré que quatre en Asie, depuis fin 2021, mais une vingtaine est en cours de négociations. Avec Handwritten Collection, Accor vise plus de 250 hôtels, d’ici à 2030. « Cela fait près de deux ans, que nous y réfléchissons », confie Camil Yazbeck, en charge du développement. En plus de proposer 50 à 150 chambres, les nouvelles recrues doivent avoir du cachet, une histoire et un niveau de service digne d’un 4-étoiles en France. Une offre de restauration même rapide est un prérequis, comme un service de bagagerie et un bar. En revanche, conciergerie, spa, piscine, fitness et salles de réunion sont optionnels. Déjà franchisé Accor (avec quatre hôtels Ibis, Ibis Budget et Novotel), Jean-François Delettre vient de signer avec Handwitten Collection pour Le Saint Gervais Hôtel & Spa (75 chambres dont

Avec « Handwritten,

Accor apporte une réponse au marché fragmenté de l’hôtellerie milieu de gamme. C’est une opportunité pour les propriétaires comme pour le groupe.

»

Jean-Jacques Morin, directeur général adjoint d’Accor

la séance du mercredi 18 janvier

LE CAC

JOUR

AIR LIQUIDE ........................... 144,32 AIRBUS .............................................. 118,54 ALSTOM ..............................................26,32 ARCELORMITTAL SA ........................... 28,895 AXA .............................................. 28,26 BNP PARIBAS ACT.A ........................... 59,64 BOUYGUES .............................................. 30,16 CAPGEMINI .............................................. 176,3 CARREFOUR .............................................. 17,395 CREDIT AGRICOLE ...........................10,602 DANONE ..............................................49,98 DASSAULT SYSTEMES ........................... 35,575 ENGIE .............................................. 12,53 ESSILORLUXOTTICA ........................... 175,65 EUROFINS SCIENT. ...........................66,64 HERMES INTL ........................... 1662 KERING ..............................................543,7 L'OREAL .............................................. 383,6 LEGRAND ..............................................82,4 LVMH .............................................. 801,9

%VAR.

-0,25 +1,91 +1,94 -0,19 +0,71 +0,25 +0,23 +2,95 -0,51 +0,28 -0,2 -0,73 +0,47 -0,62 +0,88 +0,24 -2,05 -0,88 -0,12 +0,56

LES DEVISES

+HAUTJOUR

145,24 142,8 119,68 116,52 26,43 25,83 29,09 28,36 28,45 27,95 60,83 59,45 30,33 30,1 177,8 174,55 17,535 17,31 10,678 10,576 50,3 49,955 36,425 35,575 12,588 12,43 178,15 175,55 67,16 65,92 1682,5 1633,5 553,6 543,3 386,85 379 83,78 82,4 805,8 787,2

MONNAIE

AUSTRALIE ................................................................................ DOLLAR AUSTRALIEN CANADA ................................................................................ DOLLAR CANADIEN GDE BRETAGNE ................................................................................ LIVRE STERLING HONG KONG ................................................................................ DOLLAR DE HONG KONG JAPON ................................................................................ YEN SUISSE ................................................................................ FRANC SUISSE ETATS-UNIS ................................................................................ DOLLAR TUNISIE ................................................................................ DINAR TUNISIEN MAROC ................................................................................ DIHRAM TURQUIE ................................................................................ NOUVELLE LIVRE TURQUE EGYPTE ................................................................................ LIVRE EGYPTIENNE CHINE ................................................................................ YUAN INDE ................................................................................ ROUPIE ALGERIE ................................................................................ DINAR ALGERIEN

0,167 0,166 0,378 0,311 0,183 0,245 0,222 0,307 0,223 0,182 0,206 0,105 0,246 0,092 0,213 0,066 0,204 0,065 0,168 0,084

+9 +6,77 +15,34 +17,58 +8,46 +12 +7,56 +13,05 +11,22 +7,84 +1,52 +6,21 -6,41 +3,81 -0,63 +15,02 +14,34 +14,99 +10,13 +17,94

1 EURO=

1,5413 1,4505 0,8753 8,4814 139,79 0,9906 1,0839 3,324 11,103 20,3706 32,08 7,3193 88,142 147,57

AUD CAD GBP HKD JPY CHF USD TND MAD TRY EGP CNY INR DZD

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

VALEURS LIQUIDATIVES EN EUROS (OU EN DEVISES), HORS FRAIS VALEUR DATE DE LIQUID. VALORISAT.

Cybèle Asset Management 37 av. des Champs-Elysées

La valeur du jour JOUR

+BAS JOUR %CAP.ECH 31/12

MICHELIN .............................................. 29,445 ORANGE ..............................................9,623 PERNOD RICARD ...........................191,05 PUBLICIS GROUPE SA ..................... 62,16 RENAULT .............................................. 37,275 SAFRAN .............................................. 129,3 SAINT GOBAIN ........................... 54,5 SANOFI ..............................................91,33 SCHNEIDER ELECTRIC ..................... 148,34 SOCIETE GENERALE ........................... 24,735 STELLANTIS NV ........................... 14,262 STMICROELECTRONICS ..................... 39,51 TELEPERFORMANCE ........................... 255,7 THALES ..............................................116,15 TOTALENERGIES ...........................59,6 UNIBAIL-RODAMCO-WE ..................... 56,9 VEOLIA ENVIRON. ...........................27,22 VINCI .............................................. 103,88 VIVENDI SE ........................... 9,598 WORLDLINE .............................................. 41

LʼOR

%VAR.

-0,3 -0,6 -2,9 -0,86 -1,96 +1,03 +1,3 -0,62 +0,12 +0,69 -0,67 +2,03 +1,55 -0,68 0 -0,56 +0,52 +0,97 +0,08 -0,99

VEILLE

+HAUTJOUR +BAS JOUR

29,615 9,72 197,35 62,88 38,785 131,04 54,94 91,95 149,36 24,92 14,458 40,03 258,9 118,05 60,13 57,88 27,31 104,54 9,702 41,93

29,2 9,612 190,55 62,08 37,275 128,08 53,44 90,87 146,6 24,555 14,25 38,66 252 115,95 59 56,89 27,02 102,98 9,578 40,84

31/12

Cotation quotidienne assurée par Or en Cash https://www.orencash.fr/investissement/ Lingot 1KG ................................. 56 830€ 5 694€ Lingot 100g ................................. Lingot 50g ................................. 2 853€ 1 778,48€ Lingot ONCE (31,10g) ................................. Lingot 10g ................................. 579,5€ 152,8€ Lingot 2,5g ................................. 2OFr NAPOLÉON .................................328,58€ 20Fr SUISSE ................................. 350,51€ SOUVERAIN ................................. 441,54€ KRUGGERAND ................................. 1 890,13€ 50 PESOS ................................. 2 258,8€ 10 DOLLARS ................................. 923,23€ 20 DOLLARS ................................. 1 846,45€

+3,66 % -1,68 % -2,76 % -2,82 % -3,01 % -5,71 % -4,22 % +3,41 % +3,66 % +1,24 % +3,52 % +3,15 % +3,27 %

%CAP.ECH

0,308 0,248 0,19 0,15 0,568 0,222 0,276 0,145 0,147 0,295 0,093 0,293 0,321 0,158 0,159 0,347 0,18 0,167 0,159 0,182

Culture interne très forte La nouvelle recrue a travaillé avec Antoine de Saint-Affrique chez Unilever et chez Barry Callebaut. Il y a un an déjà, le nouveau patron avait fait venir Vikram Agarwal à la tête des opérations, et d’Isabelle Esser à la R&D. Deux postes stratégiques pour la relance du marketing et de l’innovation. Si Antoine de Saint-Affrique s’est aussi entouré de proches pour constituer son comité exécutif, les trois promotions du jour confirment qu’il compte avant tout sur les talents internes pour relancer Danone, un groupe à la culture particulièrement forte. Les analystes estiment que le groupe a réalisé l’an passé une croissance de son chiffre d’affaires comprise entre 7 % et 8 %, portée par les hausses de prix passées pour refléter celle des coûts. Le groupe est en bonne situation pour réussir son plan Renew Danone, visant un retour à la croissance rentable en 2024. ■

Antoine de Saint-Affrique a achevé de constituer son comité de direction mercredi, qui passe de 16 à 15 membres.

[email protected]

31/12

+13,32 +3,68 +3,97 +4,61 +19,18 +10,59 +19,39 +1,66 +13,48 +5,34 +7,48 +19,75 +14,82 -2,64 +1,62 +17,01 +13,42 +11,35 +7,67 +12,24

Richemont freiné en fin d’année par le Covid en Chine CLÔTURE DU CAC 40

+ 0,09 % à 7 083,39 points

Premier acteur du luxe à détailler son activité sur la fin d’année, correspondant à la très attendue réouverture du marché chinois, l’horloger suisse Richemont a dévoilé des ventes en ­ hausse de 8 % pour son troisième trimestre allant d’octobre à décembre 2022 (5,4 milliards d’euros). Cette progression confirme l’excellente résistance du luxe à la crise et à l’inflation. Soutenue par le retour des touristes en Europe et au Japon, notamment américains, l’activité du géant suisse n’a toutefois pas échappé aux contrecoups liés à l’explosion du nombre de cas de Covid-19 dans l’empire du Milieu. Celleci est consécutive à la fin brutale de la politique « zéro Covid » dans le pays. Dans le détail, les ventes de Richemont dans la zone Asie-Pacifique ont ainsi décliné de 9 % sur la période, pénalisées par Hongkong, Macao et la Chine. En Chine continentale, qui représente environ 20 % de ses ventes,

le propriétaire de Cartier, IWC et Van Cleef & Arpels a même vu son activité baisser de 24 %. Obligé de réduire l’amplitude horaire, voire de fermer temporairement ses magasins, faute de vendeurs en forme, le groupe a aussi fortement souffert de la chute du trafic de ses boutiques. Davantage concentrés sur les perspectives offertes par la réouverture d’un des moteurs majeurs du marché du luxe, les investisseurs sont restés de marbre face à ces difficultés. Le titre Richemont a clôturé en légère hausse de 0,6 % à la Bourse de Zurich, à 137,90 francs suisses. Dans les prochains jours, les marchés devraient toutefois rester très attentifs aux indications que d’autres géants du secteur (LVMH, Hermès, Kering…) pourraient donner lors du détail de leurs ventes annuelles, sur les premiers effets de la fin des restrictions sanitaires dans l’empire du Milieu. ■

A

sur leur chiffre d’affaires. « Notre objectif est d’accompagner le nombre grandissant de propriétaires d’hôtels indépendants et de boutiques-hôtels qui cherchent à renforcer leur visibilité à l’international, séduire un public plus large et augmenter leurs revenus, sans perdre leur identité », insiste Alex Schellenberger, directeur des marques premium, milieu de gamme et économiques.

mathilde visseyrias £@MVisseyrias

Agroalimentaire Ne presque rien changer pour tout transformer chez Danone. Telle semble être le sens des trois promotions annoncées ce mercredi par Antoine de Saint-Affrique. Un an et demi après avoir succédé à Emmanuel Faber à la direction générale du fleuron tricolore de l’agroalimentaire, l’ancien patron du chocolatier suisse Barry Callebaut a promu trois « danoners » à des postes de directeur général adjoint : Véronique Penchienati, en charge l’international, de la nutrition spécialisée, des eaux et du marketing ; Shane Grant, en charge de la zone Amériques, des produits laitiers et d’origine végétale et des ventes ; Juergen Esser, en charge des fonctions finances, technologie et data. Tous étaient déjà là à son arrivée, et avaient assuré la transition à la tête du groupe après l’éviction brutale d’Emmanuel Faber. Les deux premiers cumulent donc désormais des responsabilités géographiques et sectorielles, une première dans le groupe. Un moyen, pour Antoine de Saint-Affrique, de briser les silos et de raccourcir les chaînes de commandement, mais sans créer de nouveau big bang dans l’organisation. Le directeur général a été soucieux de ne pas bousculer des équipes. D’une part, les plus anciens des danoners sont marqués par cinq vastes réorganisations en moins de dix ans ; d’autre part, tous étaient profondément traumatisés par la crise de gouvernance de l’automne-hiver 2021. Malgré les pressions internes et externes, le nouveau directeur général n’avait pas remis en cause le plan Local First, décidé par son prédécesseur, qui visait à réorganiser le groupe par régions et non plus par métiers. Mais Antoine de Saint-Affrique s’est donné le temps pour observer le fonctionnement du groupe et analyser les performances obtenues par les membres de son comité exécutif, tout en effectuant discrètement, en permanence, certains ajustements. « Vous ne reconstruisez l’avion qu’en le faisant voler », analyse un bon connaisseur du groupe.

Dans la réorganisation annoncée mercredi, le comité exécutif passe de seize à quinze membres. Les départs de Nigyar Makhmudova, directrice général croissance, et de Floris Wesseling, directeur général Europe, sont compensés par l’arrivée de Paolo Perversi à ce dernier poste.

François BOUCHON/Le Figaro

olivia détroyat £@Oliviader

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

22

médias et tech

Marvel de retour en Chine, une bonne nouvelle pour Hollywood Après quatre ans d’absence, deux films de la franchise détenue par Disney y seront projetés en février. Caroline sallé £@carolinesalle

82 000 salles

de cinéma en Chine

Cinéma Les super-héros ont récupéré leur visa pour la Chine. Après quatre longues années d’absence, les films de la franchise Marvel, propriété de la Walt Disney Company, vont pouvoir faire leur grand retour dans les cinémas de l’empire du Milieu, a annoncé le studio américain. Spider-Man. Far from Home avait été le dernier, durant l’été 2019, à être diffusé dans le pays. En

février, deux films de l’une des franchises les plus profitables du cinéma reviendront dans les salles obscures chinoises. Le premier, Black Panther. Wakanda Forever, est attendu le 7 février, trois mois après sa sortie internationale. Mais Ant-Man and the Wasp. Quantumania, en revanche, sortira en Chine le même jour qu’aux ÉtatsUnis, le 17 février. Cette annonce peut s’apparenter à une victoire pour Disney et plus généralement pour Hollywood. Car elle sonne peut-être le début

d’un assouplissement des restrictions gouvernementales vis-à-vis des productions américaines.

Superproductions locales Chaque année, la China Film ­Administration délivre un nombre très restreint d’autorisations pour les films étrangers. Quelques dizaines tout au plus, en majorité des block­busters américains. Mais, ces dernières années, Pékin a remis un tour de vis. Le pays n’acceptait plus qu’au compte-goutte les productions hollywoodiennes.

En même temps que l’empire du Milieu développait ses propres superproductions locales, il évinçait de ses salles les blockbusters hollywoodiens. Au moment même où les grands studios américains concentraient leurs investissements dans quelques grandes franchises, le gigantesque marché chinois, avec ses 82 000 salles et son 1,4 milliard de consommateurs, devenait inaccessible. De quoi grever leurs recettes à l’international. À titre d’exemple, sans une distribution en Chine, Avatar 2

L’industrie du référencement lorgne ChatGPT

sortira dans quelques mois, est beaucoup plus puissant encore. Les rédacteurs moyens ou généralistes n’auront bientôt plus de mission. Il leur faudra devenir spécialistes d’un domaine », assène Anthony Técher. Guillaume Souillard est moins radical. « Il faut prendre ces IA pour ce qu’elles sont : des assistants et des aides à la rédaction. » C’est l’optique adoptée par la plateforme SEO Semji, qui intègre depuis un an une IA faisant des suggestions de titres, de plans d’articles, voire de paragraphes. Là encore, Semji utilise GPT-3. Mais il ne génère pas d’articles entiers afin que le rédacteur garde la main.

De nouveaux outils utilisant cette IA génèrent en un clin d’œil des textes calibrés pour Google. chloé woitier £@W_Chloe

intelligence artificielle Générer en un claquement de doigts un texte crédible grâce à une intelligence artificielle : les perspectives d’automatisation offertes par le robot conversationnel ChatGPT n’ont pas échappé à certains secteurs. Et les premières applications concrètes sont à chercher du côté de l’industrie du référencement, ou « optimisation pour les moteurs de recherche » (SEO). TextBulker, Jarside, Redaction.io : tous trois nés en janvier et créés en France, ces services payants sont testés avec intérêt par des agences SEO, des plateformes rédactionnelles et des rédacteurs de contenus désireux de gagner du temps. Une enseigne de sport n’aura, par exemple, qu’à taper quelques mots-clés pour voir apparaître un article sur « comment choisir ses chaussures de randonnée » qui apparaîtra en première page de résultats Google. « D’ici à dix-huit mois, le marché du référencement va être bouleversé par l’intelligence artificielle », prédit Anthony Técher, PDG de SEOQuantum. Son offre Redaction.io a généré 200 millions de mots en trois

semaines d’existence. Ces trois outils s’appuient sur l’intelligence artificielle GPT-3 (le « cerveau » derrière ChatGPT), qui est développée par l’entreprise américaine OpenAI. Cette dernière permet à des sociétés externes de se « brancher » sur ses serveurs et d’y combiner leurs propres outils. Objectif : guider et optimiser le type de contenus généré par GPT-3. « Nos outils vont déterminer quels sont les mots-clés qui doivent apparaître dans le texte pour que Google classe ce contenu haut dans ses pages de résultats », résume l’entrepreneur Stéphane Madaleno, spécialiste du SEO qui édite TextBulker. Ils vont aussi appliquer toutes les autres techniques pour que les robots de Google référencent bien la page internet en question.

Les rédacteurs menacés L’utilisation de GPT-3 n’est pas gratuite. OpenAI facture tout d’abord la phase d’entraînement de son IA 12 centimes par génération de textes d’environ 750 mots. Puis ce tarif passe à 2 centimes les 750 mots. « La formule gratuite de Redaction.io nous a coûté plusieurs milliers d’euros de frais, nous avons donc sorti vendredi dernier une version payante », explique Anthony

aurait été contraint de tirer un trait sur plus de 215 millions de dollars. Les autorités chinoises n’ont sans doute pas infléchi leur politique ultranationaliste. Mais elles font preuve de pragmatisme. L’an dernier, le box-office du pays a dévissé de quasiment 40 %, à environ 4,4 milliards de dollars. S’il veut rebondir rapidement, le marché chinois a tout intérêt à s’appuyer à la fois sur sa production locale et sur les grandes franchises de ­Hollywood. Un deal gagnantgagnant, en somme. ■

Optimisé pour les moteurs de recherche

Ces robots sont doublement attractifs pour les entreprises. Ils permettent de produire très vite et peu cher. SFIO CRACHO stock.adobe.com

Techer. Ce dernier vise 40 000 clients à l’international d’ici à la fin d’année, ainsi qu’une levée de fonds. Le développeur Guillaume Souillard a, lui, généré 4 000 euros de revenus en une semaine avec Jarside. Cet indépendant avait bâti cet outil pour lui-même. « Mais il y a un tel engouement autour de ­ChatGPT que, en bon entrepreneur, j’ai exploité cette opportunité », sourit-il. « Beaucoup d’acteurs se lancent sur ce créneau. La différence va se faire sur la facilité d’utilisation », estime Anthony Técher. Ces outils sont doublement at-

tractifs pour les entreprises. Ils permettent de produire très vite et peu cher. « Les agences de contenus françaises facturent 25 euros le texte SEO de 500 mots. Les agences basées à Madagascar ou au Bénin passent à 6 euros. Avec TextBulker, c’est 1 euro », explique Stéphane Madaleno. De quoi menacer l’avenir des rédacteurs SEO ? « La qualité des textes est supérieure à ce que peut réaliser une agence offshore (basée à l’étranger). Mais nous déconseillons de publier tel quel les textes de TextBulker. Une relecture est nécessaire », poursuit-il. « GPT-4, qui

C’est aussi la philosophie de l’américain Jasper, qui, grâce à GPT-3, aide à créer du contenu marketing pour les réseaux sociaux, des blogs ou des sites commerciaux, le tout optimisé pour les moteurs de recherche. L’entreprise a levé 125 millions de dollars en octobre. « La France est en retard sur ces sujets », estime Guillaume Souillard. Reste une inconnue : Google acceptera-t-il de se laisser noyer par un flot de pages web générées artificiellement ? « Si le contenu est de qualité et répond à la demande des internautes, qu’importe s’il a été écrit par un humain ou une machine », argue Anthony Técher. « D’autres entrepreneurs travaillent sur la détection des textes créés par une IA. Je suis sûr que Google va faire évoluer ses règles », répond Guillaume Souillard. En attendant, tous travaillent aux évolutions de leurs outils. Grâce à l’IA Midjourney, TextBulker va ainsi ajouter la génération automatisée d’images d’illustration pour ses articles. Redaction.io imagine pouvoir faire reproduire à l’IA le ton éditorial d’une marque… et pourquoi pas la plume d’un journaliste. « Nous n’en sommes qu’au tout début », affirme Anthony Técher. ■

Les agences d’influenceurs créent leur fédération

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

CLAUDIA COHEN £@ClaudiaECohen

MARKETING C’est une première étape dans la régulation du milieu de l’influence. En ce début d’année 2023, sept des principales agences d’influence marketing du pays - Smile Conseil, Bump, Follow, Point d’Orgue, Reech, Influence­4You et Spoutnik - annoncent la création de leur fédération professionnelle, l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu (Umicc). « C’est une grande première pour notre secteur qui se professionnalise. Et une façon, pour nous, de reprendre la main sur le récit autour du marketing d’influence, auprès des pouvoirs publics et du grand public », explique Carine Fernandez, présidente de la fédération et à la tête de Point d’orgue. Car depuis de longs mois, la crédibilité de l’écosystème tout entier s’est retrouvée entachée par les nombreuses polémiques autour de placements de produits frauduleux

et d’arnaques de consommateurs. Alors que ces dérives des stars des réseaux sociaux sont souvent le fait d’une poignée d’agences aux pratiques douteuses et d’influenceurs issus de la téléréalité, exilés à ­Dubaï.

Charte de bonnes pratiques Pris à partie par les citoyens, le ministère de l’Économie a décidé d’agir en décembre dernier, en lançant une vaste consultation pour tenter de mieux encadrer le secteur. Différents groupes de travail ont été mis en place avec les professionnels de la branche, et Bercy a également lancé un site internet afin que les citoyens et influenceurs eux-mêmes puissent partager leurs idées et leurs envies pour les créations de contenu de demain, leur environnement et leur encadrement. « C’est en partie grâce à l’initiative de Bercy que nous avons décidé de nous unir », précise Carine Fernandez. L’Umicc espère devenir à

l’avenir l’unique point de contact des agences, des influenceurs et des marques pour communiquer sur les bonnes pratiques. L’idée étant également de proposer à de grands groupes de communication du pays comme Havas ou Publicis de rejoindre la fédération. Les sept agences à l’initiative de cette union rassemblent une centaine de créateurs de contenu qui comptent entre 100 000 et 18 millions d’abonnés sur YouTube, Instagram, TikTok et Snapchat, à l’image de Squeezie ou EnjoyPhoenix. Dans les prochaines semaines, l’Umicc lancera un « label officiel créateur », nécessaire pour adhérer à la fédération. Pour l’obtenir, les influenceurs devront ainsi passer le certificat d’influence responsable élaboré par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) et signer une charte de bonnes pratiques, en cours d’écriture. Parmi les règles envisagées pour cette charte, l’obligation pour un créateur de

contenu d’être résident fiscal français. Et l’interdiction du dropshipping - une technique visant à revendre à prix élevé des produits de médiocre qualité souvent issus de Chine. Shauna Events, l’agence de Magali Berdah empêtrée dans la polémique face aux dénonciations du rappeur Booba, ainsi que l’agence WeEvents, également pointée du doigt par les consommateurs, ne sont « en l’état pas les bienvenus dans la fédération ».

Vers une législation ? À l’issue de la consultation publique de Bercy au printemps 2023, l’exécutif ne s’interdit pas de proposer un arsenal législatif, afin de construire un régime de responsabilité pour les influenceurs vis-àvis des contenus qu’ils postent. En parallèle, plusieurs députés comme Stéphane Vojetta (Renaissance), Arthur Delaporte (PS) et Aurélien Taché (EELV) comptent présenter très prochainement leur propre proposition de loi. « Nous sommes

Service de presse

Nombre d’acteurs espèrent professionnaliser le secteur, entaché ces derniers mois par les polémiques.

Nous sommes ouverts à échanger avec chacun des députés. Même si nous pensons qu’il n’y a pas matière à légiférer davantage

»

Carine Fernandez, Présidente de L’Umicc

ouverts à échanger avec chacun des députés. Même si nous pensons qu’il n’y a pas matière à légiférer davantage, puisqu’il y a déjà plein de règles en place, précise ­Carine Fernandez. Il suffit de mieux les appliquer. » La fédération compte sur une meilleure application des règles déjà en vigueur de la part de la répression des fraudes (DGCCRF) et des plateformes. « Dès lors que les dérives seront plus faciles à signaler et les sanctions plus rapides à donner, elles disparaîtront de façon naturelle », juge la professionnelle. La fédération se dit néanmoins ouverte à l’établissement d’une définition juridique pour le terme « créateur de contenu ». À l’occasion de sa première assemblée générale en juin, l’Umicc espère pouvoir communiquer des chiffres officiels autour de l’économie du secteur en France, qui regroupe 150 000 influenceurs. Elle a déjà reçu une trentaine de demandes d’adhésion de la part d’agences, et une centaine côté influenceurs. ■

jeudi 19 janvier 2023 le figaro - N° 24 389 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

Défilés

architecture

À Paris, la sophistication au masculin selon Saint Laurent

christian de PorTzamparc, couronné du grand prix de l’académie des Beaux-arts Page 28

Page 25

Saint Laurent ; 2Portzamparc ; ullstein bild via Getty Images ; Boucheron ; Pascal Gely/Hans Lucas

Les adieux de Boucheron à la reine Le joaillier parisien signe une collection de haute joaillerie inspirée d’une broche chère à Elizabeth II. Un projet développé depuis deux ans qui sera dévoilé la semaine prochaine à Paris.

PAGE 24

entrée magistrale pour Danton à la ComédieFrançaise PAGE 26

« Delphine et Carole », femmes des années 1970 Nathalie Simon [email protected]

M

a grand-mère avait la même coupe de cheveux, elle était coiffeuse et faisait des permanentes, raconte une lycéenne à sa voisine. Re­garde, il y a une table en Formica, on a vraiment l’impression d’être dans les années 1970. » Sur le plateau, Caroline Arrouas, perruque et pantalon pattes d’ef accueille le public en tirant sur sa cigarette. Ce jour de novembre, le Théâtre Dijon Bourgogne en Côte-d’Or, bondé, accueille une représentation du spectacle de Marie ­Rémond et Caroline Arrouas. Les deux comédiennes ont transposé

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

«

sur scène le documentaire Delphine et Carole, insoumuses, ­ réalisé par Callisto McNulty, la petite-fille de la vidéaste Ca­ role Roussopoulos qui s’était liée d’amitié avec Delphine Seyrig.

Pétroleuses avant l’heure Ces deux militantes ont été parmi les premières à donner la parole aux femmes avec un nouvel outil, la Portapak de Sony, dont les hommes ne s’étaient pas encore saisis. « Vous avez deux jours de stage pour apprendre le maniement de cette nouvelle caméra légère, à peine onze kilos, annonce Caroline Arrouas qui joue le rôle de Carole Roussopoulos. Jean-Luc Godard en a acheté une il y a deux semaines. Je vous sens curieuse, les filles ! » Perruque blonde frisée, Marie Ré-

Marie R ­ émond et Caroline Arrouas, dans Delphine et Carole. mond vient s’installer au premier rang. « Toi, tu es ? », interroge la professeur qui ne reconnaît pas la comédienne de la Nouvelle Vague. « Inculte comme je suis, je ne savais pas qui c’était… », confie-t-elle en souriant au public.

S. Gosselin

Habillées par Marie La Rocca, immergées dans le passé grâce au décor fouillé et réaliste de Clémence Delille, Marie Rémond et Caroline Arrouas se mettent en scène dans la peau de ces deux pétroleuses avant l’heure en fai-

sant des incursions dans notre époque. Marie Rémond feuillette un manuel d’histoire qui parle essentiellement des grands ­hommes. Et tente de convaincre un directeur de théâtre de programmer le spectacle sur Del­phine et Carole qu’elle a conçu avec sa complice. En parallèle, on entend des extraits d’entretiens qu’elles ont filmés et enregistrés, notamment des témoignages sur l’avortement et la contraception. « Il est temps d’écrire pour les femmes des rôles de femmes qui pensent », estime la « vraie » Delphine Seyrig sur des images d’archives. En 1976, l’actrice qui a joué pour Alain Resnais, François ­Truffaut et Chantal Akerman réalise Sois belle et tais-toi (le film ressort en version restaurée au ciné-

ma le 15 février 2023). De son côté, la « fausse » Carole Roussopoulos raconte qu’elle vient d’être remerciée par Vogue. C’est son ami Jean Genet qui lui a conseillé d’acheter la Portapak avec ses indemnités pour devenir indé­ pendante. Devant une table de montage, déroulant une pellicule ou préparant un… gratin, Marie Rémond et Caroline Arrouas font revivre ces deux personnalités hors norme et exemplaires. Dans leur esprit, elles poursuivent aujourd’hui leur combat pour la liberté et l’égalité dans tous les ­ ­domaines. ■ Delphine et Carole, au Théâtre des Quartiers d’Ivry, CDN du Val-de-Marne (94), du 19 au 27 janvier. Loc. : 01 43 90 49 49.

A

théâtre L’histoire piquante d’une amitié fructueuse entre deux féministes, la comédienne Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos.

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

24

l'événement 1

God save Boucheron

Pour sa collection de haute joaillerie, la maison parisienne s’est inspirée d’une broche des années 1930 d’Elizabeth II. Un hommage initié il y a deux ans, avant la disparition de la reine.

Camera Press/ABACA, Boucheron

2

Élodie Baërd [email protected]

rence à la coiffe traditionnelle russe), porté par la princesse Eugénie lors de son mariage il y a quatre ans. Parmi les quelques belles pièces de la collection royale façonnées par la maison parisienne, on pourrait aussi citer le bracelet pavé de rubis, de saphirs et de diamants offert par le duc d’Edimbourg à sa femme pour leur cinquième anniversaire de mariage. Ou encore le fameux diadème de diamants, dit à motif de « rayons de miel », de la reine mère, porté à plusieurs reprises par Camilla, alors duchesse de Cornouailles, notamment lors du dîner de gala offert à Windsor en 2006 en l’honneur du président Sarkozy. « La double broche d’aigues-marines d’Elizabeth II se distingue par son esthétique, ses pierres et surtout par sa forte valeur sentimentale. Elle l’a beaucoup portée, épinglée de diverses façons, tout au long de son règne (une cinquantaine de fois), lors

3 1. Portrait officiel de la reine pour son jubilé de platine, portant les broches Boucheron reçues pour ses 18 ans. 2. Clips d’oreilles Color Block en saphirs de couleur et diamants. 3. Collier Rolling Red, transformable, en diamants et rubis du Mozambique. 4. Bague Green Garden en diamants sertie d’une émeraude zambienne de 6,25 carats.

4

d’occasions très officielles mais aussi plus symboliques. » C’est même ce bijou qu’elle arborait sur le dernier portrait officiel publié par Buckingham le jour de ses funérailles, pris quelques mois plus tôt pour son jubilé de platine.

Une palette de couleurs en écho à ses tenues arc-en-ciel

Ce bijou presque centenaire n’a pas pris une ride et inspire donc la nouvelle ligne de haute joaillerie de Boucheron, dévoilée la semaine prochaine lors de la haute couture à Paris. Le motif en forme de double arche a été repris sur huit parures. « Si j’ai répété, de façon obsessionnelle, le dessin de la broche royale, je me suis interdit en revanche de faire une collection uniquement bleue. Au contraire, la gamme rend hommage à son goût pour la couleur », explique la directrice artistique. En écho aux tenues arc-en-ciel de la reine, cette série de bagues, boucles d’oreilles, sautoirs et clips affiche des monochromes de vert, de rouge, de rose… Seule une manchette, sertie de baguettes et de cabochons d’aigue-marine, et pavée de diamants (voir page 25) s’approche du modèle original, dans son volume comme dans ses couleurs. Mais les liserés de laque bleu électrique entre les rangs de pierres lui assurent une allure du XXIe siècle. Le reste de la collection chahute les proportions, les couleurs, comme ces bagues allongeant la phalange, ou s’étalant sur deux doigts, serties en leur centre de pierres précieuses, tels ce beau saphir bleu de Ceylan de 6 carats ou cette éme-

42

aigues-marines

(taille ovale et baguette) et 48 diamants ronds composent le bijou personnel d’Elizabeth II

raude de Zambie de 6,25 carats (baptisée Green Garden). Il y a aussi ce trio contemporain de monoboucles d’oreilles en saphirs jaunes, roses ou bleus, et ces clips en diamants et cristal de roche qui s’accrochent à l’envi, comme le faisait la souveraine avec son bijou. « Sur une cape, c’est très british je trouve », confie Claire Choisne, qui a encore une fois développé plusieurs pièces susceptibles d’être portées par des femmes comme par des hommes. L’une des forces de ces propositions réside dans la transformabilité. À l’instar de la broche Rolling Red composée d’une cascade de dix-sept rubis du Mozambique, d’un rouge profond, qui se métamorphose en un rien de temps en collier. Ou encore ces deux clips qui ferment un collier de perles (de trois rangs, of course) qui peuvent aussi faire office de barrettes à cheveux ou être agrafés au revers d’une veste. Un chic moderne et intemporel émane de ces pièces uniques qui démontrent une fois encore que le patrimoine est une mine d’or pour la création contemporaine. ■

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

Les aigues-marines, une obsession royale Il s’agit d’une histoire, pourtant pas si ancienne, qui ne se reproduira sans doute plus. Verra-t-on en mai prochain, lors du couronnement de Charles III, un pays faire don de pierres précieuses au nouveau souverain ? Gageons que non. En 1953 pourtant, à l’occasion du sacre d’Elizabeth II, le Brésil offre à la jeune reine un collier et une paire de pendants d’oreilles sertis d’énormes aigues-marines rectangulaires. Ce pays d’Amérique du Sud détient les mines donnant les plus beaux spécimens bleu lagon de ce type. Ceux-là sont particulièrement exceptionnels, avec leur teinte profonde et leur poids éblouissant. La légende raconte

qu’il fallut plus d’un an pour rassembler des gemmes parfaitement assorties.

Un cadeau diplomatique Le Brésil ignorait probablement l’existence de la double broche Boucheron des 18 ans de la reine, et son attachement personnel aux aigues-marines, mais la suite a démontré que ce cadeau diplomatique l’a réjouie. Bien qu’elle ait hérité d’une des plus riches collections de bijoux au monde, notamment en diamants grâce aux modèles de sa grand-mère la reine Mary, grande croqueuse de brillants, la souveraine fait des acquisitions et veut mettre de la couleur dans sa boîte à tré-

sors. En 1957, pour compléter sa parure brésilienne, elle commande à son joaillier attitré, Garrard, une tiare ornée d’aiguesmarines. Un an plus tard, devant l’enthousiasme royal, Brasilia ajoute à son cadeau d’origine un bracelet et une broche, toujours sertis des mêmes gemmes. L’histoire ne s’arrête pas là puisque, en 1968, lors du premier voyage officiel d’Elizabeth II au Brésil, le gouverneur de São Paulo lui offre un ornement de coiffure. La reine n’a jamais été vue avec cette pièce, mais en profitera pour faire monter ce motif au centre de son diadème afin de lui donner encore plus d’opulence.

Elizabeth II, en 1957, portant sa tiare dans sa première version. À gauche : la parure complète, aujourd’hui.

Tim Graham Photo Library via Getty Images, PA Photos/ABACA

L

e timing est parfait, mais involontaire. « Comme pour toutes les collections de haute joaillerie, nous avons commencé à travailler sur “Like a Queen”, il y a deux ans », raconte Claire Choisne, directrice artistique de Boucheron. Si nos calculs sont bons, l’idée a même pu germer le 8 mai 2020, alors qu’on commémorait la victoire de l’Europe lors de la Seconde Guerre mondiale. Ce soir-là, la reine, confinée au château de Windsor avec le prince Philip, prononce un discours inspiré diffusé sur la BBC à 20 heures, heure exacte à laquelle son père le roi George VI s’était exprimé à la radio en 1945. En référence au message de la Libération, elle encourage ses concitoyens : « N’abandonnez jamais, ne désespérez jamais » (« Never give up, never despair »). La souveraine porte alors une sobre robe bleu ciel, son fidèle collier trois rangs de perles et double broche d’aigues-marines et diamants très symboliques. N’arborant jamais un bijou par hasard, Elizabeth II rend ici un hommage personnel à son père, puisque ces deux clips sont un cadeau de ses parents pour ses 18 ans le 21 avril 1944. Une fois n’est pas coutume, cette marqueterie bleu lagon de pierres taille baguette et ovale ne vient pas du joaillier attitré de la famille, la maison Garrard (qui prend soin des joyaux de la Couronne, des bagues de fiançailles des princesses, des commandes des souverains successifs…), mais d’un honorable fournisseur parisien, Boucheron. La broche fut achetée à la boutique de Londres, par l’oncle de la reine, le duc de Kent, en 1937, comme en témoigne sa forme typique de la période Art déco. « Cette pièce d’archives m’a toujours fascinée comme beaucoup d’histoires royales et celles de cette famille d’Angleterre en particulier », confesse Claire Choisne qui mentionne le diadème Boucheron de 1919, serti d’une émeraude de 93 carats dans le pur style dit kokochnik (en réfé-

le figaro

Style

25

Grain de Poudre chez Saint Laurent, Cuir Patiné pour Givenchy, smoking EN SOIE par wALES bONNER, ET COTON LAVé chez Lemaire… Les designers prônent la bonne facture Sans perdre de vue le réel. Matthieu Morge Zucconi [email protected]

Lemaire

Saint Laurent

Lemaire ; Saint Laurent ; Givenchy ; Wales Bonner

D

es centaines de jeunes gens se pressent devant la Bourse de Commerce. Ils ne contemplent pas la statue signée Charles Ray qui se trouve sur la place, mais attendent la cinquantaine de célébrités invitées au défilé Saint Laurent, ce mardi soir. Et s’ils se contentent de photographier Virginie Despentes et Pedro Almodóvar, ils crient de joie à l’arrivée de Jenna Ortega, la star de la série Mercredi sur Netflix. Question d’époque. Coutumier des shows spectaculaires devant la tour Eiffel durant la Fashion Week femme, ou dans une destination plus ou moins exotique (en juillet, Marrakech) pour l’homme, Anthony Vaccarello a choisi l’écrin intimiste de la Fondation ­Pinault pour son premier défilé masculin dans la capitale. La centaine d’invités prend place en cercle sur des banquettes, autour d’un piano. « Je crois que la dernière présentation à Marrakech a été un déclic pour moi, je la considère comme ma première proposition masculine, souligne le créateur quelques minutes avant le lever de rideau. Celle-ci est la deuxième. C’est le même garçon, qui emprunte des vêtements à la femme, les enfile tels quels. C’est un vestiaire élégant, très grand soir, avec un savoir-faire atelier sur toutes les pièces, même sur les pantalons de jogging. » On retrouve les mêmes principes directeurs : des mannequins filiformes à la démarche assurée et aux cheveux gominés en arrière, une silhouette d’épaule carrée, des pantalons plus généreux sur la jambe taillés dans du satin. D’un chic fou, les chemises affichent une lavallière exagérée, les manteaux longs croisés, d’une verticalité et d’une rigueur impressionnantes, en cuir ou en laine, frôlent le sol, les talons des bottes vernies claquent sur la moquette. Il y a chez Vaccarello une maîtrise du vêtement, du tombé juste, et, surtout, une attitude retenue, même si plus sulfureuse qu’à l’accoutumée. Un certain sens du spectaculaire aussi, avec ces silhouettes toutes de noir vêtues s’avançant lentement. La collection marche sur une ligne de crête tenue entre le vêtement masculin

jeudi 19 janvier 2023

Givenchy

Défilés Parisiens, Ce que veulent les hommes et féminin, sans jamais tomber du côté de la facilité, du gender fluid sans âme, sans sens. À l’image des longues robes de maille col roulé masquant le visage, ­héritées du défilé féminin qui, dans une version plus épaisse, deviennent des pulls épousant le corps. Il faudra sans doute être taillé comme un mannequin Saint Laurent pour enfiler ce vestiaire l’hiver prochain. Mais comment résister ? Alors que Charlotte Gainsbourg s’installe au piano pour le finale, on a la certitude qu’Anthony ­Vaccarello a identifié « son » homme Saint Laurent.

Wales Bonner

Quelques heures plus tôt, dans les salons de l’hôtel d’Évreux, place Vendôme, c’est à Wales Bonner que revient l’honneur d’ouvrir la semaine des défilés parisiens. On connaît le talent de cette brillante jeune Britannique pour la coupe. Chaque saison étonne plus que la précédente. Sur la bande-son signée Sampha et Kendrick Lamar, ces hommes et ces femmes s’avan-

cent en vestes à col châle, manteaux au col relevé près du cou, blazers croisés impeccables ornés d’une fine bande de coquillages, en smoking de soie (signés avec le prestigieux tailleur Anderson & Sheppard) et en sensationnels trenchs de faux crocodile bleu ciel. La créatrice se montre prête à faire le grand saut vers une maison. À l’heure où les hommes réclament non plus du streetwear mais un vestiaire, elle semble une candidate idéale. Chez Lemaire, mercredi matin, c’est comme toujours, l’obsession de la (vraie) vie qui dicte l’allure. Dans le campus ouvert, et glacial, de l’université Pierre et Marie Curie (Paris 5e), de jeunes et moins jeunes gens se croisent, se parlent, s’assoient, selon une mise en scène comme d’habitude avec les deux directeurs artistiques, ­Sarah-Linh Tran et Christophe Lemaire, très cinématographique, mais aussi très réelle. Le répertoire est du pur Lemaire. Cabans généreux, longs manteaux croisés

en grosse laine (sublimes, protecteurs à souhait), vestes sans col, pyjamas serrés à la taille, doudounes comme des kimonos, superpositions de surchemises, pantalons droits ou à la jambe légèrement désaxée, snoods et imperméables… Le tout dans une palette neutre rehaussée de quelques couleurs vives (du rouge, du bleu ciel). « Nous avons en tête une élégance très pragmatique, souligne Sarah-Linh Tran en coulisses. Mais nous faisons plus de concessions au confort que jamais auparavant. C’est particulièrement visible dans certaines pièces, très sophistiquées, mais aussi d’autres, plus volumineuses, qui soulignent notre dimension intérieur-extérieur. » Les sacs, petits rectangles portés à la main et nouvelles déclinaisons du best-seller Croissant, en cuir nappa souple s’enroulant autour du corps, sont très réussis et fonctionnels. « Nous sommes inspirés par la réalité, et je considère qu’il n’y a pas de mal à ça, analyse Christophe Lemaire. Nous essayons de créer une version améliorée de la réalité. » Dans laquelle il fait bon vivre. Soupirs de soulagement et applaudissements fournis à la fin du défilé Givenchy. Depuis son galop d’essai en 2020, Matthew Williams n’avait pas réussi à convaincre, se cherchant entre l’héritage de la maison et sa propre culture du streetwear (même s’il réfute le terme). Enfin, ça y est, l’Américain trouve le ton juste, avec son show mercredi après-midi à l’École militaire. Il s’ouvre par des costumes à l’épaule marquée, réalisés dans les ateliers haute couture de la maison. Avec un col roulé noir et des gants (d’opéra ?), ils sont d’une sobriété et d’un tombé parfaits. Viennent ensuite des looks plus stylisés, reprenant les superpositions de vêtements (un tee-shirt sous un sweat-shirt sous un gilet sous un…) que le designer affectionne, mais dans une version à la fois plus allégée et plus assurée. « C’est ma collection la plus personnelle chez Givenchy, dit-il en coulisses. Je pourrais porter tous les looks montrés aujourd’hui. Le stylisme est au centre de ma démarche. Cette saison, j’ai été très inspiré par une photo de Lucian Freud en manteau long et tenue de travail, avec des bottes.» Devenues, ici, des Timberland de luxe. L’hiver prochain est également riche en vêtements de travail américains : le sempiternel sweat-shirt à capuche, le blouson en cuir patiné, les chemises à carreaux, la veste de travail en laine, des pantalons renforcés aux genoux taillés dans des laines de costumes ou des cuirs, certains portés la taille retournée, comme les Amé­ricains le font avec le mythique Dickies. Pris à part, chaque vêtement a un fort potentiel commercial. Et il y en a pour tous les goûts. « C’est la beauté de Givenchy. Des mondes différents se rencontrent. Nous vendons des tee-shirts à des jeunes, mais nous pouvons aussi parler à un public différent, qui cherche un costume couture, un beau manteau… » ■

La Tank de Cartier, l’indestructible

judikael hirel £@jhirel

N

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

ous sommes en novembre 1919, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Après avoir fabriqué des blindés pour l’armée française victorieuse, le constructeur automobile Louis Renault métamorphose son logo en char d’assaut. Un engin qui impressionne Louis Cartier, homme visionnaire qui avait déjà dessiné en 1904 l’une des toutes premières montres-bracelets modernes, la Santos, pour son ami Alberto Santos-Dumont. Cette fois, ce sera donc la Tank, symétrique, anguleuse. Vu de dessus, le carré entouré de deux barres parallèles rappelle les chenilles. Avec elle, les formes s’épurent, le rond des heures s’inscrit dans le profil du bracelet. Boîtier, attaches et bracelet ne font plus qu’un, suivant une même ligne droite… Plus d’un siècle plus tard, Cartier dévoile aujourd’hui une nouvelle incarnation de la Tank Française. « Jadis, il y avait un slogan Cartier qui disait : “L’art d’être unique”, rappelle Cyrille Vigneron, son actuel président. Cartier est à la fois unique et universel. Il faut être élégant et différent, avec un œil de joaillier sur le détail et d’horloger sur la qualité. » Des montres au doux nom de char d’assaut, il y en aura pléthore chez l’horloger des formes, au fil des décennies. En 1921, la Tank se fait cintrée pour mieux épouser le poignet. En 1922, elle devient chinoise, évo-

Ci-contre, Catherine Deneuve portant la nouvelle Tank Française Cartier en acier (à partir de 3 750 €). Ci-dessous, la version or (à partir de 22 500 €), ainsi que la Tank asymétrique de 1960. Greg Williams, Antoine Pividori, Vincent Wulveryck/cartier

quant alors le portique des temples de l’empire du Milieu. La très recherchée Tank basculante de 1932 permet, quant à elle, de mieux protéger son cadran. En 1936, le boîtier se déforme asymétriquement ; en 1960, il s’allonge et se miniaturise ; en 1963, il devient oblique. En 1977, la Tank Must en vermeil est aussitôt prisée des collectionneurs, de plus en plus nombreux à plébisciter les créations de l’horloger français. Tout au long de son voyage à travers le temps, la Tank aura traversé les ­modes. En 1988, à l’image de la dé­cennie, elle apparaît plus musculeuse, avec une boîte incurvée imaginée pour la Tank Américaine. Et c’est en 1996 que la Tank Française adopte fina­ lement un bracelet métallique en continuité parfaite de son boîtier. Un design monobloc que Cartier a décidé cette année de revisiter et de rendre encore plus radical.

Revenir à la genèse du mythe

« Il s’agissait de capter sa forme originale, de simplifier ses lignes essentielles et les dépouiller de toutes fioritures pour revenir à lagenèse du mythe », décrypte Marie-Laure Cérède, directrice de création joaillerie et horlogerie de la maison. « Depuis 2016, nous avons redéveloppé nos designs emblématiques : la Pan-

thère en 2017, la Santos en 2018, la Baignoire en 2019, la Pasha en 2020, énumère Arnaud Carrez, senior vice-pré­sident en charge du marketing. Selon les pièces réinterprétées, les modifications sont parfois invisibles à l’œil nu. Telle la Panthère, identique au millimètre près, qui est devenue étanche. Ou la Santos, moins épaisse dans sa nou­velle version tout en restant fidèle à l’esprit. En 2007, nous avons lancé la Ballon Bleu. Depuis, nous n’avons pas changé son esthétique mais ajouté de petites choses, comme le système d’interchangeabilité des bracelets pour passer d’un modèle métal à un autre. Au contraire, le parti pris sur la Tank Française est de ne la proposer que sur un bracelet métal. » Pour cette version 2023, les brancards sont plus bombés et la couronne incrustée pour s’inscrire dans leur perspective. Avec ses finitions essentiellement satinées et un cadran soleillé, elle est déclinée en acier et en or jaune, avec ou sans diamant. Seul le grand modèle est équipé d’un mouvement mécanique à remontage automatique. À l’occasion de ce « relancement », Cartier a confié au réalisateur britannique Guy Ritchie la tâche de filmer une étonnante rencontre où Paris joue le premier rôle. Catherine Deneuve et Rami Malek se croisent sur le pont Alexandre III au fil des époques. ­« Cette publicité est un voyage dans le temps, où le passé et le présent se confondent, à l’image de la Tank Française, icône d’hier et d’aujourd’hui », résume Arnaud Carrez. ■

A

L’horloger des formes relance Sa tank française née dans les années 1990, descendante du modèle de 1919 inspiré par les chars d’assaut.

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

26

Culture

À la Comédie-Française, Simon Delétang met en scène La pièce de Georg Büchner, qui entre au répertoire. Une confrontation Fascinante et glaçante entre deux frères ennemis. anthony palou [email protected]

S

alle Richelieu, sur le rideau de scène qui n’est pas de velours rouge, mais en toile à nos couleurs tricolores, le spectateur lit cette phrase de Saint-Just qui donne bien le ton : « Tous les arts ont produit des merveilles, l’art de gouverner n’a produit que des monstres. » Lorsque l’énorme drapeau se lève sur les accords grandioses de l’ouverture du Don Giovanni, de Mozart, nous nous retrouvons plongés dans un décor qui serait le salon d’un sublime hôtel particulier éclairé à la bougie. Un feu crépite au centre de la pièce. Au fond, juste audessus de la porte, l’inquiétante tête de Méduse du Caravage. L’ouverture du Don Giovanni n’est pas innocente. Elle clôture un monde qui ne sait plus où donner de la tête. La pièce se situe en 1794, l’année où la Révolution s’em­balle, où ses dirigeants sont pris dans l’engrenage de la Terreur, dans les griffes de leur propre histoire. Faute ­ d’agir, ils palabrent. On connaît la fin puisque dès le début, on sait qu’il fera partie de la prochaine charrette. Qui ? Danton. Le titre de la pièce de Büchner tient lieu d’avis de décès. Le voilà, Danton (Loïc Corbery, ­quelle énergie ! quel organe !), avec sa femme, Julie (merveilleuse Julie Sicard). Il est tout dépenaillé dans ce décor qu’on dirait de cinéma. Autour de lui, sa ­bande de potes – les députés Hérault de Séchelles, Philippeaux ou encore Desmoulins (respectivement Jean Chevalier, Nicolas Chupin et Gaël Kamilindi) –, accompagnés de quelques excitantes filles de joie, joue ses derniers atouts, dernière partouze avant l’hallali. La Mort de Danton est l’histoire de cette bande de jeunes gens qui se rapprocheront dans la mort. Lorsque Julie demande à son révolutionnaire de mari, qui sent l’odeur du sang suinter autour de lui, s’il « croi(t) en elle », il prononce ces mots, qui résument toute la pièce : « (…) Nous savons peu l’un de l’autre. Nous sommes des animaux à peau épaisse, nous tendons les mains l’un vers l’autre, mais c’est peine perdue, nous râpons seulement nos

« La Mort de Danton » remarquable autopsie de la Révolution Loïc Corbery (au centre) interprète l’audacieux Danton avec une belle énergie. Pascal Gely/Hans Lucas

côté Danton, jouisseur, impénitent dandy bouffeur de femmes – toutes remarquables de beauté et d’intelligence (mention spéciale à Marina Hands dans le rôle de Marion, si touchante gri­ sette) –, et de l’autre Robespierre, perruqué comme un marquis, tout drapé dans sa vertu, dans sa pose de révolutionnaire convaincu de la justesse de ses idées, pensant que ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui devaient être éliminés comme des traîtres. Ainsi Danton. Une seule fois, dans un long monologue nocturne très büchnérien, Robespierre tombera son masque ascétique. Extraordinaire moment de solitude en contraste avec l’homme public.

cuirs grossiers l’un contre l’autre – nous sommes très seuls. » Tout est dit. Il ne faudra pas attendre longtemps pour que le spectateur assiste à la confrontation entre l’audacieux Danton et l’incorruptible Robespierre, interprété par un Clément Hervieu-Léger, sidérant de justesse. Efficace comme la lame aiguisée d’un couteau de boucher. Sec ­comme une branche, dur comme le silex, il est l’exact opposé de Danton.

Lutte entre le vice et la vertu Ce que donne à voir, avec une acuité inouïe, Büchner, qui n’avait que 22 ans lorsqu’il écrivit ce drame, c’est bien cette lutte entre le vice et la vertu. D’un

Et puis, il y a Saint-Just, interprété par Guillaume Gallienne. L’intense ­comédien ne s’embarrasse pas, ne se tortille pas. Il n’est pas là, oh non, pour l’esbroufe. Il est là, ici et maintenant, pour pousser les pions sur l’échiquier de l’histoire en marche. Simon De­létang, qui connaît très bien son ­ Büchner, a mis en scène, à la lumière mouvante des candéla­ ­ bres, une pièce hypnotisante, une remarquable au­ topsie de la Révolution. ­Allons ­z’enfants… ■ La Mort de Danton, à la Comédie-Française (Paris 1er), jusqu’au 4 juin. Tél. : 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

Le sociétaire de la Comédie-Française interprète Saint-Just, membre du ­Comité de salut public, dans La Mort de Danton.

complètement organique. Il ne faut pas que ça fasse morceau de bravoure, ­irtuose. Jouer Büchner, c’est assez v vertigineux.

LE FIGARO. – Dans La Mort de Danton, qui fait, ce mois de janvier, son entrée au répertoire, vous interprétez Saint-Just. Pourquoi lui ? Guillaume GALLIENNE. – C’est moi qui ai demandé de le jouer. J’avais lu cette pièce il y a très longtemps lorsque j’étais au cours Florent. Elle m’avait marqué. J’avais trouvé la tirade de Saint-Just, celle du milieu, tellement dingue. J’aime le théâtre qui interroge et qui ne donne pas forcément de réponses. Saint-Just est imparable. J’aime cette idée de me dire qu’en le jouant, des gens dans la salle vont être surpris et qu’ensuite ils vont se reprendre. Oui, j’aime cette force de conviction car on comprend la pro­pagande, la dictature, la terreur. On comprend que les gens mettent la fleur au fusil et y aillent alors que c’est ­complètement barré comme affaire. Et là, sur la scène, c’est en direct. C’est nous, les acteurs, qui la créons ici et maintenant.

Büchner a écrit cette pièce très jeune. Il a, à quelques années près, l’âge de ces révolutionnaires, et ça change tout dans sa façon de voir les choses… Et c’est un Allemand ! Vous savez, lorsque les Allemands commencent à parler, ils savent ce qu’ils vont dire. Nous, on dit : « Je pense que… », et après on complète. Les Allemands, non, ils di-

Comment vous êtes-vous préparé pour ce rôle ? Des recherches particulières ? Non. Je préfère lire l’auteur que le décorum du personnage. Ce théâtre de Büchner, c’est de la pensée qui avance et ce n’est que ça. En fait, je n’ai rien à jouer si ce n’est l’urgence. Je n’ai rien à jouer mais j’ai tout à faire. C’est moi qui crée la situation, j’ai une responsabilité dingue. Je balance mon truc et je me barre. C’est assez glaçant, je l’avoue. Et

sent ce qu’ils pensent, point. À la différence de ses contemporains, il y a très peu de romantisme chez Büchner. Un peu avec les femmes qui sont de vraies et belles amoureuses. Mais ce n’est pas Byron. Il ne faut pas non plus oublier que Büchner est un anatomiste. Il est disséquant. La grande idée de la Révolution, il sait que tout le monde la connaît. Ce qui l’intéresse, c’est comment ça se fait et comment ça se dis­loque. Moi, en tant que Saint-Just, je ne viens que pour faire avancer le truc avec cet art de la rhétorique dément. Je n’ai pas d’autre mission.

Théoriquement, Saint-Just a raison et il n’y a pas de discussion… Je trouve ça très intéressant d’avoir une mission très claire comme celle-là. Je me pose toujours la question de la fonction de mon personnage dans une pièce ou dans un film. Dans le cas de SaintJust, j’enfonce le clou. « Arrêtons de tergiverser sinon nous allons perdre l’avantage de l’attaque. Vas-tu hésiter encore longtemps ? », semble-t-il dire à Robespierre. Hésiter et puis quoi en­core ? (Là Guillaume Gallienne dit son ­texte, NDLR.) « Il semble qu’il y ait dans cette assemblée quelques oreilles sen­ sibles qui supportent mal le mot sang. Quelques considérations générales les persuaderont que nous ne sommes pas plus cruels que la nature et que le temps (…) » C’est une tirade hallucinante pour expliquer que la fin justifie les moyens. Et il conclut par La Marseillaise.

Guillaume Gallienne est Saint-Just : « C’est mon personnage qui crée la situation. J’ai une responsabilité dingue. »

« Qu’un sang impur abreuve nos sillons », d’une logique imparable… Plutôt, oui… Et j’espère que j’arrive à faire froid dans le dos…

Pascal Gely/Hans Lucas

A

Guillaume Gallienne : « Je n’ai rien à jouer mais j’ai tout à faire »

Quelques mots sur la mise en scène de Simon Delétang ? Elle est très esthétiquement belle. Des costumes et des lumières magnifiques. Nous sommes dans une facture presque académique qui n’est pas sans rappeler évidemment les lambris de la République d’aujourd’hui qui utilise ­ ces mêmes décors de la royauté, ces mêmes palais… Ce sont les ors de la Ré­publique. Le décor n’est pas froid, métallique. Quant aux costumes, il y a de la coquetterie, du beau XVIIIe. Saint-Just est habillé comme un dan-

dy. Le raffinement de la mise en scène désarme un peu. Autour de Danton, joué par Loïc Corbery, il y a un formidable travail de groupe… Oui, il est très bien entouré par Jean Chevalier (qui joue Collot d’Herbois, membre du Comité de salut public, et Hérault de Séchelles, un député), Nicolas Lormeau (le député Lacroix) ou Nicolas Chupin (Billaud-Varenne, autre membre du Comité de salut public, et Philippeaux, député)… Ce qui est très étonnant dans la dramaturgie de Büchner, c’est que ces fameuses rencontres entre Robespierre et Danton auraient dû avoir lieu au deuxième acte, mais il nous en met une à la fin du premier. Büchner s’est dit : le thème, c’est la mort de Danton alors vous allez voir comment ça s’est passé. Il va crever, on le sait tout de suite, mais comment sa femme, ses ­ ­potes et lui-même vivent ça ? Quant à Robespierre, on ne le voit plus après la fin du deuxième acte. Tout va à une vitesse folle. On se demande quand ces gens dorment… C’est la phrase de Robespierre quand il dit : « Et vite ! Je suis sensible en ce ­moment, vite ! » Ce qu’on voit en Iran, c’est ça. On a là-bas des fous furieux qui disent : « Et vite ! » aussi. C’est surtout un texte sur le vice et la vertu… Oui. Et entre Danton le jouisseur et Robespierre le fanatique. Et entre les deux, il y a Saint-Just. Lui, il est ailleurs. Il est dans la théorie. ■ Propos recueillis par A. P.

NOUVEAU

présente

PARFOIS IL NE SUFFIT QUE DE QUELQUES MOTS…

Une idée pertinente plutôt que bonne. Un propos sibyllin mieux que mystérieux.

Concomitant

plus original que simultané.

Archétype

plus élégant qu’exemple.

Célérité

plus inédit que vitesse.

Laconique

plus gracieux que bref et concis.

Chimère

plus chic qu’illusion.

Spartiate

moins utilisé que sévère.

Œcuménique

plus érudit qu’universel.

Sous la plume de Jean Pruvost, professeur émérite et éminent linguiste, retrouvez 100 mots et la manière de les employer pour redonner avec humilité un peu de richesse à un discours, une conversation ou un simple propos.

9€ 2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

,90

150 pages, EN VENTE ACTUELLEMENT

Chez tous les marchands de journaux et sur www.figarostore.fr

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

28 Culture

Christian de Portzamparc, dessiner avant tout l’architecture Couronné du grand prix de l’Académie des Beaux-Arts, l’architecte expose la genèse de ses projets, de 1974 à nos jours, maquettes et aquarelles toutes faites main. Béatrice de Rochebouët [email protected]

L

es récompenses ont leur importance dans le monde feutré, longtemps apanage des hommes, qu’est l’architecture. Christian de Portzamparc, ardent défenseur de sa femme Élisabeth avec laquelle il partage la même discipline, a pu en mesurer toute la portée, le 11 janvier, sous la coupole de l’Institut de France. À 78 ans, celui qui fut le premier Français à être couronné du fameux Pritzker Prize il y a bientôt trente ans, s’est vu remettre, par son confrère et ami Dominique Perrault, le grand prix de l’Académie des beauxarts (prix Charles-Abella) pour l’ensemble de sa longue et riche carrière. Un parcours tout en questionnement, ponctué de commandes gagnées et de concours perdus qui ont forgé ce penseur de l’architecture terriblement volontaire mais discret, modeste, sensible, voire timide, l’antistar malgré lui. À l’issue de la cérémonie, Portzamparc s’est livré à une conversation à cœur ouvert avec Francis Rambert de la Cité de l’architecture et du patrimoine (correspondant à l’Académie), une heure dix-sept d’échanges à décortiquer ses motivations profondes. À la question du vétéran Aymeric Zublena (87 ans), « si tu avais à orienter les étudiants en architecture, que leur dirais-tu aujourd’hui ? », Christian de Portzamparc a répondu : « Apprendre à dessiner. » Et d’ajouter : « On apprend de moins en moins à le faire dans les écoles, à l’heure de l’ordinateur et de la 3 D, un outil certes formidable mais qui ne remplacera jamais le fusain, ce trait qui vous apprend le sens de l’observation et des

proportions, en restant pendant huit heures sur sa feuille devant un plâtre grec. La sagesse de la vieille école ! » Né en mai 1944 à Casablanca, au ­Maroc, Portzamparc, est de cette écolelà, la pure, la vraie qui vous fait « vivre l’architecture par des rêves et des cauchemars éveillés, en partageant ce que ressentent les habitants pour la comprendre, la finalité, la sanction restant l’ex­périence vécue », explique-t-il, en se remémorant ses premières années à New York, en 1966. Avant de devenir réalité, l’architecture commence par un dessin. Tous ses projets sont partis de ce ­premier trait de la main, comme il le montre brillamment au Pavillon ­Comtesse de Caen. Un e ­ space d’exposition jouxtant l’Institut de France, rénové par Jean-Michel Wilmotte, un des neuf membres de l’Académie des beaux-arts, avec ­ Zublena et Perrault, que viendra rejoindre, le 18 janvier, Anne Démians.

Campus de la Sorbonne nouvelle, vue depuis le patio vers le ciel, Paris, tirage sur papier, 2014. 2Portzamparc/ADAGP, Paris, 2022

Esprit précurseur En introduction de l’exposition, le Paysage architectural, une aquarelle sur papier réalisée en 1997 par Portzamparc, en dit long sur ses talents au crayon et au pinceau. En dessins ou en maquettes, 27 projets - aussi bien ceux restés à l’état d’études qu’aboutis - retracent les grandes étapes de celui qui s’est toujours opposé aux théories modernistes de Le Corbusier. Dernières réalisations en date : le Centre national chinois des congrès, bâtiment de 250 000 m² situé au cœur du parc olympique de Pékin, inauguré pour les Jeux d’hiver de 2022. Et, un an plus tôt, le Centre culturel de Suzhou, en Chine (concours de 2013 livré en 2021), avec en arrière-plan un Manhattan de tours ordonnées selon un quadrillage de rues et d’avenues bordant un axe central piéton en bois vers le lac Tai. Deux anneaux croisés laissent voir la vue au centre du cercle. La toiture ruban en acier et aluminium de 500 mètres d’envergure relie les salles de musique et de spectacle d’un côté (opéra et salle modulable de 1 600 et 600 places), les deux musées, le centre d’exposition et de conférences de l’autre. Elle offre, à 40 mètres de haut, une promenade avec vue sur cette ville de 10 millions d’habitants.

Le tout sur une surface 202 000 m² avec cafés, cinémas et commerces. Après l’Opéra de Shanghaï (2020) et le Grand Théâtre de Casablanca (2020), c’est l’une des toutes dernières réalisations de l’architecte avec le relogement de l’université Sorbonne Nouvelle–Paris 3 dans l’est parisien. Soit 35 000 m2, pour un lieu de vie et d’échange, des espaces de recherches et de formation, une bibliothèque et 144 salles pédagogiques. Le plan reprend cette idée d’îlot ouvert dans une situation urbaine dense, trente ans après les Hautes Formes, 210 logements sociaux construits en 1979 dans le 13e arrondissement de Paris, petit îlot urbain de plusieurs immeubles de gabarits différents traversé par une rue centrale. Cette vision, en

opposition au bloc haussmannien et au plan des grands ensembles, devint sa marque de fabrique. À partir des années 2000, sa carrière prend une dimension plus internationale : le Musée Hergé en Belgique qu’il s’est « beaucoup amusé à faire », a-t-il rappelé, la Philharmonie au Luxembourg et de l’autre côté de l’Atlantique, ou le Flagship Dior en Corée du Sud, à Séoul, onze longues coques blanches ondulantes en fibre de verre moulées et assemblées avec la précision de l’aéronautique. Sans oublier les tours, sujet qui a hanté tous les architectes, depuis la tour verte de 1974, réservoir d’eau de 37 m végétalisé au centre d’un rondpoint de Marne-la-Vallée, aux tours LVMH (1999) et Prism (2015) à Manhattan et les Sisters à la Défense, entre le Cnit et la Grande Arche, toujours en cours de construction. Tout en finesse et subtilité, l’accrochage montrant la genèse des projets n’est qu’un petit florilège bien choisi parmi le millier de dessins que Portzamparc a publié, pour les plus beaux et pertinents, dans un livre intitulé Les Dessins et les Jours, aux Éditions Somogy, en 2016. Au feutre sur papier, équilibre de noir et vert, le projet non réalisé de La Roquette (concours de 1974) est un petit bijou révélateur de son esprit précurseur pour les façades végétalisées qui feront ensuite fureur. Le végétal va jusqu’au ras des bâtiments pour remonter sur leurs façades dans une parfaite harmonie . « Le projet construit fait vite oublier le rêve dont il est issu : le dessin », met en garde Portzamparc. Il n’en démordra jamais. Les initiés le comprendront, le grand public, habitué à voir l’architecture dans des livres ou sur planches XXL, pas si sûr. ■ Exposition jusqu’au 25 janvier, pavillon Comtesse de Caen à l’Institut de France, 27, quai Conti (Paris 6e).

en bref Le retour de Madonna

La chanteuse Madonna, 64 ans, a annoncé mardi qu’elle fêterait quatre décennies de carrière au sommet par une tournée entre juillet et décembre cette année en Amérique du Nord et en Europe. Elle enchaînera dès le 15 juillet prochain 35 dates outre-Atlantique avant de venir en octobre pour des concerts à Londres, Paris, Berlin, Barcelone et Amsterdam. La star se produira deux fois notamment à l’Accor Arena de Paris, les 12 et 13 novembre prochains.

Disparition de Marcel Zanini

Il était connu pour son tube Tu veux ou tu veux pas. Le musicien Marcel Zanini, grand du jazz français, est décédé à l’hôpital à Paris le 18 janvier, à l’âge de 99 ans. Né à Istanbul d’un père franco-italien et d’une mère grecque d’Asie mineure, il était arrivé à Marseille avec sa famille en 1930. Marcel Zanini avait trouvé sa voie dans la clarinette et le saxophone, emporté par l’explosion du jazz après-guerre, à Saint-Germaindes-Prés à Paris. Avec son bob, sa moustache et ses grosses lunettes, cet artiste au visage facétieux avait obtenu une grande reconnaissance dans le milieu du jazz.

Une Cité de l’Histoire pour raconter mille ans d’épopée française

L’animateur Franck Ferrand propose un parcours immersif Au pied de la Grande Arche de la Défense.

sements du XIXe siècle. L’animation cédera la place, dans six mois, à une autre, sur un nouveau personnage ou thème. Après ce morceau de choix de vingt-six minutes démarre un parcours en 17 scènes immersives grandeur nature, racontées par Franck Ferrand et l’animatrice Anissa Haddadi.

Claire Bommelaer [email protected]

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

A

M

ettre en scène la grande histoire de France : la nouvelle Cité de l’histoire, inaugurée le 17 janvier à la Défense, se glisse quelque part entre les tableaux de cire du Musée Grévin et les expositions immersives organisées dans les monuments nationaux. Derrière ce nouveau « lieu technologique » de 3 000 m2 se trouve Amaclio Productions et l’animateur et écrivain Franck Ferrand, voix de Radio Classique et chroniqueur sur CNews, qui se « dispute » depuis longtemps avec Stéphane Bern l’art d’intéresser le grand public au passé. « Mon idée est précisément d’arriver à séduire le plus grand nombre, et lui permettre de se réapproprier son histoire », dit-il simplement. Mais comment raconter mille ans d’épopée française, sans être réducteur ni même sujet à caution ? En rédigeant son projet, le directeur de la Cité s’est appuyé sur des historiens pour éviter tout ­impair. Il a par ailleurs soigné décors et scénographie. On les doit à un duo : le décorateur Jacques Garcia pour les ­espaces d’accueil et Thierry Rétif (Puy du Fou, Parc Astérix, Futuroscope) pour la scénographie. On pénètre dans le nouvel espace, situé au pied de la Grande Arche de la Défense, en marchant sur une moquette

500 000 visiteurs attendus

siglée - fleurs de lys, bonnets phrygiens ou N napoléonien, émaillant le sol. Ensuite, on se rend vers un espace immersif conçu par Amaclio Productions, entreprise spécialisée dans le mapping à 360 degrés (à qui on doit, entre autres, le spectacle à succès La Nuit aux Invalides). Actuellement, les visiteurs sont invités à écouter et à suivre Victor Hugo, écrivain mais aussi grand témoin des boulever-

La Cité de l’histoire propose un parcours de scènes grandeur nature qui remonte le cours du temps. Cité de l’Histoire

Il remonte le cours du temps, démarrant dans les années 1990 et s’achevant par les Vikings. Ce cheminement, à rebours, parlera au jeune public et évite de sentir trop de didactismes. Reconstitution du bureau du général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises, déraillement d’un train pour symboliser la résistance sous l’Occupation, salle de classe de 1905 reconstituée pour aborder la loi de la séparation de l’Église et de l’État, personnage installé dans une maison coloniale des Antilles pour aborder l’esclavage au XVIIIe siècle ou encore reconstitution d’un atelier de compagnon œuvrant pour la cathédrale d’Albi et permettant de parler des grands chantiers du Moyen Âge n’en sont que des exemples. À chaque fois, les voix off racontent une saynète et, parfois, des comédiens interpellent les visiteurs. Jeanne d’Arc a même droit à son personnage en hologramme, même si le parcours de la Cité n’est pas centré sur les grandes fi-

gures. « Je ne voulais pas raconter une histoire royale, mais plutôt celle vue du peuple », explique Franck Ferrand. À la sortie se trouve une longue frise chronologique interactive, le public pouvant déclencher 400 iconographies et dates à partir de bornes. Lors de la journée dédiée au personnel de la Cité, deux jours avant l’ouverture au public, Franck Ferrand avait été surpris de voir à quel point elle avait captivé l’auditoire. Permettant de tester ses connaissances, mais aussi de se situer face aux grands événements, elle est, il faut dire, réussie - d’autant que les photos d’archives sont souvent colorisées et certaines partiellement animées. Une grande libraire d’ouvrages historiques (1 200 titres) et une boutique complètent le tout, un restaurant devant ouvrir d’ici à deux mois. Ferrand annonce également des lundis de la Cité, cycles de trois conférences sur un même thème. Il compte également se doter d’une web TV et d’une web radio. La Cité, qui est un projet 100 % privé, financé par Amaclio Productions, espère attirer 500 000 visiteurs par an. Juste à côté d’elle se trouve une autre attraction, la découverte de l’histoire de Notre-Dame de Paris en réalité virtuelle. La destination devrait donc plaire aux familles, si ce n’est aux classes. ■ Cité de l’histoire, 1, parvis de la Défense, Puteaux (92). Tarif plein : 23 €, tarif réduit : 18 €. www.cite-histoire.com

le figaro

Télévision

jeudi 19 janvier 2023

29

« Septième ciel » la passion n’a pas d’âge Deux retraités d’un Ehpad nouent une idylle dans cette série qui ose filmer le désir et les corps comme jamais. Un formidable hymne à la vie. constance jamet £@constancejamet

C

hanger notre vision du quatrième âge. C’est l’électrochoc salutaire qu’offre Septième ciel. Quand Jacques (Féodor Atkine) est placé par sa fille (Irène Jacob) dans une résidence pour personnes âgées, il estime être envoyé à l’abattoir. Mais il y rencontre Rose (Sylvie Granotier), le coup de foudre subjugue l’ex-militaire qui n’avait jamais connu la morsure de Cupidon. L’octogénaire, qui verrouille ses émotions à triple tour, va sortir de sa zone de confort pour approcher cette septuagénaire libérée et frondeuse que la vie n’a pas épargnée. Leur passion, leur sensualité assumée dérangent les responsables débordés de l’établissement. Ils craignent que le démon de midi s’empare de l’ensemble des pensionnaires. Les enfants des tourtereaux sont également déstabilisés devant ces aînés à la sexualité plus épanouie OCS Max que la leur. ○○○◐ La coscénariste et réalisatrice Alice Vial, César du meilleur court-métrage pour Les Bigorneaux, portrait d’une jeune femme atteinte de ménopause précoce, montre que la vie peut vibrer comme jamais à l’approche de la mort. Les cheveux blancs ne transforment pas automatiquement une âme anticonformiste en vieux sage, a fortiori avec cette génération issue de 1968. L’esprit de rébellion, la curiosité se moquent du temps qui passe. « La vieillesse est peu

montrée à l’écran. En préparant Septième Ciel, on a beaucoup pensé à Amour, de Michael Haneke qui évoque des sujets importants de la fin de vie, les corps qui se dégradent, la solitude. Nous avions envie de quelque chose de plus lumineux qui permette de se projeter. La série ne prétend pas être réaliste, mais elle dépeint ce qui pourrait être. Elle rappelle qu’on peut tomber amoureux à n’importe quel moment de son existence. Redevenir un ado, être saisi par cette fébrilité reste à portée de main. Tant que l’on respire, rien n’est joué », confie Alice Vial. Les étendues de ciel et les rivages aux couleurs vives de Neufchâtel-Hardelot, dans le Pas-de-Calais, se prêtent bien à cette profession de foi.

Fin des inhibitions Cocasse et pédagogique comme Sex Education, avec qui elle partage certains ressorts, Septième Ciel manie délicatesse et vulnérabilité. « Plus la télé filmera des corps âgés, moins on sera mal à l’aise. Féodor Atkine et Sylvie Granotier ont été extraordinaires. Ils étaient ravis de raconter une telle passion. Un genre qu’on ne leur propose plus », salue encore Alice Vial, qui a dû trouver le bon dosage entre sensualité et pudeur dans ses scènes d’amour. « Je ne voulais pas quelque chose de gratuit et de provocant, mais il ne fallait pas non plus être timide et gêné. Il ne fallait pas faire semblant de jouer cette attirance physique qui se mue en amour. Sylvie et Féodor ont accepté de dévoiler leur chair et leurs membres à la caméra pour

21.00

Sylvie Granotier et Féodor Atkine dans Septième Ciel, une série qui manie délicatesse et vulnérabilité.

les convictions de la jeune femme en matière de couple et de sexualité. « Dans notre société, on dissocie les personnes âgées des galipettes et prouesses au lit. Certains en ont pourtant une expérience bien plus grande que les jeunes », martèle la réalisatrice. Requinquée par ses protagonistes et interprètes, elle est sortie de ce tournage avec « un féroce appétit de vivre » qu’elle espère contagieux. ■

qu’elle capte cette beauté. Cette énergie rejaillit sur toutes les générations. Soit mises devant leurs difficultés. Soit, au contraire, libérées de leurs inhibitions », admire la réalisatrice. L’exemple le plus touchant est le personnage d’Elsa. Aide-soignante plus par dépit que par vocation, persuadée du haut de sa vingtaine de tout savoir sur les hommes et le désir, la stagiaire trouve en Jacques un confident. Le retraité va bouleverser

next episode

L’affaire LitvinenKo : enquête sur un crime d’état

Au plus près du réel, LA série « Meurtre Au polonium » éclaire les terribles circonstances d’une mort programmée.

David Tennant dans le rôle de Litvinenko, ex-agent du FSB qui en savait sans doute trop. ITV Studios / ITVX

PROBLÈME N° 6192

HORIZONTALEMENT

VERTICALEMENT 1. Peut être sorti du secteur public. - 2. Morcellement sur fond de crise communautaire. - 3. Cloporte aquatique. Sont sur le point de se rendre. - 4. Au pied, sur la tête ou au bout des lèvres. Évacue un trop-plein. Avant elle, le chaos. - 5. Prénom scandinave signifiant « souverain ». Direction. Mot passant pour un ami. - 6. Va dire non. Pour un corps qui a de l’aura. - 7. Cinq balles. Capital pour Pythagore. Perchoir à perroquet. - 8. Eaux taries.

Sous l’égide de la veuve de l’opposant russe, la minisérie britannique événement Litvinenko (Meurtre au polonium pour le titre français) revient en quatre épisodes sur l’enquête à très hauts risques qui a permis d’éclairer les circonstances de cette disparition. L’écriture en a été confiée à George Kay, à l’origine notamment de Lupin et de la subversive Killing Eve. À la réalisation, Jim Field Smith, metteur en scène de l’excellente antho­logie policière Criminal. Dans le rôle de Litvinenko, l’agent qui en savait sans ­

Jeudi 19 janvier

MOTS CROISÉS

1. Gâteau pour bébé. - 2. Un muscle pour se fendre. - 3. De la vieille Espagne. - 4. Fourré dans une cité brûlante. Apporte du neuf. - 5. Cubitus, en un sens. - 6. L’étranger. Indice trouvé dans la solution. - 7. Proche de Dijon. Son livre était prophétique. - 8. Pas gâtées par la nature. - 9. On n’y voit souvent que du feu. Est passé au salon. - 10. Label vert. Spécialité de Van Dyck. - 11. Rasant de près. - 12. Singes à face noire sacrés pour les Hindous.

Faits minutés

Par Vincent Labbé 1

2

3

4

5

6

7

8

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

SOLUTION DU PROBLÈME N° 6191 HORIZONTALEMENT 1. Rembarre. - 2. Exercées. - 3. Attitrât. - 4. Lerne. Dé. - 5. Pro. Épar. - 6. On. Ésope. - 7. Laps. RTL. - 8. Ili. Lee. - 9. Tilla. Râ. - 10. Isoète. - 11. Kermesse. - 12. Séismaux.

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

VERTICALEMENT 1. Realpolitiks. - 2. Externalisée. - 3. Métro. Pilori. - 4. Brin. Ès. Lems. - 5. Actées. latéM. - 6. RER. Pore. ESA. - 7. Réadapter. Su. - 8. Esterel. Apex.

qui ont risqué leur peau dans cette affaire. D’abord dubitatifs quand ils se rendent au chevet de Litvinenko, à l’University College Hospital de Londres, ils vont accumuler des preuves accablantes. Cette fiction revient aussi sur le travail du juge britanique à l’origine de l’enquête publique et sur celui de la Cour européenne des droits de l’homme, qui, en septembre 2021, a établi la responsabilité de la Russie dans l’empoisonnement au polonium 210 de l’exagent du FSB. Un long combat raconté de manière on ne peut plus réaliste, précise et dense. Pour que le téléspectateur, comme s’en félicite la veuve de Litvinenko, ne puisse pas douter de la réalité de ce qu’elle d ­ésigne comme un « crime d’État ».

21.10

SU DO KU GRILLE 4246 MOYEN

GRILLE 4247 CHAMPION

3 1 2 4 2 8 1 9 9 3 8 2 7 4 7 3 5 7 8 9 7 6 1

5 6 8 3 7 9 1

4 6 3

3

S I R B N E C A L O I T M I R N E M E N D R E N I E N T R E T E R I E L P E T C N E E D I

T E N T E R

P R E

R U S A S L E

4 8 1 3 2 7 6 5 9

9 6 2 4 8 5 3 7 1

1 5 8 9 7 2 2

MOTS À MOT

SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT MOTS À CASER G R A V L A X R E C U C E I MC B E N P O I R E O P U D I B O N E L E V E R S E N E A R O U T R A G E U R E C E R

8 1

6 7 1 3 4

2 3 9 8 1 9

4

5

5 3 7 6 1 9 4 8 2

1 4 9 5 3 2 7 6 8

8 2 3 7 4 6 9 1 5

7 5 6 8 9 1 2 3 4

6 7 4 2 5 8 1 9 3

3 9 5 1 7 4 8 2 6

2 1 8 9 6 3 5 4 7

6 3 4 8 5 7 2 9 1

7 2 8 3 9 1 4 6 5

5 1 9 4 6 2 7 8 3

3 9 5 6 2 8 1 4 7

1 4 6 7 3 9 5 2 8

2 8 7 1 4 5 9 3 6

9 7 1 2 8 6 3 5 4

4 6 2 5 7 3 8 1 9

8 5 3 9 1 4 6 7 2

En regroupant et en mélangeant les lettres des deux mots de trois lettres proposés, composez un troisième mot de six lettres.

DON+PRE =P P I E +VER= H I C+CL E =

P H

A

«

SOLUTION DU N°4245

V

ous avez réussi à me réduire au silence, moi, mais un concert de protestations venues du monde entier va résonner dans vos oreilles, monsieur Poutine, et vous les entendrez pour le restant de vos jours. » Cet extrait de la lettre posthume d’Alexandre Litvinenko, lue le soir de son décès par un de ses proches devant la presse britannique, donne le ton de cette série, qui transpose l’une des affaires d’empoisonnement les plus retentissantes du XXIe siècle. Celle de cet ex-agent du FSB (ex-KGB) devenu lanceur d’alerte et réfugié à Londres, mort le 23 novembre 2006 alors qu’il venait tout

doute trop, David Tennant, célèbre Doctor Who, choisi certes pour son talent, lement pour sa ressemblance mais éga­ frappante avec la victime. Et, dans celui de ­evieva, son é­pouse, Marina, Margarita L actrice d’origine russe, tout en retenue et en nuances. Pas une once de pathos, ici. Rien que des faits, certains minutés. Indétec­table, le polonium, substance radioactive glissée dans le thé de Litvinenko, a provoqué une longue agonie qui le conduit à la mort trois semaines plus tard. Cette série rend hommage à l’ex-espion, mais célèbre aussi le courage des deux p ­oliciers de Scotland Yard, incarnés par Mark Bonnar (Catastrophe, Humans) et Neil ○○○○ Maskell (Peaky Blinders),

juste d’obtenir la nationalité britannique. De quoi provoquer le début d’une crise diplomatique sans précédent entre le ­ Royaume-Uni et la Russie.

SOLUTION DU N°4244

julia baudin £@BaudinJ

jeudi 19 janvier 2023 le figaro

30 télévision

météo

Tous les programmes dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag

À LA DEMANDE 21.10

Balthazar

21.05

21.10

Magazine

Film. Guerre

Envoyé spécial

Série. Policière

par

ÉPHÉMÉRIDE St-Marius Soleil : Lever 08h35 - Coucher 17h27 - Dernier croissant de Lune

MATIN Blinded

Midway

-1

30 -1

1 4

-1

1

Fra. 2022. Saison 5. Avec Tomer Sisley. Marionnettes. Inédit. Balthazar coule des jours heureux à Marrakech, loin de ses ennuis parisiens et de la police qui le traque, toujours convaincue de sa responsabilité dans les meurtres perpétrés par son frère. 22.05 Balthazar. Série. Policière. En plein vol. Avec Tomer Sisley.

Prés. : Elise Lucet. 1h50. Médicaments: alerte à la pénurie ! / Ordures ménagères : un service public à la poubelle / Retraites : le compte n’y est pas ! / Les secrets du plus jeune milliardaire de France. 22.55 Complément d’enquête. Abus sexuels : l’Église tient-elle ses promesses d’indemnisation ?

21.08

20.55

Sport

Série. Dramatique

NBA Paris Game

Detroit Pistons - Chicago Bulls. En direct. Dans l’Accor Arena, les amateurs de basket US peuvent admirer le duel entre les Chicago Bulls et des Detroit Pistons dans le cadre du NBA Paris Game 2023. 23.46 Mister George : l’extraordinaire vie de George Eddy

20.25 Touche pas à mon poste ! Div.

21.19 Y’a que la vérité qui compte

EU/Chn. 2019. Réal. : Roland Emmerich. 2h18. Avec Ed Skrein, Patrick Wilson, Luke Evans. Après le désastre de Pearl Harbor, les Américains subissent une deuxième attaque de la part des Japonais qui vise Midway, un atoll du Pacifique nord. 23.31 La France en vrai. Documentaire régional.

21.10

Cry Wolf

Meurtre au polonium – l’affaire Litvinenko

Série. Dramatique

Dan/Nor/Isl/Fin/Suè. 2020. Saison 1. Avec Bjarne Henriksen. 4 épisodes. Inédit. Une adolescente de 14 ans décrit dans une rédaction les violences domestiques dont elle souffre. Un assistant social décide de la placer dans un foyer.

GB. 2022. Saison 1. Avec David Tennant. 2 épisodes. Inédit. En novembre 2006, Clive Timmons et Brent Hyatt sont appelés au chevet d’Alexandre Litvinenko, hospitalisé à Londres. 22.55 Affaire Litvinenko : un meurtre d’État. Documentaire.

00.30 Hierro. Série. Policière.

19.50 Le cross : les Marseillais vs le Reste du monde vs les Motivés.

20.45 Quotidien. Divertissement.

21.05 L’arnacœur

21.15 L’agence : l’immobilier de luxe en famille

23.02 Y’a que la vérité qui compte.

23.05 La proposition. Film.

22.05 L’agence : l’immobilier de luxe en famille. Documentaire.Inédit.

20.00 C à vous la suite. Talk-show.

20.05 Wheeler Dealers France. Doc.

20.20 C’est un complot ! Doc.

21.00 La guerre de Troie a bien eu lieu

21.10 Wheeler Dealers : rêves à saisir

20.50 Dans les secrets des francs-maçons

Magazine. Prés. : Pascal Bataille et Laurent Fontaine. 1h40. Inédit. Première diffusion. Pascal Bataille et Laurent Fontaine proposent de découvrir ce que sont devenus les invités de leur émission phare.

Documentaire. Fra. 2020. Réal. : Laurent Portes. 1h29. Depuis les premières fouilles en 1870, la colline turque de Hisarlik, site archéologique de Troie, a permis à cette science de perfectionner ses méthodes. 22.35 C ce soir. Talk-show.

Film. Comédie sentimentale. Fra/MC/EU. 2010. Réal. : Pascal Chaumeil. 1h40. Avec Romain Duris, Vanessa Paradis. Alex est expert dans un domaine peu ordinaire : il est briseur de couples professionnel.

Documentaire. Mike et Elvis sont déterminés à acheter une Mini Countryman pour une mère attentionnée. Mais les garçons sont confrontés à un défi majeur : ils n’ont que 500 livres à dépenser. 23.45 Programme de la nuit

Doc. Fra. 2023. Sandrine et Olivier, les parents, Martin, Valentin, Louis, Raphaël, les quatre fils, et Majo, l’irrésistible grand-mère, la famille spécialisée dans l’immobilier de luxe est de retour.

Doc. Fra. 2021. Réal. : Léa Schlesinguer. Des francs-maçons français et britanniques ont accepté de témoigner et d’ouvrir les portes de leurs temples les plus prestigieux à Paris et à Londres.

Bea Farkas, journaliste spécialisée dans la finance dans un quotidien suédois, sort avec Peter Roodh, le directeur de la banque d’affaires ST Banken. Quand la banque publie ses derniers résultats, Bea soupçonne de graves malversations. Mais peut-elle tout révéler, au risque de mettre en péril son couple et sa carrière ? De « Margin Calls » à « The Big Short », tout le monde y était allé de son exploration sordide des coulisses de la finance. Cette série suédoise, inspirée du roman de Carolina Neurath, une journaliste financière qui sait de quoi elle parle, propose une approche différente. Ce n’est pas seulement la finance qui est corrompue. Comment espérer la vérité quand la presse et la banque couchent littéralement ensemble ?

0

-1

0

0

2

-2

0

6

-1

2

2

5

2 5

4

80 6

APRÈS-MIDI 4

20

4

6

4

5 6

2

3

2

3

3

6

0

4

5

40

4

4

8

3

3

4

5

➜ 17 heures : « Le Buzz TV » (avec TV Magazine) – Invité : Salhia Brakhlia, journaliste sur Franceinfo et réalisatrice du documentaire Service public. Interviewée par Nicolas Vollaire et Sarah Lecoeuvre.

2

2

4

5

Aujourd’hui, jeudi 19 janvier sur lefigaro.fr

➜ 18 heures : « Points de vue ». Présentation : Damien Canivez. Avec Émile Leclerc, directeur d’études pour Odoxa, à propos de l’avis des Français quant à la réforme des retraites ; Rémy Nollet, gendarme, qui témoigne dans son livre Face à la mort (Le Rocher).

-3

-1

-1

40

-1

-1

-1

-1

0 1

0

-1

0

7

8

6

11

7

7

70

10

8

T (en °c) 40

0 à 10

-2/2

-3/4

-3/4

1/6

0/6

lachainemeteo.com

Par téléphone :

22.10 La Sagrada Familia, le défi de Gaudí. Documentaire.

Sur L’APPLI

LIVE 24/24

GRATUITE La Chaîne Météo

2,99 €/appel

MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°3423 CUIT À LA BROCHE PIAFS

JAMAIS ÉGALÉ IRIDIUM SYMBOLISÉ

ANTICHAMBRE BAINS EN CURE

CARTE À JOUER DRÔLE DE CHUTE

PRÉPARATION THÉRAPEUTIQUE MATCH NUL LIEUX DE TRAVAIL

ÉVEILLER LA CURIOSITÉ

IL RELÈVE LE GIGOT AJOUTA DU POIDS

APRÈS NU

ORNER

MOT DE DÉFI

COUP SUR LE TATAMI ÉCLATS DU DOLLAR

TECHNÉTIUM IL REJOINT LE DANUBE

POSER L’HYDRAVION RABIOT

A 2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

PORTEUR DE BALLES ROCHES POREUSES

LE TEMPS NE LUI EST PAS COMPTÉ FROMAGES BLANCS UN PROCHE DE FERRY

POTELÉE PRINCIPE CHINOIS

SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT

SONT DONC À EUX

P

L

N

S

TOUT À FAIT DIFFÉRENT CREUSE DANS UNE MATIÈRE DURE

S’ABANDONNE (SE) CAPABLE DE TOUS LES TOURS

S

L

P

P L A I S A N C I E R E U L E M A

ONOMATOPÉE ENFANTINE JAZZ AFROCUBAIN

RÉSONNE COMME UNE CLOCHE TROISIÈME PERSONNE

CELA PERMET DE FAIRE UN CHOIX

IL EST ROULÉ EN GRÈVE PETIT PETIT

FEMME DE LETTRES MET À L’ÉPREUVE

CONTESTAIT FILLE DE GAÏA

IMPUDENTS L’ALUMINIUM

Jour:

CUBÉES IMPARTIAL

PRODUITE

IL DOMINE LA TERRE CŒUR DE BÂTARD

Autre

RADOUBER BONHOMME DES NEIGES

JUTEUX PRÉPOSÉ AUX GODASSES

FACE LE CHEVAL D’UN DÉ A BONNE ALLURE COULEUR AVEC LUI DE PIMENT

un

PIÈCES DE MUSIQUE TERME DE BELOTE

TEL UN BEAU PRÉ

DES FOULES LE SUDOUEST

Demain

VAISSELLE DES GRANDES OCCASIONS

À LA VISION TROUBLÉE

ENROBÉE DE SUCRE ROUSSI CACHER

SPORT À MOTO

MOTEUR À ROUE

APPUIES FORT FRAPPE DE JOUEUR

B R I G A N D A M E S A L E

C A L

E D A M

H A L O

I N T E R I M S E S T E T E L L

L

R

S

A I N E E S R I C T U S

A N T E N N E S

Z

M E M O

U

P A I S I B L E

E C R I N

E M I R A T

A C I E R I E S

G

P E U L E

H A B I T A T I O N

E P U C E R

P E R E M P T O I R E

A

O V A T I O N

I N S T I L L E

L I O N

L E T T R E

L A M E S

U

C A R T E R

E M O T I C O N E

U E

le figaro

jeudi 19 janvier 2023

31

Sœur André celle qui croyait que le bon Dieu l’avait oubliée Disparition Née Lucile Randon, en 1904, la doyenne de l’humanité s’est éteinte à 118 ans, mardi, dans sa maison de retraite, à Toulon. elle dédia sa vie aux autres, des plus jeunes aux plus âgés. Avec joie et sagesse. Par Jean-Baptiste Semerdjian [email protected] belle, reposée, elle attend alors nos questions avec patience et curiosité. Elle n’est, à cette époque, « que » la doyenne de l’Europe, « talonnant » une Japonaise de quelques mois son aînée. Au mois d’avril suivant, en 2022, la centenaire nippone quittera ce monde, propulsant Sœur André à la place vertigineuse de doyenne de l’humanité, à 118 ans.

Observatrice des époques

Les yeux blanc neige, les mains entrelacées, la tête légèrement penchée, un Modigliani témoigne du siècle. Imaginez, en mai 1968, elle avait 64 ans, âge auquel la retraite sonnera légalement après la réforme que souhaite Emmanuel Macron. Un détail, Sœur André entend très mal, il faut littéralement crier - respectueusement - quand on s’adresse à elle. Mais, étonnamment, elle entend très bien « son sauveur, son cher David » qui, lui, parle très normalement. Voilà un duo intergénérationnel qui a sa complicité, ses jeux et ses blagues, rompus aux exer­cices des interviews et au calme rythme de vie de la religieuse.

Sœur André, en février 2021, à Toulon. NICOLAS TUCAT/AFP

Née en 1904 à Alès, dans le Gard, elle a largement enjambé le siècle, observatrice des époques. Peut-on poser toutes les questions à une personne si âgée qui ne marche plus, ne voit plus et n’entend qu’à moitié ? Alors malgré les restrictions sanitaires de l’époque, et avec l’accord de son ange gardien, nous lui avons pris la main pour la remercier de nous recevoir - et signifier notre pré-

Lancez-vous dans la formidable aventure de l’écriture ! Les mardis 4, 11, 18 et 25 avril 2023 de 18h à 22h

GRÉGOIRE DELACOURT

Crédit photo : Emmanuelle Hauguel

Grégoire Delacourt publie son premier article le jour de ses 18 ans avant d’entamer une carrière publicitaire durant laquelle il lèguera de nombreux slogans publicitaires. Récompensé lors de son tout premier roman en 2011, il sort l’année suivante le célèbre « La liste de mes envies » qui donnera lieu à diverses adaptations au cinéma et au théâtre. De nombreux autres romans, tous à succès, compléteront sa bibliographie avant la sortie en mars 2023 de « Une nuit particulière » chez Grasset. Déjà animateur d’ateliers d’écriture pour le Figaro littéraire, il transmet avec passion, pédagogie et bienveillance.

Modalités et inscriptions sur www.lefigaro.fr/ecriture ou en scannant le QR code Plus d’informations en envoyant un message à ateliersdecriture@lefigaro.fr Les ateliers se déroulent dans les locaux du Figaro, à Paris

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

Attention, le nombre de places est limité

sence. Avec un accent typique de sa région, c’est finalement elle qui lance la première question : « Dites, c’est pour quel journal ? Le Figaro ? Oh, c’est bien Le Figaro, sourit-elle. Je le lisais quand j’étais jeune, mais on nous le volait dans la boîte aux lettres, je m’en souviens ! » Pas de doute, la discussion sera plus aisée que prévu.

« Il me tarde de mourir »

De son enfance, elle se rappelle surtout des blagues de ses frères. Son plus beau souvenir remonte à la fin de la Première Guerre mondiale, quand ses deux aînés reviennent vivants de la Grande Guerre. « On avait eu si peur et j’étais si heureuse de les revoir. Ils avaient combattu pour la France. C’était une fierté, le mérite et la valeur de notre pays. » Elle devient ensuite institutrice en région parisienne. « J’ai donné tout mon temps pour les enfants. Le matin, le soir, pour les vacances, j’étais toujours avec eux. » ­ lisse les yeux Elle rit à ses anecdotes, p devant ses souvenirs qui défilent et ajoute : « Ah, mon Paris me manque ! C’était joyeux. C’était agréable. C’était mes plus belles années. ­Ensuite, il y a eu la guerre, alors on devait s’habituer avec les enfants au bruit des bombes. La Libération, c’était une grande joie, bien sûr ! » Elle parle politique - on ne la coupe pas - : « De gauche ou de droite, moi, je n’apprécie que personnellement. J’aimais beaucoup Charles de Gaulle. Et ensuite Giscard. Il est bien lui. Emmanuel qui ? Internet quoi ? C’est plus pour moi tout ça. » Et puis quand elle ne veut pas répondre, elle coupe par des « Je ne m’en souviens plus », ou s’emporte : « Oh, je ne sais plus. Je perds même les mots ! » En 1945, à 41 ans, elle qui est protes­tante se convertit et entre dans les ordres pour prendre le prénom André,

UN dernieR mot [email protected]

comme son frère, sceptique face à cette conversion. Un tournant dans la foi ? « Mais oui ! Le bon Dieu m’a embobinée comme pas possible ! Il m’a donné à aimer et tout m’a enchantée. C’est arrivé à un moment donné, et voilà c’était ma voie. J’aime le bon Dieu, par-dessus tout et il me l’a bien rendu. Il m’a donné des compagnies charmantes. » À partir de cette conversion, elle se dévouera à l’accompagnement d’enfants et de ­personnes âgées dans les hôpitaux de Vichy, d’Hostun, dans la Drôme, et à la maison de retraite des Marches, en ­Savoie. Enfin, en 2009, elle prend une retraite bien méritée à Toulon, où elle continuera, dit-on, jusqu’à 108 ans, à promener des pensionnaires plus jeunes qu’elle… Enfin, après des dizaines de minutes sans oser l’évoquer, nous abordons le sujet de la vieillesse. Leçon de vie et paroles très sages. « Vous savez, les personnes âgées sont des trésors. Il faut les protéger pour tout ce qu’elles ont donné, tous leurs sacrifices oubliés avec le temps. Il y a de plus en plus d’égoïsme, même chez les plus jeunes. Moi, maintenant, je suis dépendante des autres. » Elle poursuit. « Ma mère supérieure me cajole, mais moi je ne peux plus l’aimer, plus personne. Ça me rend triste. Je m’en fiche d’être la plus âgée, au contraire, il me tarde de mourir. Le bon Dieu m’a oubliée. » Un silence, puis Sœur André doit se rendre à sa messe quotidienne, ajoutant cependant, très sérieusement : « Vous gardez mes chocolats dans ma chambre, n’est-ce pas ? » En quittant l’Ehpad, et croisant ainsi un joyeux défilé de déambulateurs en direction de la chapelle, une infirmière nous lance, rieuse : « Alors comment va notre star ? » Mardi, à 2 heures du matin, le bon Dieu s’est souvenu d’elle, et la « star » a rejoint le ciel. ■

Par étienne de Montety

Sœur (seur) n. f. Nonne événement.

S

œur André vient de mourir à 118 ans. Elle était la doyenne de l’humanité. Le mot vient du latin soror. Il désigne une fille par rapport aux enfants des mêmes parents. Plus que centenaire, Sœur André semblait avoir échappé aux Parques, ces trois sœurs toujours promptes à couper le fil de la vie. Elle n’avait certainement plus guère de parentèle, mais était devenue la sœur aînée de tous les Français, par son grand âge qui lui avait valu une popularité inattendue : c’était une sœur intercesseur. Les années passaient. Sœur André, pas plus que sa consœur Anne, ne voyait rien venir, et d’abord pas la mort. Il paraît qu’elle prenait cette attente avec ce sourire rendu célèbre naguère par une autre religieuse. Hier, l’âme de la doyenne s’est enfin rendue, et elle s’en est allée, comme si une voix de l’au-delà lui avait murmuré : « Mon enfant, ma sœur, songe à la douceur d’aller là-bas vivre ensemble ! » ■

A

U

ne frayeur. Une grande frayeur. Sœur André, 117 ans, tousse. Là, devant nous, assise dans son fauteuil roulant, elle semble s’étouffer à cause d’un chocolat qui fait « une fausse route ». Connaissant sa gourman­ dise, nous lui avons apporté des cho­colats, achetés la veille chez un artisan parisien renommé. On regrette alors profondément ce cadeau. Il fallait apporter du porto, son autre péché mignon, plus simple à déguster ! Quel saint prier rapidement pour montrer la voie à un chocolat capricieux ? Faut-il lui taper dans le dos ? Un ange passe. « Allez ! Ça va le faire avec un peu d’eau », lance, verre à la main, David Tavella, le chargé de la communication de l’Ehpad où réside alors la religieuse depuis une dizaine d’années. Et la douceur pralinée trouve son chemin. Nous sommes en décembre 2021, dans une salle de repos ensoleillée et un peu désuète de cet établissement religieux de Toulon. Installée entre une statue de la Vierge Marie et une photo du pape François, toute de bleu vêtue,

2023-01-19T09:42:33+01:00

2023-01-19T04:00:05c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

Get in touch

Social

© Copyright 2013 - 2024 MYDOKUMENT.COM - All rights reserved.