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Story Transcript

Dans une école primaire dans laquelle je travaillais en tant qu’enseignante d’appui à l’apprentissage, il y avait Liam. Liam était un garçon autiste alors âgé de 13 ans, également atteint du syndrome du goldenhar.

Le principal objectif d’intervention pour Liam visait la communication fonctionnelle. Je cherchais entre autres à l’amener à dire s’il avait du mal et à exprimer une opinion à son niveau. Les objectifs étaient construits dans la suite de l’Évaluation compréhensive de l’apprentissage et de l’autonomie (ÉCAA). Des priorités ont été établies en fonction des résultats de l’évaluation. Ces dernières étaient travaillées par le biais d’une programmation détaillée et de manière évolutive. Ces points étaient mis à jour sur une base régulière et étaient ajoutés à son dossier pour assurer une communication constante et un suivi pour son entrée l’école secondaire, l’année suivante. C’est pourquoi la liste des intervenants impliqués au dossier était longue. Il y avait un engagement de part et d’autre des personnes qui côtoient Liam au quotidien ; un partage de responsabilités.

Outre sa programmation, Liam devait aussi travailler une habileté essentielle pour la discussion respectueuse, c’est-à-dire l’habileté d’attendre son tour. Pour celle-ci, les histoires sociales, le modelage, les renforcements aussi verbaux que tangibles et les rappels étaient utilisés. Ses pairs, son assistante en éducation, ses enseignants et la direction étaient tous impliqués pour l’obtention du résultat attendu d’attendre son tour dans diverses situations, et ce pour une moyenne de 4 situations sur 5. D’autres objectifs auraient pu être à travailler au niveau du comportement social, mais le but prioritaire étant la communication, ces objectifs se sont réalisés de pairs aux autres programmes.

La communication réciproque, avoir des échanges avec des personnes était un objectif de taille. C’est pourquoi ce domaine fut touché par le biais de la programmation. Non seulement Liam devait répondre en restant dans le sujet, dans un temps raisonnable, mais il devait également dès sa première réponse répondre un oui ou un non sans changer d’idée. Il devait assumer sa réponse et répondre avec une nouvelle affirmation.

Liam devait développer son vocabulaire expressif et son schème des relations entre les objets et à long terme, les émotions. Le domaine de l’identification expressive visait à lui apprendre à exprimer des raisons décrivant des similitudes et des différences entre des éléments. Liam était ainsi exposé à diverses situations. Le classement par catégories avait pour but aussi d’amener Liam à élargir ses connaissances de ce qui l’entourait pour avoir une meilleure conscience de la réalité et de ce monde dans lequel il cheminait.

En plus de l’objectif de mise en séquence pour raconter une histoire dans son plan d’intervention, ce prérequis essentiel à la communication était travaillé sous diverses formes. Il devait entre autres communiquer à sa famille sa journée, dans l’ordre de la réalisation de ses activités. Les éléments choisis de sa journée étaient communiqués sous diverses formes : écrit, oral, etc. Cet objectif, ainsi que tous les autres, rendait compte d'une communauté d’apprenants. Les pairs étaient impliqués et également la famille et tous les enseignants qui œuvraient de près ou de loin avec Liam.

Dans sa journée scolaire, Liam avait également des objectifs d’apprentissage bien précis relatifs aux matières dites de base. Par exemple, en lecture, il devait lire des phrases simples et répondre à des questions à l’oral. Il lisait des livres à son niveau, apprenait les mots fréquents, les sons complexes, des mots thèmes. En écriture, il utilisait son iPad et divers outils afin de communiquer une activité de sa journée. À travers cette visée, il travaillait la saisie de clavier, il construisait des phrases simples à l’aide d’une banque de mots aimantés, il verbalisait son activité favorite du jour. Ses pairs et sa famille étaient engagés à répondre à ses messages. En mathématiques, il prenait la température du jour. Il remplissait un calendrier mobile en salle de classe, travaillait les concepts du temps et les repères temporels tels que : hier, aujourd’hui, demain, matin, midi, soir. Il prenait des données, utilisait une horloge visuelle, apprenait l’heure et établissait petit à petit des relations liées au temps. Il travaillait aussi l’argent. Il reconnaissait les pièces de monnaie et les billets et il calculait de petites sommes d’argent. Relativement à son but premier et ultime de communication, il participait à une collecte de fonds organisée par l’école en

s’occupant de la vente de sucettes glacées au dîner. Tous ces derniers objectifs relatifs aux acquis de base se faisaient de pair avec les objectifs préconisés de communication. Sa programmation était le cœur de sa journée, mais ces cibles complétaient son horaire qui se voulait riche en apprentissages pour tenter de maximiser le développement de son potentiel. Ces objectifs ne visaient pas à respecter la norme des programmes d’études. Les essentiels étaient touchés. Les interventions ne cherchaient pas à rendre compte de tous les résultats d’apprentissages des matières dites de base. J'allais à l’essentiel. Liam était au cœur des réflexions et non pas les attentes du ministère. Il suivait un certain cadre scolaire, mais à son niveau.

Des tâches autonomes garnissaient aussi son horaire. Il se voyait augmenter son temps face à des tâches acquises. Si l'on pensait à l’aspect vie-carrière à long terme, Liam pouvait facilement travailler plus tard comme étalagiste. Ces tâches permettaient de le voir à l’œuvre et lui permettaient de ne pas dépendre des autres tout au long de sa journée. Ici, je visais certes l’autonomie, mais surtout une communauté inclusive !

Le fil conducteur de tous ses objectifs était la communication. C’est pourquoi tout était choisi et construit minutieusement relativement à cette visée. Par exemple, à travers des choix d’images ou d’objets de la réalité, les symboles de sécurité étaient présentés à Liam. La sécurité se plaçait aussi derrière certains savoirs essentiels à connaître. Il devait être en mesure de reconnaître les sorties d’urgence, de repérer les escaliers, les signaux d’arrêt, la désignation des couleurs des feux de circulation, etc. Il devait pouvoir consciemment utiliser les mots appropriés à une situation hors de la routine. Une façon de communiquer dans la vie de tous les jours, mais pour sa sécurité. J’abondais dans le sens à minimiser les différences. C’est pourquoi la programmation et les objectifs, bien qu’ils eussent un cadre scolaire, avaient tout de même un but primaire de développer sa communication. Son plan d'intervention demandait une certaine ouverture.

À l’époque, son plan d’intervention tentait d'impliquer divers acteurs dans le dossier. Toutefois, je tenais tout de même à ce que Liam soit en salle de classe pour la majeure partie de son temps scolaire, mais en sachant pertinemment qu’il devait aussi absolument sortir de la classe pour travailler les cibles de ses programmes de façon isolée. Je me trouvais dans le paradigme de dé-normalisation. En d’autres mots, il devait recevoir de l’enrichissement dans sa différence ! La différenciation pédagogique était au cœur des apprentissages de la salle de classe, mais Liam était enrichie par une programmation flexible.

Mon plan d’intervention n’avait pas la prétention d’effacer les différences, mais tentait certainement de répondre à un besoin de communiquer de façon plus spontanée et fonctionnelle. Je me questionnais régulièrement sur la portée de mes interventions et sur le comment l’environnement scolaire pouvait jouer un rôle et ainsi impacter la vie de l’élève. Je misais sur des projets vie-carrière.

Je restais tout de même redevable à mes programmes d’études prescrits par mon ministère et aux examens ministériels, mais mon regard était porté davantage sur les effets de ces derniers sur le cheminement de mon élève et dans quelques cas, choisissais de les voir comme des expériences. Les résultats d’apprentissage si précis et détaillés n’étaient pas des finalités absolues.

J’étais constamment en réflexion. Je tentais de ne pas normaliser mes interventions. Je visais un côté pratique des objectifs en cours pour mon élève et son entourage. Je visais à mettre à profit les capacités et les champs d'intérêt de ce dernier.

Dans le cas de Liam, je visais à le faire évoluer, cheminer dans un contexte naturel. C’était un processus évolutif qui tendait à se faire en communauté d’apprenants. L’autonomie était une visée ; je cherchais à le rendre autonome tout en essayant de développer cette communauté inclusive tant désirée et nécessaire !

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Tout le monde est unique. Les genres diffèrent, les caractéristiques physiques différencient les uns des autres, les caractères distinguent tout un chacun, chacun ayant sa propre personnalité, bref, malgré des similitudes, personne n’est pareil ; tout le monde est différent ! Que l’on soit doué et talentueux, aveugle, grand, petit, démuni d’un membre, ces différences et ces traits rendent chaque individu unique. Pourquoi ne pas faire ressortir le beau et l’unicité derrière ces différences ? Bien que des diagnostics soient posés pour faciliter la mise en place de certaines interventions essentielles, il n’en demeure pas moins qu’une intervention qui fonctionne pour un ne fonctionnerait pas nécessairement pour un autre. Outre le diagnostic donné aux élèves, il faut démystifier les particularités qui se cachent derrière chacun des êtres à part uniques qui se trouvent dans les salles de classe. Il faut compenser les défis et miser sur les forces. L’histoire de Liam se veut une source d’inspiration pour le système inclusif encore en construction. Son parcours n’a pas été linéaire, des embûches sont encore certainement à prévoir, mais sa situation trace un chemin pour les générations futures.

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