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lundi 23 janvier 2023 le figaro - N° 24 392 - www.lefigaro.fr - France métropolitaine uniquement

Dernière édition

lefigaro.fr

christophe guilluy

musique

ces très jeunes chefs qui mènent les orchestres à la baguette Page 34

Retraites : Macron tente de remobiliser son camp

Comment consoler un proche ? pages 15 à 18

Le projet de réforme est présenté ce lundi en Conseil des ministres. L’exécutif s’emploie à convaincre les opposants, mais également certains soutiens réticents du chef de l’État.

gauche

Alors que le projet de réforme des retraites chemine vers le Parlement, syndicats et partis d’opposition ont mobilisé leurs troupes contre le texte dont la mesure principale et

Le PS confirme la victoire d’Olivier Faure PAGE 6

défense

Vers une rupture entre la France et le Burkina Faso

symbolique est le passage de 62 à 64 ans du départ légal à la retraite. Mais l’exécutif peine à convaincre les Français de l’utilité et de la « justice » d’un tel report. Les sondages mon-

trent en effet une opposition très nette contre le projet. L’hostilité à son égard n’est plus le seul apanage des adversaires du chef de l’État : désormais, et avant même que le

texte n’arrive dans l’Hémicycle, la réforme d’Emmanuel Macron se heurte aux frondeurs de son propre camp. L’aile gauche de la majorité reprochant au texte des « in-

Un an après le scandale Orpea, les Ehpad toujours sous le feu des critiques

russie

Ces combattants de Wagner, enrôlés en prison et traités en héros à leur retour PAGE 10

Forum de davos La crise de la mondialisation bouscule les débats

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La France et l’Allemagne célèbrent une amitié en trompe-l’œil Après l’étalage de différends sur fond de guerre en Ukraine, Emmanuel Macron et Olaf Scholz ont affiché, dimanche à Paris, leur unité à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire du traité de réconciliation entre les deux pays. PAGE 8

éditorial par Gaëtan de Capèle [email protected]

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PAGES 20, 21 et 23

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FIGARO OUI FIGARO NON

Réponses à la question de samedi : Les Européens doivent-ils livrer des chars lourds aux Ukrainiens sans attendre les Américains ?

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TOTAL DE VOTANTS : 207 236

Votez aujourd’hui sur lefigaro.fr Croyez-vous à la solidité du couple francoallemand en Europe ? illustration fabien clairefond ; SYSPEO/SIPA

Le 26 janvier 2022, le livreenquête Les Fossoyeurs faisait la lumière sur la maltraitance dans les Ehpad. Un cataclysme pour Orpea, considéré jusquelà comme un modèle du genre. Mais aussi pour tout le secteur, qui peine à s’en relever alors que deux Français sur trois sont aujourd’hui inquiets face au risque de mauvais traitements sur des personnes vulnérables. PAGES 12 et 13

S

Tenir malgré tout

i la politique est bien, comme on le prétend, un art tout d’exécution, Emmanuel Macron et son gouvernement ont curieusement engagé la bataille des retraites. Remporter le grand combat du quinquennat supposerait une communication impeccable et une stratégie limpide. Or, avant même d’arriver dans le dur du débat parlementaire, la réforme présente d’inquiétants défauts de fabrication. Sur les convictions présidentielles d’abord, qui ont tant varié que chacun peut piocher celle qui lui convient. Parti de l’idée que rien ne justifiait une mesure d’âge, le chef de l’État s’est fait le promoteur d’une réforme systémique (la fameuse retraite par points), puis seulement paramétrique, avant de devenir l’avocat du départ à 65 ans. Il fut ensuite expliqué à une opinion fort peu réceptive que ce chantier était indispensable pour en financer d’autres, comme l’éducation ou la santé, avant de jurer que pas un euro économisé sur les retraites n’irait ailleurs. On a déjà mieux préparé le terrain avant d’engager le fer. La tactique retenue - lâcher précipitamment autant de lest - laisse tout aussi sceptique. Les opposants n’ont pas eu besoin de déployer la première banderole que la digue

des 65 ans cédait déjà. Depuis, les concessions s’accumulent et l’addition se corse, au point de remettre en question l’équilibre financier de départ. Sans parler des ficelles constitutionnelles utilisées pour faciliter l’adoption du texte, qui créent un aléa juridique considérable. Voilà qui fait beaucoup lorsque l’on s’appuie sur une majorité déjà plus que fébrile et sur un soutien à droite aussi fiable que la corde du pendu. Pour l’heure, cela donne surtout des encouragements aux syndicats et des ailes au MoDem pour réenclencher le « déconomètre » (hausse des cotisations, relèvement du temps de travail à 35,5 heures…) cher à François Bayrou. Cette marche en crabe gouvernementale rend les choses plus difficiles encore qu’à l’accoutumée. Mais ne doit pas faire perdre de vue l’essentiel : sous réserve d’être vidée de sa substance, cette réforme des retraites demeure indispensable si l’on veut sauver notre système par répartition. ■

Une réforme aux inquiétants défauts de fabrication

AND : 4,10 € - BEL : 3,50 € - CH : 4,40 FS - CZ : 115 CZK - D : 4,00 € - ESP : 4,10 € - GR : 3,60 € - LUX : 3,50 € - MAR : 37 DH - MTQ/GLP : 4,10 € - PORT.CONT : 4,20 € - REU : 4,50 € - TUN : 11,00 TND ISSN 0182.5852

RM UP-01 FERRARI

* La performance mécanique poussée à l’extrême

Comment, à partir de Louis XIV, sont nés les régimes spéciaux L’Allemagne peut-elle devenir une puissance militaire ? La chronique de Nicolas Baverez La tribune d’Anne-Marie Le Pourhiet

François Bouchon / Le Figaro

champs libres

PAGES 26 et 27

n

justices sociales ». L’objectif du chef de l’État est désormais d’occuper l’espace, de faire preuve de pédagogie, de se montrer à l’écoute sans pour autant reculer.

è L’enjeu clé de la communication présidentielle è Une majorité et des alliés pas assez solides è Des députés de la majorité veulent revenir sur les 35 heuresè Martinez juge possibles « des journées d’action pendant les vacances » pages 2 à 4 et l’éditorial

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OUI 58 %

Lionel Bringuier

C

figaro santé

« Les classes moyennes ne croient plus et n’écoutent plus ceux qui les dépossèdent » Page 22

lundi 23 janvier 2023 le figaro

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l'événement

Il y aurait eu 700 000 ou 1,3 million de manifestants, ça ne change pas les choses pour nous. Nous sommes dans une logique d’expliquer notre projet concerté pendant des mois

»

olivier véran, porte-parole du gouvernement François BOUCHON/Le Figaro

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des Français sont satisfaits de l’action du chef de l’État, et 32 % de celle de la première ministre, selon un sondage Ifop pour le JDD

+

» Lire aussi page 22 « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

Retraites : l’exécutif veut garder le contrôle du débat Face à l’ampleur des mobilisations contre la réforme, le gouvernement peine à convaincre. loris boichot £@lboichot, wally bordas £@wallybordas et claire conruyt £@ClaireConruyt

CE N’EST PAS seulement un texte qui arrive ce lundi sur la table en Conseil des ministres. C’est un texte contre lequel ont défilé entre un et deux millions de Français, aux côtés des oppositions et des syndicats. « La mobilisation dans la rue a été importante, est bien obligé d’admettre un ministre, au lendemain de la manifestation. Désormais, il faut questionner la solidité de notre majorité. » Car l’hostilité à l’égard de la réforme de la retraite n’est plus le seul apanage des adversaires du chef de l’État. Désormais, et avant même que le texte n’arrive dans l’Hémicycle, la réforme d’Emmanuel Macron se heurte aux frondeurs de son propre camp. Or, et tandis que le président de la République ne jouit plus d’une confortable majorité absolue à l’Assemblée nationale, chaque voix compte. En interne, l’avertissement provient aussi bien des rangs de Renaissance que de ceux des alliés Mouve-

ment démocrate (MoDem) et Horizons. Ajouté aux états d’âme de certains députés Les Républicains, qui rechignent à suivre la consigne de vote de leur nouveau patron Éric Ciotti, ce flottement inquiète les responsables macronistes, en vue de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale - à partir du 30 janvier en commission. À l’initiative du premier pas de côté, l’ex-ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a regretté les « injustices sociales » du texte. « Si je devais voter maintenant, je ne pourrais pas voter pour », a déclaré la députée Renaissance, chef du micro-parti social-écologiste En commun !. Un message relayé par les trois députées de sa formation Stella Dupont, Mireille Clapot et Cécile Rilhac -, rejointes dans leur opposition par leur collègue Patrick Vignal. Augmentation du minimum retraite au-delà des 1 200 euros bruts prévus par l’exécutif, meilleure prise en compte de la pénibilité, et des carrières longues ou hachées… « Nous souhaitons que le texte évolue pour qu’il soit plus équilibré et plus juste », insiste Stella Dupont.

La première ministre, Élisabeth Borne, et le ministre du Travail, Olivier Dussopt (à gauche), lors d’une séance de questions au gouverntement, à l’Assemblée nationale, le 17 janvier. THOMAS SAMSON/AFP

Dans les rangs des partenaires de Renaissance, deux autres oppositions se sont fait entendre. L’élu Horizons, Yannick Favennec, a défendu dans un communiqué le retrait de la mesure d’âge, au profit du seul allongement de la durée de cotisation. Une question de « justice sociale » selon lui - à rebours des positions d’Édouard Philippe. « Je suis loyal mais je suis libre. Les rappels à l’ordre me passent complètement au-dessus de la tête », appuiet-il, en détournant une formule chère à son champion.

Abstentionnistes Du côté du MoDem, le député Richard Ramos a appelé jeudi, sur Sud Radio, à « ne pas faire » cette réforme « contre les Français » et à « reprendre » le système à points, prévu dans le projet de 2019 abandonné par l’exécutif. Le groupe présidé par François Bayrou s’est également frayé un chemin dans le débat sur les retraites, tandis qu’une poignée de ses députés comptent déposer un amendement pour augmenter le temps du travail hebdomadaire (lire page 4). Des abstentionnistes pour-

Chagnollaud : une opération

L’enjeu clé de la communication présidentielle

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SEULES quelques secondes à peine ont - défavorablement - retenu l’attention. Le samedi 31 décembre dernier, pendant qu’il présente les « vœux aux Français » les plus longs de l’histoire présidentielle, Emmanuel Macron laisse échapper une petite phrase malheureuse. « Qui aurait pu prédire (…) la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ? », croit-il bon d’interroger, les yeux vissés au prompteur placé sous la caméra face à lui. D’ordinaire habitué à sortir de son texte pour s’essayer à quelques envolées lyriques improvisées - et plus ou moins réussies -, le chef de l’État avait décidé, pour cette fois, de s’en tenir à la version écrite de son discours. Manière, espérait-il, de limiter au maximum les risques de polémique, à l’aube d’une rentrée difficile marquée par la crise énergétique, l’inflation, et le retour de la très controversée réforme des retraites (lire ci-dessus). Très vite, pourtant, les critiques commencent à pleuvoir. Les détracteurs du chef de l’État lui tombent immédiatement dessus, dénonçant au mieux sa naïveté, au pire son déni. Quant à ses amis et ses soutiens, ils ne savent guère mieux comment le défendre. « Désolant », souffle même un ministre à propos de la séquence. Résultat, le président n’a pas d’autre choix que de revenir sur l’épisode dans une vidéo publiée sur YouTube, mardi soir, alors que le pays se prépare à vivre sa première journée de manifestation intersyn-

tionne malgré tout les reproches en interne. Le soir du réveillon, sur la boucle Telegram des conseillers de l’exécutif, alors que défilent les émojis festifs, lui s’illustre en partageant un élément de langage un peu creux. « La génération de la refondation et des bâtisseurs, c’est ce qui importe », relève-t-il, sans un mot de bonne année. Les membres de la discussion en sont restés cois. « C’était complètement décalé, ça a un peu cassé l’ambiance », raconte l’un d’eux.



Le nouveau patron de la com’ ne vient pas à nos réunions de communicants, je n’ai jamais vu sa tête



une conseillère presse de l’exécutif

D’autant que, depuis son arrivée, ils sont nombreux au sein de l’exécutif à dénoncer une « rebunkérisation » de l’Élysée. Comme durant les premières années du premier quinquennat, lorsque le chef de l’État verrouillait sa communication pour se sculpter une posture jupitérienne. À l’époque, il s’agissait de placer le président de la République en surplomb. L’objectif a changé. Désormais, il faut mettre en valeur la trace qu’Emmanuel Macron laissera dans l’histoire. Mais la méthode ne convainc pas tout le monde au sommet de l’État. Au gouvernement, plusieurs ministres importants déplorent de voir le Château se refermer. Beaucoup se font l’écho d’une communication peu fluide entre l’Élysée et Matignon. « Je n’ai toujours pas rencontré le nouveau patron de la com’, déplore

ainsi un occupant de Bercy. Nous avions rendez-vous à trois reprises, et il m’a annulé à trois reprises. Il doit être débordé… », sourit-on. Avec une pointe d’inquiétude, à l’heure où la rue se cabre contre l’exécutif. « Je le reconnaîtrais si je devais le croiser », explique laconiquement un autre membre du gouvernement. Avant d’être sèchement interrompu par sa conseillère presse : « Il ne vient pas à nos réunions de communicants, je n’ai jamais vu sa tête. » La charge a cela de confortable qu’elle permet de ne pas s’en prendre directement au président. Car derrière ces critiques contre son conseiller, c’est aussi Emmanuel Macron qui est visé. Et sa façon de mettre ses troupes sous tension en permanence, en les tenant souvent éloignés de ses décisions. Comme ce dimanche soir de fin novembre, lorsqu’il déclare sur YouTube vouloir développer des « RER métropolitains » dans dix grandes villes. Ou ce lundi matin de mi-décembre, quand il annonce le report d’un mois de la présentation de la réforme des retraites en ouverture d’une séance du Conseil national de la refondation. Avant ce jeudi de début janvier, et son message à tous les artisans et TPE frappés par la flambée des prix de l’énergie, prévenus en pleine cérémonie de la galette, qu’ils pourront tous renégocier des « contrats excessifs » avec leur fournisseur d’électricité. « Il ne veut pas faire un quinquennat pour rien », explique un ministre. Alors il s’occupe de tout. Soit cela se met à fonctionner, et c’est lui seul qui en retirera du bénéfice personnel. Soit cela continue de patiner, et ses conseillers en seront tenus responsables. Comme c’est déjà le cas. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR

emmanuel galiero [email protected]

Paris 2 Panthéon-Assas

arthur berdah£@arthurberdah, françois-xavier bourmaud £@fxbourmaud et tristan quinault-maupoil £@TristanQM

dicale. « J’ai été mal compris », y regrette-t-il, malgré la « mauvaise foi » des « attaques » de ses adversaires, accusés d’avoir cherché à le « caricaturer ». « Franchement, je ne comprends pas comment une connerie pareille a pu passer… Ça aurait dû sauter aux yeux de n’importe quel communicant un peu aguerri », ne décolère cependant pas un proche du président de la République. Dans son viseur, la « plume » Baptiste Rossi - un romancier varois de 28 ans ouvertement marqué à gauche -, venu remplacer Jonathan Guémas à la rentrée. Mais aussi le nouveau conseiller spécial Frédéric Michel, appelé mi-septembre pour succéder à Clément Léonarduzzi. Ancien lobbyiste de News Corp, le groupe média de Rupert Murdoch, l’intéressé a fait toute sa carrière - et toute sa réputation - à l’étranger. Or le voilà propulsé à l’un des postes les plus stratégiques de France, sans relais ni carnet d’adresses, contraint de faire ses preuves en un temps record. Le tout, dans un milieu ultraconcurrenciel, où la bienveillance ne pèse pas bien lourd face à l’exigence. Dès sa nomination, quelques conseillers qui lorgnaient le poste ont ricané à la lecture de son CV, et ironisé sur sa méconnaissance supposée du pays. Quand certains ministres ne se sont guère montrés plus tendres. « Frédéric Michel, c’est Joseph Zimet sans l’agreg’, mais avec les anglicismes de Laurence Haïm », l’a raillé un membre du gouvernement dès leur première conversation, pour moquer ses emprunts incessants à la langue de Shakespeare. S’il s’efforce aujourd’hui de lutter contre ces tics de langage importés de Londres, Frédéric Michel collec-

raient aussi se manifester prochainement, à l’image de Benoît Bordat (apparenté Renaissance). « Nous sommes une quinzaine d’élus du camp présidentiel à être sur cette ligne : si nous ne sommes pas entendus, nous pourrions nous tourner vers l’abstention et même le vote contre », a assuré au Figaro ce membre de Fédération progressiste, le parti de l’ex-ministre du Travail François Rebsamen. Au sein du groupe Renaissance, plusieurs responsables tentent de se rassurer en évoquant des « cas isolés ». Pendant ce temps, la popularité d’Emmanuel Macron et d’Élisabeth Borne s’effrite. Selon un sondage Ifop pour le JDD, seuls 34 % des Français sont satisfaits de l’action du chef de l’État quand la première ministre, elle, voit sa cote reculer à 32 % d’opinions favorables son plus mauvais résultat depuis sa nomination à Matignon. Ainsi, le camp Macron doit plus que jamais faire bloc. C’est d’autant plus vrai que les oppositions, galvanisées par l’ampleur de la mobilisation contre la réforme des retraites, ne comptent pas en rester là. « Il n’y a aucune résigna-

L’utilisation d’un tel « véhicule » législatif pour l’adoption d’une réforme sociale d’ampleur est sans précédent. Il fallait y penser

»

dominique chagnollaud, président du cercle des constitutionnalistes

DOMINIQUE CHAGNOLLAUD préside le Cercle des constitutionnalistes. LE FIGARO. - Pourquoi parle-t-on aujourd’hui de l’article 47.1 de la Constitution comme hypothèse pour faire voter le texte ? Dominique CHAGNOLLAUD. - Sans doute, cette idée reflète-t-elle l’imagination au pouvoir. Mais, surtout, sans majorité assurée à l’Assemblée, le gouvernement cherche un moyen d’aller vite, ce qui n’exclut pas le risque d’aller trop vite. Depuis 1996, l’article 47.1 dispose qu’il revient au Parlement de voter les lois de financement de la Sécurité sociale. Il doit ainsi permettre aux parlementaires de se prononcer sur les comptes de celle-ci et permettre l’adoption d’un budget avant la fin de l’année civile. Quant à la loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale (LFRSS) dont l’usage est très rare, elle autorise à modifier le budget de la Sécurité sociale au cours de l’année. Et elle encadre sa procédure d’adoption dans son alinéa 2. Y compris sur la durée du travail parlementaire ? Oui, car les textes budgétaires sont votés dans des délais contraints : le Parlement doit se prononcer dans un délai global de cinquante jours et si l’Assemblée ne s’est pas prononcée en 1re lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le gouvernement saisit le Sénat,

le figaro

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CONTRE-POINT

PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard

Une majorité et des alliés pas assez solides

tion, affirme la députée écologiste Éva Sas. Même si l’on nous prive de débat au Parlement, nous sommes confiants sur la solidité de la révolte des Français dans la rue. » L’élue Renaissance, Prisca Thévenot, riposte : « On ne doit pas avoir peur. Il faut continuer à expliquer cette réforme en ne se focalisant pas sur l’âge qui n’est pas la finalité mais la modalité de cette réforme. » Sur BFMTV, Olivier Véran abondait, dimanche : « Il y aurait eu 700 000 ou 1,3 million de manifestants, ça ne change pas les choses pour nous. Nous sommes dans une logique d’expliquer notre projet concerté pendant des mois. » Un peu partout, des petits feux brûlent et voici que l’exécutif se déploie pour éviter qu’un incendie général se déclare. « On n’est pas condamné au bras de fer », a ainsi déclaré dimanche Gabriel Attal dans les colonnes du Parisien. « Il y a des inquiétudes, des doutes, de l’opposition, chez beaucoup de Français », admet le ministre délégué chargé des Comptes publics. « L’enjeu, c’est donc de répondre aux inquiétudes, réelles et nombreuses, en enrichissant la réforme avec l’apport de tous. » Sur

l’emploi des seniors, un sujet que les plus réticents à la réforme (jusque dans les rangs de la majorité) entendent négocier, Gabriel Attal répond : « On est très ouverts à des propositions sur l’incitation, la reconversion, et à regarder sans tabou des mesures coercitives pour les entreprises qui ne joueraient pas le jeu. » Dans Le Journal du dimanche, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, défend une réforme qui rétablit « un maximum d’égalité » et assure que depuis le 10 janvier, le projet de loi a connu des évolutions. « Il intégrera notamment la revalorisation des petites pensions pour les retraités actuels qui ont travaillé toute leur vie au niveau du smic, pas seulement les futurs. (…) C’était une demande très forte des députés de la majorité et des Républicains. » Occuper l’espace, faire preuve de pédagogie, montrer qu’on est à l’écoute sans pour autant reculer… L’exécutif, loin d’imaginer l’ampleur des manifestations, ne ménage pas ses efforts pour garder le contrôle du débat. En attendant la prochaine mobilisation, qui aura lieu dans un peu plus d’une semaine. ■

G

ardez-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge. » Emmanuel Macron va-t-il reprendre à son compte la maxime de Voltaire ? En Conseil des ministres, le chef de l’État invitait son exécutif à monter au créneau contre les « mensonges » de la gauche. Mais après le succès de la première journée syndicale, c’est des siens qu’il a besoin pour tenir bon. C’est au moment des vents contraires qu’il lui faut une majorité combative et des alliés fiables et solides. Or des signaux inquiétants apparaissent. Ce n’est pas le tassement de leur popularité qu’Emmanuel Macron et Élisabeth Borne doivent redouter. En mettant sur la table la retraite à 64 ans, pouvait-il en être autrement ? Il doit s’attendre à la réplique de cette même vague par tous les instituts. Ce qu’ils doivent redouter, c’est l’indexation du moral de sa majorité sur ces sondages. Le meilleur brise-lames de la contestation est la certitude que rien ne fera reculer le président. Jusqu’à ces derniers jours, les Français étaient contre la retraite à 64 ans, mais sûrs que Macron la ferait. Le sondage Odoxa, samedi dans Le Figaro, affirmant que 59 % pensaient que le gouvernement allait devoir modifier ou même abandonner son texte est un tournant. Or tout doute, tout bémol interne à la majorité a un effet négatif compte-triple. Les interrogations au sein de Renaissance sont minoritaires,

«

Après le succès de la mobilisation syndicale, c’est des siens dont le président a besoin pour tenir bon

»

mais elles portent. Que l’ancien patron des députés, Gilles Le Gendre lui-même, « ne (dise) pas que la réforme est juste » est un cadeau fait aux opposants. Que le MoDem relance en solitaire le débat sur les 35 heures est une étrange manière de jouer collectif et de désarmer les critiques. Que l’attention se tourne à LR sur les députés qui pourraient ne pas voter montre que le « deal » avec Éric Ciotti a été insuffisamment bordé ou trop hâtivement conclu. Bref, alors que les opposants à la réforme sont soudés et de plus en plus déterminés, les soutiens ne semblent ni solides, ni homogènes. Pour se préparer à tenir face à la contestation, l’exécutif a fait l’erreur de

lâcher par avance toutes les concessions possibles (minima à 85 % du smic pour tous, 64 ans au lieu de 65…). À l’heure des tensions, Gabriel Attal a beau garantir que le projet peut être « enrichi », il n’y a plus grand-chose à céder. Le gouvernement est surtout victime d’une absence dans le débat de positions plus radicales que la sienne. De la chasse aux milliardaires à la proclamation de la fin du travail, on voit les surenchères à gauche qui feraient passer pour modérée la position de la CGT et de la CFDT. Que le Medef, côté partenaires sociaux, LR et Horizons, côté politiques, ne se soient pas montrés plus exigeants (les 65 ans, les régimes spéciaux, la politique familiale,…) empêche l’exécutif d’incarner le compromis. Avec une majorité insuffisamment offensive et des alliés insuffisamment allants, Macron et Borne ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Au moins, s’ils aboutissent, personne ne pourra leur contester une victoire personnelle. ■

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« Le recours à l’article 47.1, juridiquement risquée »

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nement peut utiliser à nouveau et sans limites l’article 49.3, y compris après une commission mixte paritaire au sort incertain. Enfin, le gouvernement n’aura qu’à fournir une étude d’impact sommaire, ce qui est aussi problématique. Lors du précédent débat sur les retraites, l’étude d’impact avait donné lieu à de vives polémiques tant elle était incompréhensible.

Quels sont les avantages de cette procédure ? D’abord, elle permet de gagner du temps en accélérant le rythme législatif et en limitant les débats. Ensuite, contrairement à ce qu’on lit ici ou là, avec l’utilisation de l’article 47.1 comme le projet de loi de ­financement rectificative de la Sécurité sociale (PFLRSS), le gouver-

En cas de contournement par le gouvernement des débats à l’Assemblée en jouant la montre, que dirait la Constitution ? Le Conseil constitutionnel pourrait juger cette procédure indigeste ­comme contraire à l’exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité de la loi, ou (et) comme un détournement de procédure assez flagrant. ■

*Accord Bel & APBO (Association des Producteurs de Lait Bel Ouest) renouvelé pour la 6ème année consécutive. Augmentation de + 9 % en 2023 vs 2022, prix de base lait conventionnel 38/32 primes pâturages et sans OGM incluses.

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A

Le choix de passer par un texte budgétaire pour une telle réforme est-il une première ? L’utilisation d’un tel « véhicule » législatif - mot qui en dit long pour l’adoption d’une réforme sociale d’ampleur est sans précédent. Il fallait y penser. L’article 47.1 a déjà été utilisé sous la Ve République en 2014 mais cela concernait un simple rectificatif du PFLSS.

Quels inconvénients identifiez-vous ? Les mesures financières du régime des retraites impactent le budget de la Sécurité sociale. Elles ont donc des incidences pas seulement financières. Nombre de dispositions, comme par exemple, le calcul de l’âge de la retraite ou les critères de pénibilité, pourraient être considérées comme sans lien avec le PLFSS. Et dans ce cas, si des éléments de ce PLFSS étaient censurés comme « cavaliers sociaux », c’est-à-dire sans lien avec le texte, la réforme des retraites serait réduite à peu de choses. Surtout. Et cela, sans même évoquer un recours aux ordonnances qui, pour sa part, fleurerait la fraude à la Constitution. En somme, l’opération semble juridiquement risquée et politiquement dangereuse.

For all. For good : pour tous. Pour de bon.

sur lequel il compte dans ce cas précis pour soutenir son texte. Ensuite, le même Sénat doit statuer dans un délai de quinze jours (même si l’on peut douter que les sénateurs acceptent le procédé). Mais, si le Parlement ne se prononce pas dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnances, comme pour le budget. Le Conseil constitutionnel a validé l’usage des délais pour les PLFSS rectificatifs au nom de l’urgence du maintien des comptes sociaux. Reste à savoir, si dans le cas de cette réforme, nous sommes bien face à un risque de faillite imminente du système des retraites qui affecterait la « continuité de la vie nationale », par un vote dans l’urgence.

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l'événement

Des députés de la majorité veulent revenir sur les 35 heures

Le MoDem propose d’augmenter le temps de travail hebdomadaire. La proposition divise.

L’augmentation de la durée de travail rapporterait « au moins » 2 milliards d’euros. Ce qui permettrait notamment de « baisser la décote pour les petites retraites et les carrières hachées », estime Jean-Paul Mattei, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale. Alexis Sciard/ IP3

wally bordas £@wallybordas

L’IDÉE ne fait pas l’unanimité. Et provoque déjà quelques remous dans le camp présidentiel. Elle est formulée par certains députés du MoDem, parti allié d’Emmanuel Macron, présidé par François Bayrou. Dans le cadre des débats sur la réforme des retraites, qui prévoit notamment le recul de l’âge légal à 64 ans, ces parlementaires souhaitent déposer un amendement pour que le temps de travail des salariés passe de 35 à 35,5 heures par semaine. La mesure, calculent-ils, rapporterait « au moins » 2 milliards d’euros. Ce qui permettrait notamment de « baisser la décote pour les petites retraites et les carrières hachées », dixit le patron du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, Jean-Paul Mattei. Un moyen selon lui de « trouver des équilibres financiers ». « S’il y a une demi-heure de travail en plus par semaine, cela génère des c­ otisations sociales. Et cela permet de consolider financièrement ce système des retraites par répartition », abonde le député MoDem Philippe Vigier, chef de file de son groupe sur la question des retraites. L’idée, poursuit-il, est de « travailler un peu plus longtemps, un peu à l’image de la journée de solidarité, qui ne fait plus aucun débat aujourd’hui ».

Évacuer le débat avant qu’il ne s’installe

Cette proposition s’inscrit dans un calendrier bien particulier, une semaine seulement après que François Bayrou a tenté de peser en suggérant d’augmenter les cotisations patronales. Une idée rejetée par le gouvernement. Au sein du camp Macron, cette nouvelle proposition agace, quelques jours après les manifestations contre la réforme des retraites, qui ont mobilisé plus de 1 million de personnes dans les

rues. Beaucoup craignent même que l’idée n’embrase encore un peu plus le débat. « Il n’a jamais été question de revenir sur le temps de travail. La majorité cherche des compromis, pas de nouveaux objets de polémique. Si on ajoute cela à la mesure d’âge, on charge la barque avec le risque qu’elle coule », s’étouffe un parlementaire Horizons. « On comprend bien que Bayrou veut avoir quelque chose à proposer, après l’échec de sa proposition sur les cotisations patronales », peste ce même député. Un autre élu de l’alliance présidentielle approuve : « La semaine dernière, ils voulaient augmenter les cotisations patronales, cette fois-ci, le temps de travail. On a quand même du mal à voir la cohérence des propositions. » Du côté de Renaissance, l’on préfère évacuer le débat avant qu’il ne s’installe. Les braises sont chaudes, il s’agit donc de ne surtout pas souffler dessus. Et de rassurer. « Il n’est pas envisagé d’ouvrir la question de la durée légale du temps de travail. Ce que l’on souhaite faire, c’est plutôt donner de la souplesse aux Français qui souhaitent pouvoir ­ moduler leur temps de travail tout au long de leur vie en facilitant l’accès au compte épargnetemps, qui permet d’alimenter son plan d’épargne-retraite », rassure la patronne du groupe, Aurore Bergé. Même son de cloche du côté du gouvernement. « Je considère que l’on n’a pas à allumer tous les feux, ni à mener tous les fronts et tous les combats. Je considère que l’on n’a pas vocation à revenir sur le système des 35 heures », a de son côté répondu le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. Dans les rangs du président de la République, l’on s’étonne en tout cas que cette proposition n’ait pas fait l’objet de discussions en interne avant d’être relayée. Et qu’elle soit formulée à l’issue d’une semaine de forte

On « comprend

bien que Bayrou veut avoir quelque chose à proposer, après l’échec de sa proposition sur les cotisations patronales

»

Un parlementaire horizons

mobilisation sociale d’opposition à cette réforme. « Cette propo­sition est une découverte pour moi. Cela aurait peut-être mérité des débats au sein de la majorité en amont… D’autant que le nombre de Français travaillant 35 heures par semaine ne fait que baisser. Dans un contexte déjà compliqué, rouvrir le débat sur le temps de travail ne me semble pas approprié », tance par exemple la députée Renaissance Maud Bregeon. Un député MoDem, qui sait le sujet inflammable, tente, lui, de relativiser : « Ce n’est qu’une piste, un sujet de réflexion. Je n’en suis d’ailleurs pas très fan… » Dans l’opposition, l’on n’en attendait pas tant. Très vite, nom-

Martinez juge possibles « des journées d’action pendant les vacances »

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jean-yves guérin £@jyguerin

APRÈS le succès de la journée d’action jeudi dernier contre la réforme des retraites, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, veut ­accentuer la pression sur le gouvernement. « On espère faire plus fort le 31 (janvier) », explique-t-il au « Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro ». Mais en attendant la prochaine grève interprofessionnelle, les syndicats comptent occuper le terrain en multipliant les actions cette se­ maine. « Tous les jours, il y aura des initia­tives, affirme Philippe Mar­ tinez. Il y aura des mouvements de grève peut-être reconductibles, des rassemblements dans les dépar­tements. » Ce lundi où le projet de loi sur les retraites sera présenté en Conseil des ministres, la CGT appelle à des manifestations devant les préfectures. Jeudi et vendredi, à une grève dans les raffineries. Et des blocages de centrales électriques sont envisagés. Par ailleurs, mardi, l’intersyndicale de la SNCF dira si elle appelle à une grève reconductible. Une décision attendue quand on connaît l’impact d’un conflit social dans les transports : en décembre 1995, le gouvernement Juppé avait remballé son projet de réforme des retraites suite à une grève de plusieurs semaines à la SNCF et à la RATP. Fidèle à son positionnement maximaliste, la CGT n’exclut pas des actions coups de poing. « ­ Couper le courant à des milliar­-

daires comme Bolloré, ça ne me dérange pas », confie Philippe Martinez. Surtout, le deuxième syndicat français derrière la CFDT est prêt à mener une bataille au long cours : « Il y a possibilité qu’il y ait des journées d’action pendant les vacances de février », ajoute-t-il. Une mauvaise nouvelle, si elle se confirme, pour les Français qui ont prévu de prendre le train à cette période (du 4 février au 6 mars).

Pas de concessions Dans ce contexte, Philippe Martinez voit d’un mauvais œil l’appel de grands élus LR comme Valérie ­Pécresse, à instaurer un service minimum dans les transports. « Le droit de grève est essentiel, déclaret-il. Il y en assez de cette volonté de le restreindre de plus en plus. » Bref, la CGT est gonflée à bloc et ne recule devant rien pour faire plier le gouvernement. Comme les sept ­ autres grands syndicats français, elle s’oppose à un report du départ à la retraite à 64 ans et à un passage accéléré à 43 annuités nécessaires pour toucher une pension à taux plein. « L’âge légal et l’augmen­ tation de la durée de cotisation, ce n’est pas négociable », résume Philippe Martinez. Les concessions du gouvernement n’apaisent pas sa colère. La garantie que la revalorisation de la pension à 1 200 euros ne sera pas réservée qu’aux futurs retraités ayant travaillé toute leur vie au smic mais bénéficiera aussi aux retraités actuels ? « Ça ne suffit pas », souligne

le leader de la CGT qui ne s’estime pas entendu par la première mi­nistre, Élisabeth Borne. Il va même jusqu’à suggérer que cette réforme impopulaire fait le jeu du RN (Rassemblement national) : « Quand le peuple a l’impression de ne pas être écouté, il se tourne vers d’autres (partis) », affirme-t-il. Pas question, pour autant, de se ranger derrière LFI qui voudrait prendre le leadership de la contestation. Jean-Luc Mélenchon sug­ gère de prévoir un grand mouvement un week-end ? « Dans l’intersyndicale, nous sommes assez grands pour réfléchir sur les moda­lités d’action. Mener un mouvement un week-end est une idée que nous avons eue et qui est dans les cartons », répond Philippe Martinez. ■

bre d’élus de la Nupes se sont insurgés de la proposition des députés MoDem. « La retraite à 64 ans ne leur suffit pas. Et demain, la fin des congés payés ? Stoppons-les », a par exemple tweeté la communiste Fabien Roussel. Même réaction chez les écologistes : « Leur projet : démanteler une à une toutes les conquêtes sociales des cinquante dernières années », a fustigé le député Benjamin Lucas. Et l’Insoumise Clémentine Autain d’ironiser : « La semaine prochaine, pour continuer la fameuse “pédagogie” retraites, les macronistes proposeront le retour du travail à 10 ans et la suppression des CDI. » ■

Dans un contexte déjà compliqué, rouvrir le débat sur le temps de travail ne me semble pas approprié

»

Maud Bregeon, députée Renaissance des hauts-de-seine

Mélenchon tend la main aux syndicats Sophie de Ravinel £@S2RVNL

Philippe Martinez, dimanche, sur le plateau du « Grand Jury RTLLCI-Le Figaro ». Nicolas Kovarik /Agence 1827/RTL

IMPOSSIBLE pour la presse de p ­ arler à Jean-Luc Mélenchon. Arrivé d’une rue adjacente au faubourg SaintAntoine, quinze minutes après le départ du cortège des jeunes, samedi vers 14 heures, le leader du mouvement Insoumis a soigneusement évité de prendre la parole en dehors d’une courte intervention au micro du bus à plateforme servant de QG roulant. Trois jours après la première grande mobilisation contre la réforme des retraites, le triple candidat à la présidentielle ne voulait pas que la manifestation des jeunes contre la réforme des re­traites « soit réduite à la manifes­tation de Jean-Luc Mélenchon », comme l’a indiqué en son nom la députée Mathilde Panot, présidente du groupe à l’Assemblée. Ce cortège a réuni quelque 12 000 participants selon la police, 14 000 selon le ca­binet indépendant Occurrence et 150 000 selon les organisateurs. Jean-Luc Mélenchon, qui avait manifesté jeudi depuis Marseille, ne souhaitait pas non plus être interrogé sur la crise interne à son mouvement, pas plus que sur les tensions avec les syndicats. Ces derniers lui reprochent d’avoir organisé la marche, avant Noël sans se préoccuper de la priorité donnée sur les mobilisations sociales à l’intersyndicale. Depuis la plateforme du bus, l’ancien député des Bouches-du-Rhône s’est adressé au chef de l’État, Emmanuel Macron. « Soyez maudit de vouloir transformer toute notre exis-

tence en marchandise, lui a-t-il ­lancé, tout salir, tout gâcher, tout réduire, tout quantifier ». Le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans ne fera « pas travailler une seule personne » mais « ce sera des chômeurs de plus, des malades de plus, et surtout de la vie en moins ». Dans le cortège, outre les orga­nisations de jeunesse et quelques figures de la gauche radicale dont Olivier Besancenot, ancien candidat du NPA à la présidentielle, une dizaine de parlementaires écologistes ont fait le choix de venir, même si la direction de leur parti n’avait pas appelé à marcher.

Une démarche complémetaire

Dans la soirée, après ce succès re­latif, Jean-Luc Mélenchon a jugé sa démarche complémentaire de celle des syndicats. S’adressant à eux, il leur a proposé une « deuxième­ ­phase » : « Celle où les syndicats décideront une action conjointe avec les autres secteurs de la société en appelant à une date de rassemblement et d’action un samedi ou un dimanche. » « Pour l’instant, nous sommes dans la marche parallèle », a-t-il précisé. Pour sa part, le député LFI de la Somme, François Ruffin, a indiqué dans « Dimanche en politique » (France 3) qu’il n’y aura pas d’obstruction parlementaire. « Il n’y aura pas 75 000 amendements mais la volonté d’une opposition ferme qui ­ permette de démonter point par point le texte et les mensonges du gouvernement. » ■

Avec SG, faites grandir vos idées où que vous soyez.

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Société Générale et les banques du groupe Crédit du Nord fusionnent pour créer SG.

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Politique

Le PS confirme Faure vainqueur, son adversaire conteste La commission interne de vérification explique avoir « clos ses travaux », et donne le secrétaire sortant gagnant avec 51,09 % des voix. Ce n’est pas « normal

qu’un parti démocratique ne soit pas capable d’organiser un scrutin clair, et de manière rigoureuse

»

Nicolas MayerRossignol, candidat au poste de premier secrétaire du PS

Pierre LEPELLETIER £@PierreLepel

gauche Le Parti socialiste l’assure : Olivier Faure a bien été réélu premier secrétaire lors du vote de jeudi soir. Alors que son adversaire, Nicolas Mayer-Rossignol, contestait les chiffres, une « commission de recollement » s’est réunie tout le week-end pour examiner « procèsverbaux des fédérations » et « étude des requêtes en irrégularité ». Selon ses conclusions, Olivier Faure l’emporterait, donc, avec 51,09 % des voix, contre 48,91 %, sur 23 527 votants. Problème, et c’est toujours le même depuis la fin du scrutin, le maire de Rouen et les siens

contestent en bloc. Quelques secondes avant le communiqué des résultats, ils prévenaient la presse d’une tentative de « marchandage global d’un résultat donnant arbitrairement la majorité à Olivier Faure ». « C’est inacceptable. Aucun parti démocratique ne peut l’accepter », affirmaient-ils, assurant par ailleurs que toutes les fédérations n’avaient pas été examinées. « Elles ont toutes été mises sur la table », a répliqué devant la presse Corinne Narassiguin, numéro 2 d’Olivier Faure. Les proches de « NMR » ont proposé de reprendre la réunion lundi, le temps de récupérer un certain nombre « d’éléments demandés ». « Ce moment d’interruption peut aussi servir aux uns aux autres à ap-

précier l’ampleur de la crise que provoquerait une rupture et les conséquences politiques de ne pas laisser la commission compétente terminer ses travaux et établir un résultat incontestable », ont-ils jugé, en dénonçant un « passage en force ».

Une volonté de court-circuiter

Sûr de sa victoire, Olivier Faure n’avait malgré tout pas attendu la fin des discussions pour évoquer au Journal du dimanche un « résultat clair et net » en sa faveur. « Maintenant ma responsabilité est de nous rassembler », avait expliqué le premier secrétaire sortant, rappelant au passage que « les guerres des chefs ont ruiné la réputation des socialistes depuis de nombreuses années ».

Pour sortir de la crise, il avait notamment proposé que Nicolas Mayer-Rossignol soit « associé aux orientations stratégiques, notamment pour les européennes, puisque c’est sur ce sujet qu’il a dès le début manifesté ses plus grandes inquiétudes ». Pendant sa campagne, le maire de Rouen, qui souhaite un rééquilibrage de la Nupes au profit du PS, a souvent mis en garde contre les risques d’une liste unique avec LFI au scrutin de 2024. Sans surprise, les adversaires de Faure ont vu dans cet entretien une volonté de court-circuiter les discussions et d’ajouter de la confusion à la confusion. Le Normand lui a d’ailleurs répondu dimanche midi, à France 3 Normandie. L’édile socialiste a jugé son adversaire « ir-

responsable » de « s’autoproclamer » gagnant, n’y voyant qu’une tentative « de coup de force et de pression ». « Ce n’est pas normal qu’un parti démocratique ne soit pas capable d’organiser un scrutin clair, et de manière rigoureuse », a-t-il regretté, rappelant néanmoins la nécessité de « retrouver une forme d’unité et de rassemblement ». En attendant, les socialistes d’aujourd’hui doivent également composer avec ceux d’hier. À Évreux samedi, François Hollande a commenté : « Le résultat doit être incontestable et transparent. Quand ce n’est pas le cas, il faut faire des enquêtes ou même refaire le vote », a estimé l’ancien président socialiste, qui a voté pour Nicolas MayerRossignol. ■

chier les Français, mais au fond, ils savent qu’on ne peut pas faire sans la réforme », se rassure ainsi un élu. « Ce n’est même pas le premier sujet dont on me parle en circonscription », poursuit-il. Les enquêtes d’opinion vont aussi dans ce sens, en montrant que l’indicateur de la colère et celui de la résignation sont presque tout autant élevés. Une étude Ifop-Fiducial réalisée en janvier révèle que si 52 % des Français souhaitent une explosion sociale, 48 % en font le vœu inverse. Pas sûr pour autant que cela soit un signal positif. Le sujet des retraites peut paraître secondaire, non pas parce qu’il est accepté comme tel, mais parce qu’il passe derrière des préoccupations plus urgentes. « Un certain nombre de feux clignotant en orange pourraient tourner au rouge, alerte le député apparenté au groupe Horizons, Yannick Favennec. Les gens sont très inquiets, et le fait qu’il n’y ait pas eu de violences durant le rassemblement est révélateur d’une volonté de faire passer des messages. Il faut entendre et ajuster. » Une de ses collègues du groupe Renaissance abonde, en alertant sur l’accès aux soins : « Si on demande trop d’efforts aux Français, ils pourraient nous renvoyer aux services publics qui ne fonctionnent pas. »

grand mouvement de contestation globale. Depuis le mois de septembre, la gauche tente de faire descendre les Français dans les rues pour qu’ils portent avec les parlementaires leurs revendications. « Nous, les politiques, ne sommes que la flèche, et la mobilisation est l’arc. Sans elle, on ne peut pas être propulsés », explique la députée écologiste MarieCharlotte Garin. Jusqu’à maintenant, rien n’avait véritablement pris. Alors en amont de la présentation de la réforme des retraites, les artisans de la Nupes ont tenté de réunir tous les conditions possibles pour insuffler une dynamique : se déployer partout sur le territoire et, surtout, présenter un front uni, éloigné des querelles politiciennes. « Ce qui est sûr, c’est qu’il s’est passé quelque chose, mais il faut maintenant voir sur le temps long », reconnaît Marie-Charlotte Garin. L’élue sait la prudence de mise, alors que les conflits internes se multiplient et pourraient ébranler un mouvement naissant, encore très fragile. « Il ne faut pas crier victoire trop vite, le succès réel de la mobilisation n’implique pas une réhabilitation des organisations syndicales et politiques », met aussi en garde la politologue Chloé Morin, rappelant l’éternelle crise de défiance qui se poursuit, voire s’intensifie. La grève des contrôleurs du mois de décembre a montré comment de nouveaux mouvements, dans une forme de « gilets-jaunisation », pouvaient s’organiser de manière autonome, faisant perdre les relais habituels des négociations. Pour la politologue, l’option de la résignation n’est pas plus favorable pour autant. « Par les temps qui courent, c’est un risque bien plus grand que la colère. C’est là une forme de démission, un repli sur la sphère privée, qui peut laisser à des minorités agissantes le soin de gouverner la population. » ■

Colère ou résignation : les politiques dans le brouillard

De plus en plus, les élus peinent à saisir les capteurs du terrain pour anticiper la suite de la mobilisation. dinah cohen £@DinahCohen

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©CAPA Pictures / Europe 1

Engagement À mesure que la place de la République à Paris se remplit, les manifestants chevronnés se réjouissent. Il y a longtemps qu’ils n’avaient pas vu une telle foule affluer aux abords de la ­statue. Le 7 janvier dernier, Va­lérie, 52 ans, s’est même sentie un peu seule en allant manifester avec les « gilets jaunes », réunissant seulement 2 000 personnes dans la capitale. Les rendez-vous donnés ces derniers mois ont eux aussi été décevants aux yeux de leurs organisateurs, souvent désemparés face à une forme d’atonie sociale. « Ça m’étonnait… Ça m’énervait presque d’entendre les gens dire que de toute façon, descendre dans les rues n’allait rien changer », raconte la militante. Il faut dire que les crises successives sont passées par là. Le Covid-19, d’abord, puis la guerre en Ukraine, la hausse des prix de l’essence, l’envolée des prix de l’énergie… « Beaucoup ont encore peur ou ne peuvent pas venir », ­assure la fonctionnaire de Pôle emploi depuis le cortège parisien. Elle espère que la masse réunie finira par convaincre les absents de se déplacer pour « reprendre la rue ». D’ici là, cette première journée lui semble déjà être une réussite : « J’étais sûre que ça allait prendre, qu’il y allait y avoir un sursaut, et là, ça va être ça. » Le constat est général. Avec plus de 1 million de personnes dans les rues, ce jeudi 19 janvier a unanimement été qualifié de succès pour

les syndicats. « C’est une mobilisation importante », a reconnu le ministre du Travail, Olivier Dussopt, aussitôt les rassemblements terminés. En 2019, la réforme portée par Édouard Philippe avait rassemblé quelque 800 000 personnes selon le ministère de l’Intérieur. Depuis, aucune contestation n’avait permis de telles mobilisations.

Un participant à la manifestation contre la réforme des retraites, jeudi, à Paris. C. ARCHAMBAULT/AFP

Une humeur indéchiffrable Pour autant, personne ne se risque à faire de pari pour la suite. L’ampleur du mouvement fera-t-elle reculer le gouvernement sur sa réforme ? Le dernier exemple remonte à 1995, et le rétropédalage d’Alain Juppé face à la ferveur populaire. Cela semble presque trop lointain pour se produire à nouveau. Surtout, les élus reconnaissent de plus en plus avoir du mal à lire les « capteurs » que le terrain est censé leur donner, leur permettant habituellement d’anticiper la suite. Depuis plusieurs mois, ils doivent plutôt se contenter d’un rôle de spectateur, observant des Français à l’humeur indéchiffrable. En témoignent ces récentes se­maines, durant lesquelles les parlementaires ont souvent admis faire un saut dans l’inconnu quant à la forme que prendrait l’opposition à la réforme des retraites. Ils ont vu, presque démunis, les sujets brûlants s’enchaîner et les Français en payer le prix dans leur quotidien. Début janvier, alors qu’elle sillonnait sa circonscription pour y organiser des cérémonies de vœux, la députée communiste Elsa Faucillon formulait par exemple cette observation : « C’est très bizarre, je

7 H -9 H EUROPE MATIN

Dimitri Pavlenko

Retrouvez l’Edito politique à 7h53 avec Alexis Brézet et Vincent Trémolet de Villers du Figaro

Il y a un « contexte

d’épuisement, sans perspective d’avenir, associé à une crise du résultat dans laquelle le politique n’arrive plus à changer la vie des gens

Frédéric Dabi, directeur du département opinion de l’ifop

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n’arrive pas à capter un état d’esprit. Les gens viennent chacun avec leurs sujets, et le travail qu’on fait à l’Assemblée nationale ne semble pas passer le mur du son. » « Les gens sont fatigués et n’ont pas de vision de long terme. Tout est compliqué, tout pose problème », constatait aussi le député du Rassemblement national, Pierre Meurin, dans son territoire du Gard. Les enquêtes d’opinion le confirment : la dernière réalisée par l’Ifop, datée du mois de décembre, indique un taux de pessimisme de 61 %, contre seulement 39 % d’optimisme. « Il y a un contexte d’épuisement, sans perspective d’avenir, associé à une crise du résultat dans laquelle le politique n’arrive plus à changer la vie des gens », commente le directeur du département opinion de l’institut, Frédéric Dabi. Difficile, donc, de prévoir ce que deviendra le mouvement dans les jours à venir. Entre essoufflement ou montée en puissance, aucun scénario ne semble prendre le pas sur l’autre. Déjà parmi les manifestants, certains rappelaient à quel point il est difficile de se mobiliser. Parce que la grève coûte cher, et que la lassitude gagne du terrain. Mais dans le même temps, les pancartes des grévistes montraient que les revendications allaient souvent au-delà de la simple réforme des retraites, visant le pouvoir en général, et la personne d’Emmanuel Macron en particulier. « Ce mouvement dit autre chose », a même souligné le député de la majorité présidentielle Gilles Le Gendre, invité le lendemain sur Sud radio, et mettant en lien « l’abstention en politique et l’ampleur de la manifestation ». L’exécutif veut malgré tout croire que jouer sur le temps, et présenter cette réforme comme nécessaire et inévitable, lui permettra de l’installer dans l’esprit des Français. Ceux-là sont en plus trop préoccupés par la gestion du quotidien pour laisser place à la révolte. « Ça fait

Souffler sur les braises La suite des événements « va beaucoup dépendre de ce que fait le gouvernement », estime aussi un parlementaire des Républicains, qui ne sait pas « quoi penser » de cette première mobilisation. Conscient de la tension palpable dans le pays, son parti se félicite depuis la rentrée d’avoir atténué la « brutalité » de la réforme telle qu’initialement formulée par le gouvernement, notamment quant à l’âge de départ, sans savoir si cela suffira à apaiser les tensions. D’autant que dans le camp d’en face, l’idée est plutôt de souffler sur les braises pour voir enfin l’étincelle s’enflammer et devenir un

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» Lire aussi page 22 « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

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International

lundi 23 janvier 2023

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Vers une rupture entre la France et le Burkina Faso À Ouagadougou, les putschistes veulent pousser l’armée française à partir. Nicolas Barotte £@NicolasBarotte

Une manifestation contre la présence française au Burkina Faso, vendredi, à Ouagadougou.

200 km

VINCENT BADO/REUTERS

MALI

NIGER

Ouagadougou

BURKINA FASO BÉNIN

CÔTE D’IVOIRE

GHANA

TOGO

Infographie

Entre

400 et 500

soldats français sont basés à Ouagadougou

500 soldats français sont basés à Ouagadougou, dans le cadre de la task force Sabre, les forces spéciales qui appuyaient l’opération Bar­ khane. Outre des missions de formation, ces soldats étaient sollicités en cas de libération d’otages. « Le départ français est une question de temps », estime avec fatalisme le spécialiste du Sahel Élie Tenenbaum. Pour le directeur du centre d’études de sécurité de l’Ifri,

le pouvoir « très fragile » du capi­taine Traoré veut désormais « mettre la France dehors ». Alors que l’armée française avait choisi de s’implanter à Ouagadougou en 2008 en raison de la stabilité du pays, le chercheur souligne l’effondrement rapide du Burkina Faso : la situation sécuritaire se dégrade dans le nord du pays, désormais hors de contrôle des forces de sécurité.

Une guerre d’influence Pour garantir leur pouvoir, les putschistes espèrent l’appui de la Russie. Dans une guerre ouverte d’influence, le Kremlin manœuvre pour affaiblir la France en Afrique. Les mercenaires du groupe Wagner sont présents au Mali, en Libye, au Soudan et en Centrafrique. Des manifestations antifrançaises ont été organisées au Burkina Faso ces derniers mois. Les réseaux sociaux sont un autre terrain visible de cette offensive. Ces derniers jours, des vidéos, sous forme de dessins animés, ont servi à dénigrer les soldats français présentés sous forme de rats ou de zombies. Face à ces « envahisseurs », les soldats africains étaient aidés par des soldats russes… L’impact de ces vidéos est difficile à mesurer. « Les comptes qui les ont relayés étaient les mêmes que ceux qui avaient relayé la

manipulation de Gossi », explique une source militaire. L’année dernière, Wagner avait tenté de faire accuser Bar­ khane d’exactions avant d’être pris en flagrant délit. Le retrait des troupes françaises du Burkina Faso ne devrait pas représenter un défi logistique. Mais il pose avec encore plus d’urgence la question de la stratégie française en Afrique. L’armée est encore déployée au Niger, pour lutter contre les groupes djihadistes dans la région des Trois Frontières, et au Tchad, avec qui la France a noué un partenariat de longue date. La France compte aussi des forces prépositionnées au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon. À l’Élysée, on a mis sur la table la fermeture de ces bases permanentes à Dakar et à Abidjan dans l’espoir de faire cesser les récriminations contre l’influence de Paris. « Sans présence, il n’y aura ni sécurité ni influence », a prévenu Élie Tenenbaum dans une tribune parue la semaine dernière dans Le Monde. Entre la France et ses interlocuteurs africains, les consultations sont toujours en cours pour définir de futurs partenariats. « Je parlerai prochainement de ce qui nous lie à l’Afrique », a déclaré le président de la République Emmanuel Macron lors de ses vœux aux armées. Un lien qui s’effiloche chaque semaine un peu plus. ■

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Défense Après le Mali, le Burkina Faso ? Le gouvernement burkinabé « a dénoncé l’accord qui régit depuis 2018 la présence des forces armées françaises sur son territoire », a indiqué ce week-end l’Agence d’information burkinabée (AIB). Depuis le coup d’État qui a porté le capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir en septembre, les relations se dégradent entre Paris et Ouagadougou. Comme à Bamako, la tentation russe pousse à rompre avec l’ancien allié et puissance coloniale. Moscou manœuvre pour évincer la France de son ancienne zone d’influence. Un courrier du ministère des Affaires étrangères burkinabé, adressé à Paris et daté de mercredi, dénoncerait l’accord du 17 décembre 2018 « relatif au statut des forces armées françaises intervenant » dans le pays, précisant qu’un « délai de préavis d’un mois » est imposé par cet accord. Emmanuel Macron a dit dimanche attendre « des clarifications » de la part du Burkina Faso. Il a expliqué vouloir attendre que le président de transition Ibrahim Traoré « puisse s’exprimer ». « Je pense

qu’il faut garder beaucoup de prudence » a-t-il ajouté. À Paris, on estime que le pouvoir burkinabé est encore divisé sur la question de la présence française dans le pays. L’option d’un départ est pourtant étudiée depuis plusieurs semaines. Le ministre Sébastien Lecornu avait publiquement évoqué l’hypothèse. Début janvier, la secrétaire d’État Chrysoula Zacharopoulou s’est rendue à Ouagadougou pour une « visite de courtoisie » quelques jours après que l’ambassadeur de France, Luc Hallade, avait été jugé indésirable par les autorités burkinabées. « La France est en mesure de faire moins ou de faire plus », avait-elle expliqué, en assurant ne vouloir « influencer aucune décision ». Officiellement, il n’avait pas été question de la présence militaire française. Face à un vent antifrançais grandissant, Paris, et en premier lieu l’état-major, a choisi de faire profil bas. Le scénario malien peut-il se reproduire ? L’armée française a quitté définitivement le Mali en août, près de dix ans après le début de son intervention contre les groupes djihadistes qui sévissent au Sahel. Dans cette architecture, le camp de Kamboinsin au Burkina Faso occupait un point clé. Entre 400 et

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Macron et Scholz célèbrent l’amitié francoallemande en dépit de leurs divergences La France et l’Allemagne ont fêté à Paris le 60e anniversaire du traité de réconciliation entre les deux pays. Pierre Avril £@PierreAvril_

Diplomatie Face à une guerre russo-ukrainienne, qui risque de « durer extrêmement longtemps », selon les propres mots d’Olaf Scholz, Paris et Berlin n’entendent pas se précipiter pour livrer des équipements lourds à Kiev. Cette ligne commune a été subtilement esquissée lors d’un Conseil des ministres franco-allemand à haute teneur symbolique tenu à l’Élysée dimanche. Ce rendez-vous avait été annulé à l’automne dernier en pleine brouille entre les deux capitales qui, en l’espace d’une journée, se sont efforcées vigoureusement de relancer le moteur bilatéral. Emmanuel Macron, à la différence du chancelier, a fait néanmoins un premier pas en indiquant que la fourniture de chars Leclerc n’était « pas exclue » et s’effectuerait le cas échéant dans un cadre « collectif ». « Le travail se conduira dans les jours et les semaines qui viennent. La manière dont nous avons agi par le passé est toujours étroitement coordonnée avec nos amis et alliés et nous continuerons à agir en fonction de la situation concrète », a ajouté le chef de l’Élysée. Critiqué par nombre de ses alliés, en particulier orientaux, Olaf Schoz a laissé sa ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, annoncer sur la chaîne LCI

que Berlin ne s’opposerait pas à la Pologne si Varsovie décidait de réexporter vers l’Ukraine les chars allemands Léopard en sa possession. Pour sa part le chancelier est resté mutique. « Nous nous concertons », a simplement répété le chef du gouvernement allemand tout en rappelant que son pays avait déjà « fait beaucoup » pour l’Ukraine.

Hommage aux Lumières françaises

Selon une tendance assez bien ancrée dans le comportement du chancelier, ce dernier a préféré laisser son cher Emmanuel « parler à sa place ». La distribution de chars Leclerc à l’Ukraine, qui pourrait ouvrir la voie à celle des Leopard allemands, a expliqué le président français, devra respecter trois critères que Berlin ne renierait pas : ne pas contribuer à l’escalade, former les militaires ukrainiens, ne pas dépouiller l’armée française au profit de l’Ukraine. « Le soutien apporté à l’Ukraine doit être réel et efficace », a précisé Emmanuel Macron. Les deux hommes n’ont pas été avares de mots pour décrire un couple franco-allemand attaché à la « refondation» de l’Europe, similaire à deux « âmes battant dans une même poitrine ». Seule annonce concrète d’envergure, le ralliement de l’Allemagne au projet de pipeline franco-portugais-espagnol transportant de l’hydrogène

Le chancelier allemand, Olaf Scholz et le président français, Emmanuel Macron, dimanche à l’Élysée. BENOIT TESSIER/REUTERS

vert (H2Med). Tout en affirmant son attachement au projet de construction d’un char européen aujourd’hui encalminé, Olaf Scholz s’est montré très évasif sur la défense européenne, assumant son choix de développer, sans la France, un bouclier antimissile avec Israël et les États-Unis. C’est le matin, dans l’amphithéâtre de la Sorbonne accueillant la cérémonie du 60e anniversaire du traité de l’Élysée, que le chancelier a tenu un discours inspiré et empreint d’émotion, bien différent de sa parole politique quotidienne, qui lui vaut le sobriquet de « Scholzomat ». Le chancelier a sa-

lué « la grandeur du peuple (français) qui nous a tendu la main en signe de réconciliation après la Seconde Guerre mondiale » ainsi que « ceux qui se sont tendu les mains par-dessus les tombes ». « Merci de tout cœur », et « vive l’amitié fraternelle entre nos deux peuples », at-il prononcé en français, contrairement à Emmanuel Macron qui n’a pas utilisé un seul mot allemand. Le chancelier mal aimé et traditionnellement austère a ainsi multiplié les gestes de sympathie envers Paris, rendant hommage aux Lumières françaises qui, trois siècles plus tôt, en Allemagne,

s’étaient finalement heurtées à un barrage en France. « Le parlementarisme démocratique s’y est implanté trop tardivement », a regretté Olaf Scholz, quoique avec plus de vigueur in fine, comme en témoigne le poids actuel du Bundestag. Enfin, la présidente du Parlement allemand, Bärbel Bas, ainsi que le chancelier ont salué le discours européen « passionné » tenu en 2017 dans ce même amphithéâtre de la Sorbonne par Emmanuel Macron, et qu’Angela Merkel avait au contraire ignoré en son temps. Autant d’erreurs et d’oublis que Berlin s’est employé dimanche à réparer. ■

Derrière l’image d’unité les actes se font attendre Emmanuel Galiero £[email protected]

« BEAUCOUP de discours, mais on attend toujours des actes. » Pour le député LR Patrick Hetzel, la belle image d’unité affichée dimanche à Paris pour les 60 ans du traité de l’Élysée, en présence du chancelier allemand, Olaf Scholz, dissimule mal la réalité d’une défiance politique. L’élu du Bas-Rhin, membre de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, va jusqu’à juger « inédite » la fragilité du couple européen. « Je n’ai pas senti d’avancées notoires depuis l’automne dernier. Les tensions ne sont pas dissipées et la question d’un nouveau souffle nécessaire reste posée alors que nos voisins nous voient parmi les plus mauvais élèves de l’Europe sur le plan économique », estime le député Hetzel, en parlant d’une relation « a minima et très formelle ». Au-delà des promesses de relance exprimées conjointement, l’élu rappelle que la présidente de l’Assemblée avait invité l’ensemble du Bundestag initialement à Versailles, mais l’offre avait été déclinée par Bärbel Bas, présidente SPD de l’Assemblée allemande. Les prétextes avancés avaient été jugés peu convaincants (bilan carbone, lieu trop marqué symboliquement…). Dix ans plus tôt, presque la quasitotalité de l’Assemblée nationale française avait participé aux cérémonies berlinoises du 50e anniversaire du traité de l’Élysée.

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Crispations et urticants « En réalité, le message politique de ce refus indique que la France n’est pas une priorité, car aujourd’hui, dans les relations internationales de l’Allemagne, deux pays sont jugés extrêmement importants : les États-Unis et la Chine. » Vu sous l’angle européen, Patrick Hetzel estime que les Allemands sont « beaucoup plus intéressés aujourd’hui par une relation bilatérale avec la Pologne ». Dans le contexte de la guerre en Ukraine, cette relation germano-polonaise est un sujet majeur. « Leur regard s’est un peu détourné de l’ouest pour se tourner vers l’est », résume-t-il.

Parmi les crispations, la question industrielle reste brûlante, sachant que l’Allemagne est favorable à un marché européen de l’énergie qui lui est profitable. « Le Portugal et l’Espagne ont obtenu des dérogations de la Commission européenne pour plafonner leurs tarifs d’électricité que la France n’a pas obtenues. Et le pays qui bloque, c’est l’Allemagne », souligne l’élu français, avant de pointer d’autres urticants et des « torts parfois partagés » sur certains dossiers. Nucléaire, défense (sur fond de guerre en Ukraine), consolidation des partenariats entre l’Allemagne et les États-Unis… « Mécaniquement, cela devrait entraîner davantage de coopérations industrielles avec la France, mais dans les faits, rien ne se matérialise », regrette encore Hetzel. Enfin, le député observe une évolution dans la manière dont Emmanuel Macron est perçu outre-Rhin. « En arrivant au pouvoir en 2017, notre président de la République jouissait d’une très bonne image en Allemagne, où sa jeunesse et son dynamisme étaient appréciés. Mais peu à peu, on a vu apparaître un sentiment plus critique face à la faiblesse des actes. Une incompréhension aussi sur la manière dont la France laisse filer ses dépenses alors qu’ils estiment que le “quoi qu’il en coûte” français aura coûté 200 milliards de plus que la politique menée en Allemagne face aux crises ». ■

Paris et Berlin à l’épreuve du poison russe Isabelle Lasserre £@ilasserre

Membre de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, le député LR Patrick Hetzel estime qu’en Europe les Allemands sont « beaucoup plus intéressés aujourd’hui par une relation bilatérale avec la Pologne ». Eric TSCHAEN/REA

LA GUERRE en Ukraine est un lent poison qui ronge le pouvoir russe de l’intérieur, mais qui diffuse aussi son venin en Europe, jusqu’à menacer le couple franco-allemand. En moins d’un an, l’invasion russe a marginalisé le ciment franco-allemand fondateur de l’UE, celui qui depuis plusieurs décennies donne à l’Europe la plupart de ses impulsions, celui aussi sans lequel il a toujours été impossible d’avancer. Le tandem franco-allemand est remis en question depuis le début de la guerre par les pays d’Europe centrale et orientale, qui n’acceptent plus son leadership. En cause, les hésitations de Paris et de Berlin à soutenir l’Ukraine, de même que leur acharnement à maintenir un dialogue avec Vladimir Poutine. Cette division existait déjà avant le 24 février. Les pays de l’Est européens, qui ont subi les invasions et les attaques du grand voisin russe ou soviétique, avaient alerté en vain sur la menace que faisait toujours peser le régime de Vladimir Poutine sur la sécurité européenne. Ceux de l’Ouest, plus inquiets du danger qui vient du Sud, avaient constamment relativisé le danger russe, pariant toujours, malgré la guerre en Géorgie de 2008 et l’annexion de la Crimée en 2014, sur un retour du « business as usual ». Mais cette division s’est aggravée au cours des onze derniers mois, atteignant même un paroxysme avec le refus obstiné du chancelier allemand à livrer les chars lourds qui permettraient à Kiev de faire face à la prochaine offensive des forces russes. Il y a désormais deux camps en Europe. Le camp de la paix qui prône des négociations entre les deux parties, quitte à ce que l’Ukraine renonce provisoirement à une partie de ses territoires. Et le camp de la victoire

qui considère que le seul moyen de rétablir la sécurité sur le continent est d’imposer une défaite militaire totale aux forces russes. L’Allemagne et la France ont des excuses ou des arguments. Paris pense encore pouvoir être une puissance « médiatrice » entre les deux parties, une puissance « d’équilibre » entre les grands de ce monde. Depuis le début de la guerre, son soutien à l’Ukraine a toujours été pondéré par la nécessité de ne pas « énerver » Vladimir Poutine, afin d’éviter une escalade dans la guerre. Quant à l’Allemagne, son modèle a été fracassé par la



L’Allemagne pensait que le commerce et les échanges aboutissaient nécessairement à la paix. Ce fut une illusion avec la Russie

François HOllande



guerre en Ukraine. « Elle pensait que le commerce et les échanges aboutissaient nécessairement à la paix, que la mondialisation permettait un rapprochement entre les pays. Ce fut une illusion avec la Russie », commente l’ancien président François Hollande, lors d’une conférence à la Sorbonne, le 16 janvier. Berlin a été victime de ses mauvais choix gaziers et pétroliers, quand la France s’est isolée dans ses efforts de conciliation. Comme Emmanuel Macron, qui veut « aider l’Ukraine sans faire la guerre à la Russie », Olaf Scholz redoute le risque de dérapage et veut éviter une confrontation directe avec les forces russes. À Paris, on trouve d’ailleurs officiellement des raisons à la lenteur allemande. « Chacun doit faire en fonction de ses moyens, de ses capacités et de ses contraintes » affir-

me un haut diplomate. Mais en privé, l’agacement est quotidien. « Paris a fait le premier pas en livrant des chars légers AMX à Kiev, pensant ainsi pousser l’Allemagne à libérer les Leopard », poursuit un autre diplomate. Mais le chancelier, prisonnier de sa coalition, du pacifisme allemand et de la relation particulière de son pays avec la Russie, refuse de trancher. À l’est et au nord de l’Europe, l’Allemagne et la France, même si cette dernière a récemment éclairci sa position, sont considérées comme les maillons faibles du continent en ce qui concerne l’aide à l’Ukraine. Le problème, c’est que ce sont aussi les deux pays qui peuvent le plus dans ce domaine. La France, car elle a une armée et une diplomatie puissante ainsi qu’un rôle de leadership au sein de l’UE. L’Allemagne, grâce à son poids économique et au fait que les chars Leopard, qu’elle a vendu à travers l’Europe, font d’elle la clé de l’accélérateur de l’aide militaire à l’Ukraine. À la fin, les experts prédisent que l’Allemagne, comme elle a fini par céder sur le gazoduc NordStream 2, le fera avec les Leopard. Olaf Scholz n’a-t-il pas affirmé dimanche à Paris que « l’impérialisme de Vladimir Poutine ne vaincra pas » ? Poussé par Washington, tiré par la Grande-Bretagne qui va livrer des chars Challenger et par la Pologne qui promet d’envoyer ses Leopard avec ou sans le feu vert de Berlin, Olaf Scholz pourra-t-il longtemps maintenir le verrou allemand ? Depuis le début de la guerre, le sens de l’histoire a fait progressivement glisser les certitudes des deux grands pays de l’UE. Mais plusieurs questions sont encore sans réponse. Les chars européens arriveront-ils à temps pour permettre à l’Ukraine de résister ? Comment éviter une fragmentation entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale ? ■

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International

Ces combattants de Wagner, enrôlés en prison et traités en héros à leur retour Des dizaines de criminels russes recrutés pour se battre en Ukraine reviennent amnistiés.

vie », lui a rendu hommage l’administration municipale. Dmitri Menshikov, 31 ans, condamné pour trafic de drogue, a pu être finalement enterré le 23 décembre dans l’allée des héros du cimetière de Beloostrovsky de Saint-Pétersbourg, avec salve et garde d’honneur. L’administration locale s’y était refusée dans un premier temps mais Evgueni Prigogine est monté au créneau et a obtenu gain de cause. « Ce sont eux (les prisonniers envoyés au front par Wagner, NDLR), ou alors ce sont vos fils », répète Prigogine à ceux qui contestent ses méthodes. Les

Alain Barluet £@abarluet Correspondant à Moscou

Russie En octobre dernier, Olga Pavlova, une retraitée de Novgorod, dans le nord-ouest de la Russie, a failli se trouver mal lorsque des voisins lui ont montré une vidéo sur laquelle elle a reconnu l’assassin de son frère en compagnie de trois hommes. Tous d’anciens criminels, enrôlés en prison pour aller se battre en Ukraine. Tous les quatre mutilés, certes, à leur retour du front, mais vivants, libres, graciés, et chaleureusement félicités par celui-là même qui les a enrôlés, Evgueni Prigogine, le patron des mercenaires du groupe Wagner. Il y a dix ans, Stanislav Bogdanov, 35 ans actuellement, a froidement assassiné le magistrat Sergueï Jiganov, 32 ans, chez lui, après l’avoir torturé toute une nuit avec un tisonnier pour lui soutirer de l’argent et les codes PIN de ses cartes bancaires. Au petit matin, Bogdanov a achevé sa victime en lui lâchant à trois reprises des haltères sur le crâne, à hauteur d’homme. Il a été condamné à vingt-trois ans de prison mais n’en aura effectué que dix. Car l’été dernier, il a accepté la proposition faite aux prisonniers de son pénitencier IK-7 de Pankovka (région de Novgorod) par Evgueni Prigogine : un contrat de six mois pour aller combattre en Ukraine contre une amnistie, un salaire mensuel de 200 000 roubles (environ 3 300 euros) et un pécule de cinq millions de roubles (à peu près 83 000 euros) pour sa famille en cas de décès. Le 31 juillet, avec deux autres détenus de Pankovka, Bogdanov était envoyé au combat, dans le Donbass. Une semaine plus tard, le 7 août, un obus pulvérise sa jambe, qui « ne tenait plus que par un tendon », comme le raconte le site indépendant Thenewtab, qui a interviewé ce soldat de fortune, cheveux ras et trogne de méchant. Amputé à Louhansk, il a été rapatrié en Russie et le voilà apparaissant dans une vidéo de propagande, avec quelques camarades, exdétenus comme lui. « Tu étais un hors-la-loi et maintenant tu es un héros de guerre », lui dit Prigogine. Dans une boîte rouge, ils ont



Au début, j’avais besoin de vos talents de criminels pour tuer l’ennemi. Maintenant, ces talents ne sont plus nécessaires. Essayez de ne pas replonger



Evguéni Prigogine, patron de Wagner

reçu l’« Ordre du courage » pour blessure, une décoration remise par la compagnie Wagner et un certificat de grâce. Ces dernières semaines, les vidéos se sont multipliées où celui que l’on surnomme « le cuisinier de Poutine », s’adresse à d’ex-détenus revenus du front et les cite en exemple comme les « meilleurs fils de la Russie »,sans lesquels une victoire en Ukraine ne serait pas envisageable… « Vous avez fait preuve de courage et d’héroïsme. (…) Au début, j’avais besoin de vos talents de criminels pour tuer l’ennemi. Maintenant, ces talents ne sont plus nécessaires. Essayez de ne pas replonger », déclare Prigogine dans une autre vidéo, en exhortant une cinquantaine d’hommes, début janvier, sur une base de Carélie. « Ne buvez pas trop, ne vous droguez pas, ne violez pas les meufs (sic) », ajoute le sulfureux entrepreneur, dont l’influence n’a cessé de croître ces derniers mois. « Je pensais que c’était seulement Zelensky qui laissait les gens sortir de prison pour aller à la guerre », aurait aussi réagi, selon le site Thenewtab, Olga Pavlova, la sœur

Des membres du groupe Wagner, la compagnie militaire privée de l’homme d’affaires russe Evgueni Prigogine, se tiennent dans le hall de son quartier général à Saint-Petersbourg, lors de l’inauguration le 4 novembre dernier. IGOR RUSSAK/REUTERS

du magistrat assassiné par Stanislas Bogdanov. De fait, après l’invasion de son pays, le président ukrainien a proposé que les prisonniers ayant une expérience militaire puissent participer à l’effort de défense. En mai, trois cent soixante-trois détenus ukrainiens étaient sur le front, selon le ministre de la Justice de Kiev. Une participation qui n’a toutefois que peu à voir avec le recrutement massif, par Wagner, de détenus, souvent condamnés aux peines les plus lourdes, contre une promesse d’amnistie. Des chiffres fiables sont malaisés à obtenir mais depuis début janvier, plusieurs dizaines d’ex-mercenaires, sortis des prisons russes l’été dernier et envoyés se battre, seraient revenus à la vie civile et leur casier judiciaire aurait été annulé. Selon le site Mediazone, le nombre de détenus dans les centres pénitentiaires russes aurait diminué de 23 000 en septembre et octobre 2022, soit les effectifs de Wagner sur le front ukrainien, d’après Olga Romanova, spécialiste de la situation carcérale en Russie. En novembre, il y a 30 000 prison-

Netanyahou évince un pilier de son gouvernement

pas de souligner que, tout comme Deri, Netanyahou est confronté à la justice : son procès pour corruption est toujours en cours.

Démonstration de force

La Cour suprême avait jugé que l’ultraorthodoxe Aryé Dery ne pouvait être ministre en raison de son passé judiciaire. Guillaume de Dieuleveult £@GDieuleveult

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Correspondant à Jérusalem

Proche-Orient C’est « le cœur lourd » que Benyamin Netanyahou s’est finalement résigné à respecter la décision de la Cour suprême d’Israël. Dimanche matin, lors du Conseil des ministres, le chef du gouvernement israélien a annoncé l’éviction d’Aryé Dery, son ministre de la Santé et de l’Intérieur. Il a immédiatement exprimé son regret, présentant Dery comme « un pilier d’expérience, d’intelligence et de responsabilité ». Quelques jours plus tôt, 10 des 11 juges composant la Cour suprême, l’organe qui chapeaute l’ensemble du système judiciaire israélien, s’étaient prononcés contre la nomination d’Aryé Dery à ces postes ministériels. Les juges ont considéré

qu’il n’était pas « raisonnable » de confier de telles responsabilités au leader du Shas, un parti ultraorthodoxe séfarade, en raison de son passé judiciaire. « Cette personne a été condamnée à trois reprises au cours de sa vie, a expliqué la présidente de la Cour suprême. Elle n’a pas respecté son devoir de servir loyalement et dans le respect de la loi alors qu’elle occupait des positions publiques. » Confier à Dery deux des plus importants ministères du pays, estimaitelle, « nuit à l’image et à la réputation du pays et entre en contradiction avec l’éthique et la légalité ». Dans les heures qui avaient suivi cette décision très attendue en Israël, Benyamin Netanyahou s’était rendu au domicile d’Aryé Dery. « Quand mon frère est dans le besoin, je me tiens à ses côtés », avait-il alors déclaré. Samedi, Dery avait proclamé son intention de participer au

niers au combat, selon les mêmes sources. La semaine dernière, le ministre britannique de la Défense, évoquait le chiffre de 50 000 mercenaires de Wagner faisant le coup de feu contre les forces de Kiev. Tous n’ont pas la chance de rentrer vivants. Difficilement quantifiables, les pertes sont vraisemblablement très élevées parmi ces hommes employés comme « chair à canon », sur les fronts de Soledar et de Bakhmout, dans le Donbass. « Je vous prends vivants mais je ne vous ramène pas toujours en vie », proclame le « parrain » des Wagner dans l’une de ses vidéos. Si la peine de mort, à coups de masse, attend les déserteurs, ceux qui tombent au combat ont droit, eux, aux honneurs. C’est le cas de Sergueï Molodtsov, 46 ans, enterré le mois dernier à Serov, dans la région de Sverdlovsk. Condamné à onze ans et demi de prison pour avoir tué sa mère, le mercenaire mort en Ukraine a été inhumé avec les honneurs militaires. Son cercueil a été porté par des vétérans et des soldats. « Un homme hors du commun aimant la

Aryé Dery, le leader du parti Shas, alors qu’il quitte son domicile pour se rendre au Conseil des ministres, dimanche. RONEN ZVULUN/REUTERS

120 000 manifestants ont défilé à Tel Aviv samedi pour protester contre la politique du gouvernement Netanyahou

Conseil des ministres de dimanche matin, alimentant les interrogations sur la volonté de Benyamin Netanyahou d’obéir aux juges. Prenant la parole à la suite de Netanyahou, le leader du Shas a affirmé, dimanche matin, « qu’il était clair pour chacun d’entre nous que nous respecterions la décision de la cour ». Il a aussitôt précisé qu’il n’était pas question pour lui de quitter la vie politique : il va continuer de diriger son parti. Avec 11 députés à la Knesset, c’est le principal allié de la coalition formée autour de Benyamin Netanyahou, exception faite de son propre parti, le Likoud. En outre, certains commentateurs ne manquent

À l’instar du roseau de la fable, Netanyahou plie, mais n’est pas du tout prêt à rompre. La décision de la Cour suprême semble même l’avoir renforcé dans sa volonté de gagner le bras de fer qui l’oppose au pouvoir judiciaire. « La Cour suprême ignore la volonté de la nation, a-t-il encore déclaré dimanche à Arieh Dery. J’ai l’intention de trouver tous les moyens légaux qui vous permettront de contribuer au gouvernement de ce pays. » Un projet de réforme judiciaire, porté par son ministre de la Justice, a pour objectif de limiter le pouvoir de la Cour suprême en accordant plus de poids au pouvoir politique dans la nomination des juges et en permettant à une majorité simple de députés d’outrepasser une décision de la Cour suprême. Israël étant dénué de Constitution écrite, cela donnerait toute licence à la Knesset pour transformer radicalement le système politique et judiciaire du pays. Aussi, depuis la présentation de ce projet de réforme, l’opposition s’est-elle mise en ordre de marche. Samedi soir, pour la troisième fois consécutive, de grandes manifestations ont été organisées à travers le pays. Elles attirent de plus en plus de monde. À Tel-Aviv, ils étaient

voix ouvertement critiques sont rares. En revanche, des propositions officielles se font entendre pour permettre à ceux « qui se sont distingués à la guerre », notamment les anciens détenus, d’accéder sans examen à l’université, notamment au prestigieux Institut des relations internationales (Mgimo) de Moscou. Des volontaires de Wagner devraient aussi être nommés au poste de député, a suggéré le général Andreï Gouroulev, membre de la commission de la défense de la Douma. Les vétérans vont être aussi sollicités pour enseigner dans les écoles. Autant d’initiatives qui anticipent, peut-être, ce que l’écrivain Iegor Gran qualifie de « prigoginisation » de la société russe. Encore embryonnaire, « une nouvelle élite issue de la guerre est en train de se mettre en place et marquera ce pays pour longtemps », estime un bon observateur à Moscou. « Wagner nous a ouvert la porte », témoigne Stanislav Bogdavov, l’exdétenu lavé de son crime par le sang versé. « Nous aurons de l’argent, du travail ; la “compagnie” (le surnom de Wagner, NDLR) n’abandonne pas les siens », se plaît-il à croire. ■

120 000 participants ; un nombre très important dans cette ville qui compte 435 000 habitants. En tout, ils étaient environ 130 000. Yair Lapid, l’ex-premier ministre et le chef de l’opposition, a pris la parole. « Les gens qui aiment ce pays sont venus ici pour défendre sa démocratie et sa Cour (suprême, NDLR), pour défendre l’idée de vie en communauté et le bien commun », a-t-il lancé. L’écrivain David Grossman a aussi harangué la foule : « Refusez d’être des exilés dans votre propre pays, at-il dit. Nous entrons dans des heures sombres, mes amis. Le moment est venu de se lever. » Mais cette démonstration de force ne semble, pour l’heure, pas suffisante pour faire dévier Benyamin Netanyahou et son gouvernement de leur trajectoire. La réforme judiciaire devrait être examinée en première lecture à la Knesset le 1er février. Les nuages s’accumulent tout de même au-dessus du premier ministre israélien. Dimanche, Bezalel Smotrich a boycotté le Conseil des ministres pour protester contre le démantèlement, par l’armée israélienne, d’une nouvelle colonie sauvage. Une décision prise par le ministre de la Défense mais à laquelle ce sioniste religieux s’opposait. Dans la nouvelle répartition des tâches, Benyamin Netanyahou a confié à ce fervent partisan de la colonisation des postes clés jusque-là conférés au ministère de la Défense. ■

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Société

lundi 23 janvier 2023

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Paris : la Marche pour la vie défile contre l’euthanasie Le débat sur le suicide assisté était sur toutes les bouches, lors de cette manifestation qui a rassemblé quelques milliers de personnes. Agnès leclair £@AgnesLeclair

bioéthique « C’est quoi l’avenir d’une société qui tue les siens ? L’euthanasie, c’est la décadence. » Cécile, 57 ans, anti-IVG, est une habituée de la Marche pour la vie. Mais en ce dimanche glacial de janvier, c’est aussi le débat sur la fin de vie, lancé cet automne par le président de la République, qui a motivé cette assistante dentaire à participer à la marche annuelle contre l’avortement organisée à Paris. Un événement qui a attiré

70 % des Français éligibles aux soins palliatifs n’y ont pas accès

quelques milliers de manifestants 20 000 selon les organisateurs - près de la gare Montparnasse. « Je ne comprends pas cet acharnement à vouloir tuer les gens. Est-ce pour éviter de payer trop de retraites », ironise-t-elle. À ses côtés, Marie-Alix, 65 ans. « Je suis chrétienne. “Tu ne tueras pas” : ça a un sens pour moi », commente-telle entre quelques drapeaux à fleur de lys ou frappés du Sacré-Cœur brandis par des traditionalistes. Pascale Morinière, à la tête des Associations familiales catholiques (AFC), espère cependant que le message ne

touche pas que les croyants. « Le serment d’Hippocrate - “Je ne provoquerai jamais la mort délibérément” est un message humaniste qui va bien au-delà des religions », relève-t-elle. À proximité d’une enceinte qui fait retentir la Macarena, Lorie, une vendeuse de 26 ans, est venue pour « alerter la classe dirigeante contre ces dérives mortifères ». C’est la première fois qu’elle participe à la Marche pour la vie. Des Femen, seins nus, arborant le slogan « IVG, c’est sacré » sur le torse, ont fait une apparition face au cortège avant d’être

interpellées. D’autres slogans émaillent les pancartes rose et jaune distribuées par les organisateurs de la marche, comme « Euthanasie serment d’hypocrite » ou « Arrêtez d’emmerder les embryons ». Les organisateurs du défilé n’ont pas voulu faire l’impasse sur la constitutionnalisation de la loi Veil, prochainement examinée au Sénat. « La vie doit être respectée de la conception à la mort naturelle », estime Nicolas TardyJoubert, président du rassemblement. Il insiste cependant sur les 70 % de Français éligibles aux soins

palliatifs qui n’y ont pas accès. « Là est la vraie priorité politique. Le vrai scandale », pointe-t-il. Sur le podium, le professeur de médecine Timothy Devos, auteur d’Euthanasie, l’envers du décor, est venu « mettre en garde» les Français sur l’évolution de la loi en Belgique. « 20 ans après la dépénalisation de l’euthanasie, on peut voir que ce n’est pas un modèle à suivre, critique-t-il. Une part croissante de personnes âgées et vulnérables la demandent. Ils ne sont pas en fin de vie, mais craignent d’être une charge pour leur famille. » ■

qui a duré environ deux minutes, un des deux frères d’Axelle Dorier, Théo, s’est levé des bancs des parties civiles puis s’est dirigé vers une sortie de la salle d’audience. Il a alors crié « salope » à la femme en question en faisant un geste du bras. Deux témoins - des journalistes de France 3 et BFM Lyon -, ont interprété ce geste comme un salut nazi. Après être sorti de la salle, Théo Dorier a brisé une vitre du greffe de la cour d’assises. Plusieurs témoins de la scène, dont Le Figaro, ont bien constaté le geste d’humeur mais n’y ont pas vu un salut nazi. « Les investigations se poursuivent pour déterminer la nature exacte de ce geste », a détaillé le parquet. L’avocat de la famille Dorier, Me Gabriel Versini-Bullara, a annoncé dimanche le dépôt d’une plainte pour diffamation par Théo Dorier. « Les

affirmations péremptoires et mensongères de certains journalistes doivent être corrigées par une plainte pour diffamation », poursuit l’avocat. Axelle Dorier a été tuée dans la nuit du 18 au 19 juillet 2020 à Lyon. Ce soir-là, une altercation avait éclaté au parc des Hauteurs, sur la colline de Fourvière, entre les amis d’Axelle et les deux cousins Youcef Tebbal et Mohamed Yelloule. Quelques minutes plus tôt, un chien appartenant à un proche d’Axelle avait été percuté par un véhicule. Au volant, des connaissances des deux cousins. Lors du procès, les accusés ont dit avoir été menacés par des individus ivres, dont l’un aurait sauté sur le capot de leur voiture et fissuré le pare-brise avec un couteau. Alors que les deux cousins voulaient quitter le parc, Axelle Dorier avait été percutée à deux

reprises : elle était tombée une première fois devant le véhicule puis s’était relevée, avant d’être happée. Son corps méconnaissable un témoin évoquera « une forme qui ressemblait à un pantin » - avait fini par se détacher du véhicule des fuyards 800 mètres plus bas. Lors du procès, Me Gabriel Versini-Bullara, a estimé que « le décès d’Axelle s’inscrit dans un continuum de délitement sociétal ». Il a cité « les martyrs de la barbarie ordinaire », comme Philippe Monguillot, un chauffeur de bus tué à Bayonne, ou Marin Sauvajon, un jeune homme lynché à Lyon après avoir défendu un couple qui s’embrassait. Me David Metaxas, le conseil du principal accusé, Youcef Tebbal, a assuré que son client ne voulait pas tuer Axelle Dorier. « Ce qu’il veut, c’est fuir cette scène de violence », a-t-il plaidé. ■

Affaire Dorier : la confusion après le procès Plusieurs enquêtes ont été ouvertes ce week-end après des incidents à l’annonce du verdict vendredi. Guillaume Poingt £@guillaumepoingt

Justice L’épilogue du procès de l’affaire Axelle Dorier, cette jeune femme morte en 2020 à Lyon après avoir été traînée sous une voiture sur 800 mètres, a été particulièrement houleux. Alors que des incidents avaient éclaté vendredi à l’annonce du verdict, devant la salle d’audience et dans le hall du palais de justice de Lyon, le parquet a ouvert plusieurs enquêtes ce weekend. Une pour « provocation publique à la haine ou à la violence » et pour « dégradations volontaires » visant un des frères de la victime, qui a porté plainte dimanche pour diffamation. L’autre à l’encontre de trois proches des accusés pour des violences sur des policiers. Après l’annonce des peines Youcef Tebbal, le conducteur du véhicule, a été condamné à 12 ans de prison et Mohamed Yelloule, le passager, à 5 ans de prison dont deux

ferme -, des incidents impliquant des proches des condamnés ont en effet éclaté. Deux policiers ont été blessés, dont un a reçu un coup de poing au visage et écopé de cinq jours d’ITT. Des journalistes ont été menacés verbalement car ils filmaient les incidents. Les fauteurs de troubles, une quinzaine d’individus, ont été sortis de l’enceinte judiciaire par les forces de l’ordre. L’auteur du coup de poing, un homme de 38 ans habitant à Vaulx-en-Velin, a été interpellé samedi. Il sera jugé en comparution immédiate lundi, avec deux autres individus.

Abattus et silencieux La situation était électrique, aussi, dans la salle d’audience. Juste après le verdict, une femme de l’entourage de Mohamed Yelloule a éclaté en sanglots tout en criant. Elle a fini par s’effondrer entre deux bancs, visiblement victime d’un malaise, tout en continuant à crier, à deux pas des proches d’Axelle Dorier, abattus et silencieux. Excédé par cette scène,

La police repousse des proches des accusés, impliqués dans des heurts après l’annonce du verdict dans l’enceinte du palais de justice de Lyon, le 20 janvier. Maxime JEGAT/PHOTOPQR/ LE PROGRES/MAXPPP

En Bretagne, la crêperie qui sentait trop la crêpe Un couple de restaurateurs est attaqué en justice par un voisin pour des nuisances sonores et olfactives liées à leur activité. hauteurs, on a condamné des places de parking, supprimé l’aire de jeux pour enfants, décalé le local plonge », énumère la restauratrice. Peine perdue : le voisin envoie un nouveau courrier, où il se dit toujours incommodé, par « le moteur de la hotte » cette fois, ainsi que par « les rires des clients, le bruit des portières et des pas sur les graviers… ». Auprès du journal local Le Penthièvre, le voisin se justifie : « À l’époque, nous nous sommes installés sur une zone Natura 2000, protégée, calme et paisible, a-t-il affirmé. Je veux vivre à nouveau dans un environnement sans odeurs, sans bruits, comme il y a vingt ans. Si la procédure peut aller jusqu’à la fermeture… » Un huissier,

odeur « deUnecuisine

marquée et le bruit des manœuvres des voitures sur le gravier

»

Constat d’un huissier

venu faire un constat le 11 août dernier, rapporte Marlène, a décrit « une odeur de cuisine marquée et le bruit des manœuvres des voitures sur le gravier ».

Traditions bretonnes C’est donc dans une ambiance tendue que la crêperie se prépare à rouvrir début février après sa coupure hivernale. « Nous terminons d’aménager une véranda en double vitrage, à 150 000 euros, relate le couple. La semaine prochaine, un caisson va être posé sur la hotte, pour 2 500 euros. On n’en peut plus… ». Le maire, Henri Labbé, ne veut pas prendre parti, puisque « l’affaire est maintenant devant le tribunal ». Mais il a préparé un

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courrier où il indique qu’il est « allé manger deux fois à la crêperie, et (n’a) pas senti d’odeurs ».« Ce monsieur est le seul à se plaindre », ajoute l’édile. « Il est un des voisins les plus proches, et il existe des gens qui sont soumis à des nuisances incroyables qui ne disent jamais rien, réplique l’avocat du plaignant, Me Christophe Sanson. Je fais confiance à mon client et aux preuves qu’il m’a transmises. Nous demanderons au tribunal de nommer un expert judiciaire qui va faire un diagnostic. Et c’est sur cette base qu’une solution va se dessiner, pour qu’il n’y ait plus de trouble anormal. » De leur côté, Marlène et Alex « comptent sur le bon sens des juges pour préserver les traditions bretonnes ». ■

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Polémique Après le coq qui chante trop fort et les cloches qui sonnent trop tôt, voici la crêperie qui sent trop la crêpe. À Erquy (Côtes-d’Armor), un couple de restaurateurs, installés depuis 2019 dans une maison d’habitation, est poursuivi par un de leurs voisins pour nuisances sonores et olfactives. Une démarche de conciliation ayant échoué, ils sont convoqués le 16 février au tribunal de Saint-Brieuc. En attendant, leur pétition a déjà rassemblé plus de 50 000 signataires. C’est juste avant le premier confinement que Marlène Dupont et Alex

Polge ont racheté la Crêperie du Pêcheur, créée dix ans plus tôt. « Nous étions contents d’avoir tenu le coup, raconte Marlène. Jusqu’à la première lettre de notre voisin, en août 2020, dénonçant des nuisances : de la fumée émanant de la cuisine, une odeur de friture - alors que nous ne faisons que des crêpes et des galettes - le bruit de la vaisselle et même les gaz d’échappement des voitures. » Pour satisfaire Patrick Boquet, un retraité qui avait fait construire sa résidence secondaire en 2000 avant de s’y installer définitivement en 2016, le couple réalise « 12 000 euros de travaux ».« On a changé la hotte, qui soufflait vers sa façade, pour nouvel extracteur d’air qui souffle vers les

© MARIE ETCHEGOYEN / CAPA PICTURES POUR PUBLIC SÉNAT

Stephane Kovacs £@KovacsSt

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Société

Deux tiers s’inquiètent du traitement des personnes vulnérables. Le ministre des Solidarités annonce des États généraux. Agnès Leclair £@AgnesLeclair

Grand âge L’entrée en Ehpad, une perspective plus anxiogène que le changement climatique, l’insécurité ou le chômage ? Un an après le scandale Orpea, plus de deux Français sur trois éprouvent de l’inquiétude face au risque de maltraitance des personnes vulnérables, selon une enquête du Crédoc, sur les conditions de vie et aspirations, que nous dévoilons (1). Une crise de confiance majeure touche le secteur du grand âge. Être atteint d’une maladie grave est le risque qui inquiète le plus les Français (74%), interrogés sur ce thème à la demande de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Quand on leur demande de situer leurs craintes dans une échelle de notation, la maltraitance envers les personnes vulnérables, citée par plus de deux tiers des sondés (68%) arrive en seconde place. À égalité avec la guerre et devant le changement climatique (67%), le terrorisme (66%), les agressions dans la rue (66%) et les accidents de la route (62 %). Au 39 77, la plateforme de signalement des maltraitances, les dossiers n’ont jamais été aussi nombreux. Rien qu’au premier semestre 2022, plus de 5 000 ont été enregistrés, soit une hausse de 24 %. Au sein des établissements, le personnel en sous-effectif est confronté à l’angoisse des proches de résidents. « Ce livre a eu une telle résonance médiatique et politique que les gens n’ont plus confiance dans les Ehpad. Les familles des résidents sont alertées, elles savent ce qui se passe et elles sont plus regardantes sur les conditions de prise en charge de leurs proches », explique Sabrina Deliry, fondatrice du Cercle des proches aidants en Ehpad (CPAE), un collectif de familles. Questions sur le turn-over du personnel, le nombre d’absents, la qualité de la nourriture… « Les relations tendues avec la direction dans certains Ehpad, notamment dans les

Maltraitance en Ehpad : la grande cra des Français, un an après le scandale endroits qui imposent des restrictions et tentent d’intimider les familles », décrit-elle. Et si certaines essaient de retarder au maximum l’entrée en maison de retraite, la prise en charge à domicile à ses limites en raison « du manque de professionnels d’aide à domicile » et « du taux de turn-over dans ces services ». L’avocate Sarah Saldmann, qui avait médiatisé le dépôt d’une salve de plaintes contre Orpea en avril pour « mise en danger de la vie d’autrui », « non-assistance à personne en danger » et « homicide involontaire » continue de recevoir de nouvelles familles qui dénoncent le «délaissement» de leurs proches pris en charge dans les Ehpad du groupe privé pour « mauvais traitements », « dénutrition et déshydratation », « manque d’hygiène »… « Avant, les familles prenaient le plus souvent contact avec un avocat après un dé-

cès. Aujourd’hui, elles sont plus nombreuses à venir pour évoquer des situations en cours. Beaucoup ne veulent pas porter plainte par peur des représailles mais elles multiplient les mails à la direction et ont de plus en plus recours à des caméras cachées. Elles constituent des dossiers avec des photos, des vidéos, conservent les échanges écrits…», décrit-elle. Cette grande peur est-elle uniquement liée à la sortie retentissante des Fossoyeurs, le livre-enquête de Victor Castanet, qui a levé le voile sur des pratiques opaques et les malversations d’un géant du secteur privé ? « L’inquiétude concernant la maltraitance s’est installée dans la société française, non seulement à la faveur des révélations concernant Orpea mais plus largement, on le voit, puisque les Français citent également les publics en situation de handicap. Il est temps qu’une

Les Jardins de Salomé, un Ehpad du groupe Orpea, à Fontainele-Comte (Vendée), en 2022. Mathieu Herduin/PHOTOPQR/ LA NOUVELLE REPUBLIQUE/

politique publique à part entière soit installée pour tous les adultes en situation de vulnérabilité », commente le ministre des Solidarités, JeanChristophe Combe. Alors que l’onde de choc n’a pas fini de se propager, le ministre s’apprête à annoncer des États généraux de la maltraitance. Ils réuniront des personnes âgées et leurs proches, des personnes en situation de handicap, des personnes précaires, des professionnels, des syndicats salariés et des ordres professionnels. «L’ensemble de ces contributions viendront nourrir une stratégie de lutte contre les maltraitances qui sera lancée à l’automne 2023 », précise Jean-Christophe Combe. Ce travail spécifique sur les maltraitances sera mené en parallèle du CNR « Bien vieillir » dont les conclusions sont attendues courant mai.

Le ministère planche dans le même temps à l’amélioration de la remontée des incidents et des récriminations des familles. Un nouveau dispositif de recueil des plaintes et réclamations, incluant les situations de maltraitance, est par exemple en cours avec les agences régionales de santé (ARS). Les professionnels du grand âge continuent à réclamer à cor et à cri un investissement «minimum» de 10 milliards d’euros dans le secteur du grand âge. Une promesse du précédent quinquennat qui se fait toujours attendre. Sans financement supplémentaire, le secteur prévient qu’il ne pourra pas s’approcher du taux d’encadrement d’au moins huit soignants et animateurs pour dix résidents. Soit le ratio recommandé dans plusieurs rapports et par la Défenseur des droits pour mieux prendre en char-

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« Un jour, ce sera nous, dans les maisons de retraite : il faut lutter » PAS PLUS de deux couches par jour. Des soignants en sous-effectif. Une nourriture bas de gamme… En tournant les pages des Fossoyeurs, le livre-enquête de Victor Castanet, Caroline a été saisie par une impression de déjà-vu. À 58 ans, cette professeur de lycée s’est battue pendant plus de sept ans avec la direction de l’Ehpad Orpea de Caen, où sa mère était prise en charge. De l’entrée de la vieille dame dans l’établissement, en 2015, jusqu’à son décès en juin 2022, un bras de fer incessant l’a opposée à la direction. Au début pourtant, tout lui avait semblé « convenable ». « Ma première impression était très bonne, mais j’ai vite déchanté, soupire-telle. La directrice a démissionné quelques mois après l’arrivée de ma mère. Le joli petit jardin que je pensais destiné aux résidents n’accueillait que le personnel pour les pauses cigarettes. Les personnes âgées, elles, restaient enfermées dans leur chambre. » Puis ce sont les « vols récurrents » qui l’ont alertée. « Parfums de marque, pulls en cachemire, bijoux fantaisie et même un collier de perles… Beaucoup de ses affaires personnelles ont disparu. J’ai signalé le problème, mais on ne les a jamais retrouvées », dit-elle. Atteinte de troubles cognitifs, la mère de Caroline intègre l’unité Alzheimer de l’établissement. « Quand j’arrivais, elle sentait mau-

vais. Je la retrouvais régulièrement en train de baigner dans ses excréments. Je demandais à ce qu’elle soit changée, mais on me répondait que ce serait fait dans pas longtemps. J’ai rapidement compris que les résidents incontinents n’étaient changés que deux fois par jour : le matin au réveil et avant le dîner vers 18 heures », rapporte-t-elle.

Pour compenser la nourriture qu’elle juge « infecte », Caroline lui apporte également des provisions de gâteaux et barres protéinées, quand ce n’est pas le repas du soir. Des frais qui s’ajoutent au coût de l’établissement, une facture mensuelle d’environ 3 300 euros. Et puis il y a l’attitude du personnel de l’établissement, qu’elle juge peu

La fille d’une patiente témoigne du bras de fer qu’elle a mené pendant sept ans avec la direction de l’Ehpad Orpea de Caen. Peter Atkins - stock.adobe.com

impliqué, voire violent. Malgré un problème de sous-effectif, elle a du mal à pardonner. « J’ai entendu des aides-soignantes hurler sur une dame de 101 ans, voisine de chambre de ma mère. C’était horrible », se souvient-elle. « La nuit, il n’y avait que deux aides-soignantes pour 80 lits. La journée, je me retrouvais parfois seule pendant une heure avec les résidents. Certains tombaient et il n’y avait personne pour les aider à se relever. »

Le sentiment de gêner Souvent présente pour aider sa maman, Caroline a parfois le sentiment de gêner. Peu à peu, sa relation avec les soignants et le nouveau directeur se dégrade. Ses demandes, ses récriminations, ses questions sur les vols passent mal. « Ils ont tout fait pour que je ne la vois plus, pour m’écarter. Le directeur a même demandé à la psychologue, que je n’ai jamais rencontrée, de faire une attestation disant que je perturbais ma mère. » Divorcée et fâchée avec une partie de la famille, la vieille dame est sous tutelle. Caroline a même dû prendre un avocat pour se défendre devant le juge des tutelles et éviter d’être interdite de visite. « La plupart des familles n’osent pas se plaindre, car elles ont peur des représailles », estime Caroline. Pour sa part, elle n’hésite pas à prendre des photos ou à tenter de filmer

avec son téléphone portable. Il lui reste aujourd’hui des images qui témoignent des blessures qu’elle a constatées sur sa mère. Sur l’une d’elles, la vieille dame a deux grandes ecchymoses symétriques aux bras. Sur une autre, elle affiche un œil tuméfié et une croûte recouvre toute son arcade sourcilière. Une blessure survenue, « suite à une chute par manque de présence ». Le jour du décès de sa maman, en juin dernier, elle a pu lui faire un dernier adieu. Une heure avant qu’on lui demande de faire le nécessaire pour libérer la chambre. Pour mieux comprendre comment sa maman avait été suivie, Caroline a demandé depuis la copie du dossier médical de la vieille dame. Une autre bataille, administrative cette fois. Après une quinzaine de courriers, elle a fini par recevoir des éléments… incomplets. Sur le document, tous les noms des soignants ont été masqués au correcteur. « 66 en tout », a-t-elle compté, déplorant un manque absolu de transparence. Malgré les obstacles, elle veut porter cette affaire devant la justice. Son dossier est actuellement dans les mains de l’avocate Sarah Saldmann. « La parution des Fossoyeurs m’incite à porter plainte pour la mémoire de ma mère et pour ceux qui restent. Et puis un jour, ce sera notre tour d’aller dans une maison de retraite. Il faut lutter ! » ■ A. L.

le figaro

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Un géant terrassé par une enquête journalistique

ainte e Orpea ge les aînés. Aujourd’hui, ce taux est plus proche «de 6 pour 10», a dénoncé Claire Hédon la semaine dernière. «Cela fait trois ans que nous sommes en crise», résume Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, la fédération des Ehpad privés. «La défiance qui a grandi après le scandale Orpea est également liée au traumatisme de deux ans de crise Covid», analyse-t-elle. Cette année, l’inflation est venue s’ajouter à la liste des difficultés pour les établissements. La crise Covid a fait que certains professionnels sont partis et ne sont pas revenus. La formation de nouveaux soignants, éclatée par région, pose problème…», liste-telle. Un véritable cercle vicieux. «La prise de conscience de la société est nécessaire. Il faut s’en réjouir. Mais pour l’instant nous n’avons eu que les effets négatifs de cette onde de choc, déplore Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs d’Ehpad du secteur public. Au-delà du cas Orpea,

Il est temps « qu’une

politique publique à part entière soit installée pour tous les adultes en situation de vulnérabilité

»

Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités



Cela fait 15 ans que les gouvernements successifs annoncent plus de moyens pour le grand âge. Il est temps de tenir cette promesse



Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs d’Ehpad du secteur public

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les soignants dénoncent la maltraitance institutionnelle en Ehpad faute de moyens depuis des années. Mais la seule chose que nous récoltons, c’est la méfiance des familles et des contrôles. Cela fait 15 ans que les gouvernements successifs annoncent plus de moyens pour le grand âge. Il est temps de tenir cette promesse ». Le modèle a-t-il atteint ses limites ? Est-il à bout de souffle ? 85% des Ehpad publics ont fini l’année 2022 en déficit, selon une étude publiée par la Fédération hospitalière de France (FHF) auprès de 350 établissements. Dans l’enquête menée par le Crédoc, les Français disent à 63% attendre davantage de la part des pouvoirs publics pour lutter contre la maltraitance envers les personnes vulnérables. ■ (1) L’enquête a été réalisée en novembre 2022, auprès d’un panel en ligne. 3 000 internautes en France âgés de 15 ans et plus ont été sélectionnés selon la méthode des quotas.

En novembre dernier, le journaliste indépendant Victor Castanet, auteur des Fossoyeurs, a reçu le prix AlbertLondres du livre pour son enquête. joEL SAGET/AFP

« “DÉJÀ, il y avait cette odeur de pisse terrible, dès l’entrée.” Extraits des Fossoyeurs, une enquête sur le business du grand âge. » Lorsqu’il reçoit cette alerte sur son smartphone, dans la soirée du dimanche 23 janvier 2022, Philippe Charrier tombe des nues. Le président d’Orpea, numéro un des Ehpad, ne se souvient pas avoir entendu parler d’une telle enquête. Son groupe, ses pratiques financières et la maltraitance envers les résidents de ses Ehpad, tout cela est pourtant le sujet des Fossoyeurs, le livre du journaliste Victor Castanet, dont Le Monde s’apprête à publier les bonnes feuilles. S’il pressent qu’il aura un sujet à gérer lundi, Philippe Charrier est loin d’imaginer l’ampleur du désastre à venir : une crise médiatique, politique, juridique et financière d’une ampleur inédite en France pour un groupe coté en Bourse. Celle-ci finira par lui coûter son poste et par contraindre Orpea à se placer sous la protection du tribunal de commerce de Nanterre, afin de tenter d’échapper au dépôt de bilan. Début 2022, Orpea est considéré comme un modèle. La société, créée en 1989 par le neuropsychiatre Jean-Claude Marian, a modernisé l’organisation des maisons de retraite médicalisées. La PME est devenue leader européen du secteur, avec 4,3 milliards de chiffre d’affaires. Rien qu’en France, Orpea emploie 26 000 salariés dans 354 Ehpad et cliniques. Les investisseurs en font un exemple à suivre, y compris les plus sensibles aux bonnes pratiques environnementales, sociales et de gouvernance… En Bourse, ce fleuron vaut alors plus de 5 milliards d’euros. Son action, qui frôlait 90 euros début 2022, vaut aujourd’hui moins de 7 euros. Tel un individu en pleine santé qui finit terrassé, en quelques mois, par un virus qu’il jugeait inoffensif, le géant des Ehpad s’est effondré à cause d’un livre enquête de 400 pages. La quasi-totalité des turpitudes dénoncées par Victor Castanet se sont révélées exactes. Selon nombre d’experts, beaucoup auraient pu être détectées par les autorités régionales de santé ou par des contrôles internes au groupe. Si Orpea est aujourd’hui dans une si mauvaise posture, c’est que son conseil d’administration, non content de ne pas avoir su déceler des signaux faibles de dysfonctionnements, a mal géré la déflagration déclenchée par Les Fossoyeurs. Décrit comme l’un des trois architectes du « système Orpea », Yves Le Masne, le directeur général du groupe, n’a jamais senti le danger de ce livre, en préparation depuis trois ans. « Il ne créait pas pour nous d’inquiétude particulière », confiera-t-il plus tard. Philippe Charrier assure en privé que le DG ne lui en a jamais parlé. Plusieurs dirigeants d’autres groupes d’Ehpad étaient pourtant au courant du projet. Certains en avaient même

été informés par leurs collègues d’Orpea. « On se prenait un livre par an sur la maltraitance depuis plusieurs années, raconte un professionnel. Aucun n’avait fait de vague. Jamais je n’aurais pu imaginer un truc pareil. » La direction d’Orpea non plus, qui refuse de répondre aux questions envoyées par Victor Castanet à la fin de son enquête. Dès la parution des bonnes feuilles, Orpea réfute par communiqué de presse des accusations jugées « mensongères, outrageantes et préjudiciables », dénonçant des « dérives sensationnalistes » et une « volonté manifeste de nuire ». Le lendemain, Yves Le Masne martèle, lors d’un point presse, avoir « toujours placé la qualité avant le financier ». Puis, pendant quatre jours, le groupe s’enfonce dans un mutisme total. Et pour cause : sous pression, Yves Le Masne a craqué et a dû se faire hospitaliser. Il est débarqué le dimanche 30 janvier au soir, avec les remerciements du conseil « pour les 28 ans de sa vie qu’il a passés au service du groupe ». Il est remplacé par Philippe Charrier.

blissements, s’engage à adopter le statut d’entreprise à mission et joue la transparence. Si Korian n’échappe pas à un reportage de « Cash Investigation », les groupes privés parviennent à créer un cordon sanitaire autour d’eux et à circonscrire l’incendie. Les Fossoyeurs concerne une seule brebis galeuse. Seul sous le feu de critique, Orpea campe sur sa posture de victime. « Nous n’acceptons pas qu’une société comme la nôtre, qui essaye de faire le meilleur au quotidien pour les résidents et les collaborateurs, soit accusée de cette manière sans avoir été jugée au préalable », déclare Philippe Charrier le 1er février après une rencontre glaciale avec la ministre. Auditionnés peu après par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Philippe Charrier et Jean-Claude Romersi, patron d’Orpea France, sont critiqués pour leur arrogance. Leur absence visible d’empathie choque. Leur stratégie de démentir toutes les accusations se fracasse contre la réalité. La plupart des révélations du livre sont confirmées. D’abord fin mars, par les enquêtes administratives diligentées à la demande du Nous n’acceptons gouvernement par l’Inspection gépas qu’une société nérale des finances (IGF) et celle des comme la nôtre, affaires sociales (Igas) ; ensuite fin avril, par les deux autres enquêtes, qui essaye de faire par le board d’Orpea. le meilleur au quotidien commandées Si le rationnement des protections pour les résidents urinaires n’est pas avéré, le rapport Igas-IGF dépeint Orpea comme un et les collaborateurs, groupe privilégiant la performance soit accusée de cette financière au bien-être des résimanière sans avoir été dents. L’État porte plainte contre l’entreprise et demande la restitujugée au préalable tion de financements publics. lE PRéSIDENT D’ORPEA, pHILIPPE cHARRIER, LE 1 FéVRIER C’est seulement à ce moment-là que Philippe Charrier fait son mea culpa. « Je présente mes excuses aux Depuis une semaine, l’affaire résidents et à leurs familles », déclaOrpea crée un tollé dans l’opinion re-t-il dans Le Figaro le 28 mars. Il et la classe politique. La parole des assure que son entreprise a « pris familles se libère. De nombreux satoute la mesure de l’émotion légitime lariés d’Orpea subissent les foudres suscitée par ces dysfonctionnede citoyens en colère. Leurs enments ». Las. L’opinion publique fants sont pris à partie par des cajuge ces excuses trop tardives. marades dans les cours d’école. Il faut des changements radicaux Brigitte Bourguignon, la ministre pour qu’Orpea puisse se donner une déléguée aux Personnes âgées, exchance de repartir de prime « sa colère » et « son l’avant. Début mai, le indignation ». Elle proconseil d’administramet de « taper fort ». tion recrute un nouLes autres gesveau directeur gétionnaires privés néral, Laurent d’Ehpad, Korian, Guillot, ex-numéro DomusVi et LNA, la dette d’Orpea deux de Saint-Gone veulent pas être en 2023 bain. Avant de assimilés à Orpea. prendre les rênes de Le système décrit l’entreprise début dans le livre « est aux juillet, celui-ci expliantipodes de ce que les que à Philippe Charautres acteurs du rier qu’il ne pourra secteur font au quoremplir convenatidien », martèle blement sa mission Sophie Boissard, Le remboursement PDG de Korian. exigé par l’État pour l’emploi sans une révolution au sein du L’entreprise, épinpar Orpea d’auxiliaires conseil d’adminisglée dans un chapide vie faisant office tration. Fragilisé par tre des Fossoyeurs d’aides-soignants son aveuglement passé pour des pratiques et sa mauvaise gestion de commerciales, voit son la crise, le conseil se saborde. cours dévisser d’un tiers en Fin juillet, Guillaume Pépy, ex-PDG un mois. La dirigeante assure avoir de la SNCF, habitué des situations mis fin au système de marges arride crise, en prend la présidence. ères. Elle déploie un nouveau réféQuatre autres nouveaux adminisrentiel qualité dans tous ses éta-



er



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milliards d’euros

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millions d’euros

trateurs le rejoignent. En quelques semaines, la stratégie de communication change radicalement. Fini le déni intégral. Place à un storytelling en forme d’aveux, discrètement distillé pour tourner la page. « Une équipe de dirigeants avait organisé un système frauduleux à l’insu du conseil d’administration, résume à l’été un proche du conseil. Ils ont tous été licenciés. » À l’automne, un autre évoque en privé un « vol en bande organisée » perpétré par une « petite bande très soudée » d’une « trentaine de personnes qui se connaissent depuis longtemps, dont les familles sont très proches ». Fin décembre, le groupe porte plainte contre Yves Le Masne.

DE ROSA/AFP

keren lentschner £@Klentschner et Ivan letessier £ @IvanLetessier



Il faut d’abord reconstruire les fondations. Ça va être long. On va avoir un an et demi dans les tranchées



Laurent Guillot, nouveau directeur général d’orpea

Laurent Guillot et Guillaume Pépy font table rase du passé pour restaurer l’image d’Orpea, rétablir la confiance en interne et auprès des familles de résidents. Le nouveau directeur général ne cache pas sa « sidération » face à ce qu’il a découvert : méthodes de gestion et d’achats insoutenables, système de contrôle défaillant, immobilier pléthorique et surévalué, système informatique totalement désuet… Dans les Ehpad, Laurent Guillot est accueilli comme un sauveur par des salariés qui n’osent plus dire où ils travaillent. Il sait qu’un changement culturel est indispensable. « Il faut d’abord reconstruire les fondations, confie-t-il à l’automne. Ça va être long. On va avoir un an et demi dans les tranchées. » L’organisation est repensée au profit d’une plus grande autonomie donnée aux chefs d’établissements. Huit cents personnes par mois sont recrutées. Il faut aussi repartir d’un bon pied avec l’État, qui exige d’Orpea le remboursement de 55,8 millions d’euros pour l’emploi d’auxiliaires de vie faisant office d’aides-soignants. Après avoir contesté cette mise en demeure, la direction obtempère en novembre. Gage de la tolérance zéro que le groupe souhaite instaurer, un directeur de l’éthique est nommé début janvier. Dans son opération de « reset » de l’entreprise, Laurent Guillot semble vouloir aller plus loin. « Après s’être débarrassé d’une partie du conseil d’administration et du comité exécutif, il veut en finir avec les actionnaires et avec la dette du groupe », confie le patron d’un fonds d’investissement, qui a revendu ses parts d’Orpea. La dette abyssale (9,5 milliards d’euros) devient insupportable pour le groupe, « exposé à un risque de manque de liquidités au cours du premier trimestre 2023 », selon son directeur général. Une procédure de conciliation est ouverte par le tribunal de commerce de Nanterre le 25 octobre. L’entreprise a quatre mois pour trouver une solution, avant le 25 février. Laurent Guillot se dit favorable à une prise de contrôle du groupe par ses créanciers. Avec son ambitieux plan de transformation, présenté mi-novembre, il espère convaincre ces derniers et de nouveaux investisseurs d’apporter 1,5 milliard d’euros nécessaires à la relance du groupe. La Caisse des dépôts est prête à prendre le contrôle d’Orpea, mais une partie des créanciers est vent debout contre les conditions qu’elle impose. Ce dossier, suivi de près par le gouvernement, est dans l’impasse. Pouvoirs publics, dirigeants, créanciers et actionnaires attendent avec anxiété la nouvelle édition des Fossoyeurs, à paraître le 25 janvier. Enrichie d’une dizaine de chapitres, elle contiendrait de nouvelles révélations. « Cela pourrait nuire encore à la réputation d’Orpea et faire baisser sa valorisation », craint un proche des négociations. Tous les acteurs de ce dossier ultrasensible espèrent que Les Fossoyeurs ne finira pas par enterrer Orpea. ■

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Sport

Surprises-parties à l’Open d’Australie

Après Rafael Nadal, Iga Swiatek, la no 1 mondiale a été éliminée. Le tournoi s’amuse à jouer avec la hiérarchie. gnant une série de 37 victoires consécutives, a reconnu avoir été rattrapée par l’événement. « Les deux dernières semaines ont été difTENNIS Opération portes ouver- ficiles. J’ai eu du mal à prendre sur moi et j’ai maintenant besoin de tes. L’Open d’Australie, notamprendre du recul par rapport à la ment en raison de sa place dans le manière dont j’aborde les tournois. calendrier a, entre les températuJ’ai ressenti beaucoup de pression, res extrêmes, souvent laissé se fauj’entamais les matchs en me disant filer un filet d’air frais. Celui des que je ne voulais pas perdre, au lieu surprises. Parmi les plus célèbres de vouloir gagner. C’est ce que je figurent le titre du Suédois Thomas veux améliorer. » Johansson en 2002, les finales du Chypriote Marcos Baghdatis Melbourne voulait voir briller (2006), de l’Allemand Rainer sous les feux de ses projecteurs une Schüttler (2003), des Français Arexplication entre la Polonaise et naud Clément (2001) et Jo-Will’Américaine Coco Gauf (18 ans, fried Tsonga (2008), de l’Amérino 7), étoile scintillante de la noucain Todd Martin (1994), les velle génération, aussi douée et enperformances de la gagée sur les courts qu’en Mexicaine Angelica dehors. Mais le tournoi Gavaldon (quart de l’a vu s’éteindre, avant finaliste en 1990) ou de laisser couler sur les du Français Stéphane joues de l’Américaine le Robert, sorti des sel des larmes. Prise à son qualifications en 2014 Pour la première fois de propre jeu, privée de la pour se hisser en 8es l’ère Open (depuis 1968), liberté d’entreprendre, les numéros 1 et 2 des Coco Gauf a vu passer en de finale. Ou encore les éli- tableaux masculin et trombe la Lettone Jelena féminin ont disparu Ostapenko (25 ans, no minations surprises avant les quarts de de Steffi Graf, en 17), lauréate de Rolandfinale d’un tournoi du 1997, lauréate des six Garros en 2017, capable Grand Chelem derniers titres du du meilleur et du pire qui Grand Chelem sur a bien choisi son jour lesquels elle s’était alignée, avant pour briller dans ce tournoi où les d’être dominée cette année-là en underdogs (outsiders) ont souvent 8es de finale par la Sud-Africaine la part belle. Amanda Coetzer, et la défaite de Six des dix premières têtes de séMats Wilander, en 1989, alors no 1, rie chez les hommes et cinq chez les femmes ont joué des coudes pour rayé par l’Indien Ramesh Krishnan arriver en 8es de finale d’un tournoi au 2e tour en 1989. L’édition 2023 ne fera pas exréputé, apprécié pour sa faculté à ception à la règle. Pour la première propulser sur le devant de la scène fois de l’ère Open (depuis 1968), les des joueurs, des histoires. Le Tchènuméros 1 et 2 des tableaux masque Jiri Lehecka (21 ans, 71e) n’avait culin et féminin ont disparu avant jamais franchi un tour en Grand les quarts de finale. Diminué (il Chelem. L’an dernier, il avait dissouffre d’une lésion de grade 2 puté le tournoi de qualifications à dans le psoas iliaque de la jambe Melbourne, avant de s’effacer au 1er gauche et devrait observer une tour dans le grand tableau. Après pause de six à huit semaines), Raavoir écarté le Britannique Camefael Nadal avait rendu les armes au ron Norrie (no 11), il a dominé le Ca2e tour, contre l’Américain Macnadien Félix Auger-Aliassime (no kenzie McDonald, comme le Nor6) médusé face à la réussite et au végien Casper Ruud. Après la Tusang-froid d’un joueur dénué nisienne Ons Jabeur (sortie dès le d’expérience mais doté d’un jeu re2e tour), la Polonaise Iga Swiatek, doutable qui lui permet de prolonger le conte de fées. Prochaine étareine du circuit depuis la retraite pe : Stefanos Tsitsipas (no 3). de l’Australienne Ashleigh Barty en mars dernier, s’est inclinée en Pour sa première apparition 8es de finale, emportée par l’audace dans le grand 8 d’un tournoi majeur, l’Américain Sebastian Korda et la réussite de la Kazakhe Elena cherchera, lui, à prolonger Rybakina (25 ans, no 22). l’euphorie contre le Russe Karen Prise de vitesse, manquant de Khachanov. Pour s’inscrire dans souffle, d’idées, de jambes, de sol’histoire de ce tournoi qui se régalutions, la Polonaise, qui avait le des folles courses d’obstacles… ■ ébloui le circuit l’an dernier en siJean-Julien Ezvan £@JeanJulienEzvan

La Polonaise Iga Swiatek, reine du circuit depuis la retraite de l’Australienne Ashleigh Barty en mars dernier, s’est inclinée en 8es de finale, battue par la Kazakhe Elena Rybakina (25 ans, no 22). ANTHONY WALLACE/AFP

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LOREN ELLIOTT/REUTERS

Djokovic, des questions pour une exception

Ça me demande beaucoup d’énergie, physiquement et mentalement, mais c’est le sport, et il faut accepter les circonstances dans lesquelles on joue

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Novak Djokovic, blessé à la cuisse gauche

DANS un tournoi qui regarde tomber les têtes de série et collectionne les surprises, Novak Djokovic résiste. L’exception. Pour la première fois depuis 1974, un seul vainqueur de Grand Chelem pointe en 8es de finale de l’Open d’Australie. Lui, le doyen (35 ans) des qualifiés (l’Espagnol Bautista Agut est le seul autre trentenaire). Et, pourtant, chacun de ses matchs ressemble à une violente épreuve. Le Serbe souffre, grimace, fait appel au médecin pour un massage ou l’ajustement du large bandage qui décore et dévore sa cuisse gauche. Le Serbe laisse invariablement infuser toute son expérience et son influence psychologique et tactique pour rester en piste. Mais son physique s’incruste comme un sujet de préoccupation constant depuis la demi-finale du tournoi d’Adelaïde, dernier round de préparation sur la route de l’Open d’Australie. Amplifie-t-il la douleur ? Scénarise-t-il la montée des marches d’une campagne qui pourrait le

conduire à un dixième titre à Melbourne ? Met-il son corps en danger ? Bien difficile de le savoir. En 2021, touché aux abdominaux lors du 3e tour de l’Open d’Australie, sa résistance à la blessure avait été le fil rouge d’une édition couronnée d’un nouveau triomphe… Avec la force que lui prodigue l’espoir, comme un baume, Novak Djokovic s’accroche. Et raconte son chemin de croix : « J’arrive souvent à bien démarrer la rencontre et ensuite, au fur et à mesure du match et de mes mouvements, ça s’empire. Je mets de la crème chauffante et ça aide un peu. Quand l’effet s’estompe, je recommence. C’est un peu comme des montagnes russes, ça me demande beaucoup d’énergie, physiquement et mentalement, mais c’est le sport, et il faut accepter les circonstances dans lesquelles on joue. Je suis déjà très chanceux de pouvoir jouer. Avant le début du tournoi, je n’étais même pas sûr de pouvoir participer. Mais je suis toujours là… » Opposé, ce lundi à l’Australien Alex de Mi-

Seulement trois clubs français (sur huit engagés) se sont qualifiés pour les 8es de finale de Champions Cup.

RUGBY Heureusement, le Stade Rochelais, tenant du titre, et le Stade Toulousain, son devancier au palmarès, ont fait honneur au Top 14 en remportant leurs huit rencontres. Pour prendre les deux premières places de la poule B, ce qui leur garantit des réceptions en 8es de finale, puis lors des éventuels quarts. Montpellier a également franchi le cut. Sans atteindre la moyenne, avec une seule victoire, un nul, et deux défaites. Pour les cinq autres clubs français, c’est la bérézina : 17 défaites cumulées en 20 rencontres ! Pour cinq éliminations. Contre une seule lors de chacune des deux précédentes saisons…

Déterminant, l’arrière et buteur Melvyn Jaminet a marqué 15 des 20 points de Toulouse lors La Rochelle et Toulouse sans de la victoire contre trembler, le MHR sans briller le Munster (20-16), Le champion d’Europe rochelais a dimanche à domicile. tenu son rang, empilant quatre suc- CHARLY TRIBALLEAU/AFP cès contre l’Ulster et Northampton. Toulouse a été tout aussi autoritaire en dominant, à domicile et en déplacement, les Irlandais du Munster et les Anglais de Sale. Le champion de France, Montpellier, complète le casting, mais sans convaincre. À l’image de son dernier match de poule, dimanche : un nul à domicile 21-21 contre les modestes London Irish.

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Racing et l’UBB u Le tombent de haut

Les Franciliens avaient, une nouvelle fois, affiché leurs hautes ambitions en Champions Cup, leur président, organisateur de tours de chant, en tête. Mais ce dernier, toujours aussi peu soucieux du confort de ses joueurs, avait préféré les royalties de trois concerts du rappeur Orelsan, organisés dans leur stade de La Défense Arena, au lancement de la campagne européenne du Racing 92. Pour une entrée en lice face à la province du Leinster délocalisée au Havre. Privés de leurs repères, Fickou et ses parte-

naires avaient sombré (déroute 1042). Dos au mur, ils devaient réussir l’exploit de s’imposer à Dublin samedi, lors de la 4e et dernière journée de phase de poules. Un espoir entretenu pendant 53 minutes, avant d’exploser en concédant cinq essais (36-10). L’échec est cuisant, puisque le Racing, demi-finaliste la saison dernière, ne se qualifie pas pour la phase finale pour la première fois depuis six ans. « C’est une déception, admet le manager des Ciel et Blanc, Laurent Travers. Notre ambition était tout autre. » Il assure cependant que son club, reversé dans la consolante Challenge Cup (comme Lyon et Clermont), « fera honneur à cette compétition »… Grosse déception également pour l’UBB, qui s’imaginait un destin européen. Patatras, quatre défaites et même pas de séance de rattrapage avec la petite Coupe d’Europe. De quoi agacer Julien Laïrle, qui a repris l’équipe girondine avec Frédéric Charrier depuis le limogeage de Christophe Urios. « Individuellement, les joueurs n’étaient pas au rendez-vous de cette Coupe d’Europe. Au niveau de l’indiscipline, c’est catastrophique. Quand tu fais autant de fautes, c’est le signe que chacun pense à soi-même et pas à l’équipe… » Lyon et Clermont ont également déçu en n’arrachant chacun

qu’une seule victoire. Quant aux Castrais, ils avaient fait l’impasse (zéro succès, aucun point de bonus défensif). Une fois de plus…

du Sud en force, u L’Afrique le Leinster intouchable

Avec seulement trois rescapés, le Top 14 fait pâle figure face aux clubs anglais (5 qualifiés), aux provinces irlandaises (3 sur 3) et aux nouvelles venues, les franchises sud-africaines. Qui ont directement piqué des parts de marché aux Français en se hissant toutes les trois en 8es de finale. L’épouvantail de la compétition est cependant le Leinster. Les Irlandais sont les seuls à avoir aligné quatre victoires bonifiées, inscrivant 28 essais (7 par match en moyenne). 184 points marqués de cette manière (avec les transformations), Sexton et ses coéquipiers n’ayant pas tenté la moindre pénalité en 320 minutes de jeu ! ■

8es de finale Champions Cup La Rochelle Toulouse Leinster (irl) Stormers (afs) Leicester (ang) Exeter (ang) Sharks (afs) saracens (ang)

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8es de finale, messieurs : Korda (Esp, 29)Hurkacz (Pol, 10) 3-6, 6-3, 6-2, 1-6, 7-6 (10/7) ; Khachanov (Rus, 10)-Nishioka (Jap, 31) 6-0, 6-0, 7-6 (7/4) ; Lehecka (Rtc)Auger-Aliassime (Can, 6) 4-6, 6-3, 7-6 (7/2), 7-6 (7/3) ; Tsitsipas (Gre, 3)-Sinner (Ita, 15) 6-4, 6-4, 3-6, 4-6, 6-3. Dames : Rybakina (Kaz, 22)-Swiatek (Pol, 1) 6-4, 6-4 ; Ostapenko (Let, 17)-Gauff (E-U, 7) 7-5, 6-3 ; Pegula (E-U, 3)-Krejcikova (Rtc, 20) 7-5, 6-2 ; Azarenka (Blr, 24)-Zhu (Chi) 4-6, 6-1, 6-4. Le programme, la nuit dernière, simples dames : Sabalenka (Blr, 5)-Bencic (Sui, 12) ; Linette (Pol)-Garcia (Fra, 4) ; Vekic (Cro)Fruhvirtova (Rtc) ; Pliskova (Rtc, 30)-Zhang (Chi, 23). Simple messieurs : Rublev (Rus, 5)-Rune (Dan, 9) ; Bautista Agut (Esp, 22)Paul (E-U) ; Shelton (E-U), Wolff (E-U). À partir de 9 h : Djokovic (Ser, 4)-de Minaur (Aus, 22).

J.-J. E.

zoom

Le Top 14 souffre sur la scène européenne David Reyrat £@DavidReyrat

naur (24e mondial). Posé dans sa fragilité, son orgueil et son ambition, encombré des questions. Seul contre tous les ambitieux d’un tableau dégarni qui rêvent d’un premier titre majeur. Prêt pour le genre de défis qu’il adore… ■

Gloucester (ang) Bulls (AfS) Ulster (irl) Harlequins (ang) Edimbourg (ECO) montpellier Munster (irl) Ospreys (gal) er

Matchs programmés les 31 mars, 1 et 2 avril.

Golf : Victor Perez signe un exploit historique

Victor Perez est devenu dimanche le premier Français à remporter un tournoi des Rolex Séries en remportant le HSBC Championship d’Abu Dhabi. Le golfeur de 30 ans s’est imposé avec un coup d’avance, sur le score total de – 18, devant le Suédois Söderberg (- 17), l’Australien Woo Lee (- 17) et l’Irlandais Harrington (- 16). Il prend la tête de la Race to Dubaï et celle du classement L. L. européen de Ryder Cup.

en bref Coupe de France : la Ligue 1 assure

La Ligue 1 a tenu son rang en 16es de finale de la Coupe de France avec les qualifications de Lyon, Lille, Nantes, Auxerre et Reims face à des formations de rang inférieur ce week-end. Dimanche soir, Lens a dominé le Stade Brestois chez lui (1-3).

Rallye : un 9e Monte-Carlo record pour Ogier Sébastien Ogier, engagé dans un programme partiel chez Toyota en championnat du monde WRC, a remporté le rallye de Monte-Carlo pour la 9e fois, un record dans cette épreuve.

le figaro

lundi 23 janvier 2023

santé

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lefigaro.fr/santé

psycho

Dossier

Paludisme : en route vers l’éradication ?

Comment consoler un proche ?

pages 16 et 17

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La piste du microbiote dans la lutte contre l’obésité est encore à l’étude Des chercheurs observent comment les bactéries intestinales influencent l’apport d’énergie lors de la digestion.

santé

Passage au stade clinique

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« Cette étude semble donner un signal intéressant entre composition du microbiote et prise de poids, mais il faut rester prudent car il ne s’agit que d’une étude observationnelle, qui ne peut montrer qu’une corrélation entre ces deux éléments, pas une preuve de causalité », met en garde François Leulier, directeur de recherche au CNRS et directeur de l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon. Ce qui est intéressant, c’est qu’on a enfin un résultat sur l’homme comparable à ce qui a été trouvé sur la souris il y a plusieurs années. On passe enfin d’un stade préclinique, sur l’animal, à un stade clinique, sur l’homme. » « Les premiers travaux sur la souris étaient très enthousiasmants, et avaient nourri beaucoup d’espoir pour le microbiome comme approche thérapeutique contre l’obésité, mais on s’est depuis rendu compte que c’était bien plus complexe que ça quand on passait à l’homme », ajoute Geneviève Héry-Arnaud, bactériologue, responsable de l’axe Microbiota au sein de l’unité Inserm UMR1078 au CHU de Brest. À partir de 2007, plusieurs études ont par exemple montré qu’en transplantant le microbiote d’un rongeur obèse à un rongeur mince, on arrivait à lui faire prendre du poids sans changer son régime alimentaire ni faire varier son activité physique. Et certaines de ces mêmes études montraient que les différents microbiotes des rongeurs affectaient directement la quantité d’énergie résiduelle contenue dans leurs selles. « Les souris obèses avaient une meilleure capacité à extraire l’énergie d’un régime gras et sucré, et produisaient donc des matières fécales pauvres en énergie », explique François Leulier. C’est exactement ce même résultat que les chercheurs danois et néerlandais ont cherché à retrouver

Les personnes qui prennent le plus de poids semblent avoir un microbiote intestinal qui extrait plus d’énergie à partir des aliments ingérés. Un excès d’énergie qui est ensuite stocké par l’organisme sous forme de graisses. New Africa stock.adobe.com

chez l’homme. Ils ont pour cela étudié 85 volontaires danois, hommes et femmes, tous adultes, en surpoids ou obèses. Des analyses de matière fécale ont permis de mesurer la quantité d’énergie résiduelle dans leurs selles et de séquencer la diversité des souches microbiennes présentes. Les volontaires ont ensuite été classés en trois groupes distincts, selon la configuration de leur microbiome. « Ces trois grandes familles, appelées entérotypes, sont l’équivalent des groupes sanguins pour classer les principaux types de microbiotes », explique François Leulier. Et dans l’étude de la cohorte danoise, le groupe avec l’entérotype de type B avait à la fois les selles les plus pauvres en énergie et un poids corporel supérieur aux deux autres groupes. À l’inverse, le groupe de type-R avait des selles contenant le plus d’énergie, un microbiote plus diversifié et

un poids moyen plus faible. Malgré ce signal assez clair, qui semble indiquer une influence du microbiote sur la prise de poids, les experts interrogés restent prudents.

Contribution mineure « L’analyse statistique réalisée n’est pas la plus pertinente, et surtout, l’écart en densité d’énergie dans les selles est très faible, de seulement quelques pour cents entre les deux groupes les plus différents », commente Sergueï Fetissov, professeur de physiologie à l’université de Rouen. « Les chercheurs ont retiré de leur analyse 28 personnes dont l’entérotype n’était pas très marqué, cela me paraît un peu arbitraire et met en doute la pertinence du résultat final », remarque pour sa part Geneviève Héry-Arnaud. Pour le Pr Harry Sokol, gastroentérologue spécialiste du micro-

biote à l’hôpital Saint-Antoine à Paris (*), « la différence d’apport d’énergie observée est mineure, et j’ai du mal à croire que ça va être suffisant pour lutter contre l’obésité ». Pour ce spécialiste, comme pour Sergueï Fetissov, la voie étudiée par les scientifiques danois et néerlandais ne semble pas être celle qui a le plus d’impact sur l’obésité. « Cette étude regarde la manière dont les bactéries elles-mêmes apportent de l’énergie à l’organisme, en se nourrissant des résidus alimentaires qui n’ont pas été digérés par les enzymes digestives humaines », précise le Pr Sokol. Mais cette contribution est mineure, car neuf dixième des bactéries intestinales se trouvent dans le colon, après l’intestin grêle où se déroule la majeure partie de la digestion. Ces bactéries du colon n’ont accès qu’à des restes, dont les fibres alimentaires qui ne sont pas

digérées par les enzymes. Le deuxième mécanisme par lequel le microbiote agit sur le métabolisme, c’est en influençant la manière dont les cellules humaines fonctionnent. « On sait que les bactéries de nos intestins produisent des petites molécules qui régulent notamment l’absorption des graisses. Des pistes thérapeutiques sont développées à partir de cette approche, mais aucune n’a abouti à ce jour à un médicament qui ait fait ses preuves par un grand essai clinique », regrette Harry Sokol. Le microbiote joue clairement un rôle sur le métabolisme énergétique de nos organismes, mais il est prématuré de penser qu’il va permettre de régler le problème mondial de l’obésité d’un coup de baguette magique. (*) Harry Sokol est auteur de la BD, Les Extraordinaires Pouvoirs du ventre, illustré par Judy, aux Éditions De Boeck. ■

Le jeûne intermittent est-il efficace pour perdre du poids ? Delphine Chayet £@DelChayet

«

En l’état actuel des choses, aucun régime intermittent n’est recommandé sur le long terme pour perdre du poids

»

Bernard Srour, épidémiologiste et chercheur à l’Inserm

LES RÉGIMES intermittents, qui consistent à alterner des périodes de jeûne avec des plages horaires durant lesquelles il est permis de manger normalement, ont le vent en poupe. Ils sont supposés limiter le nombre de calories ingérées par l’organisme sans la frustration continuelle éprouvée dans un régime restrictif classique. Mais sont-ils aussi efficaces pour perdre du poids ? La question, au cœur d’un champ de recherche en plein essor, n’est pas encore tranchée scientifiquement. Une étude publiée la semaine dernière dans Journal of the American Heart Association suggère qu’il serait plus avantageux de manger des repas moins copieux que de s’astreindre à des périodes de jeûne. Dans ce travail mené sur une période de six ans, les chercheurs ont

suivi les comportements alimentaires de 550 adultes, pour la plupart obèses. Ils ont notamment relevé les heures, la fréquence et la taille des repas et grignotages, ainsi que le moment du réveil et de l’endormissement via une application mobile. Ces données ont été comparées avec la trajectoire de poids des participants consignée dans des registres de santé électroniques.

Données incomplètes Les scientifiques ont ainsi remarqué que le temps écoulé entre la première prise alimentaire de la journée et la dernière n’avait pas d’influence sur le poids des volontaires. Autrement dit, la durée des fenêtres de jeûne semblait indifférente, alors que le nombre de repas quotidiens était corrélé à des variations de poids. « Nos résultats n’étayent pas l’utilisation d’une alimentation limitée dans le temps comme stratégie de

perte de poids à long terme dans une population médicale générale », conclut Wendy Bennett, professeur à la faculté de médecine Johns Hopkins de Baltimore, et auteur de l’étude. Les chercheurs identifient toutefois plusieurs limites à ces conclusions : ils n’ont notamment pas d’information sur l’apport énergétique dans la journée et ne savent pas si les participants cherchaient à maigrir. « En l’état actuel des choses, aucun régime intermittent n’est recommandé sur le long terme pour perdre du poids, commente de son côté Bernard Srour, épidémiologiste et chercheur à l’Inserm (université Sorbonne Paris Nord). Cela dit, les études cliniques se multiplient, et on commence à entrevoir des bénéfices avec des prises alimentaires calées sur la phase active de notre rythme circadien, donc cantonnées par exemple entre

7 heures et la fin de l’après-midi. » Et il complète : « Les personnes suivant ce schéma d’alimentation limitée dans le temps pourraient profiter d’une amélioration métabolique potentiellement grâce à une meilleure sensibilité à l’insuline, ce qui empêcherait la prise de poids. » La question du moment des repas est encore peu abordée dans les recommandations nutritionnelles. Mais une étude d’observation menée par le chercheur au sein de la cohorte française Nutrinet-Santé a constaté que des prises alimentaires tardives (au-delà de 21 h 30) étaient associées à un risque plus élevé de cancer du sein et de la prostate, sans qu’un lien de cause à effet ne soit établi. Pour Bernard Srour, « les tendances qui se dessinent actuellement suggèrent aussi qu’un jeûne nocturne prolongé serait bénéfique contre le risque de diabète si les repas sont plutôt calés en début de journée ». ■

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nutrition Certaines inégalités biologiques sont criantes. En mangeant exactement la même quantité de nourriture, certaines personnes vont prendre du poids, alors que d’autres ne vont pas gagner un gramme en plus. Pourquoi ? Des chercheurs danois et néerlandais proposent une réponse séduisante dans la revue Microbiome : les personnes qui prennent le plus de poids semblent avoir un microbiote intestinal qui extrait plus d’énergie à partir des aliments ingérés. Un excès d’énergie qui est ensuite stocké par l’organisme sous forme de graisses. Sachant cela, suffirait-il d’ajuster la composition des milliers de milliards de microbes qui colonisent nos intestins pour faire mincir des personnes obèses ?

New Africa/stock.adobe.com

Cyrille Vanlerberghe £@cyrillevan

lundi 23 janvier 2023 le figaro

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dossier santé

Paludisme : en route vers l’éradica

Après un siècle de recherche, un vaccin existe et d’autres devraient suivre contre ce parasite au cycle

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Pauline Léna

Infectiologie L’horizon semble enfin s’éclaircir dans la lutte contre le paludisme : pour la première fois, des perspectives crédibles d’éradication se dessinent pour les décennies à venir, avec des vaccins efficaces qui commencent à apparaître. Ils ouvrent un tout nouveau champ d’action contre une pathologie qui tue d’abord les enfants (plus de 90 % des victimes ont moins de 5 ans), alors que certains des traitements actuels risquent de perdre de leur efficacité. Un premier vaccin, fruit de trente ans d’efforts de la firme GSK, a été timidement approuvé par l’OMS en 2021 pour la vaccination des enfants en zone endémique malgré des résultats peu enthousiasmants. Les premiers essais de phase 3 d’un deuxième vaccin, développé par l’université d’Oxford au Royaume-Uni, montrent une meilleure efficacité pour un moindre coût. La recherche d’un vaccin contre le paludisme est née pratiquement avec la découverte du parasite, à la fin du XIXe siècle, lorsque les médecins ont observé que la majorité des adultes vivant dans les zones endémiques semblaient avoir développé une immunité naturelle. Mais une immunité si longue à se construire signifiait sans doute que le parasite savait y échapper. Et pour cause : le cycle de vie complexe du parasite, à l’intérieur et hors du corps humain, lui offre de nombreuses possibilités d’échapper au système immunitaire de cet hôte humain avec lequel il vit depuis des millénaires. Le parasite change d’identité à chaque nouveau stade du cycle, obligeant les cellules immunitaires à relancer une toute nouvelle procédure de recherche d’intrus à chaque étape. Il possède aussi la capacité de « flouter » ses protéines de surface les plus identifiables avec d’autres molécules. Si cela ne suffit pas, il peut modifier rapidement ses antigènes de surface, rendant presque inutiles les « fichiers d’identification » existants. Enfin, le parasite possède une équipe d’extraction, les moustiques, qui lui permettent de renouveler son arsenal en toute tranquillité hors de l’organisme humain. Les premiers vaccins développés visaient logiquement le stade d’entrée du parasite : des injections de parasites atténués ont ainsi rapidement donné des résultats encourageants chez l’animal, puis chez l’homme. Ce type de vaccin, où l’ensemble de l’organisme infectieux est présenté au système immunitaire, offre un maximum de cibles antigéniques et cette stratégie est également envisagée contre les parasites présents au stade sanguin. Mais leur mode de production, contraignant et coûteux, en limitera sans doute l’usage à des populations particulières, comme les militaires en opération ou les personnels navigants dans des zones endémiques. Dans les années 1980, les techniques de fusion cellulaire ont permis d’isoler des antigènes du parasite et de les multiplier in vitro. Il est alors devenu possible de tester de nombreux candidats et d’envisager une production de masse. Quelques équipes cherchent à neutraliser les capacités reproductives du parasite avant qu’il ne soit prélevé par les moustiques, évitant ainsi sa multiplication hors de l’organisme humain. Beaucoup de chercheurs pensent cependant que la phase pré-sanguine, avant que les symptômes se déclenchent, est la meilleure approche. Dans les années 2000, la Fondation Bill et Melinda Gates, très engagée dans la lutte contre le paludisme, a ainsi choisi de focaliser ses efforts sur un candidat particulièrement prometteur, le RTS,S de GSK. Tous les espoirs (et la majorité des financements disponibles) se sont alors concentrés sur cet objectif, également soutenu par

l’OMS, et Mosquirix (le nom commercial du vaccin) a finalement été approuvé en 2021.

essais en cours - déjà prometteurs le Serum Institute of India a annoncé qu’il serait capable d’en produire presque 200 millions de doses par an. Reste à savoir si l’OMS se montrera aussi généreuse avec ce nouveau vaccin qu’avec le premier. De nombreux efforts de recherche ont également isolé des antigènes de la phase sanguine du cycle parasitaire. Une équipe française cherche ainsi à protéger les femmes enceintes, deuxième groupe à risque après les enfants. « Pendant la

contre les formes graves », souligne toutefois la Pr Dominique Mazier, chercheuse au Centre d’immunologie et des maladies infectieuses de Sorbonne Université. « C’est déjà beaucoup de vies épargnées. » Le candidat de l’université d’Oxford, le R21, vise la même cible avec d’autres adjuvants. Lors de son premier essai de phase 3, le R21 a obtenu une protection de 77 % pour un coût estimé à la moitié de Mosquirix, ce qui semble garantir son avenir. Si les résultats sont confirmés par d’autres

« Beaucoup de vies épargnées »

Avec une protection de 30 % contre les formes graves du paludisme, il est pourtant bien loin des 75 % d’efficacité généralement exigés pour un vaccin. « Le vaccin ne permet pas d’empêcher le parasite de pénétrer dans le foie mais il évite trois épisodes sur dix et protège

grossesse, les femmes perdent leur immunité naturelle car le parasite modifie une de ses protéines pour se fixer plus facilement sur les vaisseaux sanguins, en particulier dans le placenta, explique Benoît Gamain, directeur de recherche de l’unité Inserm de biologie intégrée du globule rouge. Les femmes subissent alors plus de formes graves du paludisme, les fausses couches sont très fréquentes et les nouveau-nés sont fragilisés par un faible poids de naissance lié à un placenta moins fonctionnel. » Des

Un cycle de vie complexe Le cycle de vie complexe du parasite qui cause le paludisme rend très difficile la mise au point de vaccins efficaces contre la maladie.

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En suçant le sang humain, l'anophèle femelle transmet un parasite asexué, sous forme de sporozoïte

Moustique infecté

de cas de paludisme dans le monde en 2021 (Source : OMS)

Après avoir atteint le foie, les sporozoïtes s'y multiplient et deviennent des mérozoïtes qui font éclater certaines cellules hépatiques. D’autres parasites restent dans le foie attendant un nouvel «éveil»

Vaccins bloquant la transmission

619 000 personnes sont mortes du paludisme dans le monde en 2021

Foie

Vaccins anti-infectieux RTS,S (GSK) / R21 (Université d’Oxford)

Vaccins en phase sanguine

95 % des cas

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Parasites asexués

Primvax

Fécondé, il donne naissance à un sporozoïte, prêt à être injecté à un autre individu

Vai V aiis isssseeaauu s nngu guuin in

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Moustique infecté

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Vaisseau sanguin

Les mérozoïtes infectent ensuite les cellules sanguines

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Les globules rouges parasités éclatent, provoquant de fortes fièvres. Le parasite devient progressivement sexué (gamétocyte).

Moustique en train de s’infecter

Gamétocyte sexué

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Devenu gamétocyte, il peut être aspiré par un autre moustique Le parasite achève son cycle sexué dans le tube digestif du moustique Infographie

En métropole, des cas importés plus nombreux Il faut rappeler à tous ceux qui retournent en famille en Afrique qu’ils doivent prendre toutes les précautions, même s’ils ne se voient pas comme des touristes

»

Dr Sandrine Houzé

LE PALUDISME pourrait-il revenir en France métropolitaine ? Non, assurent les experts. « Tous les cas de paludisme autochtone sont à déclaration obligatoire et nous n’avons jamais observé de paludisme secondaire en France métropolitaine et dans les DOM, rappelle la Dr Sandrine Houzé, responsable du centre national de référence du paludisme de l’hôpital Bichat, à Paris. Il est en voie d’élimination à Mayotte, seule la Guyane reste une zone endémique en France. » La maladie a pu être largement éliminée du continent européen grâce à l’assèchement des marais, aux insecticides de masse et à la chloroquine. Les derniers parasites ont été éliminés de Belgique en 1958. Seule la Grèce a connu de nouveaux rares cas annuels depuis une dizaine d’années, sans

247 millions

Parasites asexués

lien avec le réchauffement climatique : des anophèles capables de transporter le paludisme existent en climat froid. Les traitements et moyens de prévention actuels sont donc suffisants pour empêcher toute réapparition massive du paludisme en Europe, et la pauvreté reste le facteur favorisant le plus puissant.

En hausse de 117 % Les cas de paludisme observés en métropole sont dits « d’importation », le plus souvent chez des voyageurs ayant été infectés par des moustiques en zone endémique. Leur nombre est resté stable entre 2010 et 2019 mais avec la reprise des voyages internationaux, 2 185 cas ont été rapportés en 2021, en hausse de 117 % par rapport à 2020.

Depuis de nombreuses années, plus de 90 % des cas sont liés à une contamination en Afrique subsaharienne chez des patients d’origine africaine. En 2021, plus de 16 % d’entre eux ont subi des formes graves, principalement dus à un retard au diagnostic qui a conduit au décès de 8 personnes. « Il faut rappeler à tous ceux qui retournent en famille en Afrique qu’ils doivent prendre toutes les précautions, même s’ils ne se voient pas comme des touristes », insiste la Dr Sandrine Houzé. Dès la seconde génération, il n’y a plus d’immunité acquise par une exposition régulière au parasite. Il faut donc prendre les médicaments préventifs et penser à mentionner le voyage si l’on consulte pour un accès de f­ ièvre. ■ P. L.

et 96 % des décès ont été enregistrés en Afrique en 2021. 80 % des morts sont des enfants de moins de 5 ans

Moustiquaires, La lutte a pâti DEPUIS vingt ans, la lutte acharnée contre le paludisme a permis de passer de 1 million de morts par an à 409 000 en 2019. L’OMS estime que, sur cette période, 7,6 millions de vies ont été épargnées. Mais en 2020 et 2021, la mortalité a augmenté de 10 % par rapport à 2019, un recul directement associé à la pandémie de Covid-19 : la fragilisation des systèmes de santé des pays les plus pauvres, qui peinaient déjà à assurer la bonne utilisation des moyens de lutte contre le paludisme, a ouvert une brèche dans laquelle le parasite s’est immédiatement glissé. L’histoire du paludisme connaît en effet régulièrement des avancées et des reculs, au fur et à mesure que des traitements sont mis au point et que le parasite apprend à y échapper. Quinine, chloroquine et artémisinine ont ainsi été mises en échec, l’une après l’autre, par l’apparition de résistances à ces molécules. Les insecticides à large échelle, efficaces mais dangereux pour l’humain et l’environnement, ont été remplacés efficacement par des moustiquaires imprégnées de produits qui doivent cependant régulièrement être adaptés car les moustiques apprennent à y résister. L’immense succès des stratégies actuelles repose ainsi sur l’utilisation concomitante d’un ensemble de moyens appliquant une pression constante sur le parasite dans tout son cycle de vie : lutte contre les moustiques grâce à une très large diffusion de moustiquaires imprégnées, prévention systématique par des traitements appliqués au moment où le risque est le plus élevé et uniquement par combinaison de molécules à ac-

le figaro

SANTé

santé

tion ?

tion durable. Des résistances contre l’artémisinine et ses dérivés, trop souvent encore utilisés seuls, se diffusent peu à peu, notamment en Asie. La résistance croissante aux insecticides rend séduisante l’idée d’une stérilisation des moustiques, notamment par la modification génétique, qui semble cependant difficile à mettre en œuvre sur de tels nombres d’individus et dont les conséquences environnementales seront sans doute impossibles à évaluer avant leur déploiement.



Un vaccin n’est efficace que s’il est effectivement inoculé aux populations concernées



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L’immense désordre apporté par la pandémie de Covid-19 à tous les échelons de nos sociétés a conduit à une baisse de vigilance pour l’application de tous les bras armés de cette lutte, avec des effets immédiats et durables sur le poids du paludisme dans le monde. C’est sans doute ce qui a conduit l’OMS à approuver un premier vaccin peu efficace mais qui vient ajouter son effet à celui des autres approches, avec l’espoir de limiter le recul d’efficacité de la protection globale. Comme les autres approches, cependant, un vaccin n’est efficace que s’il est effectivement inoculé aux populations concernées et, comme pour le Covid-19, le succès de ce vaccin encore coûteux dépendra sans doute de l’enthousiasme des États les moins concernés à venir en aide aux pays les plus ­pauvres… ■ P. L.

« Artemisia », fleur de la discorde Les dérivés d’artémisinine sont au cœur des combinaisons thérapeutiques qui ont permis les succès récents contre le paludisme et qui n’ont pas d’alternative. Cette molécule a été isolée par la chercheuse chinoise Tu Youyou en 1978 à partir d’Artemisia annua, une plante utilisée en infusion contre le paludisme en médecine traditionnelle chinoise. L’engouement pour les médecines naturelles a relancé l’utilisation des infusions d’Artemisia. Problème : sa faible concentration en artémisinine, peu biodisponible, limite l’efficacité de l’infusion et accélère l’apparition de résistances. Des études suggèrent cependant que l’efficacité observée par quelques études serait liée à un ensemble de molécules agissant en synergie. Certaines équipes envisagent d’isoler des composants actifs d’autres variétés d’Artemisia qui ne contiennent pas d’artémisinine, tout en montrant une certaine efficacité contre le parasite. À suivre… P. L.

L’électroporation a été expérimentée pour la première fois dans les années 1980 pour l’ablation des troubles du rythme cardiaque. instantanément une mort cellulaire à l’origine de la destruction du tissu pathologique. Cet effet peut être plus ou moins réversible, en fonction de l’intensité et des caractéristiques physiques du champ électrique produit et de la sensibilité du tissu cible. Par ailleurs, le tissu myocardique semble présenter une sensibilité à l’électroporation tout à fait particulière, au contraire d’autres tissus comme les vaisseaux sanguins ou le système nerveux. L’effet lésionnel spécifique induit par cette énergie sur le tissu cardiaque serait alors sans risque d’effets collatéraux sur les tissus ou les organes avoisinants (artères coronaires, veines pulmonaires, œsophage, fibres nerveuses).

Changement de paradigme La création de ce champ électrique à haute tension constitue toutefois un exploit technologique : son intensité et son effet dépendent de nombreux paramètres. La combinaison entre ces paramètres et leur interaction avec les caractéristiques tissulaires, à l’origine de l’efficacité et de la sécurité d’utilisation de cette technique, sont particulièrement complexes à déterminer. L’électroporation a été expérimentée pour la première fois dans les années 1980 pour l’ablation des troubles du rythme cardiaque. Néanmoins, sa progression dans le domaine de la rythmologie est restée limitée en raison de ses difficultés d’utilisation, au profit de la radiofréquence, beaucoup plus simple en routine. L’électroporation s’est cependant développée en cancérologie pour le traitement des

magicmine /stock.adobe.com

Professeur Serge Boveda

Cardiologie La fibrillation auriculaire (ou atriale) désigne une arythmie caractérisée par des battements cardiaques irréguliers et rapides. Ce trouble du rythme cardiaque est souvent associé à un risque accru d’insuffisance cardiaque et d’accident vasculaire cérébral. En Europe, les dernières études prévoient un doublement de la prévalence de la fibrillation auriculaire (FA) d’ici à 2050, principalement en raison du vieillissement de la population et de certains facteurs tels que le diabète ou l’obésité. La rythmologie, discipline cardiologique dédiée à l’étude, au diagnostic et au traitement des troubles du rythme cardiaque, a connu une première révolution il y a une trentaine d’années avec l’utilisation de l’énergie de radiofréquence, qui a permis le développement du traitement interventionnel de la plupart des anomalies du rythme cardiaque ; puis il y a une quinzaine d’années de la cryothérapie, apparue comme une alternative particulièrement efficace et séduisante à la radiofréquence. La technique, dite « d’ablation » s’appuie sur la destruction du tissu cardiaque à l’origine d’un trouble du rythme, par l’application d’une variation de la température locale en regard du cathéter positionné sur le tissu cible : chaleur pour la radiofréquence, froid pour la cryothérapie. Ces deux techniques ont largement fait la preuve de leur efficacité ; néanmoins, elles présentent toutes les deux la caractéristique de ne pas être sélectives du tissu cardiaque que l’on souhaite traiter. Ce manque de spécificité peut être à l’origine de complications, liées au fait que l’énergie délivrée pourrait dans certains cas diffuser au-delà du tissu myocardique. Le rêve serait donc de pouvoir disposer d’une énergie d’ablation ciblant exclusivement le tissu cardiaque pathologique, sans risque pour les organes adjacents, limitant ainsi le risque de complications. Ce rêve semble aujourd’hui à la portée des rythmologues. Énergie non thermique, l’électroporation s’appuie sur la création d’un champ électrique pulsé (d’où l’acronyme anglo-saxon PFA, pour « Pulsed Field Ablation ») qui est à l’origine de son action tissulaire spécifique. Son effet provient de l’augmentation de la perméabilité de la membrane cellulaire, par la formation de pores membranaires provoquant

tumeurs, ou pour le transfert intracellulaire de gènes ou d’anticorps. Après plusieurs décennies et d’importantes améliorations permettant de mieux comprendre et d’apprivoiser cette énergie, l’électroporation fait son retour en rythmologie avec des premiers travaux chez l’animal, confirmant son innocuité, puis des premiers essais cliniques particulièrement probants chez l’homme, publiés en 2019. Comme espéré, les analyses préliminaires ont aussi confirmé l’absence de complications de l’électroporation sur les organes adjacents. Ces importantes avancées ont permis le développement de cette technologie pour l’ablation de la fibrillation atriale dans certains centres, essentiellement européens, avec bientôt 10 000 ­patients déjà traités. Des évolutions significatives sont encore attendues, mais étant donné l’impact majeur de la pathologie rythmique, qui touche environ 1 million de patients en France, il y a fort à parier qu’un changement de paradigme est à l’œuvre dans ce domaine avec le développement de solutions innovantes et efficaces. Des études randomisées portant sur cette technique sont en cours en Europe et outre-Atlantique. Si les résultats de ces nouveaux essais confirment ceux de la phase initiale, cela devrait ouvrir la voie à une plus large diffusion de l’électroporation dans les centres de rythmologie de référence, pour le plus grand bénéfice de nos patients. ■ Le Pr Boveda est consultant pour Medtronic, Microport, Boston Scientific et Zoll.

le plaisir des livres

Opioïdes, ou le rêve américain devenu cauchemar Soline Roy £@so_sroy

C’est une famille d’immigrés comme des milliers d’autres. Au début du XXe siècle, Sophie Greenberg est venue de Pologne chercher le rêve américain à New York. Elle y a trouvé Isaac Sackler, arrivé de Galicie. Tous deux auront trois enfants : Arthur, Mortimer et Raymond. Et malgré quelques revers de fortune, le couple aura une fierté : transmettre à leurs fils un nom sans tache. Un petit siècle et trois générations plus tard, ce nom est honni dans le pays et un membre du Congrès a dit n’être « pas sûr de connaître une famille en Amérique qui soit plus infâme »… Entre les deux, l’érection d’un empire pharmaceutique et les milliards apportés par l’OxyContin, l’un des opioïdes qui a tué près de 500 000 Américains en vingt ans, selon les autorités sanitaires. C’est l’histoire de cette famille que nous raconte le journaliste américain Patrick Radden Keefe, dans un ouvrage magistral et extrêmement documenté. On trouve beaucoup d’excellents ouvrages sur la crise des opioïdes, confesse l’auteur. Je souhaitais

toutefois écrire une histoire d’un genre différent, une saga dépeignant trois générations d’une dynastie familiale et la façon dont cette dynastie avait changé le monde, une histoire qui parlerait d’ambition, de philanthropie, de crime et d’impunité, de corruption des institutions, de pouvoir et d’appât du gain. » Au centre de cette saga de la famille Sackler, un médicament : l’OxyContin, formule à libération prolongée d’oxycodone, un antalgique très puissant dérivé de l’opium. Né au milieu des années 1990, l’OxyContin sera d’emblée vu comme la poule aux œufs d’or par les Sackler, discrets propriétaires du laboratoire Purdue Pharma. Psychiatre et génie du marketing, Arthur avait révolutionné la publicité pour le médicament (en vantant notamment les mérites du valium), puis fondé le groupe pharmaceutique avec ses frères à quiil cédera ses parts à la fin des années 1980. Il se fera aussi collectionneur et mécène, transmettant à l’ensemble de la famille le goût

de donner son nom à des ailes de musées et autres chaires universitaires. Mais si l’homme n’a pas participé au lancement de l’OxyContin, il a imprimé sa marque et son infatigable soif de succès sur le groupe familial. Patrick Radden Keefe nous montre à quel point tout semble avoir été bon pour vendre l’OxyContin, avec des centaines de représentants lancés à l’assaut des médecins, des cadeaux et mensonges faits au régulateur pour pouvoir commercialiser son produit, et un lobbyisme sans faille pour convaincre juges et politiques de les laisser œuvrer. Bien sûr, la crise des opioïdes n’est pas le fait du seul OxyContin, indique le journaliste. Fentanyl et Vicodin y ont leur large part, et l’héroïne existait depuis bien longtemps. Mais les Sackler y ont joué un rôle pionnier et le rêve américain de leurs ancêtres est devenu le cauchemar de milliers de familles.

L’Empire de la douleur Patrick Radden Keefe Belfond

A

BRIAN ONGORO/AFP

clinique Pasteur

Une campagne de vaccination d’enfants contre la malaria, à Ndhiwa, au Kenya, en 2019.

● Clinique Pasteur Toulouse, Brussel University of Medicine (VUB), ancien président du Groupe de rythmologie de la Société française de cardiologie (SFC), responsable du programme scientifique de l’Association européenne de rythmologie (EHRA)

médicaments… du Covid-19

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Pourquoi l’électroporation va changer le traitement des troubles du rythme cardiaque

de vie complexe. essais de phase 2 du Primvac vont commencer au Burkina Faso et au Bénin, et l’équipe espère débuter la phase 3 d’ici à cinq ans. D’autres candidats continuent leurs lentes avancées. Les vaccins à ARN pourraient changer la donne, mais toutes les pistes doivent être explorées. Les spécialistes s’accordent en effet à dire que, comme pour toutes les autres approches contre le paludisme, une stratégie vaccinale unique n’a aucune chance d’aboutir à son éradication… ■

lundi 23 janvier 2023

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santé

Comment consoler un proche ? Christine Lamiable £@clamiable

Psycho « Bien sûr, le temps qui va trop vite/ Ces métros remplis de noyés/ La vérité qui nous évite, mais/ Mais voir un ami pleurer. » En 1977, Jacques Brel mettait ses mots sur le désarroi qui nous saisit face au chagrin de nos proches. Que faire pour consoler un ami quitté par son conjoint, licencié, malade ou en deuil ? S’agit-il réellement de « faire » quelque chose ? « La consolation est bien une action, un choix, un mouvement qui demande de la sympathie, confirme Saverio Tomasella, docteur en psychologie clinique et psychanalyste, auteur de Ces amitiés qui nous transforment (Éditions Eyrolles). Mais une écoute discrète et bienveillante reste le préalable à toute consolation et parfois la seule offrande possible. » Même quand on ne peut pas espérer consoler rapidement un proche en proie au chagrin, écouter et se taire sera déjà d’une grande aide selon Florence Ehnuel : « Il serait absurde d’essayer de relativiser la perte vécue par cet ami, souligne la philosophe, auteur de La Reformulation empathique (Éditions Anne Carrière). Beaucoup de personnes pensent à tort que cela fait du bien d’être rassuré ou qu’écouter l’autre sans chercher à le détourner de sa difficulté équivaut à le laisser s’enfoncer. Or on observe plutôt le

contraire : la simple écoute est très aidante. Et comme peu de personnes y parviennent, elle sera très précieuse à celui qui la reçoit. » Et pour cause : les afflictions de nos proches peuvent être intolérables car elles nous renvoient aux nôtres, ou à notre impuissance supposée à les consoler. On peut alors être tenté, après avoir succinctement prêté l’oreille, de proposer son témoignage sur la façon dont on a vécu une situation identique, une explication ou une solution à la peine de l’autre. « Il faut essayer d’éviter ces automatismes, recommande Florence Ehnuel. Dire à une personne quittée par son conjoint : “Tu souffres parce que tu étais trop dépendante de lui” ou “Tu devrais tourner la page et rencontrer d’autres personnes” lui sera pénible si elle n’a rien demandé. » À vouloir aller trop vite « on risque de créer des résistances, renchérit Saverio Tomasella. Une personne qui a du chagrin a besoin de s’épancher sur ses ressentis pour se sentir accueillie sans jugement. Lorsque des signes de détente émanent d’elle, soupirs ou silences, c’est là que des paroles réconfortantes peuvent être prononcées. » (« Tu peux compter sur moi », « Je connais ta capacité à traverser les épreuves »…). Et il n’est pas interdit, souligne Florence Ehnuel, d’avouer son sentiment d’impuissance en disant à son proche qu’on aimerait l’aider, mais qu’on ignore comment. « Ainsi, l’ami comprend

Pinel

On doute parfois de sa capacité à soulager un ami affligé. Mais une écoute attentive fait déjà beaucoup.

Parfois, la douceur de l’écoute est suffisamment enveloppante. Dans d’autres cas, prendre la main suffira Florence Ehnuel, psychanalyste

»

que l’on est à sa disposition. Car le plus dur quand on a du chagrin, c’est la solitude que l’on ressent. » La consolation a pour ambition de « rompre cette solitude en redonnant peu à peu à l’autre le sentiment de sa présence parmi les vivants », explique Saverio Tomasella. Quelle place donner au toucher dans ce contexte ? « Certains gestes peuvent être jugés intrusifs, prévient le psychanalyste. Surtout lorsque la personne a du mal à se laisser consoler parce que cela reviendrait à reconnaître sa fragilité. Parfois, la douceur de l’écoute est suffisamment enveloppante. Dans d’autres cas, prendre la main suffira. » Florence Ehnuel recommande même d’interroger l’ami en souffrance. Lui demander : « As-tu besoin d’être

pris dans les bras ? » permettra d’éviter bien des impairs.

« Présence consolatrice » Enfin, si l’aide matérielle ne console pas, elle concourra à alléger le fardeau d’un proche confronté à un deuil, à une séparation ou à la maladie. On peut lui proposer de l’accompagner dans des démarches administratives, à un rendez-vous médical ou lui préparer à manger. Saverio Tomasella compare ces gestes à « une couverture que l’on pose sur la personne pour la protéger. Mais il est beaucoup plus utile de faire avec elle plutôt que complètement à sa place, même si dans un premier temps on va être beaucoup plus actif. C’est cette présence qui va se révéler consolatrice. »

Les très proches ne sont pas les seuls susceptibles de procurer un soutien, il arrive même qu’une connaissance éloignée soit davantage en mesure de consoler qu’un ami. « Si l’on est très affecté par la souffrance d’un membre de son entourage, cela peut être éprouvant, reconnaît Florence Ehnuel. Consoler demande une certaine paix intérieure. » Il ne faut donc pas s’interdire de tendre la main à une personne que l’on connaît peu, si elle semble nous solliciter ou en avoir besoin. « Cela ne signifie pas que l’on deviendra son ami par la suite, précise Saverio Tomasella. Mais il est possible de mettre un temps à son service sa capacité ­d’empathie. » ■

Non, le vibromasseur n’est pas né pour soigner les femmes hystériques

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Soline Roy £@so_sroy

C’EST un objet de l’intime qui reste souvent caché dans les tables de nuit. Le vibromasseur aurait pourtant vu le jour en tant que dispositif médical, longtemps utilisé par les mains expertes des médecins pour soigner des femmes hystériques. Une histoire drôle, excitante, un peu terrifiante et… absolument fausse ! Tout démarre par la parution en 1999 d’un ouvrage de l’universitaire américaine Rachel Maines. Technologies de l’orgasme connaît un beau succès dans les cercles universitaires et les médias, au point d’inspirer un long-métrage et une pièce de théâtre. L’historienne y défend la thèse suivante : depuis Hippocrate, le massage vulvaire aurait été largement pratiqué par les médecins pour soigner l’hystérie et la neurasthénie, en provoquant un « paroxysme hystérique » - que d’autres appelleraient un orgasme. En un temps où la masturbation était interdite et la sexualité considérée uniquement par le coït, soutient l’auteur, bien des femmes se voyaient interdire l’accès à l’orgasme, et la fameuse hystérie n’était souvent que la manifestation d’une frustration sexuelle féminine. Après jets d’eau et autres machines à pédales ou à vapeur, l’invention du vibromasseur électromécanique à la fin du XIXe siècle aurait été « la dernière d’une longue série de solutions à un problème qui tracassait les médecins depuis l’Antiquité », écrit Maines. L’appareil aurait ainsi mené une première carrière dans les cabinets médicaux, puis les foyers, sans que personne y voie un quelconque lien au plaisir et à la sexualité. Jusqu’à ce que l’industrie des « films pour homme » découvre le pot aux roses… Durant vingt ans, les arguments de Rachel Maines sont repris sans réserve, ou seulement à la marge. Son livre lui vaut un prix de l’American Historical Association et devient une référence.

Quelques historiens soulèvent des objections, mais ils sont peu entendus, et surtout aucun ne remet en question la thèse centrale du livre.

« Hypothèses » Mais, en 2010, Hallie Lieberman, qui prépare à l’université du Wisconsin une thèse sur l’histoire des sex-toys, se replonge dans l’ouvrage. Il ne s’agit d’abord que d’un exercice : son professeur, Eric Schatzberg, lui a suggéré de réexaminer les sources citées par les historiens pour comprendre leur travail. Surprise : « J’ai constaté que rien ne concordait », raconte Lieberman en 2018 dans The Atlantic. Elle et Schatzberg examinent une à une les références citées par Maines, s’intéressent au traitement de l’hystérie… et s’aperçoivent que Maines semble avoir tordu la réalité de mille façons. Technologies de l’orgas-

me est « un échec du contrôle de qualité académique», assènent-ils en 2018 dans le Journal of Positive Sexuality. Face au tollé, Maines se défend maladroitement

HISTOIRES

DE MÉDECINE dans The Atlantic : il ne s’agissait que d’« hypothèses » sur lesquelles « les gens se sont jetés » malgré elle… Mais alors, comment est né le vibromasseur ? A-t-il vraiment tenu ce rôle thérapeutique ? Le concept assez foutraque d’hystérie - maladie aux symptômes assez flous - a bien traversé les

siècles, avant d’être abandonné tardivement, mais le massage vulvaire, lui, n’a jamais été un traitement de référence. La « thérapie vibratoire », très en vogue, était utilisée via les orifices naturels, chez les hommes comme chez les femmes, contre de très nombreuses maladies, l’hystérie n’en étant qu’une parmi d’autres. Quant à la sexualité, elle était certes centrée sur la pénétration, et la masturbation considérée comme une activité immorale et dangereuse, mais on connaissait le clitoris.

« Délicieuse ironie » Le vibromasseur électromécanique en tant que tel a été inventé au début des années 1880 par le médecin britannique Joseph Mortimer Granville, mais aucunement pour en faire usage sous les jupes des dames. Granville percute la peau à un rythme régulier au niveau d’un

Le médecin britannique Joseph Mortimer Granville n’a nullement conçu son vibromasseur électromécanique (à droite) pour soigner l’hystérie, mais pour « soulager la douleur » provoquée par un nerf malade. Domaine public

nerf malade pour « soulager la douleur », contrôler des mouvements anormaux, « susciter l’énergie » en cas de torpeur ou apaiser une « irritabilité morbide ». Il traite toute une gamme de pathologies, percute des pieds, des dos et des visages, mais ne fait à aucun moment référence à l’intimité féminine. Dans un ouvrage présentant son dispositif, il précise même en 1883 : « J’ai évité et j’éviterai toujours de traiter les femmes par percussion, tout simplement parce que je ne veux pas me laisser abuser et contribuer à tromper les autres par les caprices de l’état hystérique ou les phénomènes ca­ imétique. » ractéristiques de la maladie m Quant au neurologue Jean-Martin Charcot, spécialiste de l’hystérie, c’était (entre autres tentatives de thérapeutiques étranges) un des adeptes de la thérapie vibratoire : lui et ses disciples ont mis au point un fauteuil à trépidations pour soulager des parkinsoniens, un « casque vibratoire » pour soigner la migraine et un diapason relié à une caisse de résonance pour hypnotiser des malades. Mais il ne semble pas mentionner le moindre massage vulvaire, avec ou sans l’aide de l’électricité. Pourquoi un tel succès de la thèse de Rachel Maines ? Parce qu’elle nous parle de sexualité, bien sûr. Mais aussi, sans doute, parce qu’elle permet « aux lecteurs de se voir comme sophistiqués (…) par opposition aux victoriens désexualisés et désemparés, suggèrent Lieberman et Schatzberg. Les médecins semblent particulièrement ignorants, n’ayant aucune idée de ce qu’est le clitoris, sans parler de l’orgasme. » Et, dans une « délicieuse ironie » qui bat en brèche le pouvoir des hommes, « les femmes sont des victimes mais les outils utilisés pour les victimiser leur procurent des orgasmes ». L’histoire était séduisante. Mais l’humanité n’a ni attendu le XIXe siècle ni eu besoin du corps médical pour découvrir les pouvoirs du clitoris, inventer les sex-toys… et imaginer quels plaisirs tirer d’un engin vibrant de forme oblongue. ■

le figaro

LE CARNET DU JOUR Les annonces sont reçues avec justification d’identité du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 14h à 18h (excepté les jours fériés) et tous les dimanches de 9h à 13h.

Rouen (Seine-Maritime).

Paris (14e).

Catherine Couderc Czepielewski, sa fille, Jaroslaw Czepielewski, son gendre, Anne Czepielewski, sa petite-fille,

Mme Mireille Dasté et ses enfants

ont la douleur de faire part du décès de

Mme Denise COUDERC née Martin,

survenu le 9 janvier 2023, à l'âge de 95 ans, à Rouen.

Elles doivent nous parvenir avant 16 h 30 pour toutes nos éditions du lendemain, avant 13 h les dimanches.

Le service religieux sera célébré au temple Saint-Éloi, 20, place Martin-Luther-King, à Rouen, le jeudi 26 janvier, à 15 heures, suivi d'un temps de recueillement au crématorium de Rouen, rue du Mesnil-Grémichon. Cet avis tient lieu de faire-part.

Courriel

carnetdujour@media.figaro.fr Téléphone

01 56 52 27 27 sur notre site

carnetdujour.lefigaro.fr

deuils Mme Odette Barbier, son épouse, Sophie, Véronique, Patrick et Gwenaëlle, ses enfants, ses petits-enfants, ses arrière-petits-enfants, Françoise Aujay, sa sœur, ont la grande douleur de vous faire part du décès du

docteur Michel BARBIER

membre de la Société de pathologie exotique et de la Royal Society of Tropical Medicine (découverte en 1966 de la Bilharziose à Schistosoma Mekongi), médecin-chef du service de pathologie exotique et parasitaire de l'Hôpital international de l'université de Paris, survenu le 15 janvier 2023. La cérémonie religieuse sera célébrée le mardi 24 janvier 2023, à 14 h 30, en l'église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, 92, rue Saint-Dominique, à Paris (7e).

M. et Mme Thierry Dufaud, M. Philippe Chapuis-Caire, ses enfants, M. et Mme Pierre-Henri Louzeau, M. et Mme Louis Brunet-Lecomte, M. et Mme Geoffrey Meunier, ses petits-enfants, Martin, Alice, Victor, Julia, Arthur, Pierre, Margot, Inès, ses arrière-petits-enfants, Mme Pierre Carron, sa sœur, vous font part du rappel à Dieu de

M. Jacques CHAPUIS-CAIRE le vendredi 13 janvier 2023, dans sa 95e année. La cérémonie religieuse a eu lieu dans l'intimité familiale, le samedi 21 janvier 2023. Ils rappellent à votre souvenir son épouse,

Arlette Chapuis-Caire

née Moréteau, décédée le 20 février 2017.

En union avec Cecilia Goddard Dufeu (†), son épouse, M. Christian Darodes de Tailly, son beau-frère, la comtesse Bernard des Cubes du Chatenet, sa belle-sœur, M. et Mme Nicolas Renié, M. et Mme Christophe de Bon, M. Jean des Cubes du Chatenet, M. et Mme François des Cubes du Chatenet, M. et Mme Bertrand Vial, M. et Mme Aymar des Cubes du Chatenet, M. Scipion des Cubes du Chatenet, ses neveux et nièces, et leurs enfants

ont la douleur de faire part du décès de

M. Pierre DASTÉ

commandeur de la Légion d'honneur, commandeur de l'ordre national du Mérite, commandeur des Palmes académiques, survenu le 19 janvier 2023, à l'âge de 90 ans.

Saint-Sernin-du-Bois (Saône-et-Loire). Dany Jasserme, son épouse, Alexandre, Julien et Karla, ses fils et sa belle-fille, ses beaux-frères et ses belles-sœurs, ses neveux et nièces ont la tristesse de faire part du décès du

docteur Christian JASSERME anesthésiste-réanimateur à l'hôpital Hôtel-Dieu du Creusot de 1976 à 2016,

La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église de Saint-Sernin-du-Bois, le mercredi 25 janvier 2023, à 10 heures.

font part du rappel à Dieu de

M. Gaëtan des CUBES du CHATENET

ancien membre correspondant du Muséum national d'histoire naturelle, chevalier de la Légion d'honneur, le 11 janvier 2023, à l'âge de 85 ans, à Bruxelles, muni des sacrements de l'Église. La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église de Crillon-le-Brave (Vaucluse), ce lundi 23 janvier 2023, à 15 heures, suivie de l'inhumation. Une messe sera célébrée ultérieurement à Paris. La famille tient à remercier le personnel de la résidence Sainte-Anne, à Bruxelles, qui l'a accompagné avec gentillesse et dévouement. [email protected]

Mme Jean Dunglas, M. et Mme Christophe Dunglas, M. et Mme Stéphane Dunglas, Sixtine, Clémentine, Timothée, Raphaël, Grégoire, Julie, Augustin font part du rappel à Dieu de

Jean DUNGLAS

ingénieur général honoraire des ponts, des eaux et des forêts, membre du comité technique permanent des barrages et ouvrages hydrauliques, ancien président de l'Académie d'agriculture de France, chevalier de la Légion d'honneur, officier des Palmes académiques, commandeur du Mérite agricole, le 19 janvier 2023, à l'âge de 89 ans, à Hyères (Var). La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Saint-Honoré-d'Eylau, 66 bis, avenue Raymond-Poincaré, Paris (16e), le jeudi 26 janvier, à 10 h 30.

19 Catherine Perrot, Evelyne et Gilles Borniche, Bertrand Lafond et Marie-Josèphe Dargent, Arnaud Lafond et Marie-Laure Langlet, ses enfants, Violaine Herbin et Frédéric Weiss, Alexandrine Herbin, Charles-Edouard et Sylvie Borniche, Adélaïde et Nicola Marchi, Eugénie et Stéphane Allez, Valentine Lafond et Jean-Baptiste Chatain, Jean-Baptiste et Jessie Lafond, Thibaud Lafond et Aran Go, Camille Lafond et Edouard Mandon, Marine et Dimitri Prudhomme, Marceau et Anouk Lafond, ses petits-enfants, Quentin Segaud et Bérénice Moural, Victor Pinet, Emilie, Justine et Joséphine Crémer, Jeanne et Arthur Borniche, Timotéo et Carlotta Marchi, Mahaut, Martin, Nathan et Anna Allez, ses arrière-petits-enfants, Sophie, Martine et Coralie, ses aides dévouées, toute sa famille et ses amis ont la tristesse de vous faire part du rappel à Dieu de

Jeanne LAFOND survenu le 18 janvier 2023, à l'âge de 75 ans, à Saint-Sernin-du-Bois.

Guy Lacroix, son fils, Laurence Varlet, sa belle-fille Marion et Claire, ses petites-filles,

née Masurel,

La cérémonie religieuse sera célébrée le jeudi 26 janvier, à 10 heures, en l'église Saint-Germain de Louviers (Eure), suivie de l'inhumation aux côtés de son époux, à 14 h 30, au cimetière Monumental de Rouen.

dans sa 95e année. La cérémonie religieuse aura lieu le mercredi 25 janvier 2023, à 9 heures, en l'église paroissiale de Dourgne (Tarn).

Mme Léa Mosler, sa sœur, M. Philippe Lousky, son neveu, Mme Natacha Devoulon, Mme Charlotte Lousky, M. Marc Lousky, ses petites-nièces et petit-neveu, leurs conjoints et enfants ont l'immense tristesse d'annoncer le décès de

Mme Rachel MOSLER

Parné-sur-Roc (Mayenne). Paris. Catherine et Pascal Mauvisseau, Eric et Anne-Sophie Lemoine, Martine et Philippe Duhot, ses enfants, Jean-Sébastien et Hélène, Geoffroy et Perrine, Eléonore, Emmanuelle, Paul, Nicolas et Marie, ses chers petits-enfants, Thomas, Alix, Louise, Victoire, ses chers arrière-petits-enfants, ses belles-sœurs, ses neveux, nièces, ses cousins, toute la famille et ses amis ont la tristesse de vous faire part du décès de

Claude LEMOINE née Trusson,

survenu le 20 janvier 2023, dans la Paix et l'Espérance, à l'âge de 92 ans. La cérémonie d'A-Dieu sera célébrée le jeudi 26 janvier, à 15 heures, en l'église de Parné-sur-Roc.

Ni fleurs ni couronnes.

Ni fleurs, ni plaques, des prières.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Mme Jean-Pierre Robillard, née Christine Delattre, ses enfants, ses petits-enfants font part du rappel à Dieu de

Jean-Pierre ROBILLARD contre-amiral, Ecole Navale 55,

le 21 janvier 2023, à Crozon. La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église de Crozon, le jeudi 26 janvier, à 14 h 30. 26, rue de Pors Aor, 29160 Crozon.

Valérie et Jean-Christophe Thomas, ses enfants, Alix, Elie et Marius, ses petits-enfants, ont la tristesse de vous faire part du décès de

Cultiver sa liberté, c’est cultiver sa curiosité.

Jean THOMAS le 16 janvier 2023, à Paris. Ils rappellent à votre souvenir la mémoire de son épouse Odile. La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Saint-André, à La Cadière-d'Azur (Var), le mercredi 25 janvier 2023, à 15 heures.

Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Yves Thuillier, son époux, Denis et Marie-Christine Thuillier, son fils et son épouse, Thibault et Sarah, Albane et Pierre-Yves, Isaure, Ombeline, ses petits-enfants et leurs conjoints, Armelle, son arrière-petite-fille,

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ont la tristesse de faire part du décès de

ont la tristesse de vous faire part du décès de

née de Limairac,

Crozon (Finistère).

le 19 janvier 2023, à l'âge de 98 ans.

Une messe à la mémoire d'Etienne et Jeanne Lafond sera célébrée à Paris ultérieurement.

Elisabeth LACROIX

Lundi 23 Janvier 2023

chevalier dans l'ordre des Palmes académiques, survenu le 14 janvier 2023, à Paris. L'inhumation aura lieu au cimetière de Bagneux, le lundi 30 janvier, à 16 heures. Cet avis tient lieu de faire-part.

Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). M. Michel Perrin, son époux, Jean-Claude et Elena Perrin, son fils et sa belle-fille, Philippe et Pierre Perrin, ses petits-fils, et toute sa famille

Marie-Françoise THUILLIER survenu le 20 janvier 2023, à Aix-en-Provence. La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Notre-Dame-de-l'Assomption, avenue de la Touloubre, à Puyricard (Bouches-du-Rhône), le mercredi 25 janvier 2023, à 15 heures.

née Anglès,

au lieu de 594 €

Elle sera suivie de l'inhumation au cimetière du Grand-Saint-Jean, à Aix-en-Provence. La culture de la liberté depuis 1826

remerciements Ses enfants, Patricia Blanchot Escarra, Florence et Guy Protat, Pierre et Caroline Escarra, Bruno Escarra et Robert Dolski, ses petits-enfants, ses arrière-petits-enfants, très touchés des marques de sympathie qui leur ont été témoignées lors du décès de

André ESCARRA vous prient de trouver ici, leurs sincères remerciements.

ont la tristesse de faire part du décès de

Mme Monique PERRIN

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souvenirs

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Nom : survenu le 18 janvier 2023, à Neuilly-sur-Seine. La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Saint-Clodoald, 5, place de l'Église, à Saint-Cloud, le jeudi 26 janvier 2023, à 14 h 15.

Il y a dix ans, déjà,

Pierre marquis de SÉGUR

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lundi 23 janvier 2023 le figaro

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champs libres récit

Comment, à partir de Louis XIV, sont nés les régimes spéciaux femmes d’alors ne peuvent compter que sur eux-mêmes et leurs familles pour réaliser l’idéal du temps : épargner et devenir propriétaire d’un modeste capital (une terre, une boutique) pour leurs vieux jours. Ou, en cas d’épreuve, sur les institutions de charité chrétiennes et l’assistance publique. Les fonctionnaires, qui bénéficient de retraites d’une valeur moyenne, assorties de conditions rigoureuses (la loi qui les précise en 1853 restera en vigueur jusqu’en 1924), font ainsi figure d’exception. Certes, dans le cas des hauts fonctionnaires, les carrières publiques sont moins rémunératrices que le commerce, l’industrie, la banque et les professions libérales, pourvu qu’on y réussisse. Mais la relative sécurité des employés de l’État de rang intermédiaire, même s’ils sont modestement payés, rend leur situation plus enviable que celle du peuple. D’autres institutions proches de l’État l’imitent. En 1878, l’Assistance publique de Paris se dote d’une « société de retraite des sous-employés et serviteurs des deux sexes ». C’est aussi le cas de la Banque de France (alors sous statut privé), des municipalités et des conseils généraux. Le régime de retraite de la Comédie-Française, créé dès 1681 dans l’acte d’association conclu par les comédiens en présence d’un notaire, est élargi à tout le personnel en 1914. Les manufactures d’État (Sèvres, Gobelins) développent leurs caisses, déjà anciennes. Chacune de ces maisons possède ses particularismes. D’autres régimes catégoriels de retraite apparaissent dès 1845, à l’initiative du patronat, dans les secteurs clés de la révolution industrielle. Des caisses sont instituées pour les employés des chemins de fer (alors construits et exploités par des sociétés privées) et les mineurs afin de fidéliser le personnel et de compenser la dureté et les risques du métier. En 1896, 100 000 employés semblent avoir relevé de ces régimes. On en dénombre 18 pour les seules compagnies de chemin de fer. La loi intervient afin d’harmoniser leur réglementation. À l’approche de la Grande Guerre, mécaniciens et chauffeurs de locomotives pouvaient prendre leur retraite à 50 ans et 55 ans pour les autres agents en « service actif » (donc pas dans des bureaux), à la condition - nullement évidente à l’époque, surtout pour des ouvriers - d’être encore en vie à cet âge. Et lorsque, en 1910, le Parlement adopte la loi instituant des retraites obligatoires pour ouvriers et ouvriers agricoles, assortie d’une condition d’âge plus draconienne (65 ans, abaissée à 60 ans en 1912), les caisses des mines et des chemins de fer conservent jalousement leur indépendance.

Les régimes spéciaux sont apparus, pour les plus anciens, dès la fin du XVIIe siècle. Longtemps considérés comme justifiés, ils sont désormais impopulaires. Premier volet de notre récit historique en deux parties. Guillaume Perrault

£@GuilPerrault

Q

u’ils soient favorables ou opposés au report de l’âge de la retraite, les Français sont en tout cas désormais, dans leur majorité, hostiles aux régimes spéciaux de retraite. Les règles de ces régimes, pour le moins avantageuses, sont dénoncées comme des privilèges scandaleux. Le climat n’est plus le même que lors des grèves de 1995. Aujourd’hui, un grand nombre de nos concitoyens éprouvent un sentiment d’injustice et d’amertume lorsqu’ils comparent leur situation à celle des ayants droit de la SNCF ou même de la fonction publique. Mais comment sont nés ces régimes, qui ont longtemps eu leur logique avant de devenir spéciaux ? Et pourquoi une telle pérennité de situations acquises, dérogatoires au droit commun, alors que le système de Sécurité sociale institué en 1945 était censé assurer l’égalité de tous les Français ? L’histoire des régimes spéciaux est une plongée dans la psychologie nationale et ses contradictions, qui placent notre pays sous tension permanente. Du Moyen Âge au XVIIIe, assurer la sécurité de ses vieux jours relevait de la responsabilité de l’individu et de la famille, solidaire, toutes générations confondues, sous l’autorité de son chef. L’Église et ses institutions comme les hospices, peu à peu secondées par la monarchie, secouraient les miséreux, âgés ou non. Des groupements professionnels, les corporations, organisaient l’entraide de leurs membres. À partir de Louis XIV, cependant, naissent les prémices d’une protection sociale en matière de vieillesse, d’abord réservée aux serviteurs du souverain qu’il jugeait les plus précieux. C’est-à-dire les gens de guerre. Les soldats gravement blessés ou âgés et sans foyer sont admis à l’hôtel des Invalides, construit à partir de 1670 et organisé par un édit royal quatre ans plus tard. En 1673, une retenue de 2,5 % sur la solde des officiers de marine et des marins est instituée afin d’établir deux hôpitaux généraux à Toulon et à Rochefort, chargés de soigner et d’accueillir les mutilés « leur vie durant » s’ils ne peuvent reprendre du service. En 1689, les marins se voient accorder une demisolde, moitié des appointements de leur grade, lorsqu’ils quittent le service, dispositif ensuite étendu aux soldats.

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« Une honnête médiocrité »

Danseurs et danseuses de l’Opéra de Paris font également l’objet de la sollicitude de Louis XIV. La monarchie est aussi un spectacle. La danse et la musique concourent à son éclat et son prestige. Dès 1698, le Roi-Soleil impose aux associés qui bénéficient du renouvellement du privilège de l’Opéra d’assurer les pensions, notamment, de cinq artistes, dont quatre femmes. Leurs noms, détail émouvant, sont parvenus jusqu’à nous. Marie Le Rochois, Marie Aubry, Marie Verdier et Geneviève Lestang, reçoivent entre 1 000 livres et 500 livres pour leurs vieux jours. Puis Louis XIV édicte, le 11 janvier 1713, un règlement instituant un système régulier de pensions pour les artistes de l’Opéra, hommes comme femmes. Âge de l’admission à la retraite (32 ans), condition d’ancienneté (15 ans de service), montant (1 000 livres lorsque les appointements s’élevaient à 1 500 livres, soit un joli taux de remplacement), cas autorisant une pension de réversion à titre exceptionnel : tout est précisé. Lorsque la Révolution entend supprimer cette caisse, assimilée à un privilège, les artistes de l’Opéra protestent. Leur retraite n’est pas du favoritisme, plaident les signataires des Observations pour les sujets de l’Opéra retirés (1790). La pension compense des appointements médiocres. C’est une façon de s’attacher des talents dans « l’impuissance où l’on était de les salarier de façon convenable ». L’Opéra, lié à ses danseurs et ses cantatrices par un contrat moral, ne saurait s’en affranchir sans déshonneur, expliquent les artistes. Argument fort estimable, mais que faire quand les assujettis sont une poignée, se retirent jeunes et que la caisse, chroniquement déficitaire, appelle les finances publiques au secours ? Une génération plus tard, en

« L’homme des droits acquis »

1817, dans l’espoir de sauver le régime, le directeur général de la Maison du Roi décidera de capitaliser les retenues sur les appointements des artistes et les recettes des représentations pour « former un fonds de pension destiné à subvenir, par ses produits seulement, au service des pensions ». Il choisira un placement prudent, les rentes sur l’État. Les administrations civiles et les entreprises de particuliers à qui la monarchie déléguait la perception d’impôts ont eux aussi développé des régimes de retraite au XVIIIe siècle. En 1768, les agents subalternes des tabacs, gabelles et traites recevaient une pension de retraite s’élevant jusqu’à la moitié de leurs appointements ordinaires, financée par une retenue de 2,5 % de leurs émoluments. La caisse était largement subventionnée par l’administration des fermes. Lors de la Révolution, anciens soldats et commis des ministères défendent également leurs droits acquis, menacés par les députés. En effet, par la loi d’août 1790, l’Assemblée entend appliquer des dispositions moins favorables aux cotisants avec effet rétroactif. Le comité des pensions de l’Assemblée, chargé de statuer sur les cas individuels, est submergé de réclamations. En février 1792, le voilà ainsi saisi par un homme de 70 ans, Henri Ninnin, tour à tour médecin des armées du roi, inspecteur général des hôpitaux du roi et médecin ordinaire de l’Arsenal. « Un citoyen qui touche à la fin de sa carrière, qui a payé à sa patrie un long et pénible tribut de ses études, de ses soins et de son humanité, se flattait de passer les jours qui lui restent dans une honnête médiocrité », se plaint le septuagénaire. Il explique que sa pension a été déterminée de façon injuste. Le décret qu’on lui oppose prévoit que le taux de la pension « sera réglé sur le traitement qu’on avait dans le dernier emploi ». Mais qu’entend-on par « dernier emploi » ? Le plus considérable, comme le soutient le requérant, à savoir son emploi de premier médecin des armées, ou le dernier avant de quitter le service, en l’espèce sa place de médecin de l’artillerie, moins lucrative ? Ainsi se trouvait posée la question des « meilleures années » prises en compte pour calculer la pension.

Dès 1845, à l’initiative du patronat, des régimes catégoriels de retraite apparaissent dans les secteurs clés de la révolution industrielle, notamment pour les employés des chemins de fer afin de fidéliser le personnel et de compenser la dureté et les risques du métier. www.bridgemanimages.com/Bridgeman Images

L’exception des fonctionnaires

Tout au long du XIXe siècle, néanmoins, la proportion de Français bénéficiant d’un régime de retraite organisé par l’État demeure très faible, si l’on excepte le cas des anciens militaires de l’Empire, placés en demisolde sous la Restauration. Malgré les sociétés de secours mutuel, l’immense majorité des hommes et des

Le Roi-Soleil a créé les premiers régimes de retraite pour les soldats, les marins de la Royale et les artistes de l’Opéra. Hyacinthe Rigaud (1659-1743)/Alamy Stock Photo via reuters Connect

Après le cataclysme de 1914-1918, travailler à son compte, être son propre patron, cesse peu à peu d’être un état toujours jugé plus enviable que le salariat. L’idéal d’une société de petits propriétaires indépendants est concurrencé par le développement de l’industrie. La France compte plus de citadins que de ruraux à partir de 1931. Le pays s’accoutume à une lente évolution de l’épargne individuelle libre et de régimes de retraites sectoriels à des assurances sociales obligatoires de pans entiers de la population, notamment en matière de vieillesse (lois de 1928-1930, pour tous les salariés dont la rémunération ne dépasse pas 15 000 francs). Pour autant, de nouveaux régimes particuliers continuent à apparaître : sociétés de transports en commun parisiens (1922 et 1924), sapeurs-pompiers volontaires (1922), clercs et employés de notaires (1937). Après la nationalisation des chemins de fer par le Front populaire, en 1937, et la création de la SNCF, une caisse de retraite et une caisse de prévoyance sont instituées pour ses agents. Certains s’inquiètent de ces évolutions, jugeant que derrière des arguments humanistes et sociaux se cachent un corporatisme parfois étriqué, du clientélisme et des intérêts de carrière peu avouables. Dans un pamphlet, (Frère bourgeois, mourez-vous ?, Grasset, 1938), Emmanuel Berl écrit ainsi que, depuis qu’on a empêché les ouvriers « de suivre leur instinct, lequel les poussait à briser les machines, ils ne savent que rêver d’un capitalisme encore plus bête, encore plus épais, une forêt d’arbres à cames, de tours, de bielles, de courroies, avec, au milieu, l’homme des droits acquis, moitié manœuvre et moitié retraité ». Et l’écrivain de poursuivre, à propos des ouvriers : « Leurs chefs d’ailleurs ne veulent pas qu’ils deviennent des hommes. Ils veulent faire d’eux des militants. Alors, ils tâchent de substituer - et ils réussissent à juxtaposer aux féodalités capitalistes (lesquelles sont déjà suffisamment nombreuses et odieuses) une poussière de petites féodalités mesquines. Tyranneaux de municipalités, académies de postiers, dynasties d’instituteurs, cercles de dactylographes, et je te coopte et je t’exclus, et je t’impose un langage aussi convenu, aussi pompier, aussi bête que celui du nobliau de province avec des parfaits définis, ses trois citations de Sénèque et ses quatre termes de vénerie. Le prolétariat considéré en tant que caste ! La révolution en tant que carrière ! Le communisme en tant que combine ! » Le pamphlétaire conclut, féroce : « Que veut le peuple, mon bon monsieur ? Des retraites. Des pensions. Des « droits » que l’État confère (papa député et maman syndicat nous engendreront tellement de droits qu’un diable lui-même n’y retrouvera plus ses petits). Et tous pareils, nom de Dieu ! Sauf qu’on se débrouille, pardi ! » ■

+

» Retrouvez demain : Les régimes spéciaux, un privilège injuste? Leur histoire depuis 1945

« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

lundi 23 janvier 2023

champs libres le figaro

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International

L’Allemagne peut-elle devenir une puissance militaire ? [email protected]

et Nicolas Barotte [email protected]

Défense Depuis une décennie, l’Alle-

magne affirme vouloir assumer plus de responsabilité dans le monde. Mais son appareil militaire ne suit pas. Boris Pistorius, le nouveau ministre de la Défense allemand, a promis jeudi d’y consacrer ses efforts. « Notre tâche est de rendre maintenant la Bundeswehr plus forte. Il s’agit de dissuasion, d’efficacité et de préparation. Et de continuer à soutenir l’Ukraine, y compris avec des matériels de la Bundeswehr », a-t-il poursuivi. À Paris comme au sein de l’Otan, les atermoiements allemands, comme la mise en œuvre du « Zeitwende », le changement d’époque énoncé par le chancelier Olaf Scholz, sont suivis avec attention. Dans l’espoir que l’Allemagne devienne une puissance militaire sur qui compter.

La guerre en Ukraine a convaincu Berlin de renforcer ses capacités de défense. Une évolution semée d’embûches.



L’Allemagne veut-elle gagner en influence dans l’Otan ?

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Depuis le 1er janvier, l’Allemagne a pris le commandement au sein de l’Otan de la VJTF, la force de réaction la plus rapide au sein de l’Alliance, celle qui doit pouvoir être déployée en quelques jours. 11 500 soldats de la Panzergrenadierbrigade 37 sont en alerte. L’Allemagne assure aussi pour la première fois le commandement des forces spéciales de la VJTF. Qu’elle le veuille ou non, l’Allemagne doit

2,52 % Seuil des 2 % du PIB préconisé par l’Otan

2

2021 : 1,34 %

1,5 1

1,07 %

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1990

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» Lire aussi page 8 « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

assumer des responsabilités militaires. Ses officiers en sont conscients, et ils réclament des moyens et des capacités. Mais Berlin est pointé du doigt au sein de l’Otan depuis des années pour son sousinvestissement. Si les réticences politiques ont été fortes avant l’invasion de l’Ukraine pour consacrer davantage de moyens à la défense, notamment au sein du SPD, le gouvernement allemand cherche depuis longtemps des moyens de peser au sein de l’Alliance. Depuis 2013, Berlin a notamment été moteur pour promouvoir le concept de nation-cadre au sein de l’Alliance, qui place un État en position d’encadrer une opération militaire à laquelle participent d’autres alliés. Après 2014, l’Allemagne a été nation-cadre du déploiement en Lituanie. Le concept de nation-cadre doit permettre à la Bundeswehr de retrouver de l’épaisseur grâce à la contribution d’autres armées, écrivait Claudia Major, spécialiste des questions de défense à la fondation SWP dans une note de 2014. Une décennie plus tard, le concept s’est imposé au sein de l’Alliance. En votant un fonds exceptionnel de 100 milliards d’euros et en consacrant enfin 2 % de son PIB à sa défense, Berlin a mis en adéquation sa volonté politique et ses moyens financiers. Les fonds ne seront cependant décaissés que progressivement pour parer au plus urgent. Cette manne financière a aussi permis à l’Allemagne d’envisager l’achat « sur étagère » d’un système de défense antimissile. L’initiative Sky Shield lancée à la rentrée a été soutenue par 14 États de l’Otan, soulignant une capacité d’entraînement de Berlin. Mais, pour l’instant, le projet, qui n’a pas été soutenu par la France ou l’Italie, n’a pas avancé. Pire, il a agacé à Paris. Pour Torben Arnold, dans une note de l’institut SWP, il ne suffira pas à l’Allemagne d’identifier un vide capacitaire et de proposer un financement pour surmonter les difficultés politiques et stratégiques du projet.



Quel est le lien militaire avec les États-Unis ?

Un tiers du fonds spécial de 100 milliards d’euros va être consacré à acquérir des avions américains F35. Seuls ces appareils sont « qualifiés » pour emporter l’arme nucléaire américaine stationnée en Allemagne. La « participation » allemande à la dissuasion de l’Otan faisait presque figure de tabou dans le pays. Mais, depuis l’invasion de l’Ukraine, l’opinion publique commence à basculer et les responsables politiques à assumer. « Aussi longtemps que des États comme la Russie posséderont des armes nucléaires dans leur potentiel

« Entre pays alliés, il y a deux facteurs discriminants, poursuit le diplomate français. Il y a les pays qui sont dotés de l’arme nucléaire et ceux qui ont des veuves et des orphelins militaires. Dans ces catégories, il n’y a pas l’Allemagne… », observe-t-on pour souligner le déséquilibre entre les deux rives du Rhin. « Il faut forcer les Allemands à faire du franco-allemand », réclame-t-on. Les ambitions d’Emmanuel Macron à la Sorbonne en 2017 ou le traité d’Aix-la-Chapelle, conclu en 2019, n’ont pas suffi à surmonter toutes les difficultés. Les projets de coopération de défense ont tous connu des difficultés. Le patrouilleur maritime MAWS a fait long feu, comme l’hélicoptère Tigre Standard 3. Le MGCS, le char du futur qui doit remplacer les Leclerc, est toujours englué dans les rivalités d’industriels. En ce qui concerne le Scaf, l’avion du futur développé en coopération par la France, l’Allemagne et l’Espagne, qui doit remplacer le Rafale, une étape a été franchie en fin d’année dernière, avec un accord entre Dassault* et Airbus qui garantit à l’avionneur français une maîtrise d’ouvrage et la préservation de sa technologie. À chaque fois, la France se trouve dépendante des conceptions allemandes pour l’élaboration des matériels. Côté allemand, on est aussi sévère avec la France, à qui on reproche une vision plus politique que pragmatique. « Je veux des matériels qui volent, qui roulent et qui sont disponibles sur le marché. Pas de développement de solutions européennes qui, au final, ne marchent pas », avait déclaré en septembre le général Zorn, le chef d’état-major de la Bundeswehr, sans citer de programme en particulier.



Pourquoi l’Allemagne est-elle réticente à aider l’Ukraine ?

La livraison d’armes lourdes à l’Ukraine et en particulier des chars Leopard 2 risque de provoquer une escalade du conflit ; l’Allemagne refuse de faire cavalier seul et attend un consensus parmi les alliés ; la Bundeswehr risque d’être elle-même dépouillée au profit du terrain de guerre russo-ukrainien : ces trois arguments ont été tour à tour avancés avec constance par Olaf Scholz pour refuser l’envoi à Kiev d’équipements offensifs. Vendredi, lors du sommet de Ramstein, le nouveau ministre de la Défense, Boris Pistorius, leur en a ajouté un quatrième, évoquant la nécessité d’évaluer le parc militaire allemand, un bilan pourtant déjà établi par son prédécesseur. Christine Lambrecht a démissionné il y a une semaine. Le refus de Berlin d’autoriser à court terme l’exportation des Leopard détenus par des pays tiers, dont la Pologne, devraient exaspérer certains de ses alliés. Il trahit, selon un nombre croissant d’experts, l’inquiétude que nourrit Olaf Scholz à l’égard de son opinion publique, traditionnellement pacifiste, et plus encore à l’égard de l’influente fraction SPD du Bundestag, dont l’aile gauche réclame des négociations plutôt que des armes. Enfin, le chancelier se fait un devoir de ne jamais céder à la pression, soulignent des observateurs, quitte à paraître comme entêté. Le cas échéant, la démonstration en aura été apportée la semaine dernière. ■ * Le groupe Dassault est propriétaire du «Figaro».

1995

2000

2005

2010

2015

2020

2 Un retard relatif à rattraper sur

les autres armées européennes

COMPARATIF DES CINQ PRINCIPALES ARMÉES EUROPÉENNES DE L’OTAN (2021) Allemagne 71,6

France

59,3

Italie

Royaume-Uni

56,1 203,3

33,8

Budget de la défense, en milliards $ 284

vont devenir les projets militaires ❙ Que franco-allemands ?

sont les capacités ❙ Quelles de la Bundeswehr ? Avec 184 000 militaires d’active, la Bundeswehr fait partie des armées les plus importantes d’Europe, numériquement parlant, derrière la France et ses 205 000 soldats mais devant l’Italie (170 000) ou la Pologne (120 000). Sur le papier, elle dispose de 284 chars de combat, type Leopard, et de 674 véhicules de combat d’infanterie, comme les Marder, de 121 pièces d’artillerie de 155 mm PzH2000n, de 8 frégates ou encore de 226 avions de combat Eurofighter et Tornado. L’inventaire ne reflète toutefois pas la réalité de l’armée allemande. La disponibilité des matériels est bien inférieure au taux affiché de 77 % par la hiérarchie. Lors d’un récent exercice, 18 blindés Puma sont tombés en panne. Le ministère a donc suspendu les futures commandes tant que ces véhicules ne seront pas fiables. Les stocks de munitions sont eux aussi taillés au plus bas. « En cas de conflit, la Bundeswehr pourrait tenir 48 heures », explique un diplomate allemand. Pour être opérationnelle, il manque à l’armée allemande « des équipements personnels tels que des casques, des sacs à dos, des gilets de protection ainsi que du petit et du gros matériel - des radio, des munitions jusqu’aux chars », a déclaré l’année dernière la députée Eva Högl, commissaire parlementaire aux forces armées. La Bundeswehr manque d’à peu près tout, héritage de décennies de sousinvestissement. Après la fin de la guerre froide, Berlin a d’autant plus réduit ses dépenses de défense que les questions militaires ne jouissent d’aucun prestige politique dans un pays traumatisé par la guerre. La Bundeswehr est toujours handicapée par les restrictions qui sont fixées à ses opérations. Il n’est pas question pour elle d’assumer des missions de combat à l’extérieur de l’Allemagne. Si la Bundeswehr a été repensée après la guerre pour une mission de défense nationale et placée sous le contrôle du Bundestag, qui doit voter chaque engagement, elle n’a évolué que lentement depuis l’intervention de l’Otan au Kosovo en acceptant d’être déployée à l’étranger. Au Mali, elle a assuré des missions de transport, de soutien ou de formation. Au Levant, où la décision de participer à la coalition internationale contre Daech a été particulièrement rapide, l’aviation allemande s’est contentée de missions de renseignement. Depuis 2014, elle a assumé le rôle de « nation-cadre » pour le déploiement allié en Lituanie.

de menace, l’Otan aura besoin d’une dissuasion crédible », a affirmé le chancelier Olaf Scholz en novembre. Cette participation à la dissuasion fait partie du lien sécuritaire très fort qui lie l’Allemagne aux États-Unis. L’armée américaine stationne en Allemagne cinq de ses sept garnisons en Europe. La base de Ramstein, la principale, accueille le commandement américain pour l’Europe et l’Afrique. Plus de 30 000 soldats américains sont installés en Allemagne. Pour Berlin, cette présence est une garantie de sécurité. Elle influence aussi la politique allemande en alignant les intérêts de Berlin sur les priorités américaines. « Les Allemands se comportent en sous-traitant des Américains », soupire un diplomate français de haut niveau.

3 2,5

183,4

161,6

153,2

Effectifs des armées, en milliers 334

227

238

222

234

234

150

Chars de combat 22

20

Avions de combat 10

17

8

11

Bâtiments de combat*

8

6

Sous-marins

*Porte-avions, porte-hélicoptères, destroyer, frégate

3 Des capacités militaires complètes LES 183 400 MILITAIRES ACTIFS EN 2021 PAR TYPE D’ARME Service logistique et opérationnel 27 600

Armée de terre 62 650

Services Marine Cyber Autres de santé 16 250 14 350 19 950

Armée de l’air 27 100

PRINCIPAUX ÉQUIPEMENTS DES 3 ARMES Canons automoteurs de 155 mm 121 PzH 2000

Armée de terre Chars de combat

Avions de transport

35 A400M et 8 C160D Transall

Lance-roquettes multiples

284 Leopard 2 Véhicules blindés de reconnaissance 168 Fennek

Systèmes de missiles antiaériens

41 M270 MLRS

30 M902 Patriot PAC-3

Drones de reconnaissance 39 KZO et 87 Luna

Véhicules de combat d'infanterie 324 Marder et 350 Puma

Marine Navires de combat

Armée de l’air

3 destroyers et 8 frégates 5 corvettes 23 chasseurs de mines

Avions de combat

Hélicoptères

51 Tigre (attaque) 81 NH90 (transport)

138 Eurofighter Typhoon 88 Tornado

6 Type 212

Sous-marins

4 Les déploiements de l’armée allemande dans le monde : des missions réduites

OPÉRATIONS EXTÉRIEURES* MENÉES PAR :

l’Otan l’Union européenne l’ONU SNMG 1 SNMCMG 1 (Atlantique nord) la coalition anti-Daech *en décembre 2022

VAPB (Baltique) eFP (Lituanie)

VJTF (côtes et zones maritimes européennes)

A

EUFOR Althea (Bosnie-Herz.)

Sea Guardian (Méditerranée)

Mer Égée

SNMCMG 2 (Méditerranée)

MINURSO (Sahara occidental)

eVA (Slovaquie) eAPS (Roumanie) KFOR (Kosovo) FINUL (Liban)

EUNAVFOR SNMG 2 MED Irini (Méditerranée) (Méditerranée)

Irak

MINUSS (Soudan du Sud) EUTM Mali MINUSMA (Mali)

5 Soutien à l’Ukraine : des promesses financières à concrétiser

LES 5 PRINCIPAUX FOURNISSEURS D’AIDE MILITAIRE À L’UKRAINE*, en milliards de dollars

22,9

États-Unis

4,13

2,34

1,82

1,36

Royaume-Uni

Allemagne

Pologne

Canada

A

Pierre Avril

1 Un effort budgétaire encore limité ÉVOLUTION DU BUDGET DE LA DÉFENSE ALLEMAND DEPUIS LA RÉUNIFICATION, en % du PIB

Sources : Kiel Institute, Bundeswehr, Sipri et IISS, Military Blance 2022

*données au 20 novembre 2022 Infographie

lundi 23 janvier 2023 le figaro

22

champs libres Débats

entretien Christophe guilluy Pour le géographe*, la réforme des retraites et l’opposition qu’elle provoque ne sont qu’un pâle reflet du malaise beaucoup plus profond qui hante la société française. Celui de l’angoisse existentielle d’une classe moyenne fragilisée par les effets de la mondialisation, de la métropolisation et de la gestion des flux migratoires. Si cette « majorité ordinaire » est, selon lui, de plus en plus défiante à l’égard d’un pouvoir qu’elle considère dépourvu d’un véritable dessein politique, elle n’est pas anti-élitiste pour autant. Elle cherche, au contraire, sans la trouver, une élite qui partagerait son diagnostic et pourrait la représenter.

+

» LIRE AUSSI pageS 2, 3, 4 ET 6 « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

« Les classes moyennes ne croient plus et n’écoutent plus ceux qui les dépossèdent » PROPOS RECUEILLIS PAR

Vincent Trémolet de villers £@vtremolet

LE FIGARO. - La réforme des retraites restaure une chorégraphie sociale qui correspond à ce que l’on connaît depuis trente ans sur ce sujet. Dans la charge symbolique et politique que l’on donne à cette réforme, retrouvez-vous les inquiétudes des classes populaires sur lesquelles vous travaillez depuis des années ? Christophe GUILLUY. - Comme dans le film de Patrice Leconte (Les Grands Ducs) les vieux comédiens sont de retour : le gouvernement qui réforme, les syndicats qui manifestent et les médias qui font de la pédagogie. Le spectacle a effectivement un air de déjà-vu et surtout il est joué par des acteurs (politiques, syndicats, médias) qui aujourd’hui ne suscitent plus que de la défiance. Comme d’habitude cette énième réforme provoque un énième rejet comme le montre la forte mobilisation notamment dans les petites villes et villes moyennes de la France périphérique. Pourquoi ? C’est moins du côté du contenu des mesures qu’il faut chercher la réponse que du côté de l’absence de sens de réformes qui ne s’inscrivent dans aucun dessein politique mais seulement dans un mécano technocratique. Le seul objectif semble être de répondre aux normes d’une économie mondialisée dans laquelle la classe moyenne occidentale est en fait trop payée et trop protégée. Aujourd’hui, les classes populaires et moyennes ne croient plus et n’écoutent plus ceux qui, depuis des années, les dépossèdent de ce qu’elles ont et de ce qu’elles sont sans jamais leur proposer d’autre horizon que celui d’une société du rationnement. Pilotée par une technostructure qui a démontré depuis bien longtemps que le bien commun n’était pas son sujet, cette énième réforme illustre bien la volonté d’être en marche mais en marche vers nulle part.

A 2023-01-23T09:47:30+01:00

2023-01-23T03:27:04c:Figaro;u:adaboville;

Jour:

Autre

un

Demain

Dessin Fabien Clairefond

Vous parlez d’instinct de survie, d’angoisse existentielle. Qu’est-ce qui selon vous menace ces catégories d’effacement ? La contestation sociale et politique d’aujourd’hui, n’est pas un remake des

par exemple, la ­ démographe Michèle dépassée ou pire que les classes populaiTri­balat a tout écrit il y a plus de trente res n’aspireraient qu’aux loisirs ? Ces reans. Contrairement à ce qu’af­firment les présentations sont typiquement celles médias, ces sujets sont parfaitement d’une catégorie sociale totalement déconsensuels dans les milieux populaires, connectée qui plaque sa réalité sur celle et ce quelles que soient les origines. L’exde la majorité ordinaire. Le problème des classes populaires n’est pas de savoir plosion des violences aux personnes et comment on occupe son temps libre. Le plus généralement la diffusion de la délinproblème du temps libre - on peut y inquance sur l’ensemble du territoire clure la retraite, ou les congés - n’est pas ont fait voler en éclats un cadre essentiel d’en avoir, mais de pouvoir en profiter. aux yeux des gens ordinaires, celui de la Rappelons que près de la moitié des maîtrise de l’espace Le problème du temps libre, on peut Français ne partent jamais en vacances public. Les man­ (une proportion qui augmente dans les quements de l’État et y inclure la retraite, ou les congés, milieux modestes) et que les RTT ont l’autisme d’une bourn’est pas d’en avoir, mais de pouvoir surtout été une bénédiction pour les geoisie progressiste classes supérieures. Entre congés payés qui surjoue la posture en profiter. Rappelons que près et RTT, ces dernières disposent aujourmorale (en se protéde la moitié des Français ne partent d’hui de beaucoup plus de temps libre geant bien sur des jamais en vacances (une proportion qui que, par exemple, les employés et les effets de l’insécurité ­ ouvriers non qualifiés (trente-trois jours et de l’immigration) augmente dans les milieux modestes) contre vingt-six en moyenne, source : sont vécus par la maet que les RTT ont surtout été une Dares, ministère du Travail 2017). Le téjorité ordinaire combénédiction pour les classes supérieures me une négation de létravail, qui des­sine aussi un autre rapport au travail, concerne d’abord ces caleur existence. Mais tégories (60 % des télétravailleurs sont si, sur ces sujets, la brume médiatique Cette révolte est animée par la conviction des cadres, alors qu’ils ne représentent et académique est épaisse, elle n’effacera d’avoir été dépossédé de ses prérogatique 20 % des ­salariés). Nouveau marjamais la réalité. C’est ce qu’ont compris ves, d’avoir peu à peu été mis au bord du ronnier de la presse, la thématique de la les élites scandinaves qui, en quelques anmonde. Ses ressorts profonds, et c’est « grande démission », présentée comme nées, ont été capables de penser contre elbien là sa spécificité, ne sont pas seulemassive, est un luxe que peu de catégoles-mêmes et tout simplement de faire ment matériels, mais surtout existentiels. ries modestes peuvent se permettre. Fapreuve de responsabilités sur ces sujets viCette dépossession est d’autant plus viobien Roussel a eu raison de rappeler que, taux. Un sens de la responsabilité collectilente qu’elle s’accompagne d’une perte dans leur immense majorité, les classes ve et du bien commun qui, pour l’heure, d’un statut essentiel : celui de référent populaires préfèrent le travail au chôreste totalement étranger aux élites. politique et culturel. Cette angoisse exismage, de vivre des revenus de leur actitentielle est renforcée par le refus des vité aux prestations. ­élites de reconnaître ses trois échecs les Référendum de 2005, « gilets jaunes » Pour compléter le tableau, la majorité orplus saillants sur la mondialisation libé­et même réforme des retraites… dinaire est aussi présentée comme une rale, la métropolisation et sa gestion des une majorité hétéroclite s’agrège masse dont le seul objectif serait de flux ­migratoires. dans un front de refus mais elle ne trouve consommer. Pour mémoire, en juin 2022, pas de débouché politique positif…. l’institut Ipsos confirmait que la marge de Diriez-vous que des décisions Cette majorité ordinaire présentée par manœuvre budgétaire des Français ou des transformations comme la fin une part du monde médiatique et acadén’avait cessé de baisser, et qu’aujourdu timbre rouge, la crise des boulangers, mique comme une masse anomique comd’hui 58 % d’entre eux font leurs courses l’extinction des commerces posée d’abrutis a effectivement quelques à 10 euros près, ou moins… un accès à la dans les villes moyennes… participent difficultés à imposer son diagnostic à une société de consommation relatif. de cette inquiétude ? classe politique « netflixisée » qui consiCes représentations émanent de classes dère que la majorité n’existe pas (pas plus Le jeu du pouvoir est évidemment de segurbaines qui baignent dans la surconque le pays d’ailleurs) et qui désormais menter, de jouer sur des mesures catégosommation métropolitaine et qui sebâti ses programmes en ciblant des panels rielles, de faire croire que nous ne sommes raient risibles si, in fine, elles ne massocioculturels. face qu’à une contestation des marges, de quaient pas certaines catégories ou de certains terril’essentiel. Si le raptoires. La réalité est que ce qui se joue sous L’explosion des violences port au travail a nos yeux c’est la dispa­rition de ce qu’on aux personnes et plus généralement changé, on le doit appelait jadis de la classe moyenne occid’abord à gens inteldentale. Les néolibéraux qui ont initié ce la diffusion de la délinquance ligents qui pilotent modèle (mondialisation, métropolisation) sur l’ensemble du territoire ont fait depuis des décennies et les néokeynésiens du « quoi qu’il en voler en éclats un cadre essentiel la vie politique qui a coûte » (qui permettent au modèle de perconduit à la grande durer) jouent main dans la main. Ils acaux yeux des gens ordinaires, désindustrialisation compagnent en douceur cette disparition celui de la maîtrise de l’espace public du pays en plongeant en feignant de répondre à l’inquiétude par des familles entières la distribution de chèques ou de quelques dans le chômage et les prestations sociadotations sur les t­ erritoires. Contrairement à ce qu’on pense, la diaboles. Pour résumer, ceux qui fracassent lisation ne vise pas prioritairement ce l’outil de production (la part de l’indusQuelle place donner à l’immigration qu’on appelle « l’extrême droite ». Tout trie est passée de 24 % du PIB en 1980 anarchique, et à la délinquance qui parfois cela n’est que du spectacle. Le principal à 10 % en 2019) puis dissertent sur la en découle, dans cette inquiétude ? objet de la diabolisation est de délégitimer « fin du travail » ne voient pas que les le diagnostic solide et rationnel des gens Sur l’insécurité comme sur l’immigration gens n’aspirent qu’à une chose : avoir un ordinaires ; un diagnostic parfaitement in- auxquelles il faut bien évidemment emploi correctement rémunéré. compatible avec les intérêts des classes suajouter les thématiques qui s’y rat­ périeures. Cette diabolisation permet au tachent comme l’échec de l’État régaN’est-ce pas un symptôme pouvoir de se maintenir sans projet, si ce lien et la survie de l’État-providence supplémentaire d’une société atomisée n’est celui de gérer le chaos. Mais tout cela - tout a été dit depuis si longtemps… avec le seul cocon amicalo-familial reste très fragile. Aujourd’hui le narratif Sur la question des flux migratoires, comme horizon ? dominant ne convainc plus que les bénéfiVous validez indirectement la vision niciaires du modèle et une majorité de rehiliste qui est celle de Netflix : une société traités. La réalité est qu’aujourd’hui la maréduite aux panels du marketing. Dans ce jorité ordinaire est le seul ensemble schéma, il n’y a plus de société, le marché socioculturel cohérent, le seul socle sur lefait la loi et surtout le pays n’existe plus. quel on puisse reconstruire un dessein poC’est peut-être la vision de quelques élilitique commun. Autonome, sûre d’elletes mais cela ne correspond pas à une même, affranchie du clivage gaucheréalité où les gens restent attachés à leur droite et de la tutelle des syndicats ou des mode de vie, ce qui induit mécaniquepartis, la majorité ordinaire, c’est-à-dire ment des solidarités contraintes. Et puis la société elle-même, est engagée dans cette représentation d’une société atomiun mouvement existentiel. Ce n’est pas sée n’est pas nouvelle. De Gaulle nous seulement son pouvoir d’achat qui est en parlait déjà de ce pays ingouvernable aux jeu mais son être. Il ne manque qu’une 350 fromages. Sauf qu’à l’époque l’élite, y étincelle pour qu’elle s’exprime dans la compris l’énarchie, était attachée à quelrue ou dans les urnes. Ce n’est qu’une que chose qu’on appelait le bien commun question de temps. et qui était en réalité un attachement à la nation et à ceux qui la constituent. Cet atBeaucoup de Français sont tachement a produit la grande politique comme atteints de Covid industrielle et sociale de l’après-guerre long, expliquent Jérémie qu’on a appelé le gaullo-communisme, Peltier et Jérôme Fourquet un pur produit de l’élitisme français. dans une note récente. On feint de croire que la critique des élites On voit la gauche se diviser contemporaines est un antiélitisme en entre gauche du travail soi. Rien n’est moins vrai. Les gens attenet gauche du loisir. dent que des élites attachées au bien N’y a-t-il pas dans commun, c’est-à-dire à leur service, leur le rapport au travail disent sincèrement « je vous ai comun nouveau point de fracture pris », nous nous sommes trompés, nous dans les catégories sommes allés trop loin dans la mondialipopulaires ? sation libérale, dans la métropolisation, Que le rapport au travail ait l’ouverture des frontières et nous allons évolué c’est une évidence mais enfin vous servir. comment peut-on considérer, comme le pense la gauche anti*Denier ouvrage paru : « Les Dépossédés », Roussel, que le travail est une valeur Flammarion, 2022. Misérables, elle n’est pas un soulèvement de « pauvres » et ne vise pas non plus l’obtention de nouveaux droits sociaux. Il n’est pas porté par une aspiration à un « nouveau monde » mais au contraire, il vise la poursuite de l’ancien ; un monde où la majorité ordinaire était encore au « centre ». Au centre des rouages de l’économie, au centre des préoccupations de la classe politique et au centre des ­représentations culturelles.

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lundi 23 janvier 2023

champs libres le figaro

Opinions chronique Nicolas Baverez £@NicolasBaverez

Oxfam : la loi du plus faux

A

nouvelles richesses, soit deux fois plus que les 99 % les plus pauvres, et la fortune des milliardaires augmenterait de 2,7 milliards de dollars par jour alors que les salaires de 1,7 milliard de personnes ne suivent pas le rythme de l’inflation. Les entreprises de l’alimentation et de l’énergie auraient plus que doublé leurs bénéfices et versé 257 milliards de dollars à leurs actionnaires, alors que 800 millions de personnes souffrent de la famine. Les riches seraient responsables de la montée de la pauvreté, du surendettement des États et du réchauffement climatique, qui résulterait de leur « mode de vie extravagant et de leurs investissements dans une économie dominée par les combustibles fossiles ».

vec l’inexorabilité d’une loi de la nature, l’ONG britannique Oxfam salue chaque année l’ouverture du Forum économique mondial de Davos par la publication de son rapport sur les inégalités, qui conclut à leur aggravation et à leurs conséquences catastrophiques. Avec l’obligation de frapper de plus en plus fort, quitte à ce que la surenchère des chiffres et le choc des formules s’émancipent des faits et de la raison. Selon Oxfam, la hausse des inégalités serait la cause unique des crises multiples que connaît le monde. Depuis 2020, 1 % de la population aurait capté les deux tiers des

@

100 000 citations et proverbes sur evene.fr

ENTRE GUILLEMETS 23 janvier 1350 : naissance du prédicateur Vincent Ferrier à Valence (Espagne), mort le 5 avril 1419 à Vannes (duché de Bretagne) et canonisé en 1455.

Saint Vincent Ferrier

Les Apôtres qui ont conquis le monde ne portaient ni lance ni couteau. Les émeutes que les chrétiens font contre les juifs, ils les font contre Dieu lui-même»

Peter Horree/Alamy via Reuters Connect

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Dès lors, la solution aux maux qui accablent l’humanité serait d’abolir les milliardaires grâce à la fiscalité. Leur nombre devrait être divisé par deux d’ici à 2030 grâce à l’instauration d’un taux marginal de 75 % sur leurs revenus - y compris sur les plus-values non réalisées -, à la hausse des impôts fonciers et des impôts sur les successions, à l’imposition à 17,8 % du patrimoine net et à la création d’un impôt exceptionnel sur la fortune pour répondre aux crises énergétique et alimentaire. S’y ajouteraient le relèvement du taux d’impôt sur les sociétés et un prélèvement sur les bénéfices exceptionnels. Le tout permettrait de faire sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté. Paradoxalement, les inégalités sont définies de manière étroite, en termes de revenus et de patrimoines, ignorant les dimensions de la santé ou de l’éducation qui sont prises en compte par les indicateurs du développement humain de l’ONU. Les informations sont très hétérogènes - mêlant classements de Forbes et statistiques des institutions multilatérales - et ne cessent de confondre les revenus avec les patrimoines, les actifs avec les dettes, les flux et les stocks. Les analyses sur la prétendue diminution de la fiscalité sont également tronquées car fondées sur les taux maxima de quelques impôts sélectionnés arbitrairement et non pas sur l’analyse de l’ensemble des prélèvements. Selon Oxfam, « la répartition actuelle des riches dans le monde reflète directement la structure néocoloniale de l’économie mondiale », bénéficiant principalement à des « hommes blancs et riches dans les pays du Nord » : or les inégalités entre les pays se sont réduites de plus d’un tiers depuis le début du XXIe siècle et c’est dans le monde émergent que

les nouveaux milliardaires sont les plus nombreux. La conclusion selon laquelle « chaque milliardaire est un échec politique », ce qui conduit à faire de leur élimination l’objectif central de la stratégie économique, est dénuée de sens et très dangereuse. Les expériences historiques de liquidation des riches se sont toujours traduites par la paupérisation des masses, la destruction de l’environnement et la suppression des libertés, comme l’Union soviétique en a fait la démonstration au XXe siècle. L’appel d’Oxfam à euthanasier les riches fait écho à la célèbre préface de Jean-Paul Sartre aux Damnés de la terre de Frantz Fanon qui affirmait : « Abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups : supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre. » Laisser croire que supprimer un milliardaire, c’est faire sortir des millions d’hommes de la pauvreté est faux. Cet appel à une guerre des classes constitue un contresens politique et moral au moment où le monde s’ensauvage. Enfin, au silence conservé sur la situation explosive des inégalités en Chine, en Russie ou en Iran répond le déchaînement des critiques visant les démocraties occidentales, contribuant à les affaiblir et à les diviser alors qu’elles sont la cible des tyrannies du XXIe siècle. La lutte contre les inégalités est beaucoup trop importante pour être abandonnée aux idéologues d’Oxfam, qui combattent moins la pauvreté que la liberté. À leurs approximations et leurs généralisations erronées, il faut préférer le travail patient et efficace d’amélioration des stratégies de développement, des systèmes de santé ou d’éducation ou encore du financement des entreprises poursuivi par Abhijit Banerjee et Esther Duflo.

Pourquoi le droit à l’IVG n’a rien à faire dans la Constitution

Anne-Marie Le Pourhiet

Dassault Médias (actionnaire à plus de 95 %) 14, boulevard Haussmann 75009 Paris Président-directeur général Charles Edelstenne Administrateurs Thierry Dassault, Olivier Costa de Beauregard, Benoît Habert, Rudi Roussillon

de préciser ce qu’ils entendent faire de l’actuel article 16 du code civil, issu de l’article 1er de la loi Veil, qui dispose toujours expressément : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. » Veulent-ils l’abroger explicitement ou implicitement ? Les promoteurs de cette proposition sont si embarrassés qu’ils ne savent pas où la placer dans la Constitution. Faute de pouvoir inscrire décemment l’avortement au frontispice des premiers articles, ils se sont résolus à l’introduire plus Que le droit d’avorter soit écrit ou discrètement dans non dans une constitution ne change le titre VII de la Constitution consacré strictement rien au fait que l’autorité judiciaire, ce droit devra toujours être « concilié » àdans un article 66-2 (donc limité) avec le droit à la vie placé juste après l’article 66-1, lequel et la dignité du fœtus humain affirme que « nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Que le droit d’avorter soit écrit ou non La contradiction philosophique flagrante dans une Constitution ne change de ces deux affirmations ne semble pas strictement rien au fait que ce droit devra gêner les députés. Il ne restera plus qu’à toujours être « concilié » (donc limité) rajouter un article 66-3 sur le droit avec le droit à la vie et la dignité du fœtus à l’euthanasie et un article 66-4 sur humain. On n’imagine pas qu’une l’interdiction de la corrida et nous aurons révision constitutionnelle propose un parfait exemple de salmigondis de supprimer la dignité humaine. postmoderne. La Déclaration de 1789 rappelle que Il serait souhaitable que « la liberté consiste à pouvoir faire ce qui ne nos parlementaires se décident à tenir nuit pas à autrui » et que c’est à la loi qu’il la route sur le plan juridique au lieu incombe de « fixer les bornes à l’exercice d’écrire n’importe quoi. La hiérarchie des droits naturels ». N’en déplaise aux des normes a ses exigences logiques, militants aucun droit n’est absolu, pas le contrôle de constitutionnalité des lois même le droit de grève qui doit aussi être a ses règles et procédures, l’écriture concilié avec le principe de continuité de la constitution, comme celle de la loi, du service public. L’on constate d’ailleurs ne peut se dispenser d’intelligibilité, que les initiateurs de la proposition de clarté, de cohérence et d’élégance. de loi constitutionnelle se gardent bien à l’origine du revirement récent tendant à restituer aux législatures des États, sous le contrôle de leurs propres cours suprêmes, leur pleine compétence en la matière. Le Conseil constitutionnel français, quant à lui, s’est plutôt situé dans une ligne médiane, affirmant sans doute que la liberté constitutionnelle de la femme doit être conciliée avec la non moins constitutionnelle dignité de l’être humain, mais faisant preuve d’une bienveillante (ou indifférente) retenue dans l’appréciation de cet équilibre, démocratiquement laissé à l’appréciation du législateur.

La multiplication contemporaine de textes « sociétaux » particulièrement médiocres issus d’arguments erronés et de débats passablement vulgaires, témoignant d’une inculture abyssale, ne laisse pas d’interroger sur la formation et l’éducation d’un personnel politique qui semble tombé au niveau zéro de la réflexion. « Graver l’avortement dans le marbre constitutionnel » devient ainsi l’horizon indépassable d’une société ignorante de la « décence commune ». C’est l’idée même de république qui sombre ainsi sous la tyrannie de l’impudeur égotiste.

«

Les rencontres François Sureau : la littérature d’abord ! le vendredi 3 février à 20 h, Salle Gaveau. Tarif : 25 €. Réservations : 01 70 37 18 18 ou www. lefigaro.fr/ rencontres.

Ce soir à 20h sur le site du Figaro, présenté par Philippe Gélie

SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy Jacques-Olivier Martin (directeur Directeur artistique (société éditrice) Pierre Bayle 9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 93290 Tremblay-en-France Alexis Brézet de la rédaction du Figaro.fr), Midi Print, 30600 Gallargues-le-Montueux Rédacteur en chef 14, boulevard Haussmann Tél. : 01Directeur 56 52 20 00 Dassault Médias SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Étienne de Montety Directeur(Figaro des rédactions FIGAROMEDIAS ISSN 0182-5852Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy artistique Philippe Gélie (International), Frédéric Picard (Web) 75009 Paris (actionnaire à plus de 95 %) (société éditrice) Fax : 01Pierre 56 52 23 07 Bayle 9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 93290 Tremblay-en-France Alexis Brézet Étienne de Montety Littéraire), n° 30600 0426Gallargues-le-Montueux C 83022 14, boulevard Haussmann Midi Print, 14, boulevard HaussmannBertrand de SaintDirecteur délégué Rédacteur en chef Tél. : 01 56 52 20 00Commission paritaire Directeurs adjoints de la rédaction (Figaro Littéraire), 75009 Paris ISSNLundi 0182-5852 75009 ParisVincent (Culture, Télévision), Frédéric Picard (Web) au vendredi de 7 h à 18h ; Fax : 01 56 52 23 07Pour vous abonner du pôle news Directeurs adjoints de la rédaction Président n° 0426 83022 Bertrand de Saint-VincentPrésident-directeur Gaëtan de Capèle (Économie), Président-directeur général Directeur délégué général sam. de 8 h à 13 hCommission au 01 70 paritaire 37 31 70. FaxC: 01 55 56 70 11 . (Enquêtes, de Capèle (Économie),Bertrand Pour vous abonner Lundi au vendredi de 7 h à 18h ; GiéFigaroscope, Télévision), Charles Edelstenne du pôle news (Culture, Président Yves ThréardGaëtan espace www.lefigaro.fr/client Charles Edelstenne Aurore Domont Président-directeurGérez généralvotre abonnement, Laurence de Charette sam. de 8 h à 13 h au 01Client 70 37 :31 70. Fax : 01 55 56 70 11 . Laurence deSports, Charette (directeur Bertrand Gié Administrateurs Yves Thréard (Enquêtes, Éditeurs Charles Edelstenne Opérations spéciales, Gérez votrepour abonnement, Client : www.lefigaro.fr/client 1 an - espace France métropolitaine Aurore Domont Formules d’abonnement Direction, administration, rédaction (pôleThierry audiovisuel), Anne-Sophie de la rédaction du Figaro.fr), Éditeurs Dassault, Olivier Formules d’abonnement pour 1 an - France Opérations spéciales, Sports, Direction, administration, rédaction Robert Mergui Club : 509 €. Semaine : 385 €. Week-end : 329 €. métropolitaine Sciences), Vincent Trémolet de Beauregard, Benoît 14, boulevard Haussmann 14, boulevard Haussmann Club : 469 €. Semaine : 329 €. Week-end premium : 270 €. Robert Mergui Anne-Sophie von Claer Directeur général, Sciences), von Costa Claer (Style, Art de vivre, F), Directeur général, Anne Pican Anne Pican Habert, Bernard Monassier, (Style, Art de vivre, F), de Villers (Politique, Société, Imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement. 75438 Paris Cedex 09 75438 Paris Cedex 09 Vincent Trémolet de Villers directeur de la publication directeur de la publication Philippe Rudi Roussillon Gélie (International), Origine du papier : Allemagne. Taux de fibres recyclées : 100%. Ce journal Anne Huet-Wuillème (Édition, de forêts durablement. Tél. : 01 57 08 50 00Imprimé sur papier issu (Politique, Société, Débats Opinions) Marc Feuillée est imprimé sur ungérées papier UPM porteur de l’Ecolabel européen sous Tél. : 01 57 08 50 00 Débats Opinions) Marc Feuillée Origine du papier : Allemagne. Taux de fibres recyclées : 100%. Cedejournal Anne Huet-Wuillème (Édition, Photo, Révision), le numéro FI/011/001. Eutrophisation : Ptot 0.002 kg/tonne papier. [email protected] [email protected] est imprimé sur un papier UPM porteur de l’Ecolabel européen sous Photo, Révision, DA), FR

“Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur” Beaumarchais

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du Figaro

Ce journal se compose de : Édition nationale 1er cahier 24 pages Cahier 2 Économie 8 pages Cahier 3 Le Figaro et vous 10 pages

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fabien clairefond

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ur l’inutilité et l’absurdité de l’inscription d’un « droit à l’IVG » dans la Constitution, les juristes sérieux ont déjà tout dit, mais les militants qui peuplent désormais nos hémicycles ont la particularité d’être enfermés dans leurs certitudes et d’ajouter à leur inculture juridique un sectarisme normatif particulièrement illibéral. La Constitution française, comme ses homologues étrangères, est évidemment muette sur la question de l’avortement. Mettre un terme à une vie humaine ne s’écrit pas noir sur blanc dans le contrat social d’une nation humaniste. L’avortement n’est pas une « valeur » à brandir comme un étendard dans une loi fondamentale. Ce sont donc les juges constitutionnels auxquels est revenu, lors de l’examen des dispositions législatives nationales qui le réglementent, la tâche ingrate d’interpréter les principes généraux en conciliant d’une part la liberté des femmes, d’autre part la dignité ou la vie de l’embryon. Ils ont chacun placé le curseur entre ces deux exigences contradictoires en tenant compte de la culture, de l’histoire et de la sensibilité philosophique du pays. La Cour constitutionnelle allemande s’est montrée très protectrice de l’enfant à naître en lui reconnaissant un droit constitutionnel équivalent à celui de la mère, la Cour suprême américaine, au contraire, était allée très loin en sens inverse en imposant en 1973 à tous les États Auditionnée au Sénat sur ce sujet, un délai uniforme le professeur de droit public et vice-présidente d’avortement de de l’Association française de droit constitutionnel vingt-huit semaines. s’oppose à l’inscription du droit à l’avortement Cet activisme dans la loi fondamentale. judiciaire est

Kirkwall Stornoway ÉCOSSE

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D’Édimbourg à Honfleur…

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... EN CROISIÈRE AVEC LES JOURNALISTES DU FIGARO > DU 13 AU 20 SEPTEMBRE 2023

avec Alexis Brézet

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* Tarif par personne sur la base d’une occupation double en cabine Deluxe, excursions et taxes portuaires incluses. Présence des invités sous réserve de désistement en cas de force majeure. Document non contractuel. Droits réservés. Crédit photo : Shutterstock.

lundi 23 janvier 2023 le figaro - N° 24 392 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

> Focus lefigaro.fr/economie

Chine

Cinéma

La vie après le « zéro covid » des groupes français Page 27

Face aux plateformes, Maxime Saada défend le modèle Canal+ Page 32

La crise de la mondialisation bouscule le Forum de Davos FABRICE COFFRINI/AFP, PASCAL LE SEGRETAIN/Getty Images via AFP, FLORENCE LO/REUTERS

Récit en coulisses des retrouvailles de l’élite politique et économique mondiale, sur fond de chocs multiples. PAGEs 26 et 27

EDF : l’État passe le seuil des 90 % du capital C’est un seuil symbolique, mais très important sur la voie de la renationalisation totale de l’énergéticien français. « L’État a franchi le 19 janvier 2023 le seuil de 90 % du capital et des droits de vote théoriques de la société EDF », indique un communiqué du ministère de l’Économie publié vendredi 20 janvier. Il s’agit d’un cap décisif sur le plan boursier, puisque, désormais, l’État pourra, à l’issue de l’offre, engager un retrait obligatoire des actions EDF de la Bourse de Paris, c’est-à-dire forcer les actionnaires qui détiendront encore des ­titres à vendre leurs actions. Pour autant, la renationalisation à 100 % n’est pas encore bouclée. L’offre de rachat, ouverte depuis le 24 novembre, devait initialement se conclure le 22 décembre. Mais l’Autorité des marchés financiers (AMF) a décidé le 7 décembre de repousser ce délai « dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Paris sur la demande de sursis » déposée par un groupe d’actionnaires minoritaires mécontents du prix proposé. La décision de l’AMF d’autoriser le lancement de l’offre a été attaquée le 2 décembre, accompagnée d’une demande de sursis à son exécution. L’audience pour l’examiner est prévue le 25 janvier. Et une autre audience, au fond, est prévue le 23 mars, à la chambre de la régulation économique et financière de la cour d’appel. Cette renationalisation totale d’EDF doit permettre, notamment, de trouver un mode de financement pour le renouveau nucléaire voulu par le président de la République. L’objectif est de construire six réacteurs EPR de nouvelle génération, avec une option pour huit autres. Une opération qui se chiffre en dizaines de milliards d’euros d’investissements. E. E.

l'histoire

Soupçonnés de fraude, deux centres de santé déconventionnés dès lundi, et ce pour une durée de cinq ans. Cette sanction inédite, encadrée par la loi de financement 2022 de la Sécurité sociale, permet de réduire fortement le niveau de prise en charge par l’Assurance-maladie, qui applique ce qu’on appelle le « tarif d’autorité ». Concrètement, pour une consultation de 30 euros, seul 1,22 euro est remboursé si le centre n’est plus conventionné, au lieu de 70 %. Dans la lutte contre les fraudes à l’Assurance-maladie, les pouvoirs publics ne comptent pas s’arrêter là. Quelque 88 centres de santé dentaires et 44 pour l’ophtalmologie font l’objet de contrôles des caisses d’assurance-maladie, qui travaillent en lien avec les services de justice et de gendarmerie du pays. ■ CLAUDIA COHEN

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Une heure Dans le bureau de...

un autre regard

Pauline Laigneau : « Un écrin façon maison de famille »

Les entreprises souffrent, pourtant l’économie va bien

libres échanges

PAR Quentin Périnel PAGE 30

PAR ANNE DE GUIGNÉ PAGE 31

PAR JEAN-PIERRE ROBIN PAGE 31

La réduction du temps de travail prime sur le pouvoir d’achat pour les Français

3 ans 10 ans Depuis création

*VL validée au 30/12/22

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est une grande première en France. L’Assurancemaladie a décidé de déconventionner un centre de santé dentaire des Yvelines, à Trappes, et un centre ophtalmologique et dentaire de Seine-Saint-Denis, dans la commune du Blanc-Mesnil, tous deux soupçonnés de fraude et visés par des plaintes pour escroquerie déposées par des patients. Il est notamment reproché à ces centres d’avoir établi de fausses facturations et d’avoir facturé des actes fictifs, c’est-à-dire non réalisés. Le préjudice financier subi pour l’Assurance-maladie est estimé à 1,5 million d’euros pour ces deux établissements. En attendant les conclusions de l’enquête pénale en cours, les soins ne seront ainsi plus pris en charge par la Sécurité sociale

lundi 23 janvier 2023 le figaro

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l'événement

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La militante écologiste Greta Thunberg est venue manifester à Davos (1). Mercredi soir, au centre des Congrès, la soirée sud-africaine (4) tranche avec le discours de Volodymyr Zelensky, prononcé juste avant. La rue principale de Davos est placée sous haute surveillance policière (5), en particulier la maison de l’Ukraine (7).

Conférence dans la salle des plénières sur l’économie mondiale (2). Interrogés par un journaliste de CNBC (1er à gauche), de gauche à droite : Kristalina Georgieva (FMI), Bruno Le Maire, Christine Lagarde (BCE), Haruhiko Kuroda (Banque du Japon) et Larry Summers (Harvard, ex-ministre américain).

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Davos, refuge alpin d’une mondialisation é Les « polycrises » ont occupé l’élite économique et politique mondiale, pourtant pas si pessimiste. Récit. Fabrice Nodé-Langlois £@Fnodelanglois Envoyé spécial à Davos, Suisse

PLANète Volodymyr Zelensky vient de s’exprimer, occupant l’écran géant de la salle des plénières du palais des congrès de Davos. Assise au premier rang se tient l’épouse du président ukrainien, Olena, efficace ambassadrice de son pays envahi par la Russie. Le président polonais Andrzej Duda vient de plaider la cause de l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan, assis juste à côté du secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg. L’atmosphère de cette table ronde est lourde de la guerre qui sévit à 950 kilomètres à l’est de la station suisse. Lorsque les participants sortent de la salle, le contraste est saisissant. Dans le hall adjacent les attend une réception offerte par l’Afrique du Sud, avec gastronomie locale et concert entraînant du trio vocal The Soil. « Dans la salle de la plénière, il n’y avait pas d’Africains », observe, un brin amère, Jeroo, une Indienne mariée à un Hollandais. Une partie des participants du Forum économique mondial - certains Africains, LatinoAméricains et Asiatiques - perçoivent la guerre en Ukraine comme un conflit régional. « C’est une erreur majeure », tempête Bruno Le Maire. Arrivé jeudi soir à Davos depuis le sommet de Barcelone, le ministre de l’Économie le répète vendredi lors de la dernière table ronde consacrée à l’état de l’économie mondiale : « La guerre en Ukraine n’est pas un conflit régional. Elle a un impact direct sur le prix des matières premières et de l’énergie ; elle met en jeu des valeurs communes. »

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Décalage de perception et fragmentation

Ce décalage de perception résume la fragmentation du monde, thème central de ce 53e Forum économique mondial de Davos (WEF, en anglais, pour World Economic Forum). Pour planter le décor, Kristalina Georgieva, la patronne du FMI, et Klaus

Schwab, le vénérable fondateur du Forum, emploient un mot qui fait florès : « polycrises ». Covid, inflation, guerre en Ukraine, crise de l’énergie, crise alimentaire, crise climatique, les raisons de s’inquiéter ne manquent pas aux 2 700 grands patrons et gouvernants rassemblés dans la station des Grisons. Il est beaucoup question de démondialisation dans les « lounges » du palais des congrès. Pour la première fois depuis trente ans, le commerce devrait croître moins vite que le PIB mondial selon une étude du BCG et du Forum économique mondial. « La mondialisation a ses problèmes, reconnaît la directrice générale de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, mais elle a sorti 1 milliard de personnes de la pauvreté ». La fragmentation traduit le renforcement de la sécurité et de la souveraineté nationale à travers le monde, explique en substance Larry Fink, le PDG de BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs du monde, au portefeuille de 7 900 milliards de dollars. Résultat, « la fragmentation est une des causes de l’inflation ».

Coca-Cola et Microsoft au menu de Le Maire

Parmi les points de friction au commerce mondial, l’IRA, l’Inflation Reduction Act, ce plan massif de subventions des ÉtatsUnis pour accélérer la transition énergétique, occupe aussi les conversations, du moins celles des Européens et des Américains. Au cours de son bref séjour en Suisse, Bruno Le Maire aura d’ailleurs pris le temps de voir les patrons de Coca Cola et de Microsoft, qui lui assurent que la France reste une destination d’investissement de choix, mais aussi Katherine Tai, la représentante de Joe Biden pour le commerce, ainsi que l’influent sénateur démocrate Joe Manchin. Des sujets de tension multiples donc. Et pourtant, étrange paradoxe, « en vingt ans de Davos, je n’ai jamais vu un tel optimisme chez les PDG », s’étonne, au cours d’un dîner, Kenneth Rogoff, le célèbre professeur

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C’est très bien de consacrer l’argent public à la transition énergétique. Mais si nous oublions les pays émergents, nous sommes tous cuits !

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Kristalina Georgieva, Directrice du FMI

Nous sommes « entrés dans une

nouvelle ère de la mondialisation (…) non pas menée par le marché mais par le politique.

Bruno Le Maire, ministre français de l’économie

nous opposons « àNous l’unilatéralisme, nous voulons une remondialisation de l’économie

Liu He, vice-premier ministre chinois

d’économie de Harvard, exéconomiste du FMI il y a vingt ans. L’une des raisons immédiates de cette vision positive est « la baisse des prix du gaz », cela « donne tout de suite un meilleur moral », se réjouit Kyriakos Mitsotakis, le premier ministre grec, devant quelques journalistes. Larry Summers, l’ancien secrétaire américain au Trésor, habitué de Davos, résume les raisons de souffler : « L’Europe n’a pas gelé, la récession n’est pas venue, la Chine a modifié sa politique Covid et l’inflation a décéléré. » Pour autant la vigilance ne doit pas baisser, conseille l’ancien ministre de Bill Clinton.

Le très discret concert de Sting

Croisé en train d’enfiler sa doudoune pour affronter les - 8 °C à l’extérieur, un industriel français qui découvre Davos constate lui aussi cet optimisme. En nuançant : « Évidemment, les grandes entreprises qui viennent ici ont les moyens de résister, il y a beaucoup de finance et de tech. » Cet esprit positif se ressent tout au long de la Promenade. La rue principale de la station alpine est aussi animée que le palais des congrès. Le soir, les berlines noires sont à la queue leu leu (elles sont de plus en plus électriques, insiste le WEF), moins rapides que les piétons qui foulent les trottoirs gelés chaussés de leurs crampons amovibles. Les boutiques de la rue sont toutes privatisées par les grandes marques de la tech et du conseil ainsi que certains pays. L’Arabie saoudite accueille les visiteurs dans son pavillon consacré à la ville nouvelle de Neom, tandis que dans la maison de la Pologne retentissent les basses d’une soirée animée. Certaines soirées, bien à l’écart de la rue principale, sont au contraire discrètes et réservées à des privilégiés parmi les privilégiés. C’est ainsi que des cadres de Microsoft ont eu droit à un concert privé du chanteur Sting, a révélé le Wall Street Journal. Une source l’a confirmé au Figaro. L’ancienne vedette du groupe Police s’est produite la veille de l’annonce de licenciements massifs de la firme informatique. Dans la maison de l’Ukraine, pavoisée de jaune et de bleu, sous haute surveillance policière, même si l’heure n’est pas à la fête, on regarde résolument vers l’avenir en écoutant, entre autres, les frères Klitschko, les

boxeurs géants dont l’un, Vitaly, est le maire de Kiev. Finalement, qu’ils chaussent leurs lunettes roses ou noires, les puissants de la planète considèrent toujours la station alpine comme un irremplaçable lieu de rencontres informelles qu’aucune visioconférence ne remplacera. Pas même en mode métavers, tel que Meta en fait la démonstration dans son pavillon. Pour ce jeune diplomate de République dominicaine, Davos est une première. « C’est tellement plus efficace que les réunions diplomatiques formelles », s’enthousiasme-t-il. Du haut de sa silhouette d’ancien basketteur, Edi Rama, le premier ministre albanais, qui en est à son deuxième WEF, bougonne un peu : « On court trop ici. » Ce qui ne l’empêche pas de rencontrer des investisseurs et d’alerter les participants sur le risque cyber dont son pays a fait les frais récemment. Le chancelier Olaf Scholz est venu, flanqué de ses deux ministres de l’Économie, Robert Habeck et Christian Lindner. Les Français, en plein mouvement social anti-réforme des retraites, ont fait profil bas. Olivier Becht (Commerce extérieur), Jean-Noël Barrot (Numérique) et Laurence Boone (Europe) ont privilégié les rencontres discrètes avant le passage rapide de Bruno Le Maire, vendredi, pour la dernière plénière. Quand ce sont les premiers ministres qui manquent à l’appel, comme le Britannique Rishi Sunak, lui aussi aux prises avec des conflits sociaux, ce sont les « ex » et les « futurs » qui viennent en Suisse soigner leur réseau. Boris Johnson, apprécié à Kiev, est ainsi venu soutenir ses amis ukrainiens, tandis que le chef du Parti travailliste Keir Starmer, potentiel futur chef de gouvernement, noue de précieuses relations internationales.

Greta Thunberg, presque une habituée

Rencontrée dans un des bars de l’hôtel Belvédère, sponsorisé par KPMG, Sabrina Soussan, qui a pris les rênes de Suez cet été, considère Davos comme « une caisse de résonance pour nos sujets ». C’est aussi « l’occasion de voir en temps limité nos clients privés et publics » et, enfin, de « puiser de nouvelles idées ». Cybersécurité, intelligence artificielle, évolution du travail, biotechnologies, le choix des 400 tables rondes de la semaine

le figaro

économie

Les déplacements reprennent, mais la stratégie de Pékin reste illisible. Emmanuel Egloff £@eegloff et Véronique Guillermard £@vguillermard

voyager en Chine alors que, depuis 2019, c’était quasi impossible. Nous allons pouvoir envoyer des experts et renouer les contacts personnels de haut niveau, qui sont importants en Chine

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Guy Bonassi, vice-président de la région Asie et Amérique latine de Thales

munis d’un badge d’accès au palais des congrès. S’y ajoutent des centaines de personnes qui participent à des événements annexes.

600 30 chefs

d’État

et de gouvernement ont participé.

50 ministres des Finances, au moins, ont participé.

FABRICE COFFRINI/AFP, BB/Avalon/PHOTOSHOT/MAXPPP, Fabrice Node-Langlois/Le Figaro, ARND WIEGMANN/REUTERS,

PDG

des plus grandes entreprises du monde étaient inscrits.

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En Chine, les groupes français confrontés à la fin chaotique du « zéro Covid »

L’Inde était très présente cette année à Davos. En plus de trois pavillons du gouvernement fédéral, trois États, dont le Maharashtra (3) avaient loué leur propre « maison » pour accueillir les investisseurs potentiels. Entre le centre de congrès et les autres lieux de rencontres (hôtels, pavillons de grandes entreprises et de pays), les embouteillages de grosses berlines (6) sont fréquents pendant la semaine du Forum économique mondial.

Nous allons « pouvoir

est pléthorique. Sans parler du sujet du climat et de la décarbonation décliné à l’envi. La militante écologiste Greta Thunberg s’est invitée à Davos. Restée hors du centre des congrès, où elle avait été conviée une précédente année, elle s’est entretenue dans le studio de CNBC avec le directeur de l’Agence internationale de l’énergie Fatih Birol. La jeune Suédoise dénonce les grands patrons du WEF, coupables de « détruire la planète » en investissant dans les énergies fossiles. Les multiples coalitions que forment les entreprises du WEF pour verdir la finance ou les chaînes d’approvisionnement ne trouvent aucune grâce à ses yeux. Si Greta n’a pas eu son rond de serviette en 2023, des jeunes militants ou entrepreneurs du monde entier sont sélectionnés et invités chaque année, tout comme des ONG. Ainsi, David Miliband, l’exchef travailliste de la diplomatie britannique, multiplie les rendez-vous avec les bailleurs pour IRC (International Rescue Committee), l’organisation d’aide aux réfugiés fondée par Albert Einstein, qu’il préside. L’attention aux maux de la planète n’est pas nouvelle chez les organisateurs du Forum. Il y a cinquante ans déjà, le WEF, sous la houlette de son fondateur Klaus Schwab, évoquait l’environnement. Il essaie toujours d’épouser son temps, voire de le devancer. Cette année, pour la première fois, était organisé un dîner LGBTQI+, se réjouit Sanjay, qui travaille dans la publicité. Le WEF a aussi ses rites. Telle la traditionnelle fondue de clôture, sur la terrasse enneigée du mythique Schatzalp, immense hôtel Art nouveau accessible en funiculaire, qui inspira à Thomas Mann sa Montagne magique. Cette année, le ciel bleu n’est pas au rendez-vous, mais rien ne manque à la carte postale suisse : des joueurs de cor des Alpes, ces fameuses trompes en bois de plus de trois mètres de long et deux magnifiques saint-bernards distraient les invités. Le Pr Kenneth Rogoff a beau annoncer « une vraie démondialisation », ces Asiatiques, Africains, Américains et Européens qui trinquent au vin suisse témoignent que Davos demeure ce concentré des « anywhere », les « gens de partout » selon la classification du Britannique David Goodhart, en d’autres termes, les gagnants de la mondialisation. ■

l'événement

Des employés d’une usine de l’industriel français le plus emblématique de Chine, Schneider Electric, travaillent sur une chaîne de production, le 17 février 2022, à Pékin. FLORENCE LO/REUTERS

Industrie Il vaut mieux être préparé aux secousses quand on travaille en Chine. Les industriels français qui y sont présents l’ont bien compris depuis un peu plus de trois ans. En décembre dernier, le gouvernement chinois a brusquement décidé de mettre fin à la politique « zéro Covid » qui guidait sa gestion de la pandémie depuis son apparition, fin 2019. Du jour au lendemain, les myriades de tests, suivis de confinements partiels, mais particulièrement sévères, ont pris fin. De même que les restrictions aux voyages et les quarantaines pour les arrivants dans le pays. Cette nouvelle politique a pris tout le monde par surprise, mais elle présente des côtés positifs indéniables. La Chine est à nouveau un pays ouvert aux déplacements. « Nous allons pouvoir voyager en Chine alors que, depuis 2019, c’était quasi impossible. Nous allons pouvoir envoyer des experts et renouer les contacts personnels de haut niveau, qui sont importants en Chine », explique Guy Bonassi, vice-président de la région Asie et Amérique latine de Thales. Cette possibilité de se déplacer à nouveau est très importante. Le blocage des déplacements depuis l’arrivée du Covid avait bouleversé l’activité des industriels français. « Florent Menegaux, le président du conseil d’administration de Michelin, n’a pas mis les pieds en Chine depuis trois ans », commente un porte-parole du manufacturier, qui y possède trois usines, emploie plus de 5 500 salariés et produit plus de 260 000 tonnes de pneus par an. L’industriel français le plus emblématique de Chine, Schneider Electric, avait dû gérer une situation très compliquée puisque Jean-Pascal Tricoire, son PDG, s’était retrouvé bloqué pendant plusieurs mois à Hongkong, où il habite depuis 2011. Cette situation de blocage a concerné tous les responsables pour la Chine des groupes étrangers. Depuis 2017, le patron de la zone pour Schneider Electric est un Chinois, ce qui rend la situation plus supportable. Michelin a également décidé de nommer, au printemps 2022, un Chinois, formé en France et en Pologne, pour diriger ses activités dans le pays. Mais Bibendum compte tout de même une trentaine d’expatriés, de toutes nationalités. « Nous avons observé une grande lassitude des équipes qui ont été confinées strictement chacun chez

soi pendant plus de deux mois, et c’était encore plus difficile à supporter pour les non-Chinois », concède Serge Lafon, membre du comité exécutif de Michelin, directeur des opérations des régions de l’Asie. La fin des restrictions de déplacement est donc une excellente nouvelle. Le patron – français – de Legrand en Chine, le groupe français réalisant 4 % de son chiffre d’affaires annuel dans le pays, a ainsi pu revenir en décembre en France, après trois ans sur place. Les déplacements ne vont toutefois pas reprendre du jour au lendemain. Thales attend ainsi le printemps pour réactiver un flux de voyages en Chine pour voir comment la situation sanitaire évolue, en particulier l’apparition de nouveaux variants. Le groupe aéronautique réalise 400 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel en Chine (aéronautique, cartes bancaires et SIM, tubes spéciaux pour satellites) et y emploie quelque 2 000 personnes.

Contaminations Cette réouverture brutale de la Chine a cependant eu également des conséquences négatives, avec une envolée des cas de contaminations. « Les cas de Covid se multiplient, ce qui entraîne beaucoup d’absentéisme », avait expliqué Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, début janvier, évoquant des impacts sur la production, sans donner davantage de détails. Saint-Gobain, qui possède 54 usines en Chine et y emploie 8 000 salariés, reconnaît « une augmentation rapide des cas positifs dans nos sites », mais se félicite qu’« aucun cas grave ne soit à déplorer ». Chez Legrand, le taux de cas positif est monté à 90 % dans certaines usines en décembre, avant de retomber rapidement. Les groupes doivent s’adapter en permanence. Michelin vient de « mettre en place une cellule de crise pour faire face à cette situation », selon un porte-parole du groupe. Cette cellule effectue un gros travail sur la santé et la sécurité des employés, et sur la sécurisation des approvisionnements. De son côté, Saint-Gobain explique avoir « immédiatement renforcé les mesures de distanciation sociale dès l’apparition de cette nouvelle vague, mesures largement éprouvées lors des précédentes vagues ». De quoi pouvoir affirmer que « l’impact sur nos usines est à ce jour marginal, et nous n’avons pas eu à arrêter de site du fait du Covid ». Cette situation « crée une nouvelle couche de complexité à court et

moyen terme », confirme Guillaume Faury. Cela, au moment où le géant européen a décidé d’augmenter la capacité d’assemblage d’A320neo de son usine de Tianjin, de 4 à 6 appareils par mois. Même constat pour le motoriste et équipementier Safran (2 000 salariés, 20 sites dont certains en joint-venture), qui observe un taux d’infection élevé, mais, malgré cela, « un retour au travail assez rapide ». Il y a « des risques de désorganisation de la production, mais, pour le moment, l’impact est limité sur nos activités », ajoute Guy Bonassi. Le taux d’absentéisme tourne autour de 20 % actuellement tant dans les usines de Thales que chez ses clients. Du coup, « cela se traduit par des retards de signature de contrats », ajoute le vice-président des régions Asie et Amérique latine.

Des expatriés aux aventuriers

Les bouleversements des dernières années en Chine vont forcément avoir des conséquences dans la stratégie des grands groupes. « Avant, la Chine n’était pas démocratique, mais elle présentait l’énorme avantage d’être très stable et très lisible au niveau économique, analyse Olivier Wajnsztok, directeur associé chez AgileBuyer, consultant spécialiste des achats, très au fait de ce qu’il se passe en Chine. Ce n’est plus du tout le cas. La politique “zéro Covid” avait déjà eu un impact, en bloquant régulièrement l’activité et les flux. Mais la politique actuelle, qui rouvre en grand les frontières et enlève toutes les restrictions, est tout aussi illisible ». Le potentiel du marché reste toutefois énorme. Il ne va pas y avoir une révision totale des stratégies en place. L’équipementier aéronautique Plastic Omnium vient, par exemple, de créer une coentreprise avec le chinois Shenergy Group, dans les systèmes de stockage d’hydrogène haute pression. « Il y aura forcément des décalages d’investissement, en raison de la hausse des risques et de l’impossibilité d’aller sur place, estime un spécialiste de la Chine. Mais il est très difficile d’avoir une idée de l’ampleur exacte de ces décalages. » Les hommes et les femmes qui sont sur place n’auront, également, plus forcément le même profil qu’auparavant. « Il y a quelques années, passer quelques années en Chine était un passage obligé pour les cadres prometteurs du groupe, pointe le représentant d’un industriel présent en Chine. Aujourd’hui, cela redevient une affectation pour les salariés un peu aventuriers. » ■

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Londres veut détricoter 4 000 lois européennes Pour parachever le Brexit, Rishi Sunak entend jeter aux orties des réglementations clés issues de l’UE. Julie Zaugg £@julie_zaugg Londres

Royaume-Uni Un homme pose des cartons sur son bureau, surmontés de piles de documents portant la mention « lois européennes ». Puis il va chercher un broyeur, se fait craquer les doigts et se met au travail, livrant les kilos de paperasse à la machine, pendant que l’Ode à la joie de Beethoven passe en arrière-plan. Cette vidéo, publiée par le premier ministre Rishi Sunak l’été dernier alors qu’il était en pleine campagne pour la tête du Parti conservateur, s’apprête à devenir réalité. Une nouvelle loi adoptée mercredi dernier par le Parlement britannique - intitulée « Retained EU Law Bill » - prévoit de supprimer quelque 4 000 textes de législation hérités de l’Union européenne (UE) d’ici fin 2023, s’ils ne sont pas auparavant avalisés ou révisés par le gouvernement. Héritée de l’ère Boris Johnson, la loi a par la suite été portée par Liz Truss et son secrétaire d’État aux Entreprises, à l’Énergie et à la Stratégie industrielle, Jacob ReesMogg, avant d’atterrir dans le ­giron de Rishi Sunak. Elle a pour but de parachever le Brexit, voté par la population en 2016. « La tâche est colossale, relève Jill Rutter, une chercheuse auprès du think-tank UK in a Changing Europe. Rien qu’au ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales, il y a 560 lois à examiner,

soit 1,5 par jour en moyenne y compris le week-end. C’est tout simplement impossible. » Le gouvernement ne connaît même pas l’ampleur de la tâche, selon elle. « À l’origine, il avait identifié 2 400 textes de législation, puis les archives nationales en ont trouvé 1 400 de plus, dit-elle. Il pourrait y en avoir davantage encore. »

Règles sanitaires, sur l’aviation ou l’énergie

Le risque, c’est que des lois cruciales soient perdues dans l’exercice. « Les réglementations européennes reprises par le droit britannique couvrent des domaines essentiels, comme les contrôles sanitaires des aliments, la sécurité de l’aviation ou l’approvisionnement en gaz du pays, note Catherine Barnard, professeur de droit européen à l’Université de Cambridge. Si des erreurs sont commises au moment de leur révision ou si elles sont écartées par erreur, cela aura des conséquences dramatiques pour la population. » De nombreux droits sont également menacés. « Les règles encadrant les conditions de travail, notamment les durées maximales et les congés maternité, sont largement issues du droit européen », souligne Jill Rutter. Tout comme les lois sur l’environnement et la qualité de l’eau, la protection des données, les droits des consommateurs, la cybersécurité ou encore la propriété intellectuelle. La loi adoptée mercredi dernier pourrait en outre avoir un impact sur la situation en Irlande du Nord. « Cette région restera sou-

Une nouvelle loi adoptée mercredi dernier par le Parlement britannique (ici, le premier ministre Rishi Sunak, au centre) prévoit de supprimer quelque 4 000 textes de législation hérités de l’Union européenne d’ici fin 2023. JESSICA TAYLOR/ via REUTERS

mise au droit européen, comme le prévoit le protocole nord-irlandais, alors que le reste du Royaume-Uni s’en distanciera de plus en plus, indique Catherine Barnard. Cela va approfondir les divergences entre les deux territoires et renforcer la frontière en mer d’Irlande. » Une situation inacceptable pour les unionistes nord-irlandais, qui bloquent déjà la constitution d’un gouvernement régional et menacent de relancer les violences communautaires, car ils craignent que le Brexit ne ren­force la position des républicains

en rapprochant le petit territoire de la République d’Irlande. En faisant un feu de joie avec le droit hérité de l’UE, le 10 Downing Street risque par ailleurs de relancer les tensions avec l’Écosse, plus europhile que l’Angleterre et déjà traversée par des velléités indépendantistes.

« Abus de pouvoir » La fronde contre ce projet porté par l’aile pro-Brexit des conservateurs a atteint les couloirs de Westminster. En amont de son adoption, les travaillistes ont dé-

La pépite britannique des batteries Britishvolt à plat L’ancien premier ministre Boris Johnson avait salué l’avènement d’un futur champion britannique des batteries, symbole d’un renouveau industriel post-Brexit. Fondée en 2019, Britishvolt a été déclarée en faillite la semaine dernière, à court de financements. La « licorne », valorisée plus de 1 milliard de dollars, avait de grandes ambitions : elle avait

acquis un terrain de 93 hectares dans le nord de l’Angleterre pour y bâtir, pour plus de 4 milliards d’euros, une gigafactory capable de produire 30 gigawatts heure de batteries par an, de quoi faire rouler des centaines de milliers de voitures. Une gestion chaotique et dispendieuse a rapidement épuisé ses fonds. Les fondateurs avaient loué un hôtel particulier équipé

d’une piscine et d’un Jacuzzi pour leurs employés. Ils se déplaçaient en jet privé. Depuis l’été dernier, ils ne parvenaient plus à lever de nouveaux fonds nécessaires au développement. Aucun constructeur automobile britannique n’avait signé de contrat avec Britishvolt. « On nous a vendu un rêve et on nous a menti », regrette l’un des 200 salariés licenciés, dans le Financial Times. F. C.

posé un amendement pour tenter de retarder son application à 2026 et d’en exempter les règles sur l’environnement et sur les droits des travailleurs. Un autre amendement, soutenu par une poignée de conservateurs, exigeait que le gouvernement dresse la liste de tous les textes législatifs devant être examinés, puis la soumette aux parlementaires pour approbation. Tous deux ont été rejetés. Plusieurs organisations patronales ont aussi émis leur scepti­ cisme sur la nécessité de ce projet du gouvernement, s’inquiétant du risque de créer des vides ju­ridiques. « Nous assistons à un abus de pouvoir sans précédent de la part de l’exécutif, alors que le Brexit devait justement renforcer la souveraineté du Parlement au détriment des bureaucrates de Bruxelles, grince Jill Rutter. Les ministres auront un droit de vie et de mort sur chaque loi qui est de leur ressort et pourront les réviser sans devoir consulter qui que ce soit. » La loi doit encore passer devant la Chambre des lords. Celle-ci pourrait tenter d’en retarder l’adoption en insérant des amendements, dans l’espoir de faire sauter la date butoir de fin 2023. ■

Accord fiscal franco-suisse sur le télétravail des frontaliers Jusqu’à 40 % de travail à domicile depuis l’autre pays seront possibles. Reste le casse-tête des cotisations sociales. avant la fin de l’année 2024, une solution pérenne », ont récemment indiqué les deux pays dans un communiqué. Plus largement, ce chantier n’est pas facile à mener pour les États qui, ayant bien conscience que les attentes en la matière sont fortes tant du côté des salariés que des entreprises, restent davan­ tage réticents, craignant de perdre des recettes fiscales. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’accord conclu entre la France et la Suisse prévoit des compensations financières.

Manon Malhère £@ManonMalhere

Si une « personne

embauchée en Suisse télétravaille justement plus de 40 % de son temps en France, elle sera alors soumise à l’impôt sur le revenu à la fois en France et en Suisse

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Gwendal Chatain, avocat au cabinet Taylor Wessing

fiscalité Les nombreux Français qui traversent la frontière franco-suisse, chaque jour, pour aller travailler à Genève, Bâle ou Lausanne, sont certainement soulagés. Depuis le 1er janvier, ces quelque 200 000 salariés peuvent désormais télétravailler jusqu’à 40 % de leur temps d’activité depuis leur domicile français, sans impact sur le régime d’imposition de leurs revenus. Concrètement, les transfrontaliers qui travaillent notamment à Genève restent ainsi soumis à l’impôt suisse. Quant à ceux qui relèvent du régime spécifique de « frontalier », tels les salariés français travaillant à Bâle, ils continuent, eux, à être imposés en France comme prévu depuis des années. Fin 2022, Paris et Berne se sont en effet accordés sur un régime fiscal en matière de télétravail qui pérennise les pratiques développées en matière de travail à domicile et de dérogations fiscales prises en conséquence durant la crise du Covid. Cet accord devrait rassurer les intéressés qui, en l’absence de ces nouvelles règles, risquaient d’être confrontés à un véritable cassetête fiscal dans la mesure où, en principe, un salarié est imposé dans l’État où il exerce son acti­-

Depuis le 1er janvier, les 200 000 frontaliers peuvent télétravailler jusqu’à 40 % de leur temps d’activité depuis leur domicile français, sans impact sur le régime d’imposition de leurs revenus. xtock/stock adobe vité. Certes, des difficultés peuvent toujours se poser. « Si une personne embauchée en Suisse télétravaille justement plus de 40 % de son temps en France, elle sera alors soumise à l’impôt sur le revenu à la fois en France pour la part de son activité réalisée depuis la France et en Suisse pour la part réalisée en Suisse, avertit Gwendal Chatain, avocat au cabinet Taylor Wessing. Il n’empêche, « cet accord entre la Suisse et la France est le premier accord pérenne en matière de télétravail et il est ambitieux. 40 % du temps de travail, c’est deux jours

par semaine et c’est une réelle avancée pour les salariés concernés », estime l’avocat Pierre Burg, du cabinet CMS Francis Lefebvre. Une « avancée » qui place le curseur très haut pour les autres pays. Le récent accord francoluxembourgois, lui aussi appli­ cable depuis le début de l’année, n’est d’ailleurs guère comparable, prévoyant qu’un salarié luxembourgeois qui réside en France peut seulement télétravailler 34 jours par an sans aucune in­cidence fiscale, contre 29 jours auparavant. Une mesure toutefois temporaire, « le temps de définir,

Choix de la Sécurité sociale

En dépit de ces évolutions sur le terrain fiscal, l’affaire est loin d’être réglée pour les télétravailleurs transfrontaliers qui font également face à l’épineuse question du pays d’imposition des cotisations sociales. Aujourd’hui, selon la législation européenne, si un résident français exerce son métier dans un pays frontalier, comme la Suisse, mais télétravaille plus de 25 % de son temps chez lui, il est obligatoirement rattaché au régime de Sécurité sociale français et non plus à celui suisse. Il doit donc payer les cotisations en France. Cette règle a été suspendue durant la pandémie et prolongée jusqu’au 30 juin 2023. Mais les personnes concernées ne

savent toujours pas à quelle sauce elles seront mangées à partir de juillet prochain. Et cette situation risque sérieusement de mettre à mal l’accord franco-suisse. « Si rien n’est fait d’ici à juillet, les frontaliers travaillant en Suisse qui peuvent désormais télétravailler 40 % sans aucun impact sur l’imposition de leurs revenus devront, en pratique, ne pas dépasser cette barre fatidique des 25 % de travail à domicile pour que les cotisations sociales soient toujours versées en Suisse, explique Olivier Dussarat, avocat associé et président du cabinet Vialto Société d’Avocats. À moins que leur entreprise suisse soit prête à se confronter à l’administration fiscale française, à s’affilier à l’Urssaf et à verser des cotisations sociales en France bien plus élevées qu’en Suisse. » Selon plusieurs experts, des discussions sont en cours entre les États membres de l’Union européenne pour réhausser ce fameux seuil de 25 % de télétravail. Le sujet reste très délicat, car des pays peuvent y perdre financièrement, en particulier la France. « Le Luxembourg ou la Suisse accueillent beaucoup de travailleurs français. Il faudrait que la France accepte de se priver de potentielles nouvelles recettes au titre des cotisations sociales », analyse Olivier Dussarat. ■

le figaro

Entreprises

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Le crédit immobilier sera plus accessible La publication du taux d’usure va être mensualisée, pour éviter les blocages et les refus de prêts.

La remontée « rapide

des taux, que nous connaissons depuis quelques mois, a pu conduire ces dernières semaines les taux d’usure à devenir trop contraignants et à restreindre l’accès au crédit de certaines catégories d’emprunteurs

»

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, vendredi

Immobilier Les Français habitués aux mauvaises surprises en matière de crédit immobilier ces derniers mois vont pouvoir souffler. Ils devraient bientôt accéder plus facilement à l’emprunt. Bercy a approuvé vendredi une proposition de la Banque de France, visant à « mieux lisser le relèvement du taux de l’usure », le taux tout compris - crédit, assurance, frais…au-delà duquel une banque n’a pas le droit de prêter. À compter du 1er février, l’actualisation de ce seuil, fixé en fonction des taux effectifs pratiqués par les banques augmenté d’un tiers, aura lieu « de façon exceptionnelle » tous les mois et non plus tous les trois mois, et ce jusqu’au 1er juillet inclus. La mesure peut sembler technique. Elle est en réalité très concrète. En temps normal, ce plafond - 3,57 % en janvier - limite les hausses que les banques peuvent appliquer. Mais depuis quelques mois, il bloque l’accès au crédit d’un nombre croissant de clients, en particulier les moins bons profils, qui payent leur crédit plus cher, et les emprunteurs plus âgés avec un coût d’assurance élevé. « La remontée rapide des taux, que nous connaissons depuis quelques mois, a pu conduire ces dernières semaines les taux d’usure à devenir trop contraignants et à restreindre l’accès au crédit de certaines catégories d’emprunteurs », confirmait Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, vendredi. Depuis un an, le coût d’un emprunt immobilier a augmenté tous les mois pour passer de près de 1 % à 2,34 % en moyenne, toutes durées confondues. Que changera une actualisation mensuelle du taux d’usure ? Elle aboutira sans doute à moins d’àcoups dans la production de crédit. Les banques, qui se financent en temps réel sur les marchés, et qui ont vu leurs coûts de financement bondir, avaient pris l’habitude de geler les dossiers les plus limites pour les faire passer en début de trimestre, pour profiter du

Malgré la hausse des taux d’intérêt...

... le nombre de crédits pourrait repartir à la hausse...

... avec la nouvelle réglementation sur le taux d’usure

TAUX MOYEN SUR 20 ANS, EN %

PRODUCTION DE NOUVEAUX CRÉDITS IMMOBILIERS*, EN MILLIARDS D’EUROS

TAUX D’USURE SUR 20 ANS ET PLUS, EN %

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Sources : Banque de France, Vousfinancer.com

relèvement du taux de l’usure. Ce qui occasionnait de fortes augmentations pour les acheteurs. « Au lieu de faire cette hausse une fois en fin de trimestre avec une grosse marche… On ferait trois plus petites marches mois par mois en regardant les trois mois précédents à chaque fois », synthétisait en début de mois le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, en commission au Sénat. En clair, ce seuil réglementaire n’augmenterait plus de 0,50 % tous les trois mois comme c’est le cas aujourd’hui, mais de 0,15 % à 0,20 % par mois. « Il me semble que tout le monde est gagnant », fait valoir Olivier Lendrevie, à la tête du courtier Cafpi. Les banques auront un peu plus de marge de manœuvre pour fixer leurs taux de crédits et mieux coller aux variations du marché, et les clients un peu plus de lisibilité

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sur l’offre qui est la leur. Emprunteront-ils plus cher qu’avant ? « On a désormais trois petites marches, indique Olivier Lendrevie, reprenant l’image du gouverneur de la Banque de France, mais on ne change pas la pente de l’escalier. » Celle-ci est malheureusement pour eux toujours à la hausse.

Le retour des banques Ces changements devraient avant tout amener de la fluidité dans l’octroi de crédit. Mais ils ne résolvent pas la question de la hausse rapide des taux d’intérêt qui continue d’entraver les projets des acheteurs. « Ils continuent d’augmenter, les ménages qui prennent l’inflation de plein fouet sont désolvabilisés », rappelle Olivier Lendrevie. Ces ajustements étaient toutefois demandés par les courtiers en crédit et les banques. Ces dernières prêtent moins à leurs propres

clients et ont pour la plupart limité le recours à ces intermédiaires. La mensualisation du taux d’usure pourrait changer la donne. « Les banques qui étaient en retrait manifestent leur volonté de revenir. Certaines d’entre elles ne distribuaient plus de crédits via des tiers depuis six mois », indique Maël Bernier, porte-parole du courtier MeilleurTaux. L’euphorie post-Covid, qui a abouti à une année 2021 record pour l’immobilier - avec 1,17 million de ventes - semble en effet bien loin. Selon Crédit logement, la production de crédit - hors rachat de prêts - a baissé de 20,5 % en 2022 sur un an, et ce recul est particulièrement marqué en fin d’année. Un chiffre contesté par la Banque de France, qui évoque plutôt une normalisation, avec une baisse de production de nouveaux crédits 3 %, tout en confirmant une accélération de ce recul en fin d’année.

Les entreprises tentées de s’assurer elles-mêmes Alors que les tarifs flambent, Lactalis, SEB ou Bonduelle couvrent leurs propres risques. Danièle Guinot £@danieleguinot

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Assurance Alors que l’accès à l’assurance devient plus difficile pour les entreprises, les plus grandes préfèrent s’autoassurer. Lactalis est la dixième à avoir sauté le pas en créant en décembre une captive, une compagnie de réassurance interne au groupe, de droit français. Les captives, dont le régime vient d’être assoupli, permettent aux entreprises de constituer des provisions pour prendre en charge une partie de leurs risques : les plus fréquents (petits sinistres) ou moins bien couverts par les assureurs. Ainsi, en cas d’attaque cyber, un groupe n’est pas forcément assuré pour les premiers millions d’euros de pertes. C’est la captive qui les couvre. Cette autoassurance doit en outre aider les entreprises à obtenir des offres plus avantageuses des assureurs dans un marché tendu, avec des primes qui s’envolent. Un élément qui, plus que jamais, les pousse à aller voir ailleurs. « Les tarifs d’assurance ont fortement augmenté, avec des hausses en décalage avec les risques réels liés à l’entreprise. Cela nous a poussés à chercher de nouvelles solutions d’assurance », confirme Christophe Piednoël, porte-parole du groupe Lactalis. Dans un premier temps, la captive du géant de l’agroalimentaire ne couvrira que les risques industriels (incendie…) liés aux ­ 273 usines du groupe présentes dans le monde. Un montant de sinistres à

couvrir a été défini. Au-delà de ce plafond, les assurances classiques prendront le relais. « Nous ferons un bilan dans deux ans. Il est possible que notre captive couvre ensuite d’autres risques. Nous évaluerons également à ce moment-là nos plafonds de couverture », avance Christophe Piednoël. Deux autres groupes familiaux, SEB et Bonduelle, ont récemment créé leur propre captive de réassurance en France pour les mêmes raisons. « Le secteur de l’agroalimentaire subit la frilosité des assureurs avec des primes qui s’envolent. L’intérêt d’une captive a pris tout son sens », indiquait il y a un an, dans la revue Atout Risk Manager, Benjamin Cogez, directeur financier du groupe Bonduelle. Problèmes similaires chez SEB. « Nos risques principaux étaient bien couverts (…), ce qui ne résolvait pas notre problème de majoration de primes et surtout de franchises difficilement tenables pour certaines de nos petites filiales », expliquait Claire PechouxLokoto, responsable des assurances du groupe SEB. « Dans un marché de l’assurance abondant, les entreprises n’avaient pas besoin de s’autoassurer. Mais, ce n’est plus le cas. Depuis la crise sanitaire et la multiplication des aléas climatiques, les assureurs ont augmenté leurs tarifs, les montants des franchises et mis en place des exclusions », résume Romain Dupeyré, avocat associé au cabinet DWF. De fait, cette année, les tarifs vont encore grimper de 5 % à 10 % en

Janvier 2023 Infographie

* Hors renégociation

moyenne, voire de 30 % à 50 % pour certains risques très sensibles. « Certains postes sont difficilement assurables, comme le risque cyber, la responsabilité civile du dirigeant, en particulier dans certains secteurs comme la pharmacie ou encore les pertes d’exploitation sans dommages, note Yannick Zigmann, administrateur délégué de Risk & Reinsurance Solutions, filiale de DiotSiaci. Dans certaines entreprises, le risque le plus important n’est plus assurable, comme les incendies chez les industriels du recyclage. Ou ils sont devenus très chers à couvrir. »

en bref twitter propose un abonnement sans pub £ Le propriétaire de Twitter, Elon Musk, a annoncé samedi que son réseau social proposerait prochainement un « abonnement plus cher qui permettra de ne plus avoir de publicité ». Il s’agit d’un changement de modèle économique de la part de Twitter, qui s’est jusqu’ici appuyé sur la publicité ciblée pour générer des revenus.

RT FRANCE ferme

Cadre fiscal attractif Conscient de ces difficultés, les pouvoirs publics ont décidé de faciliter la constitution de captives en France. Jusqu’à présent, de nombreux groupes (une soixantaine, dont la SNCF ou EDF) préféraient créer la leur à l’étranger, notamment au Luxembourg, en Irlande ou en Belgique, où le système est plus avantageux. La loi de finances pour 2023 a donc réformé le régime pour le rendre plus attractif d’un point fiscal et réglementaire. « La loi autorise les entreprises à constituer d’importantes provisions en franchise d’impôt. Ce qui rend le marché français plus attractif », explique Romain Dupeyré. Les sommes qui n’auront pas été utilisées après quinze ans seront ensuite réintégrées dans la société et soumises à l’impôt. « La nouvelle réglementation permettrait aux entreprises de constituer progressivement des provisions

Mais ce ralentissement est aussi la conséquence de prix désormais jugés trop élevés. Le mouvement de baisse des prix semble enclenché, mais il est lent à produire ses effets. Sur un an, les valeurs commencent à baisser légèrement dans les grandes villes (Paris, Lyon, Bordeaux), et c’est le cas ailleurs depuis l’été. Au global, sur un an, les prix demeurent néanmoins en hausse (+ 6,7 % selon la Fnaim). Des clients refroidis par les difficultés d’accès au crédit ont pour certains mis de côté leur projet. « On a vu la demande baisser, confirme Maël Bernier. Les Français en ont peut-être assez d’entendre qu’ils ne peuvent pas emprunter, mais ils ont toujours envie d’acheter. » L’assouplissement de la mécanique du taux d’usure, mise en place pour fluidifier le marché, sera peut-être de nature à leur redonner confiance. ■

pour des risques futurs, souligne Oliver Wild, le président de l’Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (Amrae). Cela va faciliter la création de captives en France. » Selon lui, une cinquantaine d’entreprises réfléchissent à créer une captive et une dizaine devrait se lancer dès cette année. « Il ne s’agit pas seulement de grands groupes. La loi permettra à des entreprises de plus petites tailles de s’autoassurer, ajoute Oliver Wild, par ailleurs directeur des risques chez Veolia, qui a créé une captive dès 2000. Car celles qui sont mal assurées sont plus vulnérables. » Les captives ne sont pas à la portée de toutes les bourses. « Il faut compter environ 50 000 euros pour la créer et ensuite 120 000 euros de frais de gestion par an en moyenne », précise Yannick Zigmann. ■

« Les tarifs d’assurance ont fortement augmenté, avec des hausses en décalage avec les risques réels liés à l’entreprise. Cela nous a poussés à chercher de nouvelles solutions d’assurance », explique Christophe Piednoël, porte-parole du groupe Lactalis. JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP

£ La branche de la chaîne de TV russe RT, contrôlée par le Kremlin, a annoncé samedi sa fermeture après le gel des avoirs appliqué dans le cadre des sanctions européennes à l’encontre de la Russie qui a envahi l’Ukraine. En réaction, Moscou a aussitôt menacé de prendre des mesures de rétorsion contre les médias français situés en Russie.

Astek s’intéresse à atos £ Le spécialiste français du numérique Astek est candidat à la reprise d’Evidian, l’entité d’activités stratégiques mise en vente par Atos, selon le JDD.

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» Toujust, une nouvelle enseigne qui promet des prix 5 % moins chers qu’ailleurs » SNCF : les remboursements de 200 % suite à la grève de Noël se font attendre www.lefigaro.fr/economie

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Jorge Carasso £@JorgeCarasso

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décideurs

AVEC

PROPOS RECUEILLIS PAR

Frédéric de Monicault [email protected]

Marc Ouayoun « Il n’y a pas de sujet tabou »

Management Audi France, filiale du constructeur automobile allemand (lui-même filiale de Volkswagen), coiffe un réseau de 150 concessions. À sa tête, Marc Ouayoun peut revendiquer un solide parcours dans le secteur. Son expérience internationale lui permet de jauger un « choc des cultures » qui se retrouve for­ cément dans les méthodes de management. LE FIGARO.- Vous avez pris vos fonctions il y a six mois. Est-ce suffisant pour imprimer votre marque ? Marc OUAYOUN.- L’heure est aux mutations, et pas seulement dans l’automobile. Cette réalité oblige à aller vite. L’horizon des cent jours est peut-être un peu galvaudé, mais il fixe des repères. Pendant les trois premiers mois, j’ai fait coïncider la phase d’« onboarding » avec l’élaboration d’une feuille de route. D’abord, il s’agit de rencontrer les interlocuteurs, d’identifier les priorités, de se familiariser avec les process et les produits, de rencontrer le réseau de distribution… Ensuite, on trace un cap, six grands projets en l’occurrence, autour notamment ­ de l’attractivité, de l’expérience clients et de l’innovation.

Le directeur général d’Audi France insiste sur la nécessité de travailler dans un climat de confiance.

Vouloir ne pas perdre de temps, c’est risquer de manquer de recul… L’important, quand on arrive, n’est pas seulement de comprendre vite. Il faut aussi avoir un œil neuf. Or, cet œil neuf, vous ne le gardez pas très longtemps, pendant trois à six mois, guère plus. Au-delà, vous commencez à vous habituer à l’environnement. L’impulsion doit donc être donnée sans tarder : avec l’ensemble des managers, les six thèmes précités ont donné lieu à une centaine d’idées très concrètes. Nous verrons au fur et à mesure celles qui se détachent.

Après le Canada, le retour en Europe a-t-il été compliqué ? Le choc des cultures n’est pas un vain mot. Au Canada, j’ai été impressionné par le climat d’optimisme qui entoure la vie des affaires : les gens sont travailleurs, très opérationnels, veulent réussir et n’ont aucun complexe avec ça. En France, en comparaison, l’heure est plus à la sinistrose. Pourtant, notre pays dispose d’infrastructures, de talents, d’une capacité d’innovation et d’une qualité d’expertise que beaucoup nous envient. Au passage, j’ai dû me réhabituer aux environnements concentrés : lorsqu’on quitte la région de Toronto, où j’étais basé, la concession Porsche la plus proche en partant vers l’ouest est à vingt heures de voiture…

Cent jours, cent idées, vous êtes dans le symbolique… Je suis surtout dans le collectif. Depuis mon arrivée, je me suis rendu dans une quinzaine de concessions et j’ai rencontré la quasi-totalité des investisseurs de notre réseau. Deux jours par semaine, je suis en dehors du siège. L’efficacité est le maître-mot de l’agenda. Avant chaque réunion – de préférence en petit groupe et pas plus de 45 minutes -, je me demande si ma présence est utile ou pas, et je priorise les sujets en fonction de leur urgence et de leur importance.

Vous êtes dans le groupe Volkswagen depuis presque vingt ans. Vous sentez-vous un produit maison ? Je n’ai jamais raisonné en ces termes. Mon père est franco-allemand, et, tout jeune, j’étais déjà passionné par les voitures. Cela m’a peut-être poussé chez Volkswagen ! Quoi qu’être fasciné par le produit ne suffit pas pour prendre des responsabilités dans l’automobile. Le secteur est au carrefour d’un nombre incroyable de problématiques : la mobilité, l’environnement, la sécurité, les services…

« Aujourd’hui, le client veut tout, et tout de suite. Face à cette exigence, les équipes ont une mission à remplir, et il appartient aux managers de dégager les ressources suffisantes », explique Marc Ouayoun. SEBASTIEN SORIANO/ Le Figaro

Tous ces domaines sont en interconnexion, obligeant sans arrêt les entreprises à se réinventer. Vous êtes aussi passé par Mercedes. Existe-t-il une culture du management spécifique outre-Rhin ? Sans conteste. Les Allemands sont très pragmatiques : au cours d’une réunion, les discussions peuvent être vives mais la volonté de se mettre d’accord permet de dépassionner les débats. Sans compter que le soir, on peut boire un verre avec celui ou celle qui défendait une autre option le matin même. Cette façon de faire facilite la vision, qui s’accompagne d’un sens de l’exécution très précis. En contrepartie, il y a des défauts inhérents : parfois

CONFIDENCES Quelles qualités appréciez-vous chez un collaborateur ? La créativité, l’esprit d’équipe, l’engagement, l’enthousiasme. Votre recette pour décompresser ? Prendre l’air, me promener en forêt. Le personnage historique que vous admirez ? Winston Churchill.

un manque d’agilité, le changement difficile à orchestrer, un management trop vertical, le poids des traditions… Mais les choses évoluent - nous les faisons évoluer -, et c’est toujours stimulant de pouvoir mener le changement. Chez Audi France, quelle est votre marge de manœuvre par rapport à la maison mère ? Le groupe donne un cadre, et il est clair. Et, dans ce cadre, j’ai beaucoup d’autonomie pour mener à bien les chantiers. À condition, bien sûr, d’avoir la confiance de l’actionnaire, du réseau et des collaborateurs. C’est indispensable pour être écouté : je pars du principe qu’il n’y a pas de sujet tabou et qu’on ne va pas glisser une difficulté sous le tapis. Vous revendiquez une « obsession de la culture clients ». Comment s’accommode-t-elle à la culture actuelle du management ? Les Anglo-Saxons ont un mot plus approprié pour résumer ma pensée : focus. Être focus, c’est être concentré. Le temps de la clientèle captive est fini, quand il fallait vraiment une catastrophe pour rompre le lien. Aujourd’hui, le client veut tout, et tout de suite : face à cette exigence, les équipes ont une mission à remplir, et il appartient aux managers de dégager les ressources suffisantes.

UNE HEURE DANS LE BUREAU DE...

Avez-vous l’impression d’avoir démarré votre carrière dans un « vieux » monde de l’automobile et d’avoir dû changer d’univers ? Cette transformation s’exerce à tous les niveaux : je parlais de la clientèle versatile, mais que dire des impératifs de décarbonation, des innovations technologiques – avec la montée en puissance de l’électrique – ou encore des exigences de la nouvelle génération. Avant, les modes de travail étaient assez figés ; un jeune aujourd’hui réclamera plus de souplesse, quitte à vouloir faire du sport dans l’après-midi pour s’y remettre un peu plus tard, voire le samedi matin. Autant dire que le management à la schlague devient contre-indiqué. C’est de plus en plus difficile d’attirer des jeunes… Certains s’imaginent parfaitement vivre sans voiture ! En revanche, ils veulent tous s’épanouir professionnellement. Les leviers du business ne suffisent plus. Le discours des managers est devenu infiniment plus psychologique. ■

Retrouvez du lundi au vendredi, LE « TALK DÉCIDEURS ». Aujourd’hui : Géraldine Valenti, directrice d’Amazon Business

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PAR Quentin Périnel

Pauline Laigneau « Un écrin façon maison de famille »

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Chaque lundi un dirigeant ouvre sa porte au « Figaro ». La porte cochère d’un immeuble ancien peut cacher bien des choses, comme un hôtel particulier planté au fond d’un jardin. C’est dans un tel endroit que sont réunies les équipes de Gemmyo depuis près de deux ans, à Paris, derrière le Val-de-Grâce, dans le 5e arrondissement. Le hall d’entrée classique au sol orné de petits cabochons mène à deux canapés en velours, façon boudoir. Un cadre chaleureux, intimiste, dans une atmosphère à des années-lumière des hauts lieux de la joaillerie… et des anciens bureaux de Gemmyo, qui étaient situés rue de l’Échiquier dans le 10e arrondissement. À mille lieux aussi de cette autre partie de la rive gauche qui est celle de la littérature et des philosophes. Mais qui a dit que la joaillerie n’était point affaire de littérature ? « Le 10e est un quartier très à la mode, mais nos lo-

Dans une salle de réunion, deux chiens – qui accompagnent au bureau leurs propriétaires, des collaborateurs de Gemmyo – se dissimulent derrière les chaises design… mais ne cachent pas leur envie de jouer avec les visiteurs.

Bagues de fiançailles et alliances

« estGemmyo une

société autofinancée qui cultive le temps long. C’est peut-être pour cela que, chez nous, il y a peu de turnover

Pauline Laigneau

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Pauline Laigneau, cofondatrice de Gemmyo. Quentin Périnel

caux devenaient trop petits et étaient trop bruyants, explique Pauline Laigneau, cofondatrice – avec son époux – de Gemmyo et du podcast « Le Gratin ». J’avais envie d’un lieu plus intimiste, préservé, un écrin façon maison de famille avec l’envie d’y rester longtemps. » Une maison de famille qui ne demande qu’à s’agrandir… Cela représente bien l’esprit de l’en-

treprise, où l’on croise une cinquantaine de collaborateurs, dont certains sont frères et sœurs, d’autres maris et femmes. La parité est d’ailleurs presque respectée mais elle ne peut pas gommer certains « clichés » tenaces du recrutement. « Dans les métiers tech et de développement, ce sont très souvent des hommes », admet Pauline Laigneau.

« Chez Gemmyo, nous avons trois couples qui se sont rencontrés entre nos murs, précise la fondatrice. Et, chez nous, à l’inverse d’autres structures, cela n’est pas un sujet tabou. » Travailler dans un univers de bagues de fiançailles, d’alliances et autres bijoux que l’on offre à l’être aimé sont-ils des signaux qui provoquent l’amour sur le lieu de travail ? C’est, évidemment, probable. Mais l’amour est globalement un phénomène qui se répand dans le milieu professionnel ! « Gemmyo est une société autofinancée qui cultive le temps long, précise Pauline Laigneau. C’est peut-être pour cela aussi que,

chez nous, il y a peu de turnover et que nos collaborateurs restent dans cette entreprise créée en 2011. » La société est née dans l’appartement de la fondatrice, rue Mazarine, à Saint-Germaindes-Prés, et la première boutique a ouvert rue de Seine, à deux pas. Que ce soit au siège ou en boutique, le collaborateur ou le client sont reçus sensiblement de la même manière, comme dans un appartement. « La réception est un élément essentiel, pour les collaborateurs comme pour les clients », rappelle Pauline Laigneau. Côté « vie perso », elle a désormais élu domicile en Suisse, qui est, pour le coup, une terre de joaillerie. Mais elle continue de passer beaucoup de temps à Paris. En ouvrant la porte pour un au revoir, elle précise dans un sourire : « Attention, le bouton de sortie, à droite, avant la porte, est assez compliqué à trouver. » Il faudra environ trente secondes, en effet, pour se rendre compte qu’il est dissimulé derrière un buisson. ■

le figaro

chroniques

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ANNE DE GUIGNÉ £@adeguigne

Les entreprises souffrent, pourtant l’économie va bien temps perdu, grâce aux heures supplémentaires. Le think-tank européen d’économie Bruegel a mis en lumière cette adaptation des chaînes de production. En un an, l’Union européenne a diminué de 12 % sa consommation de gaz, tout en maintenant une production manufacturière quasiment étale. Si la substitution avait été nulle entre les facteurs de production, la perte de production se serait alignée sur celle de la demande d’énergie. En Allemagne, au printemps, le débat avait fait florès, sur fond de crainte qu’une réduction de 30 % de la consommation d’énergie (ce qui correspond aux importations énergétiques allemandes venant de Russie) creuse le produit intérieur brut (PIB) dans la même ­proportion.



Les données historiques démontrent que face à une augmentation des prix, les entreprises françaises parviennent à augmenter leur efficacité énergétique

Philippe Martin, professeur d’économie à Sciences Po



La place de la vie professionnelle cède le pas devant les loisirs.

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ien de nouveau sous le soleil de France : « Retraites : nous ne voulons pas passer notre vie à la gagner ». Le slogan affiché en grosses lettres blanches sur les murs, à Bordeaux notamment, réactualise l’injonction des mouvements libertaires : « Ne pas perdre sa vie à la gagner ». La malédiction biblique « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » semble très mal vécue chez nous ! Entre les deux priorités du moment – la préservation du pouvoir d’achat et le maintien du « temps libre » menacé par le report de l’âge légal de la retraite à 64 ans - les Français privilégieraient-ils les loisirs ? « Une proportion significative des travailleurs, 44 %, seraient prêts à anticiper leur départ à la retraite, quitte à voir leur pension réduite », constate non sans étonnement l’Institut Montaigne, qui a mené une enquête auprès d’un échantillon représentatif de 5 001 actifs en emploi. Par ailleurs, « l’étude confirme un rejet massif (du projet) qui traverse toutes les catégories socioprofessionnelles, toutes les professions, et il semble plus prononcé chez les jeunes et moins chez les travailleurs âgés », précise Bertrand Martinot, le rapporteur de l’Institut Montaigne. Le malentendu entre l’exécutif et l’opinion publique est profond. Il porte sur la raison même de la réforme. La survie du système de retraite par répartition est en jeu, martèle Élisabeth Borne, la première ministre. Or cet objectif, certes légitime, n’est pas l’essentiel. Après tout, on pourrait envisager d’autres solutions financières - taxation de Paul ou Jacques et chacun mettra le nom qui lui convient - pour rééquilibrer les caisses. Mais cela ne permettrait pas de satisfaire la véritable finalité de cette énième réforme (au moins sept depuis l’abaissement de l’âge légal de 65 à 60 ans décrété en 1982 par François Mitterrand). Pour Emmanuel Macron, il s’agit cette fois de « travailler plus pour produire plus de richesses », et il est dans le vrai. Que cela serve à financer l’Étatprovidence et les services publics ou à l’acquisition pour chaque ménage d’une voiture électrique, peu importe. La preuve tangible que « la France vit au-dessus de ses moyens » selon l’expression rabâchée ad nauseam ne réside pas tant dans la dette publique qui tangente les 3 000 milliards d’euros que dans le déficit commercial vis-à-vis de l’extérieur. Le bilan 2022 qui sera présenté dans une quinzaine de jours affichera un déficit annuel de plus de 160 milliards d’euros, record historique lié à la facture énergétique, mais pas seulement. Telle est l’ambition ultime de la réforme des retraites : le renforcement de la capacité productive de la maison France, le seul gage possible

LIBRES échanges

jean-pierre robin

de la souveraineté collective du pays et de la prospérité individuelle de ses citoyens. Comment ne pas y souscrire ? Reste que les Français ont toujours eu du mal à comprendre les liens entre le temps de travail, la production et le pouvoir d’achat. En 1998, la loi Aubry sur les 35 heures sans réduction des salaires se fondait sur un hypothétique « partage du travail » censé résorber le chômage de masse, dont le taux dépassait alors les 11 %. Avec pour résultat des créations d’emplois en trompe-l’œil et une anémie durable du pouvoir d’achat pour tous.

Manque d’éducation La meilleure présentation jamais faite de la tendance séculaire à la réduction du temps de travail revient à Jean Fourastié, l’économiste des Trente Glorieuses. Dans son ouvrage prophétique Les 40 000 Heures, publié en 1965, il anticipait, à l’horizon de 2030-2050, que sur une vie de 700 000 heures (quatre-vingts ans) on n’aurait à travailler que 40 000 heures au total. Soit 22 heures par semaine pour une vie active de trente-cinq ans. Fourastié mettait toutefois deux conditions. D’une part, la poursuite des gains de productivité liés au progrès technique (le temps passé pour moissonner un are, 100 m2, de blé était d’une heure avec une faucille en 1800 et de 35 secondes en 1945 pour une moissonneuse-batteuse). L’autre condition préalable supposait que la population consacrerait une partie du temps libéré à l’éducation et à la formation permanente pour s’adapter aux nouvelles techniques.

61 % des salariés souhaiteraient « gagner moins d’argent pour avoir

plus de temps libre, contre 39 % qui préféreraient gagner plus d’argent, mais avoir moins de temps libre

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Or nous sommes loin du compte. L’Hexagone a fait le choix, plus ou moins délibéré, d’une désindustrialisation accélérée au profit des services, secteurs dont les gains de productivité sont faibles (une coupe de cheveux prendra toujours le même temps, selon l’exemple emblématique de Fourastié). D’autre part, la France est très mal classée internationalement en matière d’éducation (enquête Pisa pour les collégiens de 15 ans) et de formation professionnelle (Piaac, Programme international pour l’évaluation des compétences des adultes de l’OCDE). En revanche, la population française est celle qui travaille le moins tout au long de la vie : à peine 634,8 heures en moyenne chaque année (soit 1,74 heure par jour) pour l’ensemble des gens, du nourrisson au centenaire inclus, selon l’OCDE. À cet égard, le Coréen (du Sud) est le plus travailleur de tous les pays développés, 1 048,5 heures, 65 % de plus que nous. Quel laps de temps consacrer à son métier ? On ne saurait oublier bien sûr les conditions d’exercice dont Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, aime à rappeler qu’elles sont de plus en plus stressantes (« 50 % des tâches doivent être exécutées dans l’heure, contre 13 % il y a trente ans »). Et aussi cette perte d’appétence : « En 2022, 61 % des salariés souhaiteraient désormais “gagner moins d’argent pour avoir plus de temps libre”, contre seulement 39 % qui préféreraient “gagner plus d’argent mais avoir moins de temps libre” », note Jérôme Fourquet (sondage Ifop). Le Français s’ennuierait-il comme un rat mort au boulot ? Rappelons cette particularité du français, où le mot « travail » vient du latin tripalium (instrument de torture). Tout comme cette autre singularité de notre langue, le terme « retraite » signifie à la fois « repos » et « renoncement au combat » pour une armée. Peu glorieux.

NOUVEAU

Un consortium regroupant les organismes d’économie les plus prestigieux du pays (DIW, IFO, IfW, RWI…) s’était prononcé sur un scénario catastrophe. « Si l’approvisionnement en gaz est arrêté, l’économie allemande est menacée d’une forte récession », avait ainsi prédit Stefan Kooths, vice-président du IfW, appuyé par Olaf Scholz, qui avait promis dans la foulée, une série de faillites. C’était ignorer la puissance des effets de substitution. « Prendre en compte une possibilité de substituer, même très faible, modifie ce scénario, avancent ainsi dans une note du Cepremap, les économistes François Langot et Fabien Tripier. En faisant passer l’élasticité de substitution de 0 à 0,1, la réduction du PIB n’est plus que de - 1,57 % au lieu de - 30 %. » Les importations d’énergie russe se sont ainsi fortement amenuisées, mais il n’est plus question de forte récession, ni en Allemagne, ni nulle part en Europe. Christian Lindner, le ministre allemand des finances, l’a d’ailleurs reconnu dans une récente tribune au Financial Times, intitulée sobrement « Résiliente, l’Allemagne fait face au choc énergétique. » ■

La réduction du temps de travail prime sur le pouvoir d’achat pour les Français

PHILIPPE LOPEZ/AFP

UN AUTRE REGARD

HIATUS. Depuis des mois, les entreprises n’ont de cesse d’alarmer sur l’ampleur des vents contraires qui les accablent. Explosion des factures énergétiques, difficultés à recruter, concurrence accrue avec les États-Unis… À écouter les patrons, un monde menace de s’écrouler. Et il est urgent de les aider. En parallèle, loin de ces descriptions apocalyptiques, les indicateurs conjoncturels poursuivent leur bonhomme de chemin, morose mais solide. Le climat des affaires tient bon. L’investissement se maintient. Les perspectives de croissance ne sont pas florissantes, à 0,3 % pour la France cette année, mais positives. À quelle école se fier alors pour appréhender la réalité : macroéconomie ou microéconomie ? La question préoccupe les économistes car rarement une telle dichotomie s’était fait sentir. La notion de découplage permet en partie de l’éclairer. En moyenne, la facture énergétique représente 5 % des coûts des entreprises industrielles. Cette proportion peut grimper jusqu’à 30 % pour les groupes les plus consommateurs. Ces secteurs énergo-intensifs, comme la chimie, la sidérurgie ou même la boulangerie, souffrent dramatiquement de l’explosion des prix de l’électricité. Ils ne propagent toutefois pas, du moins pour l’instant, leurs difficultés au reste du tissu industriel. Les groupes manufacturiers moins touchés parviennent en effet peu ou prou à amortir le choc en multipliant les ajustements : en important de l’énergie venant d’autres pays que la Russie ou en faisant jouer la substitution entre les matières premières. À postériori, les effets de cascades entre les secteurs les plus fragilisés par la crise de l’énergie et les autres paraissent ainsi faibles. Cette question de substitution ou d’élasticité est au cœur du hiatus actuel entre les analyses conjoncturistes et sectorielles. Contrairement à ce qu’ils anticipaient, les industriels se sont adaptés en grande partie à l’explosion des prix de l’énergie. Philippe Martin, professeur d’économie à Sciences Po, travaille sur cette notion de substituabilité face à un choc énergétique. « Les données historiques démontrent que face à une augmentation des prix, les entreprises françaises parviennent à augmenter leur efficacité énergétique », affirme le chercheur. Les entreprises peuvent notamment jouer sur leurs horaires de travail, en réduisant le volume de production quand l’électricité est la plus chère pour rattraper ensuite le

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médias et publicité

Maxime Saada : « Il ne faut pas confier l’avenir du cinéma français à n’importe qui » Le président du directoire du groupe Canal+ décrypte les enjeux du groupe dans le septième art. films anglo-saxons. Même si nous avons des accords de long terme avec certains studios américains, il y a un risque. Studiocanal en produit déjà une dizaine par an et si nous voulons devenir un acteur mondial, nous devons nous positionner sur ce créneau. Les productions anglo-saxonnes sont celles qui s’exportent le mieux. Pour une série coréenne comme Squid Game sur Netflix qui s’exporte mondialement, combien de films ou de fictions hollywoodiennes ?

PROPOS RECUEILLIS PAR

philippe larroque £@Philarroque et caroline sallé £@carolinesalle

ENTRETIEN Financement du septième art, rachat d’OCS, concurrence des plateformes de stream­ing, avenir de Salto, fréquences de C8 et CNews… Maxime Saada, le président du directoire du groupe Canal+, dévoile les ambitions du groupe. LE FIGARO. - L’accord à 1 milliard d’euros sur cinq ans proposé au cinéma français par votre groupe n’est-il pas un effet d’annonce ? Vos obligations s’élèvent déjà à 200 millions d’euros par an… Maxime SAADA. - Il ne faut pas confondre investissements réels et obligations. Nos obligations s’élèvent à 160 millions d’euros par an. En 2021, nous nous sommes mis d’accord avec les organisations du cinéma pour que le groupe Canal+ porte son effort à 190 millions d’euros, et même 210 millions si l’on tient compte des dépenses pour nos chaînes en clair, jusqu’en 2024. Nous investissons donc plus de 40 millions d’euros au-delà de nos obligations. À noter que cet investissement additionnel correspond au montant total des obligations de Netflix en 2022, seule plateforme américaine ayant signé un accord avec les organisations du cinéma. Avec le rachat d’OCS et d’Orange Studio, cet investissement sera-t-il plus élevé ? Si nous allons au bout de ce projet, nous sommes disposés à reprendre les obligations d’Orange, en plus des investissements du groupe Canal+. Cela nous amènerait à investir près de 230 millions d’euros par an dans le cinéma français et européen. Un investissement que nous sommes disposés à pérenniser, pour une période de cinq ans. Ainsi, la contribution de Canal+ au cinéma français et européen resterait dura-

blement supérieure à celle de tous les autres acteurs réunis. Que fait Canal+ pour valoriser le cinéma français ? On réduit souvent notre contribution au seul financement. Mais il y a aussi un enjeu d’éditorialisation et d’exposition. Nous faisons rayonner le cinéma français. Vous ne trouverez aucun film français dans le top 15 des plateformes de streaming. En 2022, il y en a eu 6 dans le top 15 de myCanal. Nous avons, par ailleurs, lancé une chaîne, Canal+ Grand Écran, avec tous les films incontournables du cinéma récent. Chaque jeudi, les abonnés de Canal+ bénéficient de l’offre CinéDuo, une place offerte pour une place achetée dans les salles. Notre contribution

au cinéma, c’est aussi Studiocanal, qui est le premier distributeur français de films en 2022 et qui possède le plus beau catalogue de films français et européens, dont nous prenons soin : nous avons restauré plus de 750 films patrimoniaux depuis 2016. Qu’attendez-vous en contrepartie ? Canal+ investit massivement pour diffuser les films six mois après leur sortie en salle et pour les exploiter durant neuf mois. Nos concurrents, les plateformes de streaming, pourraient faire de même. Rien ne le leur interdit. Mais elles ont choisi un autre modèle. Nous attendons donc que la chronologie du cinéma continue de tenir compte des investissements de chacun.

« Avec 39 nominations aux Oscars, la France se classe deuxième après les États-Unis. (...) Le monde entier est fasciné par le cinéma français depuis la Nouvelle Vague », explique Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+. Regine Mahaux/Canal+

Nous faisons « rayonner

Chalets de rêve, marché immobilier, paroles d’experts, tendances et opportunités EN FRANCE ET À L’INTERNATIONAL

le cinéma français. Vous ne trouverez aucun film français dans le top 15 des plateformes de streaming. (...) Notre contribution au cinéma, c’est aussi Studiocanal, qui est le premier distributeur français de films en 2022 et qui possède le plus beau catalogue de films français et européens, dont nous prenons soin : nous avons restauré plus de 750 films patrimoniaux depuis 2016

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Sauf que Netflix et Disney veulent changer ces règles, non ? Aujourd’hui, nous faisons face à des plateformes qui expriment des velléités disproportionnées et un gouvernement qui, pour des raisons qui m’échappent, donne l’impression de soutenir ces mêmes plateformes. Je comprends la fascination pour le cinéma américain et pour le succès des géants du streaming. Je suis moimême admiratif de la réussite d’un Netflix ou d’un Disney+. Mais vouloir leur donner des avantages dans la chronologie sans contrepartie financière équitable est incompréhensible. Reed Hastings, le cofondateur de Netflix, dit qu’il aimerait bien avoir votre taux de TVA… Il faut rappeler que Canal+ n’a pas le même modèle que les plateformes. Canal+ reste aujourd’hui encore avant tout un éditeur de chaînes linéaires (près de 120 chaînes) avec un modèle hybride et une logique généraliste vertueuse. Lorsque Canal+ finance le sport, cet investissement vient également financer le cinéma. C’est une particularité qui nous distingue des plateformes américaines et qui justifie un taux de TVA différencié entre Canal+ et les plateformes. Il faut veiller à ne pas casser un système vertueux qui a permis un financement stable et sanctuarisé du cinéma français. Pourquoi semblez-vous agacé par la situation ? Je ne suis pas agacé, mais je trouve que nous ne nous félicitons pas assez de la richesse, de la force et de la diversité de notre cinéma. Notre cinéma français est connu et reconnu à l’international et nos talents voyagent, ce qui est d’autant plus fort que les autres cinémas européens se sont effondrés. Avec 39 nominations aux Oscars, la France se classe deuxième après les États-Unis. Quand Brad Pitt vient en France, il rappelle que l’on est le pays du cinéma. Quand nous invitons aux César le réalisateur star à Hollywood David Fincher, il accepte tout de suite. Le monde entier est fasciné par le cinéma français depuis la Nouvelle Vague. Industriellement et culturellement, notre système fonctionne très bien et je pense que la fréquentation des salles reviendra en 2023 à des niveaux pré-Covid. Canal+ et les acteurs historiques tels que les salles, le CNC et les chaînes gratuites ont joué un rôle majeur dans ce succès. Il ne faut pas confier l’avenir du cinéma français à n’importe qui. Vous financez le cinéma français. Pourriez-vous financer des films hollywoodiens ? Nous avons un enjeu d’autosuffisance sur l’approvisionnement de

La guerre est-elle déclarée avec Warner, qui a repris ses séries HBO et ses chaînes et s’est alliée à Amazon ? Nous ne sommes pas fâchés avec Warner, il s’agit toujours d’un partenaire pour nous. Canal+ conserve le plus important : la diffusion des films en première et deuxième exclusivités. Certaines séries HBO telles que House of the Dragon ou The White Lotus continueront d’être proposées dans nos offres via OCS jusqu’à la fin de l’année. Le groupe Canal+ compte parmi ses partenaires les cinq grandes majors américaines que sont Disney, Paramount, Sony, Universal, et bien sûr Warner, ce qui permet d’offrir à nos abonnés un accès exclusif à leurs films à partir de six mois après leur sortie en salle. L’offre de cinéma, séries, sport, documentaires, jeunesse de Canal+ n’a jamais été aussi riche, preuve en est la satisfaction de nos abonnés qui est à son plus haut niveau historique. Vous avez pour ambition de parvenir à 30 millions d’abonnés à l’horizon 2025. Quelle taille critique Canal+ doit-il atteindre ? Le groupe Canal+ est devenu un groupe mondial, qui est passé de 11 millions d’abonnés lorsque j’ai pris mes fonctions à plus de 24 millions aujourd’hui. Cela est une immense source de satisfaction pour les équipes. Nous sommes présents dans plus de 50 pays. La situation économique de notre groupe s’est largement améliorée, puisque nous sommes proches des 500 millions d’euros de profit au niveau mondial avec un centre de gravité qui s’est déplacé de la France vers l’inter­national. Je maintiens cet objectif de 30 millions d’abonnés d’ici à deux ans. À plus long terme, nous visons entre 50 et 100 millions d’abonnés. Cela se fera en partie par de la croissance organique. Nous nous sommes lancés sur de nouveaux marchés, comme l’Autriche et l’Éthiopie. Mais l’essentiel de notre développement reposera sur des opérations de croissance externe. Salto est proche de la liquidation. Pourriez-vous récupérer des actifs ? J’ai été impressionné par la réussite commerciale de Salto. Séduire plus de 800 000 abonnés, dans un contexte aussi concurrentiel, c’est au-delà de ce que le marché imaginait. Les conditions n’étaient pas réunies pour une acquisition par Canal+. Pour le reste, je ne peux pas m’exprimer, car nous avons signé un accord de confidentialité. Serez-vous présent sur le prochain appel d’offres de la Ligue 1 de football, cet automne ? Nous jugerons les choses de manière pragmatique. Pour l’heure, en tout cas, nous subissons toujours un préjudice manifeste. La ministre de la Culture a évoqué un possible retrait de la fréquence de CNews et C8. Que répondez-vous ? Un ministre ne devrait pas dire ça. Quoi qu’on pense de CNews ou de Cyril Hanouna, il est insupportable d’agiter la menace d’une fermeture de certaines chaînes au prétexte qu’elles ne reflètent pas vos idées. Le pluralisme, la liberté d’expression, le débat sont des sujets fondateurs de la démocratie. ■

lundi 23 janvier 2023 le figaro - N° 24 392 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

high-tech

Olga Yastremska, New Africa, Africa Studio/stock.adobe.com ; Joel C Ryan/Invision/AP ; FRéDéRIC CHARMEUX/PHOTOPQR/LA DEPECHE DU MIDI/ MAXPPP ; Daniele Oberrauch / Gorun ; EMMANUEL DUNAND/afp

Savoir contrôler l’activité des enfants dans le monde numérique Page 38

Télévision

Entretien avec Xavier Dolan, le prodige du cinéma qui signe une première série troublante Page 39 Tarmo Peltokoski, 22 ans, vient d’être nommé à l’Orchestre national du Capitole de Toulouse.

Les orchestres atteints de jeunisme

De Klaus Mäkelä à Tarmo Peltokoski, des chefs âgés d’une vingtaine d’années se retrouvent sur le podium. Une précocité qui pose question dans une discipline qui a tout d’une course de fond. PAGE 34

Entre Sobriété et créativité sur les podiums masculins de l’hiver 2023 PAGEs 36 et 37 Loewe

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Einstein et Chaplin, deux lumières dans la ville théâtre la pièce d’Olivier Dutaillis, « Albert et Charlie », évoque l’amitié improbable entre le physicien et le cinéaste. ●

Nathalie Simon [email protected]

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est drôle. Albert Einstein sympathise avec Charlie Chaplin sans avoir vu ses films. Il est davantage fasciné par les particules de lumière que diffusent les projecteurs dans les salles obscures. Il y a une exception : Les Lumières de la ville que le réalisateur l’invite à découvrir en avant-première à Los Angeles, le 30 janvier 1931. Une photographie en noir et blanc projetée au-dessus du plateau du Théâtre Montparnasse montre

les deux grands hommes côte à côte en nœud papillon. L’échange est fameux : « Ce que j’admire le plus dans votre art, observe Albert Einstein, c’est son universalité. Vous ne dites pas un mot, et pourtant, le monde entier vous comprend. » Chaplin réplique : « C’est vrai, mais votre gloire est plus grande encore : le monde entier vous admire, alors que personne ne vous comprend. » Le romancier Olivier Dutaillis relate les entretiens entre les deux figures légendaires dans une pièce sobrement intitulée Albert et Charlie. Nous sommes dans le bureau d’Einstein, à Princeton, superbe décor de Catherine

Bluwal. Crinière blanche sur le crâne, Daniel Russo prête sa dégaine et ses baskets au physicien allemand (chapeau aux maquilleuses), tandis que Jean-Pierre Lorit joue Charlot, le célèbre vagabond. « Il faut faire appel à votre imagination, je suis Charlie Chaplin ce soir », prévient l’acteur vêtu d’un élégant costume.

Admiration réciproque On apprend que l’amitié entre le lauréat du prix Nobel et la vedette hollywoodienne n’a pas été évidente. Pour Chaplin, son aîné de dix ans est un modèle. Mais le père de la théorie de la relativité

s’est enfermé dans une vie solitaire après la mort d’Elsa, sa seconde épouse en 1936. Au fil des rencontres qui se déroulent à trois reprises, de 1938 à 1952 (trois ans avant la mort d’Einstein), malgré leurs différences, les deux génies se rapprochent insensiblement. S’admirent, se livrent, s’inquiètent de la montée du nazisme et des conséquences de la guerre. Albert Einstein évoque la bombe atomique, Charlie Chaplin son film Le Dictateur qui ne séduit d’abord pas son comparse. La gravité du contexte historique est atténuée par la présence d’Hélène, la

femme à tout faire du savant. Étonnante Élisa Benizio, la fille de Corinne et Gilles Benizio, le duo burlesque S ­ hirley et Dino. Bavarde et alerte dans la peau du personnage, elle entend protéger son « maître » des intrusions extérieures. Ses réflexions à l’adresse du public sont autant de joyeuses bouffées d’oxygène. Elle dériderait un cactus ! Christophe Lidon, le metteur en scène l’a bien compris. Qui la fait intervenir comme une institutrice qui réprimande deux enfants de sa classe. On apprend des choses en s’amusant. ■ Albert et Charlie , au Théâtre Montparnasse (Paris 14e). Loc. : 01 43 22 77 74.

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Un produit d’appel La nouveauté, aujourd’hui, n’est pas qu’il y ait des jeunes extrêmement doués, c’est plutôt qu’ils accèdent de plus en plus tôt à des postes importants, voire plusieurs à la fois, comme Lahav Shani, choisi à 27 ans par les Philharmoniques de Rotterdam et d’Israël. Le risque est grand de se griller. Franz Welser-Möst en a fait l’amère expérience à Londres, puis a eu l’intelligence de se faire oublier et de reprendre à zéro : il est aujourd’hui indispensable à Cleveland et Salzbourg. On en souhaite autant à Lionel Bringuier, qui n’a fait qu’un petit tour à Zurich, trop tôt. La tendance lourde sera malgré tout difficile à enrayer. Car les jeunes chefs sont devenus un produit d’appel. Comme au football, les meilleurs clubs - pardon, orchestres - veulent les faire signer avant que tout le monde se les arrache. Un chef doit bien commencer, c’est une affaire entendue. Mais faut-il que ce soit tout de suite comme directeur musical ? Celui-ci a la responsabilité de la ligne éditoriale, de la politique artistique, des recrutements, de l’identité sonore. Sa mission n’est pas que le concert du jour soit inoubliable, mais que l’orchestre soit meilleur quand il quitte ses fonctions que quand il les a prises. La fougue, une belle gestuelle et le sens de la communication sont donc loin de suffire. À propos du fascinant Peltokoski, Jean-Baptiste Fra, directeur général de l’Orchestre du Capitole, nous a dit avec bon sens : « Nous allons l’accompagner. » Autrement dit : il a beaucoup à apporter à l’orchestre, mais aussi beaucoup à apprendre. Or il est impératif que les musiciens n’aient pas l’impression que le chef apprend son métier sur leur dos, mais que chacun s’enrichit au contact de l’autre. D’un autre côté, la fonction a beaucoup évolué depuis les Ormandy, Mravinsky, Karajan, despotes à vie. Le directeur musical est beaucoup moins présent, les mariages durent moins longtemps. Quant à l’apprentissage qui

Comme les clubs de football, les orchestres recrutent les chefs les plus talentueux à peine sortis du berceau. Un jeunisme qui ne va pas sans risque.

Marco Borggreve / Oslo Philharmonic ; ROBERT GHEMENT/EPA/MAXPPP

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l y a quelques années, quand l’administrateur du Boston Symphony consultait ses musiciens sur les chefs qu’ils aimeraient inviter, il les suppliait : « De grâce, proposez-moi des chefs de moins de 70 ans ! » Serait-on tombé dans l’extrême inverse en prenant les maestros au berceau ? Klaus Mäkelä avait 24 ans lorsqu’il a été nommé à l’Orchestre de Paris. Son compatriote finlandais, Tarmo Peltokoski, en a 22 et vient d’être choisi par l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Ce jeunisme de la baguette pose question car la direction d’orchestre est la discipline musicale qui impose la maturation la plus lente. Parce que le chef, par définition, ne peut pratiquer son instrument à la maison. Parce que ce métier repose au moins autant sur l’art de convaincre que sur la maîtrise d’un savoir-faire, exigeant psychologie et sens des ressources humaines au moins autant que compétence technique. Sans parler de la connaissance d’un vaste répertoire, la meilleure manière de s’imposer face à un collectif étant de maîtriser son sujet. Autant de raisons qui font que le musicien d’orchestre aura plus tendance à faire confiance à un homme de métier plutôt qu’à un blanc-bec qui vous explique comment interpréter une œuvre que vous avez déjà jouée quatre-vingtdouze fois. L’idée selon laquelle on n’accédait autrefois aux grands orchestres qu’après un long parcours mérite toutefois d’être nuancée. On ne donnait pas cher de la peau de Bernard Haitink quand il a été nommé sans expérience au Concertgebouw à 30 ans, l’âge auquel James Levine a commencé ses quarante ans de règne au Met. Toscanini avait 25 ans lorsqu’il créa Pailasse et 31 lorsqu’il prit le pouvoir à la Scala de Milan, l’âge auquel on proposa à Riccardo Muti la succession de Klemperer à Londres. Ils ne s’en sont pas trop mal sortis… Mais il est tout aussi vrai que Karajan a fait ses armes dans un minuscule Opéra de sous-préfecture, illustrant l’adage de Michel Plasson selon lequel « c’est avec une voiture cassée qu’on apprend à conduire ». Traduisez : plutôt que de mettre un jeune chef face à un orchestre virtuose qui joue tout seul, il vaut mieux qu’il se fasse la main sur des phalanges modestes où il faut démonter le moteur. Simon Rattle l’avait compris en refusant à 25 ans les invitations de Londres et Berlin pour se lancer à Birmingham le défi de faire monter en première division un orchestre de province.

Les « bébés chefs » à la baguette Klaus Mäkelä (ci-dessus) avait 24 ans lorsqu’il fut nommé à la direction musicale de l’Orchestre de Paris. Lahav Shani (ci-contre) a été choisi à 27 ans par les Philharmoniques de Rotterdam et d’Israël.

se faisait sur le tas, il est devenu plus systématique : le Sistema vénézuélien, d’où est issu Gustavo Dudamel, ou l’école finlandaise inspirée par Jorma Panula, donnent la possibilité aux apprentis chefs de se colleter très tôt à de nombreux orchestres, si bien qu’à 19 ans Mikko Franck avaient déjà plus d’heures de vol que bien des trentenaires.

Ce qui frappe chez les Mäkelä, Shani, Grazinyte-Tyla, Hrusa, Rouvali ou Lorenzo Viotti, nommé à 29 ans à l’Opéra d’Amsterdam, c’est leur tête bien faite. Ces jeunes gens ne se laissent pas griser, ils savent ce qu’ils veulent et nous impressionnent par leur organisation mentale autant que par leur talent. À ceux qui trouvent que c’est risqué de

nommer un très jeune chef à Toulouse, on rappellera que Tugan Sokhiev avait 28 ans quand il y a été choisi… Mais on l’a fait en ayant l’intelligence de tabler sur une marge de progression plutôt que de presser le citron : seul moyen d’éviter d’exploser en vol ! Car n’oublions pas que cela reste un parcours de longue haleine. ■

C’est avec « une voiture cassée qu’on apprend à conduire

»

Michel Plasson, chef d’orchestre français

22 ans

L’âge de Tarno Peltokoski, choisi par l’Orchestre national du Capitole de Toulouse

Jasper ParroTt : « Il y a toujours eu des chefs qui ont commencé leur carrière très jeune » PROPOS RECUEILLIS PAR

Thierry Hillériteau £@thilleriteau

Jasper Parrott est le cofondateur de l’agence artistique HarrisonParrott, référence mondiale de la musique classique, qui représente les chefs Vladimir Ashkenazy ou Paavo Järvi… Mais aussi les jeunes pousses de la baguette comme Klaus Mäkelä, Aziz Shokhakimov ou Stephanie Childress. LE FIGARO. - Le « jeunisme » en matière de direction est-il un phénomène nouveau ? Jasper PARROTT. - Il y a toujours eu des chefs qui ont commencé leur carrière très jeune. Et ce bien avant Gustavo Dudamel. On peut citer sir Simon Rattle, Bernard Haitink, Lorin Maazel. Mais aussi, bien avant, Willem Mengelberg, qui avait pris la tête du Concertgebouw d’Amsterdam à seulement 24 ans, et y est resté plus de cinquante ans ! Sans parler des compositeurs tels que Schubert ou Saint-Saëns, venus très tôt à la baguette. Il n’y a pas plus de linéarité dans la vie artistique des chefs aujourd’hui qu’hier. Au contraire : la multiplication des facteurs artistiques, sociaux et familiaux qui entrent

en jeu dans une carrière fait qu’il est de plus en plus difficile de prévoir comment un artiste va évoluer. Il semble aussi plus difficile pour ces jeunes de se projeter cinquante ans à la tête du même orchestre. Parce que les orchestres eux-mêmes s’engagent rarement, aujourd’hui, plus de quinze ans d’affilée. Les changements de direction administrative, de musiciens qui sont beaucoup plus mobiles, sans parler des aléas financiers que connaissent régulièrement les phalanges, y sont pour quelque chose. C’est un mal pour un bien. Un jeune chef comme Klaus Mäkelä peut parfaitement construire une collaboration artistique avec trois orchestres différents, sans que cela diminue la qualité de son implication. Au contraire. Avec dix à quinze programmes par an, on peut créer plus facilement une identité, une ligne artistique singulière qui va définir et orienter la relation, qu’avec une multitude de programmes qui partent dans tous les sens. Diriger certains chefs-d’œuvre ne demande-t-il pas un minimum de maturité ? J’ai toujours trouvé ce présupposé ridi-

cule. La possibilité pour un jeune talent de s’exposer aux chefs-d’œuvre qui ont fait l’histoire de la musique devrait être quelque chose à chérir absolument. Si l’on se réfère à Hésiode et aux cinq âges de l’humanité, il est évident que ce qu’un grand talent peut apporter à l’âge de vingt ans est différent de ce que ce même talent apportera à cinquante. Il n’est pas moindre pour autant. Mais à quoi mesure-t-on le talent d’un artiste de 20 ans ? À deux choses. La première est aisément quantifiable. Il s’agit de la profondeur de son savoir. Sa connaissance de la musique, et pas seulement orchestrale. Il existe un petit nombre de talents qui affichent dès 20 ans un degré de connaissances stupéfiant, dénotant une soif d’apprendre inextinguible. Le second facteur est plus abstrait. C’est ce que Cicéron nommait « adflatus » : le souffle d’un délire divin. Lorsqu’on le perçoit chez un tout jeune chef, on peut être sûr que ce dernier ira loin. Les concours sont-ils la meilleure rampe de lancement pour ces « bébés chefs » ?

Non. Leur meilleur gage de réussite reste la recommandation d’un ou de plusieurs aînés dont la parole est écoutée par les plus grands orchestres. Il y a dans le monde une liste non officielle de 40 à 50 noms, des gens comme Paavo Järvi, soucieux des jeunes, qu’orchestres et agents consultent dès qu’ils ont une intuition. On oppose deux écoles de jeunes chefs : Finlande et Venezuela. Qu’en pensezvous ? Il y a clairement un système finlandais qui s’est développé dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, et porte aujourd’hui des fruits de façon extraordinaire. C’est un investissement palpable de toute la nation, une vraie volonté politique de donner aux jeunes chefs, comme aux compositeurs, un maximum de possibilités dans le pays. Il est d’ailleurs intéressant de constater que l’exemple finlandais inspire aussi la Norvège. Le cas vénézuélien me semble différent. Si les orchestres écoles d’El Sistema ont permis l’émergence de très jeunes chefs comme Gustavo Dudamel, ceux-ci restent des cas plus isolés, dans un pays où le contexte économique et politique a beaucoup changé ces dernières décennies. ■

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Culture

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François Gremaud la passion des femmes Après « Phèdre ! », il remplit les salles avec « Giselle… » et présentera bientôt « Carmen ». Des adaptations originales d’œuvres classiques. Portrait du plus féministe des auteurs et metteurs en scène.

Lausanne, puis ceux de Gisèle Sallin au conservatoire de Fribourg (Allemagne). Ce professeur joue un rôle essentiel dans son parcours. « Elle s’est battue pour ouvrir le Théâtre des Osses, c’était un mini-Théâtre du Soleil, se souvient François Gremaud. On jouait, on préparait les repas, on recevait le public… »

« Nos rêves d’enfants »

Nathalie Simon [email protected]

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avec amour. » « C’est un cadeau de travailler avec lui. Il est très inspirant et encourageant », assure Samantha van Wissen. La danseuse était pourtant terrifiée à la pensée de se produire pour la première fois seule et dans une langue qui n’est pas la sienne. « Je ne croyais pas que j’en étais capable. » Une représentation de Phèdre ! l’a convaincue de prêter son énergie à la paysanne prisonnière d’un amour impossible qui perdure au-delà de la mort : « Seule, je peux jouer avec le timing et je suis accompagnée par les musiciens, reprend Samantha van Wissen. François m’a aidée à mémoriser le texte. Accueillir le public avec lui me calme. » Ce dernier a une façon de diriger qui n’appartient qu’à lui. Précise, sensible et ouverte. « J’ai besoin de comprendre la manière de danser, de bouger des acteurs pour leur donner une plus grande li-

Une quête du centaure sans panache

À Marseille, Kaori Ito et Manolo mêlent cinq artistes avec quatre chevaux. Mais ne renouvellent pas le genre. Ariane Bavelier £@arianebavelier envoyée spéciale à aix-en-provence

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n cheval est au travail lorsque les spectateurs entrent dans la salle. Au pas, au trot, au galop. Une danseuse aussi. Elle court sur le rectangle de la scène couverte de tourbe. Elle monte les genoux, les déroule, ralentit, s’emballe. Elle porte une genouillère. Les chevaux ont les membres nus. Ni guêtres, ni bandes de travail. Ils sont quatre. On les dénombre à mesure, croupe et encolure de jais luisant dans la nuit de la scène. Manolo, maître, avec Camille, du Théâtre du Centaure installé à Marseille, a demandé à la chorégraphe Kaori Ito de lui écrire une pièce. Elle s’intitule Animal, danser avec le vivant. Ou comment les hommes et les femmes peuvent-ils se mêler aux chevaux, rêve que Manolo poursuit depuis qu’il a ouvert les yeux. Les cavales s’appellent Nakula, Arjuna, Indra et Sahadeva. Leurs noms viennent du Mahabharata. Anwar Khan relaie l’Inde au tabla, chant et harmonium. Le spectacle s’était ouvert à la guitare. La danse invite la musique. Les voilà neuf en piste, cinq humains, musiciens, danseurs, cavaliers, et quatre chevaux. La première danse de l’homme et de sa monture est la plus classique. La plus élaborée aussi. Galop cadencé, changements de pied, pirouettes. Le cheval qui s’avance porte une jeune femme qui lui fait exécuter ses airs de haute école. Elle monte en bride avec de longs éperons pour la chorégraphie la plus précise et la plus légère possible. Délicatement, le cheval se couche. Changement de cavalier. Voilà Manolo en piste. Pas de danse au sol qui précise

La danseuse néerlandaise Samantha van Wissen en solo dans Giselle... de François Gremaud, sur la scène du Théâtre de la Bastille (Paris 11e). Dorothée Thébert Filliger

berté, explique-t-il. C’est comme une toile pour un peintre. De la contrainte naît l’inventivité. Le corps véhicule tous les possibles. » Le metteur en scène a suivi le conseil d’Ariane Mnouchkine : « N’hésitez pas parfois, quand vous marchez dans la haute neige, de marcher dans les pas de ceux qui avant vous ont trouvé le chemin. C’est aussi une manière d’avancer. » « Elle désacralise l’idée de génie absolu. In fine, tous les chemins sont singuliers », analyse le dramaturge avec un léger accent. Vers l’âge de 7 ans, le garçon, dont le père est physicien, se voit d’ailleurs plutôt styliste ou « dans le cinéma ». Il organise des spectacles avec ses cousins pour les fêtes de famille. « J’empruntais un chapeau et une robe à mes grands-parents. » À 14 ans, il est enchanté par un vaudeville donné dans un village. Il suit les cours de l’École cantonale d’arts de

CROISIÈRE DE 10 JOURS / 9 NUITS • DU 18 AU 27 MARS 2023

DES TRÉSORS DE LA MER ROUGE À LA MÉDITERRANÉE PAR LE CANAL DE SUEZ

les enjeux de la pièce : faire danser un cheval se pratique couramment. Danser sur ses deux pieds autour d’un cheval couché marche aussi. Qu’essayer d’autre ? Manolo se hisse et danse sur son cheval. Voilà des années que cet homme se rêve en centaure. Buste et pieds nus, il se tord, lance les bras, se démène, suivant le mouvement du cheval ou bien l’attrapant à contretemps. L’osmose se joue autrement que dans la haute école. Car, sans en avoir l’air, les deux dansent bel et bien ensemble. Rompant les équilibres, créant des déportés, inscrivant dans l’espace d’étranges zigzags. Balançant les jambes devant les épaules, Manolo organise un reculer. Enfin une figure répertoriée par l’académie.

PLATEAU DE GIZEH

Un peau à peau Troisième essai : le cheval est nu et les hommes à terre tentent d’accorder leur danse à la sienne. Mission impossible. Manque d’aisance, d’élégance, d’endurance. De légèreté. Le cheval vole audessus de la tourbe de la piste, le danseur s’y enfonce et peine. On comprend Lascaux où seuls les animaux cavalent sur les parois : les galops n’éblouissent que dansés à quatre pieds. Dernier essai. Manolo ôte chemise, bottes et pantalon, et organise, sans mettre pied à terre, un corps à corps avec son cheval. Un peau à peau, plutôt. Immobile, oreilles attentives, le cheval se régale de cet homme qui l’étreint, l’escalade et glisse de la croupe à la tête avec sensualité. Cavaliers et danseurs auront tout essayé. On ne rivalise pas avec un cheval. Reste à imaginer le centaure. ■ Animal, danser avec le vivant, au Théâtre du Centaure, à Marseille (06), du 26 janvier au 5 février. Tél. : 04 91 25 38 10.

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rançois Gremaud s’apprête à faire un filage d’Aller sans savoir où, un spectacle original, un « work in progress » de son travail. Un titre contradictoire. Car dans la vie, l’auteur et metteur en scène né en 1975 à Berne, en Suisse, sait très bien où il va. Pour l’heure, il triomphe avec Phèdre !, actuellement en tournée, et Giselle… au Théâtre de la Bastille (Paris 11e) jusqu’au 24 janvier, avant de partir en province. Deux adaptations à la fois simples et grandioses tirées d’œuvres classiques, la pièce de Racine et le ballet de Théophile Gautier et Jules-Henri Vernoy. Interprétées en solo sur un plateau vierge. Dans les prochains mois, François Gremaud entend offrir une nouvelle version du Carmen de Bizet. Ce féministe a choisi trois héroïnes classiques et les a distribuées à des artistes de qualité. Le comédien Romain Daroles pour Phèdre !, la danseuse néerlandaise Samantha van Wissen pour Giselle… Il est tombé amoureux d’elle quand il l’a vue danser pour Anne Teresa De Keersmaeker. Et la chanteuse Rosemary Standley du groupe Moriarty incarnera sa Carmen. « Les femmes ont toujours été mes interlocutrices préférées. Elles sont intelligentes plus tôt », estime François Gremaud, pour qui le mouvement Metoo a été un « électrochoc » : « Ma mère est une héroïne qui a élevé ses quatre enfants

Le futur auteur découvre qu’on peut vivre de ce métier. « Gisèle Sallin m’a donné envie de me lancer et transmis une haute idée de ce métier qui demande beaucoup de travail et d’application.» L’Insas, l’Institut supérieur des arts du spectacle de Bruxelles, a été une révélation : « J’ai découvert la scène performative flamande, un théâtre libre, joyeux, affranchi des codes habituels. » Qui lui donne envie de créer sa première pièce, My Way, « comme la chanson de Frank Sinatra », avec l’association 2b Company qu’il a fondée avec Michaël Monney. François Gremaud a alors 30 ans, et ce spectacle est « une sorte de premier bilan sur ce que nous avons fait de nos rêves d’enfants ». Dans My Way, les trois comédiens ne s’expriment qu’en langue des signes. L’auteur a un frère plus jeune que lui, Christian, qui est sourd. « On me dit que je suis pédagogue, ça vient de là…, confie-t-il. Je lui dois cette manière de mettre en scène. Dans un prochain spectacle, je lui demanderai de me jouer moi ! » François Gremaud enseigne à la Manufacture, la Haute École des arts de la scène de Lausanne, et transmet à son tour sa passion. Samantha van Wissen raconte : « Je lui avais dit en plaisantant : “Si tu as besoin d’une vieille danseuse, appelle-moi.” Il m’a appelée deux ou trois mois après. J’ai dit “oui” tout de suite, j’avais un bon pressentiment. » ■ Giselle… et Aller sans savoir où, de François Gremaud, au Théâtre de la Bastille (Paris 11e), jusqu’au 24 janvier. Tél. : 01 43 57 42 14 et www.bastille.com. Puis en tournée, à la Scène nationale, à Alençon (61), le 26 janvier, à l’Azimut-Firmin Gémier, à Antony-Châtenay-Malabry (92), les 28 et 29 janvier, etc. Et aussi Pièce, au Montfort Théâtre (Paris 15e), du 1er au 3 février.

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Style

à Paris, tout au long du week-end, les défilés de mode masculine de l’hiver 2023-2024 ont fait la démonstration que le streetwear n’a plus le monopole des cœurs et que l’élégance et la sobriété vivent un retour en grâce.

éloge d’une nouvelle simplicité

Matthieu Morge Zucconi [email protected]

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l y a comme un parfum de changement dans l’air. La mode connaît de grands bouleversements : de direction (chez Dior, Louis Vuitton), de créateurs (chez Gucci et Vuitton, et sans doute, bientôt, chez d’autres), et d’envies. Après des années d’hégémonie streetwear et de course à la visibilité sur les réseaux sociaux, de nombreuses maisons et designers prônent un retour aux ­nderson, chez sources. Jonathan A Loewe, est de ceux-là. Au Tennis Club de Paris, lieu qui a vu défiler les grandes heures minimalistes de Phoebe Philo chez Celine avant de devenir le théâtre des expérimentations surréalistes du Nord-Irlandais, des gradins immaculés ont été montés autour d’œuvres du peintre Julien Nguyen. S’avance une première silhouette d’une simplicité extrême : les jambes et le torse nus sous un long manteau noir. Un des deux bras du modèle ne sort pas de la manche, mais apparaît au centre pour tenir le vêtement en dessous du nombril. Le même, en bleu marine, revient un peu plus tard, puis un autre, blanc immaculé. C’est simplissime mais d’une justesse technique et d’une créativité sans pareille - à l’image de ces vestes qui semblent comme gonflées, pouvant sans doute tenir debout et qui, portées par des mannequins frêles, accentuent leur carrure. C’est, depuis plusieurs saisons déjà, la force de Loewe : faire de ses défilés des moments chargés de pièces virales tandis que, en boutique, les hommes peuvent trouver des déclinaisons portables par tout un chacun. « Selon moi, un défilé se doit d’être une proposition, décrypte A ­ nderson. J’ai l’impression que ce moment doit être utilisé comme un laboratoire. La mode masculine est une plateforme où je peux m’exprimer et il est essentiel de l’exploiter. Je ne veux pas d’un look qui fasse des concessions. C’est une esthétique à prendre ou à laisser. » Reste que cette collection, présentée dans un stylisme minimaliste (une pièce, un sous-vêtement, une paire de chaussures), regorge de vrais vêtements : petits cardigans à épaules tombantes, mailles de couleur, blazers en cuir comme gratté et costumes d’une simplicité et d’un chic infinis, qui pourront tels quels trouver leur place dans les boutiques de la marque. À leurs côtés, le spectacle est assuré par de superbes cabans sans bouton fabriqués en cuivre. Tout bonnement im-

Hermès pressionnants (voir page 33). « Pour moi, la mode a rarement été aussi excitante qu’en ce moment, explique-t-il après son défilé. Aujourd’hui, on achète des vêtements pour la marque, plus que pour le design. J’avais envie de recentrer le propos sur le vêtement. Car le paysage de l’industrie est en train de changer considérablement, et aujourd’hui, je pense que le “less is more” revient, mais d’une nouvelle manière, différemment du minimalisme des années 1990. En tant que designer, j’observe la culture contemporaine et j’aspire à ce que mes créations en fassent partie. » Jonathan Anderson assume ses concepts avec assurance et les met en œuvre sur le podium - lui qui, chez Loewe (propriété du groupe LVMH), dirige les collections de l’une des marques de luxe les plus exposées au monde. « Quand j’ai débuté, j’étais forcément à la marge et, progressivement, on rentre dans le mainstream. C’est à ce moment-là qu’il devient nécessaire de se réinventer. » Exit, donc, ses délires surréalistes. Le Loewe nouveau est radical dans sa simplicité. Et incroyablement désirable. L’homme Hermès, dit-on, ne s’est jamais aussi bien vendu. Comme une leçon pour toutes les maisons qui, dès que les ventes marquent le pas, remplacent leur directeur artistique par un autre, idéalement plus connu, plus populaire sur les réseaux

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Un défilé de cette créatrice est toujours l’assurance d’un moment fort. Ouvert au public, celui qui s’est tenu ce samedi soir à la Grande Halle de la Villette ne fait pas exception à la règle. Marine Serre, aujourd’hui la meilleure ambassadrice de l’upcycling (l’une des obsessions du moment, qui consiste à utiliser d’anciens vêtements pour en créer de nouveaux), occupe une place à part dans la mode française et mondiale. Dans le noir, ou presque, s’avancent d’abord des silhouettes blanches. On distingue sur les tissus des mots en allemand, issus de sacs réutilisables. Ils sont réinventés en vestes courtes, chemises et jupes longues, amples manteaux et minirobes. Les lumières s’emballent, flashent sur des ensembles en denim, des cônes en forme de lune à la place des seins. Des cagoules, des robes drapées faites de vieux carrés, des blousons de moto, de longs pardessus en moiré complètent ce vestiaire très Marine Serre, traversé par son imprimé croissant de lune ultrapopulaire chez les jeunes. Son identité est reconnaissable entre mille, même dans le noir. M. M. Z.

brides, marottes de la créatrice (un bombers aux détails techniques, par exemple), et des longs manteaux bleu marine enveloppants portés avec des pantalons à bord-côtes, versions luxueuses d’un jogging taillées dans du cuir, à la jambe fuselée. Les costumes sont alanguis, tout en gardant un chic indéniable, rappelant qu’avant de rejoindre Hermès, Véronique Nichanian s’est formée au côté du roi de l’élégance désinvolte, Nino Cerruti. Dans le dos d’un caban à la ligne on ne peut plus nette, un immense pan de cuir. Sur d’autres blousons parfaits, des motifs évoquent le sashiko, art de la réparation en broderie japonais. « Je voulais transmettre l’idée de vêtements qui durent pour toujours, que l’on aime et qu’on répare, confie-t-elle. C’est une notion qui fait sens avec Hermès. » Les pantalons de cuir à la coupe un peu plus ample et surtout les bijoux (chaîne à la taille, boucles d’oreilles,

Journal de bord de Paris de l’hiver 2023-202 uVendredi, 13 h 30

multiculturalisme des jeunes Caribéens. » Et le public en redemande. M. M. Z.

heures uAu16 Garage Amelot (Paris 11 ), des no-

L’inquiétude se lit sur les visages de quelques habitués des premiers rangs, alors que seul un petit quart d’heure sépare la fin du show Botter du défilé Comme des Garçons Homme Plus, réputé pour être l’un des rares à commencer à l’heure… Et qui a lieu à l’autre bout de la capitale. Heureusement, le défilé commence avec près de trois quarts d’heures de retard au temple du SaintEsprit (Paris 8e). Il aurait été dommage de rater les expérimentations de la géniale Rei Kawakubo (80 ans) autour du costume et de l’anatomie. Elle transforme le traditionnel habit masculin, exacerbant les épaules dans de spectaculaires looks sculpturaux, remplace les pantalons par des jupes, multiplie les boutons… Avec ces costumes d’un nouveau genre, noirs puis pastels, lamés ou fourrés, Kawakubo continue d’interroger le rôle et la forme d’un vêtement. M. M. Z.

La marque nipponne Maison Mihara Yasuhiro investit un magasin de meubles désaffecté de l’avenue de la Grande-Armée. Réputée pour son prêt-àporter fantasque et créatif, la griffe lancée avec des chaussures en 1997 connaît aujourd’hui un succès fou, notamment en Asie où ses baskets à la semelle déformée façon pâte à modeler sont partout. Descendant les escalators à l’arrêt, les premiers mannequins portent d’épais manteaux en faux cuir délavés, des mailles matelassées trouées, et teintent la collection d’une ambiance grunge. Le créateur questionne la frontière entre l’original et la copie avec des chemises de bûcheron et des bobs boursouflés, des doudounes bicolores à zip géant ou des cabans faussement usés. Sur un solo de batterie effréné, cette collection est traversée d’une énergie rafraîchissante. GINO DELMAS e

ARNEL DELA GENTE

A

Marine Serre fidèle à ses principes

sociaux ou plus jeune… En effet, ici, rien n’a changé depuis trente-cinq ans que Véronique Nichanian a pris les rênes créatifs des collections masculines de la maison. Et en même temps, tout change. Car loin de se contenter de répéter chaque saison les mêmes formules, la Française parvient à insuffler à son vestiaire une nouvelle énergie. Ce samedi, dans l’écrin brutaliste de la Maison de l’Unesco (où elle défilait déjà il y a plus de vingt ans), elle dévoile une collection à l’allure sensationnelle. « C’est un jeu de formes, de proportions, un vestiaire bousculé, indique-t-elle quelques minutes avant le défilé. J’avais envie de lignes précises, architecturales, et de travailler autour d’une palette de couleurs sourdes, qui mettent en valeur les superpositions… » Le défilé s’ouvre sur un long trench-coat en cuir gris, ample à souhait. Puis viennent d’attirants dufflecoats en peau lainée, des vêtements hy-

tes de dancehall agitent le public du défilé Botter. La formule du duo, lauréat du grand prix de l’Andam 2022, séduit depuis plusieurs saisons déjà. Cette collection est plus précise que jamais : gros cabans dans des teintes pop, vestes multipoches très utilitaires, costumes noirs impeccables, polos comme gonflés, références au sport, modularité… Rushemy Botter et Lisi Herrebrugh continuent d’insuffler leur identité caribéenne à leur vestiaire. « Nous poussons toujours plus loin nos idées, glisse Herrebrugh en coulisses. Mais cette saison, nous nous sommes concentrés sur le vêtement fini, pour créer des pièces désirables en tant que telles, tout en gardant cette multitude de références qui fait écho au

u17 heures

u18 h 30

Retour au Palais de Tokyo pour le défilé Officine Générale. Avec le titre de la collection, « Monochro-mania », le créateur Pierre Maheo annonçait la couleur. « Le point de départ de la collection est une soirée à Carnac en Bretagne avec un ami de trente ans, où nous étions tous les deux habillés avec le même jeans usé, le même tee-shirt blanc que nous portions ados. J’ai pris conscience que je m’habillerais probablement comme ça pour le reste de ma vie, et j’ai eu envie d’en faire le thème de ce défilé. Il est temps d’assumer ses obsessions ! » raconte-t-il dans un sourire après le défilé. Son hiver 2023-2024 s’articule donc autour de

Botter deux couleurs principales et quasiment exclusives : le gris et le bleu marine. La première silhouette, marine du pantalon à la chemise en passant par le manteau ample, seulement rehaussée d’un foulard écru éclatant, ouvre le bal. La simplicité du vestiaire qui suit est évidemment une illusion, et les superpositions, les coupes, les matières (flanelle, velours côtelé, laine délicate) et les manières de porter le col relevé d’un manteau portent la patte de celui qui a passé sa vie à réfléchir au vêtement et à ses moindres détails, parfois invisibles et seulement

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Style

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Chanel : Des montres piquées de diamants

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e rapport d’échelle amplifie la beauté de l’exercice. Les cadrans XXL des montres Pique-Aiguilles de Chanel, avec leur verre bombé, jouent comme une loupe sur la minutie des microdécors. Leur forme reprend celle du fameux accessoire de couturière, qui ne quittait jamais le poignet de Mademoiselle quand elle travaillait à l’atelier. Ces versions précieuses et horlogères assument la même largeur (55 mm tout de même !) et accueillent cinq décors différents, édités à 20 exemplaires chacun, et puisés dans les signatures de la maison de la rue Cambon. Il y a notamment le modèle Tweed (2), qui affiche le patron miniature de la fameuse veste, joliment ourlée de brillants, sur laquelle repose un dé, une paire de ciseaux et un mètre, microscopiques et en or. Ce délicat travail a été réalisé par les artisans à Genève de l’horloger F. P. Journe. Le regard reste également aimanté par le modèle dévoilant le dessin de cinq sacs 2.55 (1), doté d’un fermoir en diamant baguette, et dont le matelassé est façonné en nacre gravée recouverte de peinture noir mat. Élodie baërd

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Samedi soir, sur la scène du Théâtre du Châtelet, une cabane de bois a été dressée sur du gravier et, çà et là, quelques herbes folles. Un drapeau américain semble n’attendre que le vent pour se mettre à flotter. Au premier rang, Anna Wintour, qui fait son apparition dans cette Fashion Week. C’est le premier show parisien depuis la pandémie d’Emily Bode, la fondatrice de la marque qui porte son nom. ­Depuis 2016, l’Américaine crée une mode très personnelle, influencée par son histoire familiale, liée à celle des États-Unis. Pour inaugurer sa nouvelle ligne féminine, aux côtés de son offre masculine, la créatrice s’est d’ailleurs inspirée de ses tantes, toutes nées dans les années 1950 dans le Massachusetts. Avec ses vestes à

franges, ses gros gilets de peau lainée, ses costumes croisés dans des tons marron, le début est du pur Bode, rehaussé par les manteaux et robes à paillettes à la ligne sixties de la collection féminine. Puis, au fil des looks, la poésie extrême d’Emily Bode gagne le public. Connue pour ses vestes brodées, l’Américaine en livre ici des versions plus épurées, notamment sur de très réussis costumes. Aux pieds, des « opera pumps », ces souliers un peu désuets que l’on chausse pour aller… à l’opéra. Viennent aussi des cardigans à motifs Fair Isle, des robes du soir… Sur quelques notes de piano, Bode prouve qu’elle est capable de s’affranchir de ces broderies. Derrière se cache une créatrice à l’univers fort et poétique. Et une vraie marque, un vrai vestiaire où l’on peut piocher à sa guise. Le public applaudit chaleureusement. Vivement le prochain épisode d’Emily (Bode) in Paris. ■

Loewe

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chanel

colliers en or rose et argent) apportent une touche légèrement sulfureuse au vestiaire du soir. Une réussite totale.

EMMANUEL DUNAND/afp ; Filippo Fior ; Daniele Oberrauch / Gorun

Bode

24 en tissus militaires de bombers. Pris à part, chaque vêtement a un potentiel commercial indéniable : après tout, c’est pour cela que Kenzo a fait appel à Nigo, l’un des pères du streetwear, qui sait mieux que personne comment rendre désirables des basiques. M. M. Z.

Officine Générale destinés à son propriétaire. L’œil s’arrête sur ces broches chinées, provenant de ­ ary’s notamment, qui viennent chez D piquer le revers d’une veste ou d’un manteau, ou encore cette chaîne de portefeuille sur un costume flanelle. Des petits accidents assumés et voulus pour tenir la monotonie à distance. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire ­simple ? G. D.

h 30 u20 Il est tard lorsque commence le défilé

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Kenzo, à la Salle Pleyel. Sur les coups de

Kenzo 21 h 15, alors qu’Aya Nakamura s’installe enfin, le défilé s’ouvre par un costume à la veste croisée un bouton, légèrement désaxée, et pantalon ultra-ample. Le ton est donné. Si, les saisons précédentes, le travail de Nigo chez Kenzo manquait de singularité, peinant à dégager une identité entre héritage du fondateur, archétypes du workwear américain traité à la japonaise et streetwear désirable, l’hiver prochain trouve enfin une tonalité juste. Nigo s’affirme avec des références plus personnelles (dont la musique du défilé, les

Sacai Beatles, jouée par un orchestre). Les vestes sans col en étoffe de costume sont nettes, les blousons aviateurs en shearling semblent tout droit sortis d’un surplus (mais en beaucoup mieux), le denim est parfaitement délavé. Sur des tee-shirts et des badges, la cible emblématique des mods est détournée en version fleurie à la Kenzo. Les longues chemises en tartan sont portées sous des gilets matelassés, les blazers à revers généreux tombent juste, tout comme les sahariennes ultrabien coupées et les kimonos proposés

Pablo Latorre ; officine generale ; monic ; sacai

13 h 30 uSamedi, Dans un retournement

ironique dont l’histoire a le secret, l’ancien siège du Parti communiste imaginé par Niemeyer trônant sur la place du ­ Colonel-Fabien, est devenu un des ­ écrins favoris des designers de mode. Ce samedi, c’est la maison japonaise Kolor qui investit les incroyables alcôves de ce bijou architectural. Fidèle à sa science de l’hybridation, le créateur Junichi Abe déshabille le tailoring classique en donnant à voir certaines étapes de fabrication habituellement invisibles, comme l’entoilage d’une veste devenu gilet, la doublure apparente sur un ourlet ou encore des tailles de pantalon cousues sur le bas d’une chemise. La palette de couleurs hivernales, allant de l’aubergine au vert en passant par le bordeaux ou le marron, s’imbrique avec intelligence dans un jeu de superpositions. G. D.

10 heures uDimanche, Chez Ludovic de Saint Sernin, la

musique (et la voix off) semble tout droit sortie des grandes heures de Fashion TV. Un effet un peu kitsch mais assumé. « J’avais en tête le topmodèle Natasha Poly, et cette époque de la mode avec laquelle j’ai grandi, incarnée également par Irina Shayk. » Le mannequin russe, d’ailleurs, s’est jointe au casting, défilant dans un ensemble de denim monogrammé. Sans doute l’un des vêtements les plus so-

bres et couvrants de ce vestiaire sulfureux tout en transparence : jupes transparentes pour garçons, slips en cuir, maillots de bain minimalistes. C’est finalement sur les looks en maille upcyclée et les expérimentations techniques (comme un très beau jean large en denim imitant la fourrure) que « Ludo » montre toute l’étendue de son talent. Pour le reste… M. M. Z.

heures u14 Au Carreau du Temple, Sacai présen-

te une de ses collections les plus réussies de ces dernières années, plus épurée qu’à l’accoutumée. Ses hybridations sont évidemment toujours là, comme sur de grands manteaux en peau lainée ouverts dans le dos ou dans des blousons courts finissant comme des jupes, mais aussi sur des pardessus et parkas modulables, et des vestes signées Carhartt, versions en maille ou ultraraccourcies des modèles classiques du titan du workwear américain. Pour le reste, Chitose Abe s’inspire du film… Interstellar. Sur la musique signée Hans Zimmer (en version remixée), des imprimés de bibliothèques habillent de grands manteaux. Des vestes multipoches, dont une ligne futuriste utilitaire qui plaira sans doute aux adeptes du vélo, avec leurs boutons-pressions qui permettent d’ouvrir les côtés. Quatre looks spectaculaires sont développés en collaboration avec Moncler, qui fête cette année ses 70 ans. « Je n’avais pas envie de me tourner nécessairement vers l’histoire de la marque pour célébrer cet anniversaire, dit-elle après le show avec l’aide de sa traductrice. Je souhaitais projeter ces vêtements dans le futur. » Qui d’autre qu’elle pour prendre des grands classiques et leur donner un coup de fouet créatif ? M. M. Z.

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high-tech

le contrôle parental, ce n’est pas si difficile Toutes les astuces pour protéger les enfants des excès d’un monde numérique qu’ils maîtrisent mieux que leurs parents.

Pascal GRANDMAISON [email protected]

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ontenus inappropriés, temps d’écran, harcèlement, cybercriminalité… Les pièges qui attendent les enfants sur les espaces numériques sont nombreux et variés. Et les parents apparaissent souvent dépassés pour surveiller des univers qu’ils ne comprennent pas forcément. Sur PC, mobile, console de jeu ou téléviseur, nos chères têtes blondes accèdent en effet à une infinité de contenus particulièrement addictifs. Citons les vidéos ultracourtes de TikTok, dont la brièveté des contenus rivalise avec leur indigence et semble laver le cerveau de spectateurs lobotomisés ; les jeux en réseau tels Fortnite dans lesquels la partie ne finit jamais afin de garder les joueurs captifs ; ou encore les réseaux divers qui incitent les utilisateurs à ne jamais couper le cordon avec leur communauté. Ajoutez à cela des prédateurs sexuels tentant de se faire passer pour des enfants, et des cybercriminels cherchant à obtenir toutes sortes de renseignements (codes d’accès, adresses mail, codes de carte bancaire…) afin de soutirer de l’argent… et vous obtenez un univers particulièrement hostile pour les enfants de 7 à 15 ans. « Les parents ont une peur exagérée des contenus choquants alors que le risque le plus concret pour les enfants concerne l’explosion du temps d’écran », alerte Justine Atlan, directrice de e-Enfance, une association reconnue d’utilité publique qui fait référence en France dans le domaine de la protection des mineurs sur le web. Avec l’omniprésence des appareils numériques, notamment dans les mains de leurs aînés, les enfants sont amenés de plus en plus tôt à utiliser des mobiles, des tablettes ou des ordinateurs. S’il reste relativement aisé de contrôler leurs usages en primaire, tout explose lors du passage au collège ! C’est là qu’ils acquièrent généralement leur premier téléphone portable, officiellement pour rester en contact avec papa et maman, mais qu’ils préfèrent destiner à la communication avec leurs amis. Les établissements scolaires eux-mêmes les incitent à s’équiper et à consulter régulièrement leur ordinateur à la faveur de la mise en ligne des leçons, devoirs ou des changements d’emploi du temps (sur le portail ÉcoleDirecte par exemple). C’est durant cette période qu’il faut rester le plus vigilant et que l’usage d’un service de contrôle parental peut seconder efficacement la surveillance parentale, même s’« il n’existe pas de solution miracle », déplore Justine Atlan.

solutions uLes Un logiciel de contrôle parental se

charge de limiter l’accès aux écrans et au web. Il peut autoriser des plages horaires spécifiques, des durées précises et

interdire l’accès à des pages inappropriées. Il s’avérera particulièrement efficace pour filtrer la violence ou la pornographie, moins pour les réseaux sociaux qui resteront soit entièrement ouverts, soit totalement bloqués. Cela peut poser un problème à partir de 13 ou 14 ans, âge auquel les réseaux commencent à être autorisés, et les adolescents à les adopter. En revanche, pour les plus petits (moins de 10 ans), on peut fonctionner avec une liste blanche de sites adaptés, qui sera amplement suffisante pour leurs besoins. Il existe schématiquement deux types de contrôles parentaux : les offres des fournisseurs d’accès internet ou mobile et les logiciels à installer sur les appareils numériques. La première solution reste la plus facile à mettre en place. Il suffit de se rendre dans les paramètres de son compte (chez Free, Orange, Bouygues, SFR…) pour définir des heures et un temps d’usage, ou interdire l’accès à certains contenus. Ceci fonctionne sur PC, mobile, tablette, ou TV et console de jeux connectées. Simple à activer, cette solution pénalise malheureusement l’ensemble de la famille. De plus, elle demeure inopérante en dehors du foyer. Pour affiner la démarche, on pourra se tourner vers un logiciel de contrôle parental. Il en existe des gratuits et des payants (pas meilleurs) pour tous les ­types d’appareils. Le principe consiste à créer un groupe familial dans lequel l’administrateur, le parent, peut contrôler depuis un mobile ou un PC les

« Les parents ont une peur exagérée des contenus choquants alors que le risque le plus concret pour les enfants concerne l’explosion du temps d’écran », alerte Justine Atlan, directrice de e-Enfance, une association de référence dans la protection des mineurs sur le web. Prostock-studio/stock.adobe.com

autorisations accordées aux appareils des enfants. Lors de nos essais, nous avons compris que cette solution pouvait parfois être difficile, voire impossible à mettre en œuvre. Depuis un PC, beaucoup d’écueils se sont dressés devant nous, comme l’impossibilité d’installer le même logiciel sur plusieurs terminaux, des problèmes insolubles de perte de mot de passe associé à une adresse mail, la cohabitation de plusieurs routeurs et réseaux Wi-Fi, des procédures d’installation compliquées… Fort de ces expériences, on conseillera le système intégré nativement aux Mac et iPhone (temps d’écran), qui fonctionne sans difficulté. Sur les mobiles et tablettes Android, ainsi que les Chromebook, le logiciel Google Family Link rencontre un beau succès. Sur PC, il faudra compter avec l’incontournable Microsoft Family Safety, une solution aussi efficace quand elle marche que laborieuse à installer. Sur les téléviseurs ou les box, c’est un peu la jungle. Les anciens modèles peuvent ne disposer d’aucune protection. On attend donc avec impatience la publication d’un décret qui doit rendre obligatoire les solutions gratuites de contrôle parental sur tous les appareils numériques de France. Verdict dans les prochains mois…

uSe faire aider

Si vous butez sur l’installation d’un système proposé par un fournisseur d’accès, vous pouvez vous tourner vers

son service clients. Certaines enseignes disposent de magasins physiques où vous trouverez un contact physique souvent plus efficace qu’une discussion par téléphone ou par chat en ligne. Pour toutes les alternatives, il est possible de se rapprocher des équipes de e-Enfance (e-enfance.org). Outre un pôle d’intervention dans les écoles (200 000 enfants par an depuis quinze ans), l’association opère le numéro téléphonique court gratuit 3018. Il s’agit d’une plateforme nationale conçue pour accueillir la parole des victimes d’internet (chantage, pédopornographie…). Signaleur de confiance auprès des grands acteurs du web (Facebook, TikTok, YouTube, Instagram, Twitter, Roblox…), elle est en capacité de faire supprimer les comptes et pages problématiques en moins d’une heure. Elle peut aussi relayer les plaintes auprès de la plateforme de Police Pharos et mettre à disposition des psychologues. Lancé en 2021, le 3018 a reçu 25 000 appels en 2022, pour 10 000 suppressions. En parallèle, l’application mobile 3018 ajoute un coffre-fort numérique permettant de conserver des preuves (captures d’écran, messages…) lors de harcèlement ou de chantage. Même les adultes l’utilisent pour les problèmes d’usurpation d’identité ou de revenge porn. Plus couramment, elle pourra vous guider dans le choix et l’installation d’un logiciel de contrôle parental. Une excellente nouvelle pour les nuls, comme pour les autres… ■

Le drone pour les nuls

De plus en plus agile, le Dji Mini 3 est aussi particulièrement silencieux. Nous l’avons testé.

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eux ans après le Dji Mini 2, qui avait révolutionné le monde du vol radiocommandé auprès des particuliers grâce à une prise en main intuitive, le chinois Dji revient avec un Mini 3 très attendu. Moins cher que ses déclinaisons pour professionnels et utilisateurs avertis (Mavick 3, Mini 3 Pro), il bénéficie du même confort de pilotage et pratiquement des mêmes qualités optiques, au prix seulement de quelques limitations logicielles. On retrouve ainsi un capteur 1/1,3 pouce, plus lumineux qu’auparavant (ouverture f/1,7), capable de réaliser de magnifiques vidéos 4K HDR ou des photos 12 mégapixels en mode horizontal ou vertical (adapté aux réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram ou TikTok). L’introduction du format HDR autorise la création d’images exploitables même en cas de forte dynamique (soleil et grandes ombres, par exemple). La batterie intelligente assure une autonomie de 38 minutes en vol, contre à peine 30 minutes pour le Mini 2. Comme ce dernier, le Mini 3

pèse moins de 250 g (249 g), ce qui le dispense de l’obligation de passer un permis pour le piloter dans le ciel français. On regrettera simplement que les trajectoires de vol préprogrammées se limitent aux modes Spirale, Fusée ou Cercle, mais n’incluent pas le suivi des mouvements d’un personnage. Il faut bien laisser des prérogatives aux modèles plus onéreux…

Des améliorations modestes mais efficaces

Lors de nos tests, nous avons été frappés par la réduction drastique du bruit des hélices. À une vingtaine de mètres, le Mini 3 est déjà quasi inaudible ! Près d’une plage, il est complètement effacé par le bruit de simples vaguelettes. C’est une excellente nouvelle pour les usagers qui préfèrent rester discrets, notamment vis-à-vis de leurs voisins. Second constat, la possibilité de basculer la caméra avec un seul bouton à 90 degrés vers le bas, soit à la verticale, facilite grandement la prise de vue ainsi que le pilotage puisque l’on peut vérifier à tout moment ce qui se trouve en dessous.

Dernier point, le gain d’autonomie, de 8 minutes officiellement, autorise des sessions plus longues et plus confortables. On peut s’aventurer assez loin dans les airs sans craindre de manquer de batterie pour revenir au point de départ. Précisons qu’en vertu de la réglementation française, la puissance de la télécommande reste bridée afin de limiter à la distance d’exploration maximale à 2 km, alors qu’elle peut théoriquement atteindre 10 km. Dans les faits, la présence d’obstacles restreint généralement la portée à 1,5 km, voire 500 m si l’on passe derrière une colline. Heureusement, en cas de perte de signal ou de batterie faible, le drone est capable de revenir tout seul à son point de départ grâce à la localisation GPS. Le Mini 3 est disponible au prix de 489 € nu (pour ceux qui disposent d’une ancienne télécommande), ou 579 € avec la radiocommande RC-N1 (elle exploite l’écran d’un smartphone pour afficher les images). Cela reste 120 € de plus que le Mini 2, qui satisfera la plupart des débutants. La version 3

apparaît clairement meilleure mais pas décisive. À voir selon son budget. Pour notre test, nous avons bénéficié du bundle Dji Mini 3 Fly More (938 €) incluant un sac en bandoulière, une station de recharge bidirectionnelle, deux batteries de vol intelligentes supplémentaires et surtout la radiocommande Dji RC avec écran intégré. Un peu plus chère, elle s’avère plus rapide et plus facile à se synchroniser avec le drone que la RC-N1, qui réclame des branchements filaires et la configuration d’un smartphone. Le choix le plus avisé pour les nuls… ■ P. G.

L’autonomie de 38 minutes du Dji Mini 3 (8 de plus que le Mini 2) autorise des sessions plus longues et plus confortables. DJI Mini

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Télévision

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Xavier Dolan : « Trouver un Accès à l’intime par la série »

Pourquoi vous êtes-vous gardé le rôle du benjamin de la fratrie, Eliott ? C’était le personnage qui correspondait le plus à mon profil et à mon âge. C’est sur lui que reposent les enjeux les plus existentiels. C’est l’enfant miracle, qui arrive sur le tard, sur lequel sa mère place tous ses espoirs, qu’il déçoit. Il porte sur son visage ses souffrances, sa toxicomanie, tout le désamour qu’il a pour lui. Comme j’aime les grandes transformations physiques, je lui ai donné ses tatouages, ses cheveux roses et ce psoriasis. Cette métamorphose nécessitait plus d’une heure de maquillage.

Avec « La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé », le prodige québécois du septième art commet une première incursion vertigineuse dans l’univers du petit écran. PROPOS RECUEILLIS PAR

constance jamet £@constancejamet

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our sa première fois télévisuelle, le réalisateur de Juste la fin du monde se rend au chevet des Larouche. La matriarche, Madeleine (Anne Dorval), se meurt. Son agonie réunit dans la même maison ses fils, qui ne se fréquentaient plus. Leur sœur, Mireille (Julie Le Breton), qui a fui à Montréal il y a près de trois décennies, ne tardera pas. Lors de ces retrouvailles forcées, tous vont passer aux aveux sur ce qui est arrivé lors de cette nuit d’été de 1991, où tout a basculé. Ce terrain de jeu familier lui inspire un oppressant ○○○◐ thriller psychologique. Explications.

LE FIGARO .- Pourquoi avez-vous choisi l’adaptation d’une pièce de théâtre pour vous lancer dans la série ? Xavier DOLAN.- Je rêvais depuis longtemps de faire une série. J’ai grandi devant les feuilletons cultes américains qui passaient sur la télévision de ma

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La comédienne Anne Dorval, les déchirements d’une famille, le poids de la mère, l’homosexualité… La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé rassemble toutes vos obsessions. Ce sont des thèmes si vagues et universels qu’on les retrouve dans bon nombre d’œuvres. Pas que les miennes ! Pour moi ce sont des situations qu’on peut explorer et réexplorer sans jamais se répéter. Ces problématiques peuvent être vécues et exprimées à travers tellement de facettes. Ce sont les personnages, à chaque fois différents, qui les renouvellent. Qu’y a-t-il de commun entre la matriarche de Mummy ou J’ai tué ma mère que campait Anne Dorval ? Rien. De même, je n’ai jamais revisité les années 1990 avec la même ambiance ou texture.

mère : Buffy contre les vampires, Smallville, Les Soprano… Ces œuvres m’ont énormément influencé. La pièce de ­Michel Marc Bouchard, que j’ai découverte en 2019, m’a subjugué et me semblait adaptée à mon désir de m’essayer au thriller psychologique, de toucher au genre. J’ai approché l’écriture avec une passion qui m’a porté durant tout le confinement. Comment s’est passé le processus d’adaptation aux codes de la série ? La pièce couvrait quelques heures et se déroulait dans le huis clos d’un laboratoire d’embaumement. Je voulais en sortir, filmer les lumières, l’atmosphère des années 1990. Il fallait révéler les failles de la fratrie, aller dans les fantasmes, oser une touche de surréalisme pour trouver un accès le plus intime possible à la psyché. Le découpage par épisodes im­ posait un rythme différent du longmétrage. J’ai conçu des fins à suspense assez éhontées comme dans les sagas de mon enfance. Chaque volet creuse l’intrigue et alterne les points de vue. Le pilote dévoile celui de Julien, l’un

Lors de la sortie de la série au Québec, vous avez confié ne plus avoir envie de réaliser de films… Avec cette série, j’ai l’impression de boucler la boucle de mes obsessions et je m’interroge sur la pertinence de ce que j’ai encore à dire. Depuis la pandémie, il m’est difficile d’aller jusqu’au bout de mes idées. J’ai beaucoup travaillé et je veux vivre d’autres passions, découvrir des univers comme l’architecture, voyager. Dans un monde en perdition, le septième art se tourne vers des récits plus engagés, plus politiques et ce n’est pas mon domaine. ■

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« La pièce de M ­ ichel Marc Bouchard m’a subjugué et me semblait adaptée à mon désir de m’essayer au thriller psychologique », explique Xavier Dolan. PASCAL LE SEGRETAIN/

des frères, le deuxième introduit la sœur paria, Mireille, qui est le personnage central, le troisième se recentre sur la famille puis les suivants détaillent les affrontements et les mensonges de chacun. Étrangement, mon script ne contient aucune des répliques de Bouchard.

Getty Images via AFP

« piste noire » : piège en haute montagne

cette série policière avec Thibault de Montalembert étrille les dérives de la compétition et déçoit. julia baudin £@BaudinJ

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TREMBLER D'HORREUR

PONCER À LA MEULE

DONNER DE L'ALLONGE

MIS EN DÉROUTE

MATIÈRE EN COUPON

DEVOIRS D'ÉLÈVE

CHERCHE À INTIMIDER

APPRIS PAR RÉPÉTITIONS

CLAUSE DE VENTE

AVERTIT DU DANGER

RELATIF AU VISAGE

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ACROBATIE AÉRIENNE

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VERTICALEMENT 1. Jacques Ibert. - 2. Avoir. Irisée. - 3. Lisseuse. Tag. - 4. OAS. Élans. Lu. - 5. Utah. Ili. - 6. Sirius. Quête. - 7. Ioder. Fulton. - 8. Enseignement.

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HORIZONTALEMENT 1. Jalousie. - 2. Aviation. - 3. Cossards. - 4. Qis. Hiée. - 5. Urée. Uri. - 6. Ulis. - 7. Sisal. FN. - 8. Irénique. - 9. Bi. Ulm. - 10. Est. Fête. - 11. Réal. Ton. - 12. Tégument.

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SOLUTION DU PROBLÈME N° 6194

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RONDE DES MOTS © Trouvez les mots correspondant aux définitions centrales et inscrivez-les autour de la case qui leur revient. La première lettre de chaque mot est indiquée par le triangle. Chaque mot se lit dans le sens des aiguilles d’une montre.

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SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT 8 1 9 3 4 2 7 6 5

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LETTRES EN PLUS TERCET - GRAVIR - BUNKER - MENUET. LETTRES EN MOINS Les mots à trouver sont : CHAIS (Ouvrir, casser, cloque, poncer, flaque). IGLOO (Laque, rêver, caque, parle, nuage).

A

VERTICALEMENT 1. A vocation à retrancher. - 2. Diffusent des lumières. - 3. Vieux char. Esprit fort. - 4. Partie de campagne. Est dans l’avenir. Pointe ibérique. - 5. Prennent dans les cordes. Économise la salive. Renvoi littéraire abrégé. - 6. Tranche de pastèque. Risque de faire scandale. Conclut un pacte d’union. - 7. Refroidis. Brève rencontre. Maison de luxe. - 8. Mesures discriminatoires.

Par Vincent Labbé

SOLUTION DU N°4250

PROBLÈME N° 6195

HORIZONTALEMENT

1. Niais tout d’un bloc. - 2. Descend du songe. - 3. Barbue qui tombe des branches. Paire de bagages. - 4. Travaux forcés. Un pied déraciné. - 5. Réunions d’affaires. - 6. Lettre ésotérique. Gros tas de sable. - 7. Bien repassé. Botte. - 8. En action. Donne des numéros côté court. - 9. Prénom dans l’intimité. Sert le croissant. - 10. A une terrible réputation au cinéma. Le seigneur des anneaux. - 11. Moment où bleuissent les grappes. - 12. Vieux hypocrites.

Piste noire n’est pas la fiction de l’année. Parce qu’elle veut plaire au plus grand nombre, elle aborde de trop

SOLUTION DU N°4249

FTV/ MACONDO PRODUCTION

res se dessinent, intéressent, s’entrecroisent et dont on aimerait mieux connaître les enjeux et la détermination. Reste aussi la qualité de la mise en scène et de la réalisation. Scénariste, cinéaste, assistant de Jacques Audiard sur Un prophète et à l’origine de la série Trauma (sur 13ème Rue) et du longmétrage L’Intervention, Fred Grivois est à la manœuvre. Image, cadrages, lumières sont parfaits. Il faut dire que les montagnes, la neige et les sapins forment un cadre parfait pour l’ambiance des polars. Outre sa diffusion hebdomadaire sur France 2, Piste noire est aussi disponible en intégralité dès ce lundi sur France.tv. ■

nombreuses questions, qu’elle survole au risque d’opacifier l’intrigue et d’oublier de creuser ses personnages, certains pourtant méritants. Lutte des classes, parité, environ­ nement, quête identitaire, système nobiliaire, corruption, compétitivité, ­ harcèlement… Tout y est ou presque. Il en ressort un mélange de polar sociétal, de thriller financier, de drame psychologique. C’est beaucoup pour une seule fiction, même écrite avec soin, même déclinée en six épisodes. Restent alors les principaux personnages : Servoz (Montalembert), sa coéquipière (Constance Labbé), la maire de la station (Hélène Seuza○○¡¡ ret), dont les trajectoi-

Corruption et harcèlement

SOLUTION DU N°4248

Constance Labbé et Thibault de Montalembert jouent les coéquipiers dans la série Piste noire. Nicolas ROBIN/

l rêvait de revêtir l’uniforme. France 2 a exaucé son vœu. « Je n’avais encore jamais eu l’occasion de porter les couleurs de la gendarmerie nationale, qui plus est avec le grade de major et au sommet des montagnes… », s’amuse Thibault de Montalembert. Si le public n’est pas près d’oublier sa performance dans la série Dix pour cent dans la peau de l’agent artistique Mathias Barneville, classieux Janus de théâtre, celle-ci en étonnera également plus d’un. « Et pourquoi pas ?, assume le comédien. Refuser l’étiquetage en sortant de ce que les communicants appellent sa zone de confort

est une des bases de ce métier… ». ­lcoolique repenti, son Servoz est A bourru, brouillon, sexiste, provocateur, enclin à rentrer chez lui le plus tôt possible et pas du tout disposé à se mettre à dos qui que ce soit. Dans la station de sports d’hiver où il veille à la sécurité des administrés et au respect de la loi, un meurtre est pourtant commis, puis un autre, qui vont raviver les vieilles blessures et mettre au jour les pratiques douteuses de la gentry locale. Le tout sur fond d’investissement immobilier et de sport de haut niveau.

lundi 23 janvier 2023 le figaro

40 télévision

météo

Tous les programmes dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag

ÉPHÉMÉRIDE St-Barnard Soleil : Lever 08h31 - Coucher 17h33 - Premier croissant de Lune

À LA DEMANDE 21.10

21.10

Lycée Toulouse Lautrec Série. Humoristique

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Piste noire

Une ardente patience

Ne le dis à personne

Série. Dramatique

par

Film. Thriller

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Fra. 2022. Saison 1. Avec Chine Thybaud, Valérie Karsenti. 2 épisodes. Inédit. La bande presque au complet s’envole au Maroc pour un dernier voyage de classe mémorable. Jean-Philippe réalise enfin son rêve et surfe sur les dunes du Sahara.

Fra. 2023. Saison 1. Avec Constance Labbé. 2 épisodes. Inédit. Dans une station de ski des Alpes, une jeune gendarme de la SR de Lyon enquête sur un incendie survenu dans un campement de fortune, provoquant la mort d’un saisonnier mal logé.

23.15 New York Unité Spéciale. Série. Policière. Géniteur en série.

Fra/GB. 2006. Réal. : Guillaume Canet. 2h01. Avec François Cluzet. Huit ans après le meurtre de son épouse, un pédiatre replonge dans l’angoisse lorsqu’un mail lui laisse entrevoir que son épouse est peut-être vivante.

22.55 Meurtres au paradis. Série. Suspense. Ouragan meurtrier.

21.08

23.20 Morvan, pour quelques douglas de plus. Documentaire. Réal. : Franck Cuveillier.

20.55

La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé

21.10

Dans la chaleur de la nuit

Seven Sisters

Film. Policier

Série. Dramatique

Film. Science-fiction

Can. 2022. Saison 1. Avec Julie LeBreton. La nuit où Madeleine est morte. Dans la commune de Val-des-Chutes au Québec, le destin de trois personnes va basculer une nuit d’octobre 1991.

EU. 1967. Réal. : Norman Jewison. 1h45. Avec Sidney Poitier. Deux policiers intègres, un Noir et un Blanc, enquêtent sur un meurtre dans une petite ville du Sud des Etats-Unis, rongée par les préjugés et le racisme.

EU/GB/Fra/Blg. 2017. Réal. : Tommy Wirkola. 2h03. Avec Noomi Rapace. Une prouesse d’actrice pour Noomi Rapace, qui incarne sept rôles à la fois, dans un suspense d’anticipation aux effets spéciaux de qualité.

22.01 La nuit où Laurier Gaudreault... La nuit où Mireille était reparue. Série.

22.40 Sidney Poitier : Le révolutionnaire d’Hollywood. Documentaire.

23.15 Incassable. Film. Thriller. Avec Bruce Willis, Samuel L. Jackson.

20.34 Touche pas à mon poste ! Div.

19.50 Le cross : les Marseillais vs le Reste du monde vs les Motivés.

21.20 Commissaire Magellan

20.45 Quotidien. Divertissement.

Série. Policière. Fra. 2011. Saison 1. Avec Jacques Spiesser. Mort subite. Inédit. Le futur mari de l’héritière d’une riche famille est assassiné sur un terrain de golf. Puis vient le tour de son caddie. Magellan soupçonne toute la famille.

21.05 Les petits mouchoirs

21.25 Star Wars Épisode V : l’empire contre-attaque

23.00 Commissaire Magellan. Série.

23.50 L’arnacœur. Film.

23.45 Star Wars Episode IV : un nouvel espoir. Film. Science-fiction.

Film. Comédie dramatique. Blg/ Fra. 2010. Réal. : Guillaume Canet. 2h25. Avec François Cluzet, Marion Cotillard. Un groupe d’amis décide de maintenir ses vacances à la mer malgré l’accident de l’un d’eux.

Film. Science-fiction. EU. 1980. Réal. : Irvin Kershner. Avec Mark Hamill. Après la lutte impitoyable qui les avait opposés à l’Empire galactique, les rebelles de l’espace pensaient être à l’abri sur Hoth.

20.00 C à vous la suite. Talk-show.

20.00 Wheeler Dealers France. Doc.

20.20 C’est un complot ! Doc.

21.00 Planet Killers

21.10 Sous-marins nucléaires : les armes de l’ombre

20.50 Les secrets des Vikings

Documentaire. Fra. 2022. Réal. : Martin Boudot. 0h50. 2 épisodes. Inédit. Gros plan sur la longue traque de Cyril Astruc, l’un des cerveaux d’une escroquerie à la taxe carbone qui a coûté cinq milliards d’euros aux États européens. 22.45 C ce soir. Talk-show.

Documentaire. Fra. 2020. Réal. : Eddy Pizzardini, Vincent Attelé. 0h51. C’est sur la base de l’ile Longue, près de Brest, que 2 400 personnes veillent à la maintenance des SNLE. 22.10 Sous-marin nucléaire : Déconstruction XXL. Documentaire.

Documentaire. GB/Irl. 2018. Réal. : Jeremy Freeston. 0h45. 2 épisodes. En 2009, durant la construction d’une autoroute en Angleterre, une tombe contenant 54 squelettes a été mise au jour, confirmant l’invasion du pays par les vikings.

22.20 Normandie, terre de guerriers.

Rejeté par Beatriz, la femme dont il est épris, parce qu’il a fait passer pour sien un poème d’amour en réalité copié de Pablo Neruda, Mario est désemparé. Bien décidé à conquérir la belle, il se fait engager comme facteur pour porter le courrier de l’illustre poète. En se rapprochant de ce dernier, il découvre la poésie qui est en lui. Nouvelle adaptation du roman «Une ardente patience», d’Antonio Skármeta, ce film du chilien Rodrigo Sepúlveda bénéficie des paysages exceptionnels de Isla Negra, là-même où Pablo Neruda possédait une maison. On se laisse facilement séduire par cette romance lumineuse et solaire, débordante du charme d’Andrew Bargsted, Claudio Arredondo et Vivianne Dietz.

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➜ 17 heures : « Le BuzzTV » (avec TV Magazine) – Invité : Thibault de Montalembert, acteur dans la série Piste noire sur France 2. Interviewé par Nicolas Vollaire et Damien Canivez.

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Lundi 23 janvier sur lefigaro.fr

➜ 18 heures : « Points de vue ». Présentation : Vincent Roux. Avec Frédéric Micheau, directeur général adjoint d’OpinionWay sur le soutien, ou pas, des Français à la réforme des retraites ; Renaud Girard, grand reporter au Figaro international, pour un point sur la guerre en Ukraine ; et Joël Cornette, historien, qui publie Une brève histoire de l’identité bretonne (Tallandier).

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lachainemeteo.com

Par téléphone :

LIVE 24/24

Sur L’APPLI

GRATUITE La Chaîne Météo

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MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°3426 INDICE SUR UNE BALANCE PRATIQUE

TRAVAIL DE MARÉCHAL FUTUR NOVILLO

OUTIL DE MONTAGE ELLE COUPE COURT

MINEURE, EN TURQUIE ENCARTAI

CE N’EST PAS DU TOUT CUIT !

DISPARU DE FAÇON TRAGIQUE MARIAGES

PERSONNAGE EN PRIÈRE

IL NE DEMANDE QU’À ÊTRE EXAUCÉ

RÉDUCTION

ARTICLE INDÉFINI DU BOIS BRÛLÉ

YPRES CHEZ LES FLAMANDS

ATTENDANT

COURAGE EXCESSIF ANIMAL QUI CHASSE LONGS TEMPS

AFFECTÉES ET MÊME GRAVES

SANS PRÉCIPITATIONS QUI A DES CONNAISSANCES ÉTENDUES

TEST POUR UN PSYCHIATRE

AVEC MALMAISON HAMEAU OU ÎLOT RUMINAIT JADIS CYCLES RÉGULIERS

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DEVANT CE QUI T’APPARTIENT DÉPASSÉ SUR LE CANAL

PRÉPARATION D’ALCHIMISTE

BLOC DANS LA MER DE GLACE

E E M P O E R V E U E R M A R P O M J E J U S P A

200 À ROME DORADE DU MIDI

INTERSIDÉRALES RADIUM AU LABO VER MARIN CARNASSIER

IL SIGNIFIE FAIRE CHOU BLANC ARRIVÉE EN CE MONDE DISTANCÉ

PALMIERS À NOIX VU SUR LA BOBINE

AUTREMENT APPELÉ ID EST

POUPÉES

JOLIE FLEUR ROI À JOUER

COLONNE FUNÉRAIRE GRANDE LAVANDE

VILLE CORSE LANGAGE DU WEB

DE L’EAU

UNE PARTIE DE LA SUISSE

ARTÈRE PARTANT DU CŒUR BOIRE SEC

ENSEMBLE DE GRAINS BIEN DRESSÉ

APÉRITIF ROUGE

CHERCHE À ÉJECTER LE CAVALIER

CONTINENT

ÎLE VOLCANIQUE APPAREILS DE CUISSON

HOMME CLOÎTRÉ

BRAMA RÉGION DES FRANCILIENS

A I N N A T E T E E N T B I V S E F E D F I L L I T R E

B A I L R E S N D A F L O C N A U D I L E R T N I A M M A A I N T O U S B M E L R I R A S A I S L L E E M U S E R N S T A U R E E E S T R S U A N T R A S T U E F R E R A P N G O E T C E S

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le figaro

lundi 23 janvier 2023

41 Portrait Depuis vingt ans à la tête de son agence Nice Work, il tisse des liens précieux entre le monde de la beauté et les célébrités.

Né à Villeneuve-la-Garenne, il confesse une enfance bourgeoise près du parc Monceau, mais découvre très tôt la vie parisienne : « J’ai toujours été un fêtard, c’est important dans mon parcours. » Et comment. Les parents de ses copains d’enfance s’appellent Sardou, Depardieu, Ardant, Deneuve, Balasko. « J’ai gagné de l’argent de poche en faisant ouvreur dans les spectacles de Charles Aznavour. Camille, le fils de son producteur, Lévon Sayan, et moi jouions au Uno en l’attendant dans sa loge. Cela m’a permis de comprendre assez tôt ce qu’était le star-système. J’ai fréquenté des rallyes avec des aristos, le Palace ou les Bains-Douches avec des top-modèles, tout m’amusait, je mélangeais tout, sans stratégie : ce sont les êtres humains qui m’intéressent depuis toujours. »

Carl Ganem la crème des agents

« Clair et transparent »

Marie-Noëlle Demay

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Collection personnelle

[email protected]



actrice Ludivine ­Sagnier le surnomme « Carlton » depuis qu’ils ont vécu l’aventure du Fes­ tival de Cannes côte à côte. Ses autres ami(e)s, actrices, chanteuses, «socialites » : « Carlus », ou encore, tout simplement, « Carl ». Avec un C. Carl Ganem est le fondateur de Nice Work, une des agences de relations publique beauté et lifestyle les plus cotées du secteur - 25 employés, dont six dédiés à l’influence-, qui fête cette année ses vingt ans d’existence. De Fenty Beauty (Rihanna) à Rare Beauty (Selena ­Gomez) en passant par Coty (son tout premier client), Estée Lauder, L’Oréal Paris, Gucci Beauty, Tom Ford, Huda Beauty, Shiseido, Carita, Caudalie, Guerlain, Yves ­

­ ocher, Charlotte Tilbury, Olaplex… R Plus de quarante marques lui confient leur communication. Pas de hasard : l’homme, à la chaleur communicative, large sourire et yeux pétillants, est un professionnel aguerri, rompu aux lois du marché des cosmé­tiques. Et il possède une inestimable valeur ajoutée : un carnet d’adresses qui lui permet de tutoyer tout ce que la planète people compte de célébrités. À la fête donnée en septembre dernier pour célébrer l’anniversaire de Nice Work se pressaient Isabelle Adjani, Thomas Dutronc, Leïla Bekhti, Antoine Arnault, Charlotte Gainsbourg, Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, parmi

tant d’autres. C’est lui, aussi, qui a œuvré dans les coulisses du prix Beauté Stars, qu’il a cocréé en 2007 avec Madame Figaro, pour en faire un événement et un succès unique.

Starifier un produit

Rien pourtant qui ne saurait faire tourner la tête de celui qui sait comme personne mettre en relation marques et célébrités. Son talent : starifier un produit, le rendre hautement désirable en le faisant porter par ceux qui ont le plus fort pouvoir d’influence : les stars. « Une fois que le produit que je défends occupe suffisamment d’espace dans une salle de bains, ça réduit mathématique-

ment celui des autres ! Et la communication se fait ensuite par son utilisation par une personnalité. En France, les actrices ont une image formidable et on a besoin de répétition et d’installation », explique celui qui, passionné de psychologie, privilégie la qualité et la pérennité des liens humains. « C’est important d’être à l’aube d’une carrière. J’ai rencontré Leïla Bekhti alors qu’elle débutait, dans le film Sheitan, de Kim Shapiron, en 2006. Notre amitié s’est nouée sur des temps forts partagés. » Chose rare, Carl Ganem reste aussi présent auprès des différents artistes qu’il côtoie lorsque la lumière des projecteurs se fait plus diffuse : « C’est important la fidélité dans les passages à vide. Surtout dans ces moments-là. » Chez lui, vie personnelle et vie professionnelle sont aussi imbriquées que l’huile et l’eau dans l’élaboration d’une crème cosmétique.

UN dernieR mot [email protected]

Les études ? : « J’étais doué, mais pas très bosseur. Par contre, je n’ai jamais eu peur de prendre la parole », confie-t-il dans un éclat de rire. DESS de marketing en poche, Il décroche un premier job chez Elizabeth Arden, où il découvre l’univers de la beauté et le pouvoir de l’influence en offrant à ses copines connues la Crème de Huit Heures, lesquelles en parlent dans les magazines féminins… Avant TikTok et Instagram, le bouche-à-oreille et les articles de journaux étaient alors les premiers canaux médiatiques. Louis Vuitton l’appellera ensuite pour aider à organiser, versant célébrités, un événement, ce qui lui mettra le pied à l’étrier, avant d’enchaîner avec Yves Saint Laurent et Cartier. Son analyse du monde des cosmétiques est forcément éclairée : « Il y a vingt ans, il n’existait qu’une vingtaine de marques. Il y en a aujourd’hui des centaines, avec un millier de lancements par an en France. Le digital a été une révolution, car il a permis à celles sans beaucoup de moyens un accès direct aux consommateurs, ce qui a conduit les grands groupes à revoir leur stratégie, soit en rachetant les petites structures, soit en devenant plus flexibles et adaptables en termes de communication. Être une marque qui compte, aujourd’hui, c’est être cohérent, avec un concept clair et transparent, non de vouloir épouser tous les courants actuels. » Son temps libre, ce passionné d’art contemporain le passe à courir les galeries pour dénicher de nouveaux talents ou à parrainer un nombre incalculable d’associations de protection de la faune sauvage. La beauté du cœur… ■

Par étienne de Montety

Traité (trai-té) n. m. Correction d’une faute d’accord.

I

l y a soixante ans, la France et l’Allemagne signaient un traité d’amitié. Le mot vient du verbe latin tractare, qui signifie régler quelque chose en discutant. Un traité fait généralement l’objet de tractations préalables. Il a souvent trait à un différend qu’il est urgent d’aplanir. Certes aucun conflit ne se règle d’un trait de plume, mais ainsi va la vie, il faut traiter le problème. Il faut d’abord se mettre autour d’une table, et éventuellement faire venir un traiteur : cela facilite toujours le traitement du sujet. Ensuite, il convient, tout au long de la discussion, de ne pas se montrer intraitable, faute de quoi le traité serait compromis. Traiter l’autre de tous les noms, c’est risquer qu’il se sente maltraité. Et surtout au moment de signer, être attentif à la rédaction du texte : ne pas comprendre un mot, un traître mot, de ce qui est écrit, et alors s’insinue l’idée qu’il pourrait y avoir trahison. Et alors c’en est fini du traité, qui finira au retraitement. ■

FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ Connue comme écrivain et journaliste, Élizabeth Tchoungui est aussi très active dans le monde de l’entreprise. Elle a su notamment mettre en place des initiatives ambitieuses pour renforcer la diversité et l’inclusion au sein du groupe Orange, dont elle est la directrice exécutive RSE. Promotrice du plan Hello Women pour défendre l’égalité femmes-hommes dans l’univers du numérique, elle vient d’impulser un large programme de reforestation et de protection de la biodiversité dans les régions où opère le groupe. Également présidente déléguée de la Fondation Orange, elle trouve néanmoins encore le temps d’écrire. Dans son dernier ouvrage, Tout est possible (L’Aube), cette Franco-Camerounaise raconte son riche parcours professionnel.

Nicolas Gouhier

Chez Orange, Élizabeth Tchoungui met le cap sur la reforestation

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Féministe, universaliste, très marquée par l’affaire du député LFI Adrien Quatennens, condamné à 4 mois de prison avec sursis pour des violences à l’encontre de son épouse, Lydia Guirous écrit un nouveau livre, cette fois sur les violences psychologiques. « Les femmes sous emprise sont dans une prison à ciel ouvert, victimes d’une violence quotidienne qui laisse peu de traces en surface, mais qui détruit en profondeur », confie-t-elle.

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Lydia Guirous prépare un livre sur les violences psychologiques

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