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Novembre - Décembre 2022

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Novembre - Décembre 2022 le magazine du pilote de planeur francophone No 215 • Les coulisses du Mondial féminin •Retour sur les championnats du monde en Hongrie Lak-20: et s'il avait plutôt été un 20m? Compte rendu du congrès de l'APSV • Le Sol.Ex boucle son tour de France • Grand-Prix de France 2022 à Vinon • Electrifly-In, le salon aéronautique et électrique Chérence a fêté ses 75 ans! CLUB AÉROMÉDECINE CHECK-LIST ESSAI COMPÉTITION


Pagaille administrative Aujourd’hui, rares sont les publications qui persistent à publier un contenu dans une rubrique qu’autrefois on intitulait « courrier des lecteurs ». Aujourd’hui, on tweete, on publie des « posts » sur Instagram, Whatsapp ou sur Facebook (ou les trois, bien sûr), pour faire connaître au plus grand nombre son ressenti, son opinion sur tout et n’importe quoi. C’est devenu tellement facile, comme un réflexe, une démarche instinctive, que toute retenue à disparu dans cette démarche d’adresser un message à plein d’« amis » qu’on n’a jamais vus. L’immédiateté semble le plus souvent avoir pulvérisé toute réflexion, à tel point qu’il peut survenir qu’on regrette le geste tandis que le coup est parti… La rédaction de Vol à Voile n’échappe naturellement pas à cette tendance de fond, et est logiquement présente sur les réseaux sociaux. Heureusement, le modérateur n’est pas débordé, bien que les vélivoles, tout passionnés qu’ils soient, comme les autres, sujets à de possibles débordements! Et dans cette mouvance, rarissimes sont les lecteurs qui prennent la peine de contacter directement le rédacteur en chef, en attirant son attention sur tel ou tel problème. La démarche, avant, était rare mais pas totalement inexistante, et les remarques qui passaient au travers du filtre de l’effort à faire pour structurer un message ne manquaient en général pas de bienfondé… Mais ça, c’était avant! Aussi, suis-je surpris aujourd’hui quand je suis ainsi approché et suis-je bien tenté de livrer au plus grand nombre un point de vue, une protestation, que sais-je ?, exprimée avec bon sens et justesse. Ainsi ai-je récemment publié (Vol à Voile n° 213 de juillet-août 2022) le courriel d’une personne stigmatisant l’accueil de « l’étranger » dans les clubs (pas le vôtre, bien sûr). À ce que j’ai pu en juger, ce fut pour certains un petit électrochoc, avec l’obligation de balayer devant la porte du club-house… Je réitère, décidé après réflexion à laisser l’opinion qui suit s’exprimer. Désolé, pour protéger son auteur(e), je préfère une fois encore la/le couvrir d’anonymat. Cette fois, c’est l’administration qui est visée, et il y a fort à parier que, du coup, les lignes qui suivent recueilleront l’adhésion du plus grand nombre ! Attention, c’est sérieux, cela concerne l’espace aérien. Ouvrons les guillemets: « La structuration des publications aéronautiques françaises (AIP) est sujette à des modifications en permanence.On a ainsi pu voir apparaître récemment un nouveau chapitre intitulé ENR 5.1-3 constitué d’une majorité de zones déjà existantes… qui heureusement n’ont pas changé de nom ni de numéro comme cela est malheureusement parfois le cas.Quand une zone disparaît, il est difficile de savoir si elle a vraiment disparu, si elle a changé de classement ou encore s’ils’agit d’un oubli quisera corrigé quand le SIA s’en rendra compte. Je me suis intéressé à ce nouveau classement pour essayer de trouver la logique qui sous-tendait ce changement. Il apparaît rapidement que toutes les zones concernées sont des zones militaires.Maistoutesles zones militaires n’ont pasvu leurclassement modifié.J’ai imaginé que celles gérée parl’armée deTerre n’avaient paschangé mais ily a descontre-exemples.Idem pour la Marine nationale et l’armée de l’Air et de l’Espace. En fait celles qui ont changé sont gérées par la cellule nationale de gestion de l’espace aérien.Cette cellule a obtenu que les zones qu’elle gère soientclassées à part.J’ai eu beau chercher,je n’ai pastoujourscompris quel était l’intérêt pour l’utilisateur. La seule explication plausible est que c’est plus simple à modifier pour celui qui gère les zones.Dommage qu’au Service de l’information aéronautique,fort de ses 120 employés,il ne se soit trouvé personne pour défendre qu’un système de mise à disposition du public doit être d’abord fait pour l’utilisateur, pas pour celui qui gère. Sinon on aboutit à un système comme on en connaît trop où on trouve ce qu’on cherche – quand on sait où il se trouve. C’est d’autant plus dommage dansle cas présent,qu’il en va de la sécurité aérienne.Le jour ily aura un incident grave,on saura bien accabler le pilote quis’est trompé,sans penser à aucun moment à tousceux qui n’ont rien fait pour mettre à disposition une information simple à trouver etclaire.Et je ne parle même pas de ce que nous coûtent en impôts ces modifications incessantes qui sont la traduction des luttes de pouvoir entre nos administrations. C’est d’autant plus regrettable que par rapport aux pays qui nous entourent, notre AIP est le moins bien structuré, alors que nous sommes, paraît-il, cartésiens. Je ne compare pas qu’à la Suisse maislesAIP italien et espagnolsont nettement plusfaciles à utiliser. Et la complexité de l’espace aérien n’en n’est pas la seule cause, l’espace italien n’étant pasvraiment plus simple que le nôtre. » Il est évident que si le SIA souhaite émettre une réaction explicite et circonstanciée à la suite de cet éditorial, Vol à Voile ne manquera évidemment pas de laisser l’administration s’expliquer. J’ai souvent radoté que tout le monde peut collaborer au contenu du magazine, la seule condition étant de proscrire la diffamation. Et cette notion n’est pas, j’en suis sûr, dans les gênes de la DGAC! Affaire à suivre, comme on dit. Jean MOLVEAU Rédacteur en chef Édito Novembre - Décembre 2022 3


33) 6 30 68 87 09 No 215 Novembre Décembre 2022 ESSAI .........................................28 • Lak-20: et s'il avait plutôt été un 20m? PAGE DES ÉCOLES...........50 • Apprendre ? Aller en stage ? 4


20 44 Info-Sécurité DGAC Jean Vuillemot Le monde vélivole contemporain a été très vite au courant, en perdant le 9 août dernier, dans sa 90e année, l’un de ses personnages emblématiques. Après des études au Prytanée militaire de La Flèche, issu de la promotion de l’École de l’Air 1953, pilote de chasse, commandant l’escadron 1/5 Vendée en 1966, sur delta Mirage IIIC, il s’est fait connaître non pas sur un avion de combat Mach 2 mais dans le domaine des ailes silencieuses, un certain 18 décembre 1974. Ce jour-là, alors lieutenant-colonel, à bord du Nimbus 2 « N2 » de l’armée de l’Air il a été le premier à relier le continent à la Corse en planeur, joignant Vinon à Solenzara, se posant suite à une perte d’altitude volontaire aux aérofreins. Le récit de ce vol fantastique se lit encore aujourd’hui sur Internet: http://ap5escadre.free.fr/ bulletin/77/No77.html#Roland_Aguilon Il a terminé sa carrière militaire avec le grade de général de brigade aérienne. Le vélivole Jean Vuillemot est également connu pour être à l’origine du classement qui porte son nom, des meilleurs compétiteurs français. Le premier parut en 1983 dans Aviasport, alors sans l’imprimatur de la FFVV… Repris, au niveau national voire international, il a perduré sous son nom jusqu’en 2010. La toute dernière Info Sécurité du 13 juillet 2022 (document diffusé par l’Autorité non assorti d’une obligation réglementaire, dont le but est d’attirer l’attention de certains acteurs du secteur aérien sur un risque identifié) de la DGAC (n°2/2022) est motivée par l'exploitation des événements de sécurité notifiés récemment par les pratiquants de l'aviation légère. De nombreux événements de sécurité relèvent de problèmes de cohabitation des différentes activités d'aviation légère, qui accroissent les niveaux de risque. Ce document téléchargeable fait la synthèse de ces événements, cite les plus significatifs et fait les rappels techniques et réglementaires qui doivent permettre de revenir à un niveau de risque nominal. Sa large diffusion et le partage de ces informations sont de la première importance! https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Info_Securite_ DGAC_2022_02_coactivite.pdf «L’évangile selon Saint-Yan » Pour ceux qui ont une culture aéronautique dépassant quelque peu le strict domaine du vol à voile, le titre de cet ouvrage de 416 pages abondamment illustrées, au format 21 x 25, évoque un riche passé qui remonte à la renaissance de l’aviation civile au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il faut tout reconstruire, et pour repeupler le ciel tricolore, il faut des pilotes de ligne et des instructeurs, planeur et avion, pour redynamiser l’écosystème des aéro-clubs. Louis Notteghem – les auteurs sont de sa famille et ont agi en autoédition – est alors chargé de concevoir la méthode française de pilotage, et de refonder le cursus de formation. C’est le journaliste fondateur du mensuel alors nouveau-né Aviasport qui popularisera cette démarche sous le nom d’« Évangile selon Saint-Yan », le centre étatique étant basé sur cette plate-forme de Saône-et-Loire. Ce livre absolument passionnant retrace les origines et l’histoire de ce centre-école de 1948 à 1968, en évoquant l’évolution de ses missions, la diversité et l’engagement des acteurs… Disons-le, le vol en planeur n’est absolument pas absent de ce volume. Louis Notteghem débute sa carrière selon un schéma très courant à l’époque: aéromodélisme et vol à voile, avant de poursuivre vers l’avion, jusqu’au chasseur de 1939. Il vole à Challes-les-Eaux à la fin des années 1940, sur des planeurs allemands récupérés, y devenant «moniteur». Certes, en tant que chef de centre, il sera plus avion que planeur, mais ledit centre sera très impliqué dans l’organisation de championnats de France et du monde de vol à voile – évidemment Saint-Yan en 1956! – et naturellement, ces chapitres ne sont pas oubliés dans ce survol qui brosse un panorama un peu suranné d’une époque révolue. Je recommande chaudement cette lecture! JM « L’évangile selon Saint-Yan », par Jean-Loup et Patrice Notteghem et Philippe Dubois Auto-édition, ISBN: 978-2-9569076-1-9 Prix: 44 € www.levangileselonstyan.com L'histoire de Schweizer Aircraft est l'histoire du rêve américain. Trois frères s'éprennent du vol à l’époque de l'âge d'or de l'aviation. Celle-ci devient leur passion. En 1930, ils conçoivent, construisent et apprennent à voler dans leur premier planeur. Ils poursuivent leur rêve et créent une entreprise qui finit par produire plus de six mille aéronefs. Les produits de la société entrent dans l'histoire de l'aviation tout en restant « une affaire de famille ». Bill Schweizer raconte l'histoire de ces premières années, jusqu'à la transition de la société en 1981 à la deuxième génération de Schweizer. Paul H. Schweizer reprend l'histoire à partir de là. L'approche entrepreneuriale des Schweizer et leur refus de renoncer à leur rêve ont permis à la société de devenir un leader de l'industrie des planeurs, des avions de pulvérisation agricole, des hélicoptères légers, des avions de surveillance secrète et des véhicules sans pilote. La diversité de ses produits d'aviation la rendait unique. Au moment de la vente de l'entreprise à Sikorsky Aircraft en 2004, Schweizer Aircraft était le plus ancien fabricant d'avions privé au monde. C'est une histoire remarquable qui inspirera d'autres personnes animées d'une passion et d'un rêve. LF Flying with the Schweizers, the story of Schweizer aircraft, 348 pages, par William et Paul H. Schweizer Publié par iUniverse, ISBN: 978-1-532069-91-8 Prix: $ 20,99 www.iuniverse.com Début septembre s’est achevé un tour du centre de la Suède en aéronef à propulsion électrique. Pendant deux semaines, ont été visités les aéroports de Jönköping, Norrköping, Mora-Siljan, Dala à Borlänge et Örebro. Ce périple a permis d’embarquer quelque 43 passagers en 9 heures de vol. Durant la branche entre Dala et Jäma, le pilote a couvert la distance de 171km en consommant 74% de la charge de la batterie, à une vitesse moyenne de 140 km/h. C’est un ULM vélivole Phoenix (finesse: 30) qui a servi lors de cet Electric AirplaneTour. Rappelons que c’est la société Pure Flight qui a racheté le programme Phoenix à Phoenix-Air, l’entreprise de son concepteur et fondateur, le Tchèque Martin Stepanek (également précédemment auteur avec Pavel Urban du Lambada) en juillet 2021. Pure Flight produit des pièces d’aéronefs en composites depuis 25 ans et s’intéresse au vol «zéro émission» depuis une petite douzaine d’années. À son catalogue, le U-15 Phoenix à moteur thermique Rotax 912 de 80ch et 912S de 100ch et une variante mue par la fée électricité, le U-15E Φnix. www.pure-flight.cz/ Diana et Diana Un mot sur les multiples planeurs dénommés Diana… Le Diana3 en version à décollage autonome est abandonné. L’emploi d’une motorisation type FES s’avère en effet inadapté, en raison d’une garde au sol de l’hélice en rotation inappropriée. Si le Front Electric System est suffisant pour permettre l’envol du Diana 2 à quelque 300kg de MTOW, il ne l’est pas pour un planeur de 18 mètres dont la masse au décollage approche les 600kg… En revanche, le prototype du Diana 4, également un 18 m prévu pour être un « self-launcher » avec un GMP électrique, annoncé ici même dans Vol à Voile n° 212 de mai-juin 2022 suite à des informations communiquées par le constructeur Avionic (www.avionic. com.pl), n’est pas encore sorti des moules, en dépit d’une vingtaine de commandes fermes (mais aucune en France). En France, par contre, l’arrivée du Diana2 en catégorie ULM est imminente. Le dossier d’identification auprès de la DGAC est en cours de présentation au moment du bouclage de ce numéro. Check-list BIBLIO «Flying with the Schweizers » L’Avionic Diana3 vole en planeur pur. L'OSAC reconduit Même si cet organisme est devenu lointain dans le domaine du vol en planeur, eu égard au rôle structurant du G-Nav, qui contrôle ledit G-Nav au nom de «l’Autorité»? Réponse, l’OSAC, l’Organisme pour la sécurité de l’aviation civile, filiale du groupe Apave habilité par la DGAC pour réaliser le contrôle technique dans le domaine aéronautique. En août dernier, l’OSAC a été choisi, pour la troisième fois consécutive par la Direction générale de l’aviation civile pour poursuivre sa mission de surveillance de la navigabilité des aéronefs pour une durée de six ans, du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2028. Le dossier de réponse à l’appel d’offres comportait notamment des dispositions concernant l’évolution des modalités de surveillance pour prendre en compte les nouveautés technologiques des aéronefs et de leurs équipements (motorisation électrique, carburants alternatifs, dirigeable géant pour le transport de fret, etc.) et l’allègement des exigences en matière de production dans le domaine de l’aviation légère, introduit par la Part-21Light. Tour de Suède en motoplaneur électrique Jean-Philippe Rogier Alors que, faute d’une pagination qui n’est pas extensive, la rédaction est forcée de repousser au prochain numéro la publication du compte rendu du mondial de voltige en planeur qui s’est déroulé du 18 au 27 août à Issoudun, nous ne pouvons qu’évoquer la tragique disparition du charismatique président du club et organisateur de cette compétition. Laissons la parole à Benoît Colin: « Jean-Philippe Rogier nous a quitté le 11 septembre 2022 à seulement 63 ans.Il était un homme d'aviation depuis toujours. Pilote privé hélicoptère et avion, mécano sur ces mêmes aéronefs, il était ensuite devenu expert auprès des assurances sur les sujets aéronautiques. Il avait choisi au début des années 2000 de goûter aux joies du planeur et appréciait particulièrement le vol sur la campagne berrichonne ! Il était président de l'Aéro-club d'Issoudun depuis 2009. » À sa famille, toute l’équipe de Vol à Voile présente ses condoléances chaleureuses et attristées. Novembre - Décembre 2022 5


Le premier vol du planeur Sol.Ex pour Sol.aire Ex.perimental de Jean Baptiste a eu lieu le 13 mai 2022 à Saint-Rémy-les Alpilles (voir Vol à Voile n° 213 juillet-août 2022), puis le premier vol autonome, le 2 juin. D’autres vols d’essais se sont enchaînés pour parfaire l’ouverture du domaine de vol et le fonctionnement de la motorisation électrique solaire. En effet, une voilure solaire a été conçue et réalisée sur la base d’un Silent-Electro. Enfin, il a reçu une jolie livrée qui lui va à ravir. En simultané, une aventure en vol se préparait, celle d’un Tour de France « zéro impact ». Le principe journalier à vérifier: en matinée recharge solaire des deux batteries (4,3 kW/h de capacité/une heure d’autonomie) de la motorisation Front Electrical System (FES), décollage autonome puis vol aérologique avec les ascendances thermiques, avec d’éventuelles prolongations via l’accumulation d’énergie solaire. Une combinaison pour voyager en planeur 100 % autonome et 100 % propre. Sans aucune émission de CO2, grâce aux énergies solaire et éolienne. Un tour de France «propre» Le 31 juillet, départ de Saint-Rémy-les Alpilles, vers Grenoble, puis Morestel, Le Puy-en-Velay, Issoire, Roanne, Saint-Florentin, Soissons, Chérence, Laval, Ploërmel, Poitiers, Chalais, Graulhet, Florac, Saint-Crépin, et retour aux Alpilles, le 27 août 2022. Soit 17 étapes pour 2 692 kilomètres en 75 heures de vol. De nombreux temps forts, dont les vols de démonstration et conférences aux 100 ans du vol à voile à Issoire, rencontres entre aventuriers avec Klaus Ohlmann, préparation aérologique du périple avec Ghislaine Facon, Mathias Schönhofen et Laurent Aboulin, le survol du Mont-Saint-Michel, rassemblement d’anciens pilotes de Tour de France en planeur à Graulhet, des interviews, des rencontres, des réceptions avec élus, participation à l’évènement de la Coupe des ASK-13 à Saint-Crépin, jusqu’à la fête de retour organisée au club de Saint-Rémy en présence du maire et du président de la FFVP… Techniquement, le résultat est remarquable : aucun incident pour le planeur solaire qui était très bien câblé, tout comme son pilote – prouvant sa maîtrise en électrotechnique et informatique. Pour rappel, il a câblé les cellules solaires, les circuits imprimés, et conçu l’instrument de contrôle de charge en diamètre 57 mm sur le tableau de bord. C’est le résultat de l’utilisation ingénieuse des technologies existantes: un planeur FES doté d’un système de recharge solaire. Ayant personnellement eu la chance de parcourir un tour de France en planeur en 1983, je rends hommage à ce qui est assurément une nouvelle magnifique aventure technique et humaine. Suivi de l’aventure Grâce aux moyens modernes de communication, très facile de suivre sa progression sur smartphone. Grâce au Flarm, le suivi du vol depuis le décollage avec parfois, les vicissitudes du départ comme à Issoire, Poitiers, et Chalais avant d’atteindre le plafond du jour. L’indicatif LU qui semblait virtuel, correspondait bien à un vrai planeur, visiblement parfois aux prises avec de réelles difficultés aérologiques. Cependant, un petit détail démontrait la maîtrise du pilote : le planeur était généralement très judicieusement arrêté à proximité du camp de nuit… Cette première a été réalisée cet été 2022 par Jean-Baptiste Loiselet, le concepteur et constructeur du planeur solaire Sol.Ex. Performances remarquables, sur le chemin du Mont-Saint-Michel... m Les vols du Sol.Ex durant les trois premières semaines d’août 2022. Tour de France «zéro émission» 6


Sur les réseaux sociaux dont FB « des ailes pour la planète », quelques posts ont offert des nouvelles sympas avec le partage de superbes photos. Enfin, le jeu a été vite prenant, de scruter les prévisions aérologiques en vue de la préparation des vols. Presque du virtuel, sauf que là ce n’était pas du Condor, mais un vrai planeur avec un vrai pilote dedans. L’objectif, estimer comment avancer ou s’arrêter au bon endroit pour boucler la boucle, bref itinérant oblige, stratégie en fonction des conditions à court et moyen termes. Ainsi d’Issoire, thermique pur jusqu’à une perturbation en Bretagne. Puis ciel mitigé, s’ouvrant plus ou moins en cumulus, très difficile à estimer dont l’étape vers Graulhet, où au-delà des SMS météo, l’échange par téléphone s’est révélé nécessaire. Ensuite amélioration vers le pré carré des Alpes, via le Chanet, et retour aux Alpilles. Bravo pour la réussite de ce parcours avec un petit planeur dont les perfos sont très loin de celles d’un planeur de 18 ou 28 mètres d’envergure. Zéro émission de GES Le crédo de « Baptistou », voyager mais sans émettre de CO2. Preuve est faite que le petit planeur solaire vole bien, « comme prévu ». Il est capable de se déplacer en vol proprement, à l'énergie solaire et éolienne, de manière autonome et sans assistance. Félicitations pour ce génie de clairvoyance, qui excelle dans tous les domaines techniques, pilotage et communication. Ce faisant, il convient de souligner que la réussite concerne le développement et mise au point d’une nouvelle technologie encore inédite sur des planeurs classiques: le solaire sur des ailes avec son instrumentation de contrôle. Il fort possible que cela puisse intéresser beaucoup de monde. Mais c’est surtout et d’abord la cause environnementale qui lui tient à cœur pour notre planète. Si le pari est gagné pour cette première étape, il souhaite aller beaucoup plus loin, et surtout, partager. Si le jeune ingénieur a déjà consacré trois années de travail et toutes ses économies, il est maintenant à la recherche de sponsors et/ou partenaires pour la suite de l’aventure. Dans les grandes lignes, ce serait avec la réalisation de planeurs biplaces. Mais elle reste toutefois à écrire… Lors du premier vol, nous avions salué le concepteur et constructeur. À l’issue de ce premier tour de France « propre », nous saluons l’inventeur qui a eu le génie d’associer judicieusement des technologies, le chef de projet qui a su le mener jusqu’à son aboutissement, l’ingénieur qui a mené les tests en vol d’un système électrique innovant, et enfin, le pilote qui a judicieusement utilisé son nouvel outil dans des conditions pas toujours faciles. Ce faisant, il a prouvé la justesse de son concept initial. À savoir: énergie solaire via la charge solaire matinale, plus énergie éolienne via le vol avec les ascendances, font effectivement voyager en planeur sans aucune émission. Une aventure s’achève, une autre commence… L’objectif est de « partager l’aventure avec le public, et la mettre au service de la cause environnementale.Avec l’aide de sponsors, faire deux ou trois biplaces et emmener du monde pour décupler le champ des possibles »… À suivre ! Ghislaine FACON photos collection de l'auteure m Le vol bivouac, tel qu'il est pratiqué par les parapentistes... Check-list m Retour à Saint-Rémy, au pied des Alpilles. m En vol... REFERENCES INTERNET - www.desailespourlaplanete.fr - https://www.facebook.com/desailespourlaplanete/ - https://www.instagram.com/desailespourlaplanete/ - https://www.ffvp.fr/innova-vis-et-laffvp-sassocient/ Novembre - Décembre 2022 7


Au-delà des différentes épreuves, à l’approche du grand jour, une dynamique s’est installée sous la houlette du directeur de compétition Régis Kuntz, devenu l’incontournable de ce genre d’évènement, ainsi que du président Vincent Braibant et d’Isabelle son épouse. La présence de concurrents de renommée mondiale tellement abordables et sympathiques, venus en famille avec enfants et animaux de compagnie a séduit tous les bénévoles qui ont tout de suite adhéré. Il y avait «du champion du monde » dans tous les coins du paddock ! Un défi (bien) relevé Enfin, le jour J est arrivé avec le stress de réussir notre challenge. Quelques difficultés de réception des trackers (parfois mal positionnés dans les cockpits) n’ont pas rendu la tâche facile à nos hommes de l’art Gérard Herbaud et son adjoint Christian Bachelard. Jean-Marc Savoie au scoring a pris quelques cheveux blancs. Mais au fil du temps, les choses se sont améliorées. La formule Grand-prix donne, contrairement aux championnats classiques, toutes les chances au concurrent qui aurait pu mettre «un pied à côté » lors d’une épreuve. Ceci a effectivement généré du suspense jusqu’au dernier jour. Dès la première épreuve, Uys Jonker l’emporte, mais talonné par les « locaux » : Erik Borgmann, Jean-Denis Barrois, Didier Hauss, Max Seis. Puis, notre «British » Mike Young pointe le bout de son nez, nos pilotes autochtones s’accrochent. Le troisième jour, c’est le Suisse Gerster qui vient l’emporter. Chaque jour apportera son lot de surprise ou de confirmation. Les météos que nous avions connues ces dernières semaines avec des varios énormes, des plafonds incroyables qui ont permis de très grands vols vers l’Italie, le Mont-Blanc et la Suisse n’étaient plus là. La masse d’air semblait « fatiguée » et le courant d’est qui s’était installé n’était pas très favorable. Nous avons donc suivi avec intérêt des stratégies qui ne fonctionnaient pas « comme d’habitude », d’où certaines désillusions quelquefois. Les vols se faisaient incroyablement bas pour le niveau des pilotes que nous sommes et quelquefois Le Grand-prix SGP France 2022 a eu lieu, du 4 au 10 septembre derniers. Grâce à cette rencontre sportive, l’Association aéronautique Verdon-Alpilles a pu renouer avec sa tradition, celle d’organiser des compétitions de haut niveau… Grand-Prix de France, Vinon 2022 m Notre « British » Mike Young et son Ventus 3T. 8


nous avons assisté à des «jets de l’éponge » pour des raisons de sécurité. Le dernier jour enfin, tout pouvait changer; l’épreuve finale est à 11 points: potentiellement Adrien Henry, Max Seis, J-D. Barrois sont ex-aequo à 22 points peuvent l’emporter sur Mike Young qui est à 30 points. Derrière peut aussi se jouer le podium. Durant l’ultime épreuve les têtes tombent: J-D. Barrois se vache, Adrien Henry s’enfarine vers Sisteron mais Max Seis reste dans la course. Enfin, le suspense pour un podium aura lieu sous nos yeux entre Erik Borgmann et Uys Jonker respectivement à 18 points et 17 points: 16 secondes d’écart…. Le podium final sera : 1 Mike Young, 2 Erik Borgmann, 3 Maximilien Seis. Lors d’entretiens avec des concurrents: Didier Hauss me dit: « L’organisation était super, la météo quelquefois surprenante, l’esprit fair-play était remarquable ». Maximilien Seis me dit : « J’ai été plutôt conservateur dans mes choix, ce qui est plus conforme à une compétition classique qu’à un grand-prix »… Et enfin Erik Borgmann me dit avec un grand sourire « C’était sympa, je me suis beaucoup amusé mais quelquefois c’était difficile » Dont acte. Épilogue La cérémonie de clôture a été d’une très belle tenue, un petit discours de Mike Young nous a confirmé que je cite : « Vinon is a paradise for sailing and Régis and his staff were perfect ». Merci Mike. Nous avons eu un plaisir réciproque à faire découvrir notre univers à nos élus locaux, très impressionnés par le plateau des concurrents. Quant à la soirée qui s’en est suivie, ce fût une véritable fête du planeur. Que retenir de cette manifestation ? Elle donne d’abord envie de recommencer, les bénévoles se sont découverts, se sont fédérés et se sont rendu compte que le vol à voile n’est pas que le vol en solitaire que nous aimons, mais il y a l’avant et l’après pour partager. Même dans l’effort que le bénévolat représente il peut y avoir beaucoup de satisfaction. Ces grands champions nous donnent envie par, finalement, leur grande modestie. Chacun d’entre nous peut tirer de ses vols beaucoup de plaisir avec des challenges à sa portée et en toute sécurité. Osons dire que c’était réussi, et merci à tous ceux qui ont participé de quelque façon que ce soit à cette belle fête. Francis MOGINOT photos AAVA/Brosseau m Le patron de Jonker Sailplanes Uys Jonker en compagnie du patron de Schempp-Hirth Tilo Holigaus, en compétition aussi lors du SGP. Check-list m Regis Kuntz lors du briefing avec les pilotes remorqueurs. m Un podium international... Novembre - Décembre 2022 9


E n Suisse et dans le monde, des équipes font un travail de pionnier pour diminuer l’empreinte carbone du vol humain. Si les avions sont considérés comme de grands pollueurs responsables du réchauffement climatique, l’industrie en est consciente et ne reste pas inactive. De nombreux développeurs bricolent des moteurs électriques et hybrides respectueux de l'environnement pour la petite aviation, mais pas que. Le succès de l’Electrifly-In ne fait que confirmer que la propulsion électrique est aujourd'hui une réalité avec des améliorations tangibles pour les riverains d’aérodromes lorsque les écoles décident d’exploiter des machines électriques pour la formation de base. Au niveau de la (petite) Suisse, 15 à 20 avions de ce type sont déjà exploités pour la formation menant à la licence de pilote privé. Quel chemin parcouru si on se rappelle que le vol électrique débuta il y a bientôt dix ans avec les planeurs Lange. Cela permettait aux pilotes de décoller de manière indépendante et, si nécessaire, d'avoir recours à l'assistance du moteur pendant le vol. Puis vint le premier avion à moteur électrique certifié, le Pipistrel Velis-Electro. Celui-ci est de plus en plus utilisé en Suisse pour la formation de base. La science avance D'autres projets présentés à l'Electrifly-In Switzerland de cette année sont en bonne voie pour conquérir la troisième dimension dans les années à venir comme on a pu le constater sur les stands. En effet, s’il y a encore quelques années on montrait des maquettes et des dessins, on trouve aujourd'hui des moules et des ailes en stade très avancés. Les projets deviennent ainsi (plus) tangibles, et il était particulièrement intéressant de réentendre parler de projets présentés l'année dernière et leur développement au cours des 12 derniers mois, démontrant à l’envi que le chemin est encore long jusqu’à ce que l’on puisse voir un avion de ligne régional à propulsion entièrement électrique. Dans tous les cas, silencieux et à faible émissions de gaz à effet de serre, principalement le Focus sur la sixième édition de l’événement Electrifly-in Switzerland s’est déroulée à Berne, la capitale fédérale, les 10 et 11 septembre derniers. Electrifly-In, les batteries rechargées à Berne… m Patrouille électrique : l’Elektro-Trainer côtoie le motoplaneur E-Genius. m Elektro-Solar est une émanation du DLR (équivalent allemand de l’Onéra français) et de l’Institut de robotique et de mécatronique. 10


dioxyde de carbone qui se mesure en grammes d’équivalent CO2 par kilowattheure (gCO2eq/kWh), voilà comment se dessine l’avenir de l’aviation. Si de nos jours l'électricité supplante peu à peu les énergies hydraulique, pneumatique et mécanique pour alimenter les équipements à bord des avions, l’aviation commerciale devra encore patienter, principalement en raison des limitations liées à la capacité et au poids des batteries sans parler de la question de sécurité avec des batteries qui ont tendance à chauffer. Peut-être que la solution viendra de l’emploi de piles à hydrogène pour que l’avion électrique devienne techniquement viable. Quoi qu’il en soit, force est de constater que les très nombreuse start-ups qui planchent sur le sujet ne viennent pas de la très célèbre Silicon Valley comme certains pourraient le croire. Un rendez-vous incontournable Si cette manifestation parait répondre à une demande et très prisée des professionnels, l’organisateur a réussi à attirer de nombreux visiteurs spontanés, fans d'avions, spécialistes, familles et enfants – l'entrée étant gratuite sachant que l’un des objectifs était de faire découvrir à un large public le vol sans émission avec des moteurs électriques. En effet, préparer la prochaine génération est essentiel. Pour ce faire, les enfants présents ont pu mettre leurs têtes dans les cockpits avec curiosité, en parallèle à des activités dans le cadre de l’atelier de bricolage. Chez Pie Aéronefs, ils ont même pu enfiler les lunettes VR, monter dans le cockpit et découvrir le vol électrique dans le monde digital : quelle expérience ! Pendant ce temps, leurs parents s'étonnaient de la légèreté des matériaux utilisés pour construire les avions modernes avec des dialogues passionnants sur les divers projets en cours, ceux qui leur paraissent les plus prometteurs. Certains visiteurs avaient même réservé à l’avance un vol d’initiation de 15 minutes « e-Power », et ils furent bien plus nombreux qu’escompté, la météo du dimanche y ayant contribué. Pour les pilotes, il s'agit toujours du seul fly-in pour avions électriques et hybrides en Europe, réunissant spécialistes et passionnés avec le hall d'exposition comme point de rencontre pour d'intenses discussions entre spécialistes jaugeant l'avancement de projets qui gagnent en maturité, ou pas. Les gagnants de l'eTrophy ont reçu leurs prix dans les trois catégories électrique, hybride et planeur, à cet égard on remarquera que l’on retrouve souvent les mêmes participants que lors des éditions précédentes… Comme il est d'ores et déjà certain que la prochaine édition de l'Electrifly-In Switzerland aura à nouveau sur l'aéroport de Berne en septembre 2023, on ne saurait suggérer aux pilotes de planeurs électriques de mettre cette manifestation sur le programme pour la saison à venir… Emma FOURNIER photos Markus A. Jegerlehner m L’avion certifié Pipistrel Velis-Electro, lointain dérivé du motoplaneur Sinus, connaît plus qu’un succès d’estime. Check-list m Les lauréats de l’eTrophy 2022. Les classements de l'eTrophy 2022 Catégorie Electric: 1. Elektra Solar GmbH, avec l’Elektra Trainer D-MYET, vol de Pfullendorf à Berne; 2. Martin Vogel avec le Pipistrel Velis-Electro HB-SYJ, vol de Kägiswil à Berne; 3. Alpine Air Planes GmbH avec un Pipistrel Velis-Electro, vol d'Écuvillens à Berne. Catégorie Hybride: 1. IFB Uni Stuttgart E-Genius D-KGEN, vol de Donaueschingen à Berne Catégorie Glider: 1. Klaus Ohlmann avec l’Antares 20E D-KPBW, vol de Serres à Berne; 2. Ueli Messmer avec l’Antares 20E HB-2405, vol de Hausen-am-Albis à Berne; 3. Ruedi Engeler avec l’Antares 20/21E HB-2452, vol d'Olten à Berne. Novembre - Décembre 2022 11


Aéromédecine Le traditionnel congrès de l’Association des professionnels de santé vélivoles a pu se tenir du 23 au 28 mai 2022 au Centre national de vol à voile à Saint-Auban. Après un long sevrage lié à l'épidémie de Covid, les retrouvailles ont été chaleureuses… L es conférences ont été une fois de plus de qualité, tant sur le plan médical que sur celui des présentations. Mécavol du planeur pour les nuls Cet exposé du Dr Jean-Marie Alard à éclairé un sujet rarement abordé lors de la formation de pilote. Il s'agit de mieux comprendre les forces qui s'appliquent sur le planeur, au sol puis en vol. Ces forces déterminent des contraintes, acceptables ou non, lesquelles définissent le domaine de vol et le principe du centrage. La description des forces, leur application à l'aéronef, la résistance des matériaux et des différentes parties du planeurs ont été abordées. Les certifications du matériel et du pilote ont été décrites. L'exemple de l'accident survenu le 1er août 2010 à Monistrol d'Allier (43) au planeur Centrair C-201 Marianne immatriculé F-CBLB [voir la rubrique Sécurité de ce numéro – NDLR] a été étudié pour illustrer la sortie du domaine de vol. Le cadre réglementaire de l'utilisation (AMC1 SFCL.200) et les conditions obligatoires de l'exercice de la voltige ont été évoqués: – appareil certifié pour l'acrobatie (A); – pilote formé à la voltige (selon les textes de l'ATO-CNVV(1) concernant le planeur): – présence d'un G-mètre à bord. Le dernier rappel de cette présentation est l'indispensable lecture du Manuel de vol lorsqu'on découvre un nouvel appareil, afin d'en connaître les limites d'utilisation et les manœuvres de sortie des positions inhabituelles. Substances toxiques et pilotage Le Dr Nathalie Fleury-Duhamel, brillante médecin du travail, diplômée également en addictologie, médecine d'urgence et aéronautique, nous a exposé une revue détaillée des substances toxiques addictogènes non sans en faire le lien avec le pilotage d'aéronefs et de planeurs en particulier. Après une définition des substances psychoactives, trois risques ont été identifiés: – risques pour la santé à court terme (overdose, accidents, violence); – risques à long terme (cancers, problèmes respiratoires, cardiovasculaires et neurologiques); – risque d'engendrer une dépendance. Qu'elles soient licites ou non, commercialisées ou détournées de leur usage, prises comme médication ou pour le « loisir », elles menacent leur consommateur de dépendance. Je cite : « l'impossibilité répétée de contrôler un comportement visant à produire du plaisir ou à écarter une sensation de malaise interne plus la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives plus des envies irrépressibles ». À terme l'addiction associe tolérance, syndrome de sevrage, et une perte de temps significative pour se procurer le produit ou consacré à l'ivresse qu'il produit, puis à la culpabilité et à la honte (cacher son addiction). 34e Congrès de l’APSV 12


Cannabis, cocaïne, amphétamines de synthèse, alcool, produits de synthèse détournant les interdictions, etc., ont été évoqués. Seul le tabac a été ignoré, tant le sujet se prête à un exposé particulier. « Pourquoi consomme-t-on des SPA(2)? Recherche de plaisir, d'évasion, d'émancipation ; effet d’entraînement :contexte festif ;souhait d'appartenance au groupe/mimétisme ;recherche d'apaisement d'une souffrance physique ou psychique ; recherche de performance : effet antalgique ; détente ;performance pure ; supprimer l'angoisse ». On retrouve ici les causes de migrations de performances décrites comme facteurs humains dans la déviation des règles dans une discipline (vol à voile, par exemple). Une étape décisive dans la naissance d'une addiction est le « passage de la consommation plaisir à la consommation soulagement d'un mal-être ». Le toxique finit par être considéré comme un médicament auto-prescrit, alors même qu'il s'agit du contraire ! Les divers modes d'alcoolisme ont été décrits. Objet d'omerta et consubstantiel à la fraternité vélivole, cette toxicité est méconnue, consciemment ou non, dans les clubs. La consommation admise par le corps médical est: « deux verres d'alcool [un verre = 10 g d'alcool pur = 25 ml de bière à 6% = 1 verre de 13 ml de vin à 12 %, etc.] par jour, et pas tous les jours ». Le dépistage lors de l'admission est obligatoire en Classe 1 et facultatif en Classe 2. Un aphorisme à méditer: « L'absence de règlement oblige à être plus intelligent ». Voici la conclusion du Dr Fleury-Duhamel : « – diversité des types d'addiction avec impact évident sur la sécurité des vols ; – risque également des consommations occasionnelles de SPA avec impact également sur la responsabilité au sein du club :savoir en parler (prévention primaire), ne pas banaliser, identifier et prendre en charge les personnes pour lesquelles un doute existe. Ne pas laisser voler si doute et orienter vers médecin aéronautique/médecin traitant ; – population/situations à risque : les jeunes, les fêtes, les lendemains de fête, les personnes en situation personnelle difficile ; – notion de responsabilité et de vigilance partagée ». Cas cliniques LAPL Différents cas cliniques ont été évoqué lors de cette séance par les docteurs JeanMarc Duvivier et Gérard Granger, plus particulièrement destinés aux médecins aéronautiques. Les cas ont été suivis de débats qui ont parfois montré quelques aspects contradictoires entre les textes européens et l'interprétation qui en est faite par l'administration française. * Actualités aéro-médicales et discussion sur des cas cliniques : le Dr Barthélémy Barateig, nouveau venu au Pôle médical de la DGAC, a fait le point sur les licences LAPL. Un rappel règlementaire a été fait: « Annexe 1 Part-FCL.205.A PPL(A) — Privilèges a) Les privilèges des titulaires d'une PPL(A) permettent d'agir sans rémunération en tant que PIC ou copilotes sur des avions ou des TMG utilisés en exploitation non commerciale et d'exercer tous les privilèges des titulaires d'une LAPL(A) . Annexe 1 Part-FCL.105.A LAPL(A) – Privilèges et conditions a) Privilèges Les privilèges d'un titulaire d'une LAPL pour avion permettent d'agir en tant que PIC sur des avions monomoteurs à pistons (SEP) ou desTMG ayant une masse maximale certifiée m Chaque année, le congrès de l’APSV est l’occasion pour les praticiens et autres spécialistes du médical de confronter leur point de vue dans une ambiance vélivole. m Traditionnellement, le congrès de l’APSV profite des installations du Centre national de vol à voile de Saint-Auban. Travaux le matin et vols l’après-midi… Novembre - Décembre 2022 13


au décollage ne dépassant pas 2 000 kg, transportant trois passagers au maximum, de manière que le nombre maximum de personnes à bord soit toujours de quatre. » Bien sûr, chaque mot est pesé et accepte un sens précis. Un deuxième rappel éclaire que: « MED.B.095 – Examen et évaluation médicaux des demandeurs d'un certificat médical pour licence LAPL - a) Le demandeur d'un certificat médical pour licence LAPL est évalué sur la base des meilleures pratiques aéromédicales ; - b) Une attention particulière est portée aux antécédents médicaux complets du demandeur ; - c) L'évaluation initiale,toutes les réévaluations ultérieures après que le titulaire de la licence a atteint l'âge de 50 ans et toute évaluation effectuée alors que l'examinateur n'a pas accès aux antécédents médicaux du demandeurcomportent au moins tous les éléments suivants : 1. Examen clinique ; 2. Pression artérielle ; 3. Analyse d'urine ; 4. Vision ; 5. Capacité auditive. - d) Après l'évaluation initiale, les réévaluations ultérieuresjusqu'à ce que le titulaire de la licence atteigne l'âge de 50 ans comportent au moins les deux éléments suivants : 1.Une évaluation des antécédents médicaux du titulaire de LAPL ; 2. Les éléments énumérés au point c) dans la mesure où l'AeMC, l'AME ou le GMP le juge nécessaire au regard des meilleures pratiques aéromédicales. Le Dr Barateigt a souligné les documents à apporter par le pilote à l'AME (médecin aéronautique) : – pièce d'identité ; – en cas de la correction optique :ses caractéristiques (carte de l'opticien ou prescription ophtalmologique), venir avec les lunettes ou les lentilles en rapport ; – derniersrésultats ou bilans médicaux,pathologie ou traitement en cours ; – document aéronautique : licence de pilotage, licence PNC ; – en cas de renouvellement ou de prorogation apporter son précédent certificat, une copie de son dossier médical (à obtenir auprès du précédentAME) ,et toute décision antérieure. * Pathologies ORL et pilotage: le Dr Marc-André Polet, orateur hors pair et néanmoins membre de l'APSV, nous a présenté un sujet passionnant sur les pathologies ORL. Il a réussi à rendre intelligible une spécialité aussi complexe que complète puisqu'elle associe une activité médicale à une activité chirurgicale très spécifique. « Y a-t-il dessoucis de la sphère ORL qui pourraient handicaper un vol en planeur ? Pas beaucoup mais gardez à l’esprit que certaines affectionsseraientsusceptibles de le rendre plus gênant. Une rhinite, mal de gorge, oreille bouchée ou douleur peuventcauser un problème lors d’une descente principalement à l’atterrissage. Si votre audition devient déficiente et diminue votre compréhension globale,pensez à l’examiner et éventuellement l’aider par une aide auditive. Comme nousvolonssanscasque c’est plussimple, sécurisant et les règles EASA le permettent. Si vous avez souffert d’une sensation récente de vertige,soyez très prudent, le vol pourrait se révéler dangereux. » * Traitement des lésions du rachis (hernies discales, fractures-tassement): le Dr Rogatien Faguer nous a fait une présentation remarquable, en visioconférence, puisque ses fonctions le retenaient à Angers pendant le congrès. Une revue des troubles de la colonne vertébrale a été proposée. On a pu distinguer les lésions dégénératives (troubles musculo-squelettiques et hernies discales) des lésions traumatiques (liées à la microgravité, aux vibrations, aux accélérations fortes, à la mauvaise ergonomie, aux impacts) . Le lecteur aura compris que l'espace, le pilotage des hélicoptères, des pilotes de voltige ou de combat, les victimes de crash ont été évoqués. Divers moyens de prévention ont été décrits (exercice physique en impesanteur, sièges anti-vibration et casques de combat allégés pour les hélicoptères militaires, sièges inclinés à 27° pour le Rafale, progressivité de l'accélération des sièges éjectables…). La traumatologie au décours des crashes a été étudiée à l’aune de l'accident d'un avion de ligne, montrant que la majorité des lésions des survivants découlaient de compressions longitudinales. À ce sujet, le Dr Faguer a fait découvrir les dernières techniques réparatrices, microinvasives, robot-guidées par une acquisition en temps réel sur table. Ce qui veut dire pour le profane que l'opération se fait par des incisions minimes par l'installation de matériel à l'aide un robot, manipulé par le chirurgien à distance et guidé par un appareil radiologique en action lors du déroulement de l'intervention. * La main du pilote: le Dr Ludwig Van-Hoven, congressiste reconnu de l'APSV, a présenté un exposé très brillant sur sa spécialité: la chirurgie de la main. Le plan, simple n'en était que plus limpide: anatomie; fonction; pathologies; traitements; aptitude au vol. La revue des pathologies très complète fut quasi exhaustive. Les spécialistes et les candides ont pu apprécier la description (et les résultats enthousiasmants) des diverses indications opératoires selon les types de lésion. Concernant le dernier volet, les textes ont été rappelés: « MED.B.050 – Système musculo-squelettique - a) Le demandeur ne doit pas présenter d'anomalie congénitale ou acquise des os,articulations, muscles ou tendons susceptible d'influer sur l'exercice en toute sécurité des privilèges de la ou des licences en question ; - b) La taille du demandeur en position assise, la longueur de ses bras et de ses jambes et sa force musculaire doivent être suffisantes pour lui permettre l'exercice en toute sécurité des privilèges de la ou des licences en question ; -c) Le demandeur doit avoir un usage fonctionnel satisfaisant de l'ensemble de son système musculo-squelettique pour lui permettre l'exercice en toute sécurité des privilèges de la ou des licences en question. L'aptitude du demandeur est évaluée en concertation avec l'autorité de délivrance des licences.) Pour la classe II: « AMC1 MED.B.050 – Système musculo-squelettique - a) Un demandeur ayant desséquellesimportantes d'une maladie,d'une blessure ou d'une anomalie congénitale affectant les os, les articulations, les muscles ou les tendons avec ou sans chirurgie devrait avoir besoin d'une évaluation avant l'évaluation de l'ajustement ; Aéromédecine m Quelles que soient les circonstances, le pilote doit toujours avoir conscience des forces qui s’exercent sur le planeur en vol. 14


- b) En cas de déficience d'un membre, une évaluation de l'aptitude peut être envisagée à la suite d'un essai médical en vol satisfaisant ; -c) Un demandeur atteint d'une maladie inflammatoire,infiltrante,traumatique ou dégénérative du système musculo-squelettique peut être évalué comme apte,à condition que la condition soit en rémission et qu'il ne prenne aucun médicament disqualifiant et qu'il ait terminé de façon satisfaisante un test médical en vol.Une limitation au(x) type(s) d'aéronef(s) spécifié(s) peut être exigée ; - d) Une faiblesse physique anormale ou musculaire peut nécessiter un essai médical en vol satisfaisant.Une limitation au(x) type(s) d'aéronef(s) spécifié(s) peut être exigée. Pour la classe LAPL: « AMC10 MED. B.095 – Système musculosquelettique Les demandeurs doivent avoir une utilisation fonctionnelle satisfaisante du système musculosquelettique pour permettre l'exercice sécuritaire des privilèges de la licence.  » En d'autres termes, une évaluation en vol (ou au simulateur lorsque c'est possible) par un pilote inspecteur doit pouvoir déterminer l'aptitude au vol. * Troubles du rythme, les essentiels: le Dr Françoise Hidden-Lucet a présenté un exposé sur les troubles du rythme cardiaque. Ce sujet d'une telle complexité qu'une spécialité au sein de la spécialité est apparue: la rythmologie est une branche de la cardiologie. Un détail de vocabulaire, pour les puristes: de même que le mot dentition est employé à tort en lieu et place de la denture (la dentition est le processus d'apparition des dents définitives, la denture est l'inventaire des dents définitives), le rythme n'est pas la fréquence. La fréquence est un nombre dont l'unité est T-1 soit «/mn» en général, alors que le rythme est dit régulier (ou sinusal) ou irrégulier et n'est défini par aucun nombre, aucune unité. Le Dr. Hidden-Lucet a donc réussi la prouesse de rendre compréhensible ce sujet complexe. Elle a pu souligner l'inadéquation croissante entre les règlements (Pacemaker = incapacité au vol) et la réalité des appareils modernes, qui semblent raisonnablement compatibles avec le vol, pour la plupart d'entre eux. En conclusion, notre brillante oratrice a noté: « Les recommandations doivent suivre et évoluer ! Difficile parfois à l'ère du principe de précaution dont les effets sont parfois pervers et inattendus ». * Post-Covid et aptitude au vol: le professeur Pascal Chanez nous est apparu comme un médecin, tout d'abord, puis comme un pédagogue hors pair, enfin comme un individu dont l'humanité fait honneur à notre métier. Son exposé sur l'épidémie de Covid fut brillant. La définition, les rappels virologiques, épidémiologiques et historiques furent passionnants. Le Pr. Chanez fait partie de ces médecins qui ne se contentent pas de soigner des maladies, mais qui soignent des malades, des êtres diminués par la maladie qu'il aide avec humanité. Si la richesse informative fut admirable, nous avons pu également être touchés par les leçons philosophiques qui furent données. La simplicité de notre orateur masquait mal son élévation d'esprit et sa générosité. En conclusion Le congrès est toujours agrémenté par des vols en planeur au sein du CNVV. Les vols furent influencés par une météo variable. Ce qui ne nous a pas interdit d'admirer les paysages alpins, grandioses et colorés. La convivialité fut au rendez-vous, puisque l'épidémie nous avait (trop longtemps) privé de congrès. J'ai pu piloter une Talbot de 1928, accompagné de Nathalie, preuve que nous ne sommes pas monomanes. Hélas, deux accidents, heureusement sans victime, mais au prix de dégâts importants sur au moins un planeur furent à déplorer en fin de semaine, devant mener à une réflexion sur les facteurs humains, la fatigue, les soirées, l'hypoxie chronique, etc. Nul doute que des retours d'expérience seront rédigés, ainsi que des conclusions tirées. Jean-Marie ALARD photos de l'auteur (1) ATO : Approved Training Organisation (2) Substances psycho-actives Novembre - Décembre 2022 15


Compétition Dans les coulisses de l'équipe de France du Mondial féminin Les vélivoles féminines tricolores ont brillé dans le ciel britannique, du 13 au 27 août lors de leur championnat du monde. Compte rendu et analyse. Au mois d’août dernier, l'équipe de France concourait au 11e championnat du monde féminin qui se déroulait en Angleterre sur la belle plate-forme d’Husbands-Bosworth. Deux semaines intenses de compétition se sont enchaînées, avec des épreuves de 120km à plus de 500 km de distance. Autant dire un marathon de la course à la force des éléments, auquel viennent s’ajouter des aspects stratégiques et tactiques incontournables lorsque l’on vole en équipe. En effet, en championnat international, à la différence d’un championnat de France, nous avons la possibilité d’échanger des informations à la radio entre nous en vol, et de recevoir aussi des informations du coach au sol. Nous volons donc certes en monoplace, mais mutualisons nos efforts au sein d’une équipe, ce qui offre une plus-value considérable et permet de maximiser le score global. Au fil du texte qui suit, embarquez avec nous pour revenir sur ce mondial aux multiples rebondissements et découvrir certains des ingrédients dont dépend la réussite d’une équipe en championnat international. Un mondial intense Ce mondial aura été bien rempli avec huit épreuves au compteur pour les classes standard et 18 m, six épreuves pour la classe club, certaines journées ayant été neutralisées pour cause météo (n’oublions pas que nous sommes en Angleterre). Les pilotes ont malgré tout affronté une palette de situations très variées, d’un premier jour digne de l’Europe de l’Est avec 3 000m de plafond aux conditions anglaises typiques avec 8/8e et de très faibles ascendances, il y en a vraiment eu pour tous les goûts! Rebondissements multiples jusqu’à la fin puisque la leader tchèque en 18 m se vache juste avant l’arrivée lors de la dernière épreuve, permettant à Anne Ducarouge et Mélanie Gadoulet de se hisser sur les deux plus hautes marches du podium. Deux belles médailles individuelles pour la France ! Dans les autres classes, les pilotes n’ont pas démérité, leur performance individuelle comptant dans le calcul du score par équipes. Par équipes justement, nous attrapons l’argent à seulement trois points des allemandes qui empochent la médaille d’or. Une belle aventure collective pour notre grande équipe composée pour moitié de pilotes expérimentées (qui avaient déjà plusieurs mondiaux à leur actif) et pour l’autre moitié de nouvelles pour qui c’était le premier championnat international. Toutes ont contribué au succès de la France, car à plusieurs, on est plus forts. C’est particulièrement vrai pour la compétition de planeur à haut niveau. Focus dans la suite sur les ingrédients de la réussite d’une équipe en championnat international. Les atouts de l’équipe Il n’est pas anodin que les meilleures nations au monde en vol à voile soient celles qui positionnent le plus de pilotes aux compétitions internationales : à plusieurs pilotes en l’air, on « ratisse » plus d’espace dans le ciel, 16


1 = 3, formule révélatrice de tout le positif que peuvent apporter les interactions au sein d’un collectif. Dans une équipe de pilotes de planeur, la valeur ajoutée naît d’une bonne compréhension mutuelle, d’une complémentarité des profils et de la capacité à toujours faire équipe quand bien même on s’est perdus de vue en vol, ce qui arrive parfois (souvent) quand on manque d’expérience à plusieurs. * Compréhension: en championnat, l’objectif est de tourner le circuit le plus rapidement possible, autrement dit de tirer parti des conditions météorologiques tout en respectant les contraintes d’espace aérien (particulièrement sensibles lorsqu’il y a 3000 m de plafond au Royaume Uni) et en essayant de tenir compte de ce que fait la concurrence. Ce n’est déjà pas évident lorsque l’on vole seul, alors imaginez avec une, voire deux coéquipières en vol… Pour cela, il n’est pas nécessaire de bien s’entendre, il faut surtout bien se comprendre. C’est la raison pour laquelle on s’entraîne ensemble bien en amont des championnats pour apprendre à connaître l’autre et communiquer efficacement en vol, notamment via la radio. Ce qui est le plus difficile souvent lorsqu’on débute à l’international, c’est de transmettre les informations de façon concise. Cet exercice difficile est pourtant indispensable lorsqu’on est huit pilotes et un coach sur la même fréquence, car il peut parfois être compliqué d’en « placer une ». Chaque détail compte. * Complémentarité: l’autre atout d’une équipe, c’est de faire bénéficier les autres de nos points forts. On a tous nos préférences pour gérer notre vol et notre énergie : certains ont un style orienté plutôt sur spiraler/transiter et poussent peut-être plus sur le manche en transition, d’autres préfèreront le cheminement et feront plus volontiers des détours pour rester haut. Ces styles de vol, différents, fonctionnent plus ou moins bien en fonction des conditions météo. Voler en équipe permet de sortir plus facilement de son propre style pour en adopter un mieux adapté aux conditions du moment qui sont rarement complètement homogènes sur un circuit (et qui le sont encore moins en Grande-Bretagne sur une île assez étroite entourée de mer). * Savoir se séparer pour mieux voler : le vol en équipe n’implique pas d’être tout le temps ensemble en l’air. Pour m Le moins que l’on puisse dire est que la météo de ce championnat a été très variée… m En classe club comme en standard, les pilotes françaises ont terminé en 5e et 6e position… m Les distances des circuits ont oscillé entre 120 et 500 kilomètres. m Les pilotes de l’équipe de France féminine encadrent leur coach, Éric Napoléon. Novembre - Décembre 2022 17


Compétition des raisons tactiques, on peut décider de se séparer afin par exemple de verrouiller une concurrente que l’on souhaite surveiller de près, ou bien pour faire un départ à quelques minutes d’écart, le premier pilote parti donnant les bonnes informations au suivant pour qu’il le rattrape et augmente ainsi sa vitesse moyenne sur le circuit. Évidemment, on peut aussi se perdre de façon imprévue et «subir» la séparation si l’on se retrouve derrière. Dans ce cas, pas toujours évident de rebondir, surtout quand on constate qu’on fait moins bien et qu’on prend des kilomètres dans la vue… Rien n’est jamais perdu: grâce aux informations données par les autres pilotes de l’équipe, même des autres classes, on peut s’en sortir. Même pilotes séparés, l’équipe peut fonctionner et scorer! * Le rôle du coach au sol: autre élément différant de ce que l’on connaît en championnat de France, nous pouvons communiquer avec le sol à tout moment. La plupart des équipes qui concourent à l’international ont ainsi une aide au sol, voire un coach, qui leur fournit des informations auxquelles on ne peut pas avoir accès en vol sur l’évolution météo, les choix des autres concurrents, ou encore aider à gérer un doute, un stress… Une aide précieuse au sol qui contribue à faire la différence en équipe. Une pensée aussi pour tous les équipiers qui chaque jour font tout pour que leurs pilotes volent dans les meilleures conditions. Merci à vous! Une bonne recette La réussite d’une équipe tient à un subtil mélange de plein d’éléments, techniques, tactiques et surtout humains, dont j’ai tenté de dresser une brève esquisse avec ces lignes. Je trouve personnellement qu’il est gratifiant et enrichissant de réussir à plusieurs, par l’investissement et l’engagement que cela sous-entend. Et c’est la raison pour laquelle j’adore vivre un championnat international: il s’agit non seulement d’une aventure sportive, mais aussi d’une aventure humaine unique, finalement un championnat des émotions qui nous permet de nous construire comme vélivole, mais aussi comme individu. Aude UNTERSEE photos équipe de France m Au classement par équipe de ce Mondial féminin 2022, la France est vice-championne. Bravo ! Les résultats des Françaises Classe club (18 concurrentes) : 1 Petra Piskata Rép. Tchèque LS-4 4282 2 Claudia Hill GB LS-1f Neo 4182 3 Ines Engelhardt Allemagne LS-1f 4481 5 Aude Grangeray France LS-7 1028 6 Louise Rodriguez France LS-7 3893 8 Alizée Petit France LS-4 3711 Classe standard (13 concurrentes) : 1 Cornelia Schaich Allemagne LS-8 4692 2 Sabrina Vogt Allemagne Discus 2a 4509 3 Jana Veprekova Rép. Tchèque LS-8 4356 5 Aude Untersee France Discus 2a 4351 6 Anaïs Gaubert France Discus 2a 4214 Classe 18m (12 concurrentes) : 1 Anne Ducarouge France JS-3 4411 2 Mélanie Gadoulet France JS-3 4400 3 Alena Netsusilova Rép. Tchèque ASG-33ES 4369 9 Astrid Galaret France JS-3 3682 18


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Compétition Retour sur Szeged 2022 Déjà évoqué dans notre précédent numéro, le championnat du monde classes 18m, libre et biplace/20m s’est déroulé en Hongrie du 24 juillet au 5 août avec les belles médailles que l’on sait pour l’équipe de France. Cette fois, impressions de l’un de nos compétiteurs. Quatre années se sont écoulées entre les mondiaux – pour les classes 18 mètres, libre et biplace/20m – qui s’étaient tenus en République tchèque à Hosin et ceux qui viennent de se terminer début août. C’est bien long! En effet, les deux éditions successives en 2020 et 2021 qui étaient prévues à Stendal, à l’ouest de Berlin, ont dues être annulées à cause des directives sanitaires allemandes. Pour défendre les couleurs de la France cette année, nous étions sept pilotes pour six planeurs. En classe 18 m, Mélanie Gadoulet de Ploërmel – invitée en tant que championne du monde féminine en titre en Australie –, Christophe Abadie de Buno et Adrien Henry de Bailleau étaient aux commandes de JS-3, le fameux planeur sud-africain produit par Jonker Sailplanes. En libre, Philippe de Péchy de Rennes–Saint-Sulpice devait voler en binôme avec Maximilian Seis de Bordeaux. Malheureusement, Maximilian a dû y renoncer pour des raisons professionnelles. Il a été remplacé par Sylvain Gerbaud de Moissac au printemps. Philippe volait sur JS-1C tandis que Sylvain volait sur son nouvel EB-29R «72» produit par Binder. Il s’agit de l’ancien EB-29 piloté par Michael Sommer lors de différents mondiaux depuis 2010. En biplace/20 m, j’étais sélectionné et accompagné d’Ulysse Merlin également de Rennes–Saint-Sulpice. Nous volions sur l’Arcus 20T «MG» de Schempp-Hirth mis à disposition par la FFVP. J’en profite pour vivement remercier la fédération pour toutes les actions mises en place, tant au niveau humain que matériel et financier, pour favoriser la performance sportive. Bel état des lieux L’organisation hongroise de ces championnats à Szeged a traversé avec brio toutes les turbulences qu’elle a rencontrées. En effet, la présence d’une base de l’OTAN près de la ville de Kecskemét au milieu de la Hongrie a imposé la relocalisation des championnats du monde initialement prévus à cet endroit. Trois mois environs avant la compétition, il a été décidé de l’organiser sur le très beau terrain de Szeged. Ce terrain avait déjà accueilli les mondiaux en 2010 et cet événement a malheureusement laissé de mauvais souvenirs pour les raisons que l’on peut citer pêle-mêle: organisation déficiente pour l’accueil d’un si grand nombre de personnes et de planeurs, conditions météorologiques anémiques à cause d’une crue récente de la Tisza (la rivière qui traverse Szeged) couplée à des circuits proposés inadaptés, collision entre un planeur et un camion (!) et la liste est longue. Le challenge à relever dans un délai si court était important! Peter Szabo, le compétiteur hongrois qui vit à Szeged, a accepté et voulu relever le défi et en faire les meilleurs mondiaux de tous les temps. Il a mis la barre très haut avec toute son équipe! Nous avions un magnifique hangar pour les briefings, les aires des planeurs et remorques étaient spacieuses avec des points d’eau pour chaque planeur à côté de la remorque, une restauration efficace. Le tout a été couronné par une météo bien souvent surpuissante, et selon les dires de notre entraîneur national et team-captain, Éric Napoléon, «la masse d’air ne peut pas donner beaucoup plus… ». Nous formions, avec les « crews », une équipe soudée qu’Éric a piloté et accompagné d’une main de maître. Merci à nos équipiers (Didier, Monique, Stéphane, Ludovic, Stéphane et Philippe) qui ont été efficaces chaque jour pour la préparation des planeurs! Heureusement, nous n’avons pas eu de vache et de souci technique majeur à gérer. Nous étions hébergés à 10 minutes du terrain, dans deux «pensions». C’étaient en réalité de grandes maisons que les propriétaires commercialisaient comme des hôtels tout en y vivant. L’OcsziVendeghaz où les pilotes étaient hébergés avait huit chambres et nous bénéficions d’une cuisine, très pratique pour les petits-déjeuners et pour y dîner. J’avais 20


44°C, ce qui n’était pas inhabituel pour les locaux. Le centre-ville, à 10 minutes à pied, s’est bien modernisé depuis 2010 et offrait quelques restaurants très sympathiques ainsi que quelques glaciers. Alors que la vie en groupe d’une petite vingtaine de personnes peut être lourde sur le plan logistique, nous avons vécu trois semaines très fluides grâce à la bonne humeur et la simplicité de chacun, ce qui a aidé à bien gérer nos trajets avec un nombre limité de voitures et nos dîners en ville par petits groupes différents chaque jour. Nouvelles règles du jeu Le retour à la compétition de très haut niveau après plusieurs années de disette est un exercice difficile. Certaines règles ont changé et l’« Event Marker » faisait son apparition. Il faut maintenant ouvrir une fenêtre de départ afin de pouvoir prendre un départ sans pénalité. Le but de ce nouveau règlement de l’IGC (la commission planeur de la FAI) est de casser le vol en paquet et les «suiveurs». Je dois avouer que – sauf à vouloir imposer les paramètres très restrictifs du dernier jour – je reste perplexe sur le résultat escompté. Cet outil provoque bien des difficultés et augmente le côté aléatoire de notre sport. La seule vraie journée de thermique pur a été un vol de paquet très habituel comme on l’a toujours vécu. L’équipe de France a globalement bien réussi ce retour au plus haut niveau. La magnifique médaille d’or par équipe que nous avons obtenue est une belle récompense dans laquelle chaque vol a compté et est le résultat de l’investissement individuel au profit du collectif. Sur la seconde partie du championnat, nous avons eu droit à la visite du président de la FFVP, Jean-Émile Rouaux, très attaché au sport, et de la Directrice technique nationale, Tina Girard, nouvellement nommée par la ministre des Sports. Ces visites au cœur des championnats du monde ont été très appréciées, un bel encouragement en toute simplicité qui s’est parfaitement inscrit dans la vie du groupe. Un train d’enfer! Les championnats ont été intenses avec énormément de rythme la plupart du temps. À part une épreuve compliquée, les moyennes minimales étaient comprises entre 120 et plus de 160km/h de moyenne… Ça décoiffe! Après une première journée légèrement pluvieuse et annulée, la première épreuve a eu lieu en thermique pur avec un air froid trop sec pour provoquer l’apparition de cumulus. Le manque d’expérience sur l’utilisation de l’« Event Marker » lors de cette première épreuve m’a fait partir trop tôt et je perds quelques points sur le gros du paquet qui est parti sensiblement derrière moi. En classe 18 mètres, les résultats sont moyens aussi. Nos trois pilotes sont, eux, m L’équipe tricolore au grand complet lors de la cérémonie d’ouverture de ces championnats du monde hongrois. m L’auteur a participé en classe biplace/20 m avec Ulysse Merlin, 18 ans, champion de France junior 2021. Novembre - Décembre 2022 21


Compétition sans doute partis trop tard. Il faut dire qu’avec 42 pilotes de très haut niveau, ce sont plusieurs paquets qui se forment et celui qui est dans la meilleure fenêtre météo gagne. En libre, la journée a été à l’image du championnat avec les deux Allemands Felipe Levin et Michael Sommer (tous les deux en EB-29R) qui donnent le rythme en permanence, un rythme exceptionnel! Nos deux Français s’en sortent mieux avec les 4e et 5e places mais à déjà 100 points des deux vainqueurs. Dès le lendemain, Christophe a imprimé son style et son rythme en classe 18 m en remportant l’épreuve du jour. Un départ optimal dans le bon groupe, un rythme effréné tout au long du vol avec son JS-3 «2L» – certainement le meilleur des 18 mètres dans ces conditions très gros temps – et une gestion des fins de vol type Grand-Prix où il ne faut pas s’arrêter. À 146km/h de moyenne ce jour-là, une vitesse moyenne énorme mais seulement dans la moyenne de ce championnat, le ton était donné! Malheureusement, Adrien loupe sa fenêtre de départ et doit partir plus tard. Son résultat: 30e , mais à seulement 120 points, prouve la très grande consistance du niveau en classe 18 mètres. Mélanie, 4e , montre également qu’elle va être de la partie lors de ce mondial. Ce pilote supplémentaire pour la France a clairement été un atout, nos trois pilotes (alors que toutes les autres nations étaient seulement deux) ont parfaitement joué leur rôle dans cette triplette en la gardant fluide et extrêmement dynamique. En classe biplace/20 mètres, je termine 3e de cette épreuve dans une météo qui est en train de s’améliorer par rapport à la veille. Le plafond monte à 2700 m en fin de journée sachant que c’est quasiment le maximum autorisé par l’espace aérien: 2800 mètres maximum tout au long du championnat. Il y a eu certains jours où nous nous limitions à cela avec des cheminements rapides et dynamiques, juste en dessous, à 200km/h, l’œil rivé sur l’altimètre. Le troisième jour est encore une belle journée pour la France, avec de nouveau Christophe qui gagne pour la seconde fois en appliquant la même méthode. Il m Le Schempp-Hirth Arcus 20T a été mis à disposition de l’équipage Bouderlique-Merlin par la FFVP. m Concentration maximum lors du briefing et de la préparation des épreuves sous la houlette d’Éric Napoléon. 22


grimpe à la première place du classement général et ne la lâchera plus! En classes libre et biplace/20 m nous obtenons deux troisièmes places d’épreuve avec Sylvain, et moi accompagné de mon coéquipier, Ulysse Merlin. Ulysse, 18 ans, vole à Rennes et est champion de France junior 2021 en classe club. Tout au long de ces mondiaux, je lui ai transmis mes outils et mes connaissances sur les facteurs de réussite en compétitions. Bien que la liste soit longue, on peut citer: le centrage du planeur, l’utilisation du calculateur, prendre un bon départ, préparer son AAT – épreuve de vitesse du secteur –, faire de belles arrivées rapides… Ulysse a été un super copilote lors de ces mondiaux, avec une bonne humeur et des encouragements permanents. Ses remarques étaient toujours pleines de bon sens et émises au moment opportun. J’ai pris beaucoup de plaisir à voler avec lui! Il repart en ayant appréhendé le très trop niveau et un sourire qui j’espère reflète les souvenirs et connaissances qu’il a pu emmagasiner. Super ambiance Malgré de belles conditions météo, de fortes chaleurs et de belles moyennes, la première semaine des championnats a été tout de même marquée par quelques annulations d’épreuves. Le vendredi 29 juillet nous a réservé une météo puissante et légèrement orageuse avec environ 2500 mètres de plafond dans un créneau relativement court de 2 heures 30. En libre et biplace/20 m, sans démériter, nous avons perdu quelques précieux km/h par rapport aux premiers et les points associés. En 18 mètres, c’est encore Christophe Abadie qui gagne avec une moyenne faramineuse de 162km/h de moyenne! Avec Adrien et Mélanie, leur moyenne était à plus de 170km/h sur la première branche. Ils ont trouvé jusqu’à 6 m/s sur quelques tours avec un planeur très chargé à 60kg/m². Ces varios exceptionnels étaient parfois relativement difficiles à trouver. Tout au long de ces championnats, la météo «bullait» énormément avec des zones ascendantes très larges et multi-noyaux. Parfois nous montions dans 3m/s mais juste à côté il y avait bien meilleur avec 4 à 5m/s sous le même cumulus. «Être meilleur ne s’arrête jamais », voilà une phrase que Éric nous répétait régulièrement lors de nos briefings quotidiens et qui raisonnait bien en moi dans ces conditions exceptionnelles. La FFVP a investi pour son développement et l’accompagnement des équipes de France lors des différents championnats dans un magnifique «motor-home». Il est clair que ce lieu confortable pour nos briefings était propice à la concentration, au repos et donc à la performance! Ce soir-là, la soirée internationale était organisée. L’organisation, à la lecture des prévisions météo du lendemain, a décidé d’annuler à 17 heures. Nous avons donc pu lâcher prise en sachant que ce serait repos ensuite, idéal! Toutes les équipes jouent le jeu en proposant des produits typiques nationaux. C’est un moment de convivialité gastronomique très sympathique qui permet de rencontrer et d’échanger avec les pilotes étrangers que nous côtoyons habituellement sans vraiment les connaître. Au niveau culinaire, certains stands sont particulièrement appréciés comme la Suisse avec sa fondue, la Belgique avec ses gaufres, le Danemark et ses harengs ou encore l’Afrique du Sud et sa viande au barbecue! Après une journée de repos consacrée à la préparation du barbecue du dîner commun, nous savions que nous allions repartir pour six épreuves d’affilée jusqu’à la fin du championnat. Des hauts et des bas Le dimanche 31 juillet, la zone de vol est affectée par un retour d’est (de la perturbation de la veille) dont la limite nord-sud va osciller au niveau de Szeged… Une journée un peu loterie qui tiendra ses promesses. Toutes les classes sont logiquement envoyées vers l’ouest. La classe 18 m qui décollait toujours en premier pour des contraintes de longueur de piste disponible a pu prendre un départ correct et le vainqueur s’en sort à 120 km/h de moyenne. Après une exceptionnelle série de trois victoires de suite pour Christophe, c’est une journée moyenne pour nos trois Français mais Christophe tient bon, restant en tête du général. Pour les libres et biplaces/20 mètres, c’est un peu sauve-qui-peut au départ. Les conditions sont faibles au largage avec seulement 1m/s pour les varios et 1500 mètres de plafond. Une poche d’humidité étalée en marge du front gagne depuis le nord et il est évident que le petit créneau de départ va se refermer. Tout le monde passe la porte à des altitudes très différentes, il faut vite tenter de raccrocher. Certains planeurs se retrouvent en survie à moins de 500 mètres très rapidement, d’autres dont je fais partie peuvent s’extraire difficilement de la zone. Certains sont très joueurs comme les futurs champions du monde en classe m En remorqué derrière le Cmelak à turbine. Le vario est puissant… Novembre - Décembre 2022 23


Compétition biplace/20 m, Petr Krejcirik et Ivan Novak, qui s’approchent de la Serbie, à seulement à 200 mètres au-dessus de la zone interdite de surveillance de la frontière par des drones. Ils raccrochent sous un cumulus sans pouvoir quitter cette zone interdite si celui-ci ne donnait pas. En classe libre, le multiple champion du monde et champion du monde en titre, Michael Sommer, se vache après 18 kilomètres seulement! Cela me rappelle 2018 où j’avais fait 24 kilomètres lors des mondiaux d’Ostrow… Dans les deux classes, les planeurs qui n’avaient pas pu prendre de départ correct et était en survie après leur premier passage de porte bénéficient d’une amélioration temporaire des conditions et peuvent à nouveau prendre un départ. Un mélange de chance et de réussite car les conditions sur la branche «départ» s’améliorent nettement pour eux. Ils réussissent de belles moyennes après ces départs «subis». En en libre, ce sont Oscar Goudriaan (Afrique-du-Sud) et Radek Krejcirik (République tchèque et fils de Petr Krejcirik) qui en bénéficient clairement, ils récupèrent de précieux points et certainement une place sur le podium final ce jour-là. En classe biplace/20 m, c’est l’Américaine Sarah Arnold, accompagnée de Karl Striedieck qui l’emporte haut la main, partie 40 minutes après le groupe de tête. Ce soir-là nous pouvons assister à un magnifique moment de fraternité et de m Une nouveauté de ce Mondial 2022, l’« Event Marker », censé éviter les départs en paquets… m Le lac Balaton se profile au-devant. 24


sportivité dans notre sport exceptionnel. Le champion autrichien Wolfgang Janowitsch a abimé à l’atterrissage la roulette de queue de son Ventus, le fameux 18 mètres produit par Schemmp-Hirth. Son planeur a terminé son roulage sur une plaque en béton du bord de piste. La fibre qui supporte l’axe a lâché. Son planeur est amené au hangar, puis mis sur le dos. On peut d’abord voir Tilo Holighaus (le patron du constructeur Schempp-Hirth) à la manœuvre. Il est remplacé par Uys et Attie Jonker, les frères qui ont fondé il y a bientôt 20 ans le concurrent sud-africain Jonker Sailplanes. Ceux-ci prennent en main la réparation et le travail est terminé avant 22 heures. Ils recevront une médaille pour leur sportivité lors de la remise de prix. Bravo! Le lendemain, le front – et le retour d’est associé – s’est évacué vers la Roumanie et l’Ukraine. Après le décollage, nous voyons encore des bancs de stratus traîner vers l’est. Cela laisse penser que la seconde partie de l’épreuve sur secteur proposée par l’organisation ce jour-là risque d’être difficile. Alors que le début de notre circuit est dynamique, en direction du Danube à l’ouest, le passage de la Tisza marque comme souvent une limite climatique. Il faut avoir conscience que tout au long de notre championnat la météo a été bien souvent très puissante mais les limites climatiques l’étaient aussi, notamment au niveau du Danube à l’ouest et la petite Tisza – rivière nord-sud parallèle au Danube – qui traverse Szeged. Il fallait clairement aborder ces passages avec de la hauteur sinon leur traversée serait fastidieuse. En cette fin de circuit, alors que j’étais un peu à la traîne du petit groupe mené par Steve Jones et Garry Coppin, je sens que les conditions retour vont être difficiles: les petites barbules éparses sont assez moyennes et le thermique pur sur l’axe retour va être bien mou. À l’entrée du dernier cercle, certains planeurs font demi-tour, Steve poursuit. J’adopte une position intermédiaire en poursuivant légèrement dans le cercle mais sans perdre le contact avec ceux qui ont déjà écourté. C’est le choix gagnant avec un gros écart à l’est pour rester sous quelques petits cumulus alignés. Avec Ulysse, nous gagnons l’épreuve du jour à 120km/h de moyenne. Dans les autres classes, nous assistons à un nouveau podium quotidien de Christophe Abadie qui fait 3e en 18 mètres juste derrière les deux champions italiens Riccardo Brigliadori et Davide Schiavotto. Sylvain termine 4e , à 30 points des premiers en libre. m Retour sur la ville de Szeged. m Dernières confidences entre un ancien et un futur champion du monde. Novembre - Décembre 2022 25


Compétition Bouquet final Les quatre derniers jours vont être de très belles journées de vol à voile, du genre de ce qui peut se faire de mieux en plaine. L’organisation décide de lancer des 750kilomètres le mardi 2 août en 18 m et libre. En biplace/20 m, nous récoltons un 650 seulement en décollant en dernier. Ces distances sont exceptionnelles, les prévisionnistes météo pensent qu’il y aura un créneau surpuissant avec 3 heures à 150km/h de moyenne sur le cœur de l’après-midi et une journée longue pour permettre la réalisation de ces circuits. En fait, ce sera seulement une très bonne journée avec un peu plus de 2000 mètres de plafond. La classe libre va quasiment traverser la moitié du pays avec un premier point entre le lac Balaton – le plus vaste d’Europe centrale – et Budapest, un suivant vers la frontière serbe, un autre vers le cœur de notre zone de vol, un suivant vers la frontière roumaine et le dernier vers le nord-est en direction de l’Ukraine! C’est leur circuit qui est le plus fluide car les moyennes gagnantes en 18 m et biplace/20 m ne sont pas «atomiques». Avec le «MG», nous payons notre départ légèrement tardif dans cette météo qui ne sera pas comme espérée. Avec un posé à 18 h 30, le retour est fait avec des varios très poussifs. Heureusement pour nous, ce genre d’épreuve très longue amortit les écarts en points. La seule phase très dynamique du vol a été faite sur un des axes des libres mais au prix d’un gros détour. Nos camarades 18 m et libres font très bien, très proches des premiers et un nouveau podium d’épreuve pour Sylvain! Le lendemain, c’est meilleur avec des plafonds à 2500 m, mais on se repose avec 500 kilomètres seulement! En libre, les deux Allemands gagnent à 159km/h de moyenne, Adrien termine second à 151km/h et, avec notre Arcus 20T, nous faisons très bien aussi, deuxième de la journée. Le tandem tchèque Krejcerik et Novak gagne cependant l’épreuve avec une avance sensible en partant tard alors qu’ils avaient remporté beaucoup de points la veille en partant tôt. Ils récupèrent ainsi la première place du classement général. L’avant dernier jour est encore meilleur! Mais comment estce possible? Et bien, les plafonds à 2500 m sont présents dès le début de journée et nous trouvons régulièrement des 4m/s qui sont légions! En 18 mètres, Christophe fait preuve d’une sérénité extraordinaire et écrase la concurrence une nouvelle fois à 155 km/h de moyenne. Il récupère 5 minutes aux italiens présents sur le podium du général derrière lui, cela lui donne un peu d’air au classement général. En libre les deux Allemands dominent à nouveau de la tête et des épaules à 157km/h de moyenne. En biplace/20 m, malheureusement, je tente un coup lors du passage de la Tisza vers l’est, un passage souvent difficile à négocier. Il me coûte très cher en temps, 8 minutes. Dommage! Au matin du dernier jour, Christophe est en tête des 18 mètres avec une petite marge. Et nous sommes trois à pouvoir récupérer le podium: Sylvain est à 1point de Radek Krejcirik, qui est 3e au général; Adrien est à une trentaine de points du podium; avec Ulysse, nous en sommes à une cinquantaine de points. Pour rendre plus difficile la tactique au départ, l’organisation a décidé de modifier les durées de l’« Event Marker » qui déterminent un départ sans pénalité. Alors que nous devions attendre 5 minutes pour pouvoir partir ensuite dans une fenêtre de 8 minutes, le dernier jour, il faut attendre 10 minutes pour bénéficier d’une courte fenêtre de 5 minutes! La météo du jour est prévue un peu moins puissante avec du thermique pur sur la fin du vol. En classe biplace/20 m, Ulysse et moi décidons de partir derrière Steve Jones, ce qui va se révéler être le même choix que nos concurrents directs en chasse du podium, les pilotes finlandais et hollandais mais aussi des deux biplaces en tête, les Tchèques et les Polonais. Notre groupe se retrouve après le second point et nous profitons alors d’une très belle dynamique (4 m/s et des plafonds à 2 700 m) en quittant le Danube vers Szeged, ce qui nous permet de presque retrouver Steve Jones au niveau du 3e et avant dernier point. En réalité, Steve Jones et Garry Coppin sont seulement 7kilomètres devant nous, à la même altitude, alors que nous sommes partis 11minutes derrière. Dans le thermique pur, nos concurrents anglais trouvent alors un bon 3 m/s alors que nous n’obtenons que 2 m/s juste en dessous. Ils enchainent avec un 2 m/s et nous n’obtenons rien en dessous… Une météo qui bulle… des Anglais envolés… le sport… Néanmoins grâce à une très bonne arrivée nous terminons 3e du jour et finissons 5e au classement général à seulement 36 points des Anglais, 3e . Ils sauvent leur place pour trois points seulement devant les Hollandais qui sont 4e . En libre, Sylvain reste malheureusement 4e , à 20 points du podium, rageant également! Radek Krejcirik, exceptionnel avec son JS-1C, complète le podium de la classe libre maintenant dominée par les EB29R avec Felipe Levin, sacré champion du monde, suivi par Oscar Goudriaan. On note l’absence remarquée du multiple champion du monde allemand, Michael Sommer, qui m Christophe Abadie sur la plus haute marche du podium avec les italiens Riccardo Brigliadori 2e et Davide Schiavotto 3e à ses côtes : victoire française en classe 18 m. 26


s’est vaché au jour 6 et qui aurait sans doute terminé derrière Felipe sans cela. Philippe finit à une très honnête 13e place avec son JS-1C. En 18 m, l’exercice était difficile avec deux objectifs très différents pour Adrien Henry et Christophe Abadie. Christophe devait assurer un bon vol pour garder sa place tandis qu’il fallait grapiller des points pour Adrien. Ce dernier a su se mettre au service du collectif et donc de Christophe qui devient champion du monde. Cette classe 18 m est très dense et elle réussit au français! Olivier Darroze avait gagné en 2008 avant Killian Walbrou en 2017! Adrien finit 6e à seulement 68 points du podium et Mélanie - complètement à sa place dans ce magnifique championnat du monde - termine 14e encadrée au classement par deux anciens champions du monde Holger Karow et Gyorgy Gulyas. Le bilan pour la France, sans être exceptionnel, est très bon. Cela fait du bien après les mondiaux de l’an dernier à Montluçon. Nous ramenons deux médailles d’or avec celle de Christophe et celle par équipe ! Individuellement, nous avons obtenu de nombreux podiums et victoires journalières. Chaque pilote a fait sa part dans cette « Team Cup ». Nous sommes trois au pied du podium, à quelques points seulement, et forcément un peu déçus. Nous en tirerons néanmoins du positif, que ce soit en termes de réglage du planeur ou en termes de recherche de la performance. Nous savons voler vite mais il nous faut chercher à voler encore plus vite – à l’image de certains autres pilotes –, comme Éric nous l’a rappelé lors du bilan rapide et à chaud, à l’issue de la cérémonie de clôture ! Enfin mes mots vont vers les familles (également actrices de cette réussite), qui ont pu parfois nous accompagner lors de ces longs championnats ou qui ont su patienter seules et loin des pilotes, des équipiers ou de notre Team Captain Éric Napoléon. Louis BOUDERLIQUE, photos auteur, Ulysse Merlin et Stéphane Raddi m Autre médaille d’or, celle par équipe, la France devance l’Afrique-du-Sud et l’Italie. m Les adieux à la Hongrie, tous le personnel France rassemblé pour la photo-souvenir devant le nouveau véhicule fédéral. TOUS LES RESULTATS Novembre - Décembre 2022 27


Et si le Lak-20 avait plutôt été un 20m? Découverte d’un « grand libre » biplace qui n’a pas eu sa chance commerciale, en dépit d’indéniables qualités. Essai Àl’occasion des deux dernières parutions du magazine Vol à Voile, le traditionnel essai a été consacré d’abord à la présentation d’un biplace qui a eu le succès dès son premier vol, l’Arcus de Schempp-Hirth, pour ensuite en présenter un deuxième qui aura mis plus d’une décennie avant de montrer ses dents avec un succès en devenir, le Twin-Shark du tchèque HpH. Comme «jamais deux sans trois», intéressons-nous à un troisième biplace, le lituanien Lak-20 qui n’aura lui jamais connu la réussite commerciale pour des raisons que l’on va essayer de comprendre ensemble. En plusieurs occasions, il a été possible d’approcher un grand biplace de la classe libre dont la silhouette ressemble de loin à un mix entre les biplaces ASH-25/30 d’Alexander Schleicher et les Nimbus 3D/4D de Schempp-Hirth, comme ce fut le cas à l’occasion des championnats du monde de Lusse en Allemagne (2008). Toutefois, en regardant de plus près, on doit se rendre à l’évidence qu’il ne s’agit ni des uns ni des autres, ce que confirme la mention en très petits caractères sur les flancs du fuselage: « LAK-20T ». Il s’agit donc bel et bien de ce planeur énigmatique que la communauté vélivole évoquait ici ou là sans savoir véritablement ou en était l’état d’avancement du projet. Une seule certitude, le Lak-20 avait volé pour la première fois en janvier 2007. Moins d’une dizaine d’exemplaires de présérie volent ici ou là, disséminés entre son pays d’origine la Lituanie (LY-GSA), la Finlande (OH-982 – ce dernier est d’ailleurs actuellement en vente), la Norvège (LN-GXL), et l’Italie (LY-GOG). Ce dernier fur d’ailleurs la propriété d’un des grands adeptes du LAK-20, le grand champion transalpin Léonardo Brigliadori (décédé d’une crise cardiaque en 2013 à l’âge de 74 ans), aujourd’hui entre les mains de son fils Riccardo et stationné en Lombardie. 28


Et si le Lak-20 avait plutôt été un 20m? Le lituanien LAK À la fin des années 1980 et ce jusqu’à l’avènement du tchèque HpH, lorsqu’il était question de production de planeurs en provenance de l'Europe de l'Est, deux références venaient immédiatement à l’esprit: le polonais PZL-Bielsko-Biała avec ses Jantar, Junior, SZD-55 et autres Puchacz, et le lituanien LAK. Ces deux sociétés avaient l’avantage de proposer des alternatives crédibles pour briser l’hégémonie des grands constructeurs germaniques avec des prix défiant toute concurrence. Si en termes de performances et de finition ce n’est pas le même niveau du détail, de nombreux clubs et particuliers en font aujourd’hui encore l’expérience avec un grand niveau de satisfaction, ce même si entre temps les prix là-bas aussi ont pris l’ascenseur. Pour revenir à l’entreprise lituanienne LAK qui est l’acronyme en letton de « Société lituanienne d’aviation de loisir » avait été fondée en 1969. À cette époque, c'était (et c'est toujours) la seule entreprise des pays baltes à concevoir, fabriquer et réparer des planeurs. En effet, la Lituanie avait une longe tradition de la pratique du pilotage de planeurs et de la conception d’aéronefs, et Balis Karvelis resté localement célèbre comme le concepteur du premier planeur composite letton : le BK-7 Lietuva. Ce planeur d’un peu plus de dix-sept mètres d’envergure fut produit en 1972 et servira de base au développement d’une génération d’appareils comptant une vingtaine de types différents, y compris les évolutions et autres transformations en versions motorisées et qui ont encré mondialement la marque LAK dans le milieu du vol à voile. À ce jour, vendus dans 20 pays, le planeur de classe libre Lak-12 qui avait volé pour la première fois en 1989 est probablement la machine la plus populaire de cette famille avec 253 unités produits Novembre - Décembre 2022 29


en 25 ans. Le Lak-12 a été conçu selon les exigences techniques et les normes de l'ancienne Union soviétique, appelées « normes de sécurité des vols », ce qui a assis sa réputation d'être une machine très sûre et confortable. On notera que dans certains cas, ces normes soviétiques étaient plus strictes que les normes européennes actuelles (CS-22). Depuis 1996, LAK a produit 26 exemplaires du planeur de classe standard de conception américaine Genesis assumant la responsabilité de la partie technique ainsi que les tests de résistance et autres calculs conformément aux normes JAR-22, jusqu’à l’obtention du certificat de navigabilité. Au fil des années, l’usine a révisé plus de mille planeurs de type L-13 Blanik provenant de toute l'ancienne Union soviétique et de Bulgarie et acquis ainsi un savoir-faire important y compris pour la restauration de planeurs anciens bois et toile, ou encore la motorisation de planeurs. Entre-temps, LAK a été privatisé pour s’appeler formellement depuis Sportiné Aviacija ir Ko (SAirKo) entité au sein de laquelle trois nouveaux planeurs ont vu le jour dont deux toujours en production en différentes déclinaisons, avec plus de 250 machines vendues aux quatre coins du monde. Celui qui reste aujourd’hui le plus connu et donc le plus vendu est le Lak-17, monoplace avec volets de courbure dans ses déclinaisons pour les classes 13,5 m, course/18 m et même libre, son prototype ayant effectué son premier vol le 9 juillet 1992. On ne rappellera pas ici dans les détails toutes les options de motorisation disponibles, y compris le FES avec décollage autonome électrique pour l’une d’entre elle. Le second, le standard avec rallonges de 18m Lak-19 effectua son premier vol le 30 juillet 2001. Il obtiendra sa certification de type EASA le 5 août 2004. Quant au troisième planeur, le grand biplace de classe libre Lak-20 qui s’est envolé en janvier 2007, ce sera une désillusion comme on va le voir. Dans tous les cas, c’est le Lak-17a certifié en 1994 qui apportera un peu d’oxygène à cette grosse entreprise qui souffrait de plus en plus depuis le démentiellement de l’URSS, son principal marché. Toutefois, malgré le succès immédiat apporté par ce planeur de classe 15 m et ses dérivés pour suivre la tendance portée par la définition des classes FAI, la SAirKo implantée dans la région de Prienai traversa de très fortes zones de turbulences financières. La société sera finalement reprise par un nouveau propriétaire, Termikas (www.termikas. com), dont la spécialisation est l’entretien et la restauration d’avions anciens, les Yak principalement. Obtenant ainsi une meilleure assise financière, en parallèle de la production et distribution de planeurs, la société SAirKo se diversifiera dans la production de remorques de planeurs, d’hélices ainsi que d’autres réalisations industrielles en matières composites, y compris les pales pour les grandes éoliennes. De nos jours, l'entreprise compte une petite cinquantaine d’employés, sans comparaison avec les quelque 600 personnes au plus fort de l’activité en 1983 alors que la révision des planeurs L-13 Blanik battait son plein. Quant au futur, pas certain que l’avenir de cette société se dessine en planeurs, les déclinaisons du programme Lak-17 n’étant pas infinies, même si on doit bien admettre qu’aucun autre type de planeur à notre connaissance n’a vu un nombre aussi important de dérivés. Un développement à bas coûts C’est un adage connu, le coût de développement d’un nouvel aéronef, y compris l’indispensable certification de type, ne doit pas être sous-estimé, surtout de la part d’une société qui n’a pas une assise financière très solide. Dans ce contexte, et de manière à maîtriser les coûts de développement et de fabrication, les ingénieurs se décident à reprendre des éléments qui ont fait leurs preuves, principalement deux. C’est ainsi que le fuselage reprendra entièrement la partie avant du monoplace Lak-17, la verrière et son habitacle, et la voilure les ailes intérieures du même Lak-17. Les ailes viennent se monter sur une section centrale de 4,50 m où l’on trouve les aérofreins d‘extrados et les volets de courbure. La voilure sera au m La géométrie de la voilure, avec une flèche négative au bord d’attaque, n’est pas sans rappeler certaines productions de Schempp-Hirth. Essai m Le montage des demi-plans centraux se verrouille à l’extérieur du fuselage par une trappe sur le bord d’attaque de la voilure. Pas certain que ce soit la meilleure solution sur le plan aérodynamique… 30


final en six ou huit pièces, en fonction de l’envergure choisie, 23 ou 26 mètres. Haut perché sur son train d’atterrissage, le Lak-20 attire le regard avec son style « à la Nimbus 3D/4D » au niveau de sa géométrie, la flèche avant de la voilure pour une question de centrage avec un fuselage biplace. Avec ses deux verrières qui s’ouvrent façon ASH-25, on peut confondre, brièvement si l’on observe bien les proportions de la cabine arrière… Cette démarche d’optimisation financière est visible au niveau de détails comme les micros interrupteurs bas de gamme ou de servos pour la commande des ballasts familier des amateurs de modélisme, et qui sera à l’origine du manque de fiabilité quant à l’utilisation des ballasts d’ailes ou lorsqu’il est nécessaire d’utiliser la motorisation. Ce manque de confiance quant à la fiabilité du moteur sera mis en avant pas la plupart des utilisateurs avec qui il a été possible d’échanger. Ce sont probablement les vibrations importantes lorsque le moteur tourne qui mettent à rude épreuve les microcontacts low cost utilisés. À ce propos, en fonction de la motorisation il avait été prévu de proposer cette machine en deux versions: un Lak-20T (Turbo) muni du moteur Solo 2350C de 30 ch (22 kW) et un Lak-20M à décollage autonome muni du Solo 2625-02 de 64 ch (47 kW). m L’accès à bord se fait par deux verrières s’ouvrant par basculement dans l’axe du fuselage. Celle de l’arrière est plutôt de petite dimension - Riposta in pace Léo. m Décollage en remorqué. Le Lak-20T est muni d’un turbo, un moteur 2-temps Solo 2350C de 30 ch (22 kW). m La place avant est confortable et bien agencée. Il n’en est pas de même pour le poste arrière, nettement plus rustique ! Novembre - Décembre 2022 31


La mise en croix Surprise pour celui qui s’attend à un montage de la machine classique, les ingénieurs ayant dû intégrer dans leurs plans les pièces à disposition, principalement l’aile du Lak-17 avec son longeron. C’est ainsi qu’ils ont utilisé une autre solution censée de leurs avis rendre le montage plus confortable : à la place de l’habituel verrouillage des ailes intérieure de 4,50 m chacune dans le fuselage, le montage des clés d’ailes s’effectue à l’extérieur du fuselage par une trappe sur le bord d’attaque de la voilure… Le branchement des commandes d’aérofreins et des courbures est ici automatique, ce qui n’est pas le cas pour le tronçon d’aile repris du Lak-17 avec un branchement des ailerons manuel, tout comme la connexion du câblage électrique pour la commande des servos pour la vidange des ballasts sur l’intrados de l’aile. Le montage de l’aile médiane se fait la aussi par une trappe sur le bord d’attaque qui permet de pouvoir incérer la clé d’aile, ainsi qu’une ouverture sur l’intrados permettant de brancher le câblage électrique pour la commande des servos pour la vidange des ballasts sur l’intrados de l’aile, et une clé de verrouillage des deux longerons. Fonctionnel, certes, mais aérodynamiquement parlant, pas certain que ces quatre trappes sur le bord d’attaque le soient, surtout pour une machine qui a l’ambition de rivaliser avec l’ASH-25 et ses descendants et qui surtout revendique les 55 à 60 de finesse ! Pour le reste, le montage est plus classique, comme l’empennage de profondeur qui se branche automatiquement, ou les rallonges d’ailes avec winglets permettant de faire varier l’envergure entre 23 et 26mètres, ou encore l’ouverture du train d‘atterrissage suspendu avec un mécanisme éprouvé. Le LAK-20 a-t-il raté sa cible? On peut modestement trouver une certaine analogie entre le programme A-380 d’Airbus et l’histoire du Lak-20. Qu’en aurait-il été de la configuration finale de l’A-380 si Airbus avait eu vent deux ans auparavant que General-Electric travaillait en toute discrétion sur une nouvelle génération de réacteurs à haut taux de dilution très économiques et puissant pour motoriser le Boeing 777 ? Même si la comparaison est modeste, c’est un peu la même chose pour le destin du Lak-20 qui aurait probablement dû être optimisé, comme son numéro dans la nomenclature LAK, à savoir pour 20 mètres d’envergure et non pas 23 ou 26. L’histoire retiendra que le prototype de ce planeur biplace de classe libre effectua vol inaugural en janvier 2007. Il marquait ainsi la volonté des dirigeants du constructeur letton de tenir tête aux concurrents germaniques qui avaient pris de l’avance, ce en essayant de produire des machines tout autant performantes mais plus économiques. Les Lak-17 et 19 ayant trouvé une clientèle très satisfaite des performances de ces deux machines, aucune raison de ne pas penser qu’il n’en serait pas de même pour un grand biplace qui devait permettre d’offrir une alternative crédible aux dominateurs de ce (petit) marché que sont l’ASH-25/30 et autres Nimbus 3D/4D. On peut déjà faire remarquer ici que le management de LAK a probablement surestimé le potentiel d’un marché somme tout limité, pour ne pas dire déjà saturé à l’époque, dominé par ces deux familles de machines qui avaient fait leurs preuves auprès d’une clientèle exigeante, avec des performances et des finitions de grande qualité, et pour qui la différence du prix d’acquisition n’est pas forcément l’argument principal. Rappelons aussi ici que souvent ces machines sont d’ailleurs acquises dans le cadre de copropriétés. Tout semble indiquer que porté par l’esprit du «plus c’est grand plus c’est performant », les ingénieurs de LAK tablant depuis plusieurs années déjà sur ce projet de grand libre n’ont pas jugé opportun de prendre en compte de l’avènement d’une classe biplace de 20mètres qui pointait déjà son bout du nez… En effet, à cette époque déjà, ce n’était un secret pour personne que Schempp-Hirth travaillait sur un Duo-Discus à volets de courbure de 20 mètres d’envergure avec une finesse de l’ordre de 50. L’Arcus fit son premier vol deux ans après le Lak-20, soit le 7 avril 2009, est très vraisemblablement c’est ici que le management lituanien a perdu une grande occasion de venir mettre les bâtons dans les roues de l’un des grands… En effet, tout porte à croire que si le programme Lak-20 avait été conçu pour une envergure optimisée de 20m, il en aurait été tout autrement quant à son succès commercial, surtout qu’il aura fallu attendre le 31 mai 2014 pour le premier vol du premier véritable concurrent de Essai m Le LAK-20T est, bien évidemment, également décollable au treuil. 32


1, 0 et – 1), des aérofreins et du largage du câble, et à droite la commande du train d’atterrissage et des ballasts d’aile. Le tableau de bord bien dimensionné pour recevoir un écran de grande taille et les instruments règlementaires, radio et Flarm y compris, garantit une excellente visibilité vers l’avant. La tige de ventilation verte est à droite de ce grand écran que l’on ne saurait oublier lors de fortes chaleurs sous cette grande verrière. Le manche, coudé en baïonnette, coiffé d’une poignée ergonomique contribue à rendre le confort de pilotage agréable. Si l’on doit songer à une évacuation d’urgence, les commandes d’ouverture de la verrière (vers l’avant) sont très accessibles. On sera ici moins loquace sur la place arrière, tellement l’habitacle est spartiate. Habitué à la place arrière de l‘ASH-25 pendant de nombreuses années, on croit pouvoir affirmer que c’est le grand confort en comparaison de la place arrière du Lak20, ce qui confirme bien l’impression de départ en observant le découpage du fuselage avec une verrière arrière plutôt disproportionnée tellement elle paraît petite en comparaison de la verrière principale. On s’y habitue, et si on a la corpulence du regretté Léonardo Brigliadori, ce n’est même pas un sujet de discussion… Dans tous les cas, on notera un fort décalage entre le confort de la place avant et celui en place arrière, surtout pour de grands vols, ce à quoi un grand libre est généralement prédestiné ! Pour ceux qui s’intéressent aux performances du Lak-20, il est reconnu que la machine ne parvient pas à rivaliser avec ses principaux concurrents de la classe libre, même si comme on le rappelle à chaque fois, c’est d’abord le pilote qui fait la différence, au niveau des cheminements notamment… m Selon l’envergure, 23 ou 26 m, l’allongement de ce planeur varie de 34,15 à 41,25. Novembre - Décembre 2022 33


2 (même si le manuel de vol recommande plutôt L), le mécanisme du train d'atterrissage est robuste et extrêmement facile à rentrer et sortir. Le frein hydraulique Béringer en bout de course de la poignée des aérofreins permet une action de freinage très puissante. Par conséquent, il faudra bien conserver le manche au ventre afin d’éviter que ça ne soit le ventre du planeur qui en souffre. D’ailleurs, une fois le roulage stabilisé, on ne peut que recommander de remettre les courbures en négatif pour conserver l’efficacité des ailerons jusqu’à ce que la machine soit arrêtée. L’ouverture des verrières après l’atterrissage laissera toujours une impression de fragilité tellement tout parait léger en comparaison des verrières de Schleicher qui semblent au contraire trop lourdes. En conclusion Ce n’est pas le premier constructeur à se casser les dents avec un projet de biplace conçu sur des bases similaires. Au début des année 1970, Wolf Lemke et Karl Pummer de RolladenSchneider s’étaient décidés à utiliser autant que possible des composants du LS-1 alors construit en série, dont les formes du fuselage, pour créer le LS-D Ornith (D pour Doppelsitzer, biplace). Ce premier biplace fabriqué en matériaux composites qui effectuera son premier vol le 3 mai 1972 restera à l’état de prototype… On ne saurait donc que regretter une fois encore que les géniteurs du Lak-20 n’aient pas eu l’ambition plus modeste, comme par exemple à l’époque de chercher à rivaliser avec les Duo-Discus et autre DG-1 001, plutôt que de s’attaquer aux orchidées ultimes nécessitant des investissements conséquents. Certes, celui qui est à la recherche d’un biplace d’occasion à bas prix pourrait se laisser convaincre sans grand risque, pour autant qu’il soit conscient « qu’il en aura pour son argent »… Une machine qui peut indéniablement intéresser des copropriétaires peu ou prou porté sur la compétition, un peu bricoleurs et préférant la convivialité avec un bon 50 de finesse... Léonard FAVRE photos de l'auteur, Adriano et Juha Silvennoinen(†) 34


2 HS «Aviation Ancienne» Version papier & numérique 88€ au lieu de 215,46 € «L’AÉRONAUTIQUE DANS LES GÊNES» 1 an - 4 numéros Version papier & numérique 33€ au lieu de 63,16 € «LA PASSION DE LA PASSION AÉRONAUTIQUE» 1 an - 12 numéros Version papier & numérique 85€ au lieu de 181,08 € «LE SEUL ET UNIQUE TITRE» 1 an - 12 numéros Version papier & numérique 76€


21°C et le vent du secteur sud-ouest pour 15 Kt. * Aides à la navigation: le pilote disposait d’un GPS de type MotionX installé sur son téléphone portable. * Télécommunications: les radiocommunications entre le chef-pilote et les planeurs ont été échangées sur la fréquence 118.00 MHz. Après 14h00, le chef pilote a également tenté, en vain, de contacter le pilote du F-CBLB sur 123,5MHz et 119,10MHz (fréquence de l’aérodrome de Mende). © http://tagazous.free.fr/ Sécurité m Le Marianne F-CBLB avant sa mésaventure malheureusement définitive – photo d’archive. 36


45° à –40°. L’amplitude des variations n’est pas croissante et ne reflète pas un phénomène de divergence non maitrisée (phugoïde). La vitesse varie entre 170 km/h et des valeurs inférieures à 50 km/h. © http://tagazous.free.fr/ Novembre - Décembre 2022 37


 3 mètres, on rentre ». Par la suite, des appels ont été lancés en vain par le centre sur 123.5MHz et 119.10MHz. La phase d’alerte DETRESFA a été déclenchée à 15 h 00. Le jour de l’accident, le chef-pilote a composé les équipages en fonction des pilotes disponibles. Il précise que les deux occupants n’avaient jamais volé ensemble. Le pilote en place arrière avait la réputation d’être calme et sérieux. * Le phénomène de flutter: le phénomène de couplage aéroélastique, ou flutter (signifiant «battre des ailes» en anglais), est dû à la survitesse d’un avion en vol. Quelle que soit sa conception, un avion subit des contraintes qui, en vol, déforment la voilure longitudinalement (flexion du longeron) et transversalement (torsion ou vrillage des nervures et revêtement). Lorsque la vitesse de l’écoulement de l’air augmente autour d’une aile ou d’une surface aérodynamique, la fréquence des Sécurité m Passage dos, la vitesse augmente jusqu’à environ 270 km/h. 38


mouvements de torsion diminue alors que celle des mouvements de flexion augmente. Il existe une vitesse, appelée vitesse critique, pour laquelle ces deux fréquences sont en phase et peuvent entrer en résonance. Le phénomène est divergent, amplifie les mouvements de flexion et de torsion et conduit à un couplage aéro-élastique qui, s’il se prolonge, peut provoquer la destruction explosive de l’aile ou de la surface aérodynamique concernée. Cette destruction intervient dans un délai variant de quelques secondes à quelques dizaines de secondes. Analyse La trajectographie du vol montre que le pilote s’est conformé à la consigne de retour donnée par le chef-pilote. Durant cette phase, il a volontairement effectué des variations d’assiette de grande amplitude associées à des évolutions dans le plan horizontal. La dernière évolution combinait un facteur de charge positif, une vitesse élevée, un taux de virage important et un fort dérapage. Le planeur a décroché pendant le virage et s’est positionné sur le dos. Le pilote n’a pas été en mesure de sortir de cette position inusuelle et ses actions sur les commandes ont probablement aggravé la situation. L’enregistrement suggère qu’il n’a pas cherché à ramener les ailes à l’horizontale mais a tiré sur la commande de profondeur pour sortir de cette position par le bas. Cette manœuvre a provoqué un dépassement de la VNE, une mise en piqué vertical et un phénomène de flutter. Vers 350 km/h, les ailes du planeur se sont désagrégées. La faible expérience du pilote combinées à des évolutions qu’il n’a pas su maîtriser l’ont conduit à sortir du domaine de vol. La destruction brutale de l’aéronef ne permettait plus à ses occupants de l’évacuer. Conclusion * Faits établis par l’enquête: – le planeur possédait un certificat de navigabilité en état de validité; – le pilote aux commandes détenait les brevets et licences compatibles avec le vol entrepris; – le passager détenait une licence de pilote de vol à voile depuis décembre 2009; – au cours du vol, le chef-pilote a donné par radio une consigne de retour à tous les planeurs en raison de l’aggravation des conditions météorologiques; – le pilote a reçu le message et entrepris le retour; – le pilote a réalisé des évolutions de forte amplitude dans le plan vertical; – le pilote volait de façon dissymétrique pendant les évolutions enregistrées; – le pilote a perdu le contrôle du planeur pendant une ressource après décrochage, alors qu’il virait à gauche à vitesse élevée; – le planeur a subi un phénomène de flutter ayant conduit à une rupture du planeur en vol; – la violence de la destruction n’a pas permis aux occupants d’évacuer le planeur. * Causes de l’accident: l’accident résulte de la décision par le pilote d’effectuer des manœuvres qui, par leur grande amplitude, ont provoqué la sortie du domaine de vol et la destruction du planeur. L’inexpérience relative du pilote, sa méconnaissance apparente des limites du planeur et son manque de coordination au palonniers ont contribué à l’événement. m Zone de répartition des débris. m Le phénomène de flutter a provoqué la désagrégation de la structure du planeur. Novembre - Décembre 2022 39


Club L’aérodrome de Chérence est situé au cœur du parc naturel régional du Vexin, à proximité de Giverny. La plate-forme exclusivement dédiée au vol à voile célébrait le 16 septembre dernier «75 ans de planeur dans le Vexin». La création de l’aérodrome remonte à 1947 à l’occasion du « Jamboree de la paix » qui réunissait 10 000 scouts dans un gigantesque camp en plein air établi dans la boucle de la Seine. L’occasion était belle pour les vélivoles de l’Aéro-club du scoutisme français de créer une plateforme sur la falaise surplombant la Seine pour y treuiller leurs planeurs. Les pères fondateurs de l’époque sont des grandes figures du vol à voile : Raymond Schalow et Pierre Vaysse. Dans les années 1960, un aéro-club francoallemand axé sur les échanges réciproques avec des vélivoles d’outre-Rhin apparut aux côtés du club existant: l’Association aéronautique de Chérence. La présidence du club fut alors assurée par Raymond Schalow, puis Jean Herbulot. En 1970, les vélivoles du CIC de Chavenay durent quitter leur terrain à cause de nouvelles limitations en altitude liées au développement de l’aéroport d’Orly et vinrent s’installer à Chérence. La fusion des deux groupements et de leur matériel fut réalisée par la naissance officielle de l’Association aéronautique du Val d’Oise (AAVO) créée le 21 mars 1971 et présidée par Michel Cruette pendant une vingtaine d’années. Il passa la main à Martin Leÿs pour une quinzaine d’années puis Philippe Arfeuille et enfin Marc Boura qui, outre ses responsabilités de président du Comité régional d’Ile-de-France assura la présidence de l’AAVO pendant 10 ans. Les chefs de centre successifs qui ont accompagné le développement du club ont été Christian Thorens, Alain Carré, Maurice Tourniaire – général à la forte personnalité qui a marqué le club de son empreinte – puis Jocelyn Bouzid, Philippe Lecoq et Frédéric Durand. Bienvenue au club! En 2022, l’AAVO compte 200 licenciés et est présidée par Martin Leÿs qui s’appuie sur deux vice-présidents Marc Boura et Jean-Louis Petit ainsi que Gilles Hug qui est secrétaire général. Suite à la difficulté de recruter un chef de centre, Jean-Louis Petit et Philippe Blanc assument la responsabilité de chefs-pilotes à titre bénévole ; ils sont épaulés par une équipe de 15 instructeurs occasionnels pour faire tourner le club toute l’année. m Le terroir du Vexin, à l’ouest du Val d’Oise, recèle de bonnes conditions météorologiques. Vol au-dessus d’un nid d’impressionnistes 40


Les pilotes se partagent une flotte de 34 planeurs et un motoplaneur SF-28 grâce à un système unique de banalisation intégrale du parc qui prévoit que les planeurs club, privés ou propriété de sections d’entreprise (ANEG, CNRS) sont utilisables par tous. Cette optimisation des moyens est l’ADN de l’esprit club chérençais et offre aux membres du club le bénéfice d’une écurie très moderne. Ainsi, les élèves sont formés en doublecommande sur quatre ASK-21 et un Perkoz aussi utilisé en voltige ; ils poursuivent en école campagne sur deux Duo-Discus (dont un turbo) et un Janus C. Un ASK-13 est utilisé pour les vols-découverte et un ASH-25 complètent l’écurie des planeurs biplaces. La progression sur machines d’entraînement utilise deux Junior, deux LS-1c, proposés à 10euros/heure, tarif imbattable très apprécié des jeunes pilotes. En standard, les pilotes volent sur quatre Pégase, trois LS-4, un LS-7 et un LS-8/18. Pour les planeurs à volets: deux LS-6/18, un ASW-20F/16,6, un Ventus c/17, deux Ventus 2cT/18, un ASG-29T/18 et un ASH-31. La situation privilégiée du terrain et la présence de la pente orientée au sudouest qui domine la Seine de 120 m, permet aux pilotes faire du vol de pente y compris en hiver; celle-ci permet de « tenir » à 250m dès que le vent souffle à 15/20 nœuds. Le terrain étant situé sur un plateau crayeux, les pistes sont toujours praticables et le terrain est ouvert toute l’année (sauf le jour de Noël et le 1er de l’an). La possibilité de voler sur la pente ou de faire du motoplaneur compense le relatif éloignement du terrain de la capitale (65 km de la Porte de Saint-Cloud) et stimule les vélivoles locaux pour venir faire un petit vol en hiver et participer à l’entretien des planeurs. L'une des spécificités du club est la formation aéronautique : en moyenne annuelle, on compte une dizaine de brevets. Sous l’impulsion du RP Philippe Blanc et de Denise Cruette, plusieurs instructeurs ont été formés au club dans le cursus régional. Tous les étés, des stages sont organisés à la carte et permettent de se former sur une période bloquée en étant hébergés dans les installations du club. L’été, une vingtaine de pilotes vont voler à Gap-Tallard au sein de l'Association vélivole du Gapençais composée à 95 % de pilotes chérençais en partenariat avec l'Aéro-club Bertin. Luc Porta et Gérard Lombardi sont les « aigles » chérençais qui vont régulièrement tutoyer les sommets en Suisse, voire en Autriche. Chérence, vitrine du développement durable Avant même que la problématique du développement durable ne devienne un concept « tendance », l’AAVO a lancé des actions volontaristes, à la fois pour réduire les nuisances sonores de ses avions-remorqueurs tous équipés de pots silencieux et hélices quadripales mais aussi en mettant en œuvre en 2008 le premier treuil électrique en France; il donne entière satisfaction et a permis de relancer le recrutement, en particulier de jeunes pilotes, motivés par le prix modique de la treuillée (6,9 euros) et qui contribuent à sa mise en œuvre, notamment pendant les stages d’été. Dans le cadre de la politique volontariste impulsée par la FFVP, Chérence a réalisé en 2021 un bilan-carbone de son activité qui a démontré que les deux gros postes émetteurs de CO2 étaient les moyens de lancement et le transport des pilotes vers l’aérodrome. Un plan de sobriété visant à réduire les déplacements en voiture a été défini en encourageant l’utilisation de Click&glide pour le co-voiturage. Par ailleurs, afin de favoriser la venue de ses membres par les transports en commun, l’AAVO a obtenu la création d’un arrêt de bus TAD (Transport à la demande) situé à l’entrée du terrain grâce à l’appui volontariste du maire de Chérence, propriétaire des installations. Chacun peut dorénavant réserver en ligne une place de bus à l’arrivée du m L’AAVO de Chérence dispose d’installations modernes, fonctionnelles et tout à fait adaptées à la pratique du planeur. m Un jeune pilote de l’AC du scoutisme français quitte son Nord 1 300 à l’époque du Jamboree de 1947. Novembre - Décembre 2022 41


train en gare de Mantes-la Jolie ou du RER à Cergy-Pontoise. Par ailleurs, l’AAVO a décidé de se séparer d’un DR-400 et de le remplacer par un ULM Dynamic bien plus sobre ; Chérence dispose de trois moyens de lancement maintenant parfaitement complémentaires avec le treuil électrique et deux avions-remorqueurs Dynamic et Robin qui permettent d’assurer les décollages dans toutes les situations. L’AAVO a enfin développé l’utilisation du simulateur de vol avec au choix un simulateur classique en cockpit de planeur ou au moyen d’un casque de réalité virtuelle afin de favoriser la formation des pilotes, les actions de sécurité des vols tout en réduisant le nombre de décollages. Ces actions sont complétées par d’autres dans le domaine social et économique en lien avec les parties prenantes. Chérence a été précurseur pour le vol des personnes à mobilité réduite et trois planeurs sont équipés d’un malonnier. Dans le cadre du plan « citoyens du sport » et en lien avec l’association La montagne vivra, des jeunes issus des QPV (quartiers prioritaires de la ville) du Val d’Oise viennent tous les ans voler avec leurs éducateurs ; enfin, le club est très actif pour les opérations annuelles « ça plane pour elles » à destination des féminines. Une action de promotion et découverte du vol en planeur auprès des élèves du BIA et de leurs enseignants est réalisée par Michel Dietlin en lien avec les rectorats franciliens. D’autres actions spécifiques en lien avec le Parc naturel régional du Vexin dans le domaine de la biodiversité et le recours à des producteurs et artisans locaux pour les achats et travaux réalisés confortent l’image d’un club soucieux et respectueux de la qualité de l’environnement et tourné vers l’avenir. Un vivier de sportifs Alors que la compétition n’était auparavant pas la priorité du club, les choses ont évolué avec l’éclosion de jeunes talents qui ont une approche dynamique du vol sur la campagne et se sont illustrés dans des compétitions nationales ou internationales. Cette année, quatre d’entre eux étaient membres du pôle France : Alizée Petit, Eliott Daniel, Malo de Saint-Père et Théo Manfredi et quatre pilotes étaient membres des équipes de France : Anaïs Gaubert et Alizée Petit ont ainsi participé aux championnats du monde féminin et Théo Manfredi aux Mondial junior en République tchèque. Du côté de la voltige, Thibaut Fromantin a remporté le championnat de France 2022 en catégorie Advanced puis Club m Le terrain de Chérence est situé non loin de Mantes, sur la rive droite d’une boucle de la Seine. La pente autorise de voler toute l’année. m L’AAVO a organisé le championnat de France classe club en 2022 et se prépare à faire de même pour les juniors en 2023. m Le biplace Perkoz du club permet aussi de pratiquer la voltige. 42


33 (0)6 98 76 13 33 Email: [email protected] La journée-anniversaire des 75 ans Afin de célébrer 75 ans de vol à Chérence, une invitation avait été lancée auprès des anciens pilotes ayant volé au club. 300 d’entre eux ont répondu présents le 17 septembre 2022 et ont pu bénéficier d’une météo quasi estivale qui a permis à bon nombre de faire un vol en planeur et de «recroiser les anciens». Émilie Chandler, députée du Val d’Oise, était présente ainsi que la majorité des maires des communes environnantes et le président du PNR qui ont souligné dans leurs discours la bonne implantation du club dans son environnement. La députée a par ailleurs remis quatre médailles de l’Assemblée nationale aux pilotes du club ayant participé aux championnats du monde cet été. Plusieurs planeurs anciens avaient fait le déplacement : le magnifique Caudron C-801 d’Olivier Balaya, l’unique VMA 200 Milan en état de vol de Benoit Auger, la très belle Mésange M-100S treuillable de Thierry Andrade et le superbe Javelot propriété de Renaud Crinon. Avec l’accord de Jean Molveau qui en est propriétaire, nos quatre «Dédaliens» ont aussi «remis en croix» et exposé l’Air-100 numéro 12 détenteur du record du monde de durée de vol les 2, 3, 4 avril 1952 à Romanin-les Alpilles en 56 heures 15 par le pilote Charles Atger. La météo était superbe et une douzaine de pilotes du club ont pu découvrir les charmes du vol en planeur ancien. Nos voisins de Beynes, Jean-Georges Schwartz et Gérard Gouin étaient venus en vol avec leur MS-317 en remorquant un ASK-13. Six avions anciens (dont deux Cessna L-19) étaient également présents ainsi qu’une trentaine de voitures de collection. (dont une magnifique Citroën SM Maserati restaurée par Daniel Vincent-Genod) Après une magnifique démonstration de voltige par notre vice-champion du monde Thibaut Fromantin, un grand dîner a réuni 150 personnes au cours d’une soirée bien sympathique qui s’est terminée par une soirée dansante intergénérationnelle au club-house. m La fête commémorative des 75 ans de Chérence, le 17 septembre 2022, a rassemblé quelques planeurs de collection. Novembre - Décembre 2022 43


Le pionnier Alfred de Pischof prêt au départ. On aperçoit l’un des poteaux du système de lancement du Florencie. Photo probablement prise le 27 mai 1906. Histoire 44


À Champlan, de 1906 à 1910, des membres de l’Aéronautique-Club de France pratiquèrent régulièrement le vol plané. Ces pionniers contribuèrent plus ou moins modestement à écrire l’histoire de l’aviation. Cet article est un hommage à leur passion, à leurs efforts, à leur persévérance... L'école de vols planés de l'ACDF Une histoire oubliée Novembre - Décembre 2022 45


Les expériences de vols planés ont constitué une étape importante de l’histoire de l’aéronautique. Notamment, elles ont permis une meilleure connaissance de l’aérodynamisme et une amélioration des performances des «plus lourds que l’air », avant que ceux-ci ne deviennent motorisés. Décrites, commentées, photographiées et publiées dans différentes revues et journaux au tournant des XIXe et XXe siècles, elles sont connues de quelques historiens, qui en ont perpétué le souvenir. Pourtant, il en est qui furent oubliées et qui méritent d’être (re)connue. Charles Dollfus, historien de l’aéronautique, en son temps évoqua ces tentatives. Il est vrai qu’il en fut un acteur régulier. Plus récemment, le livre Essonne, un berceau de l’Aviation, y fait référence, ainsi que l’historien local, M. Joël Dugué(1). Ces quelques articles par-ci par-là, ne suffirent pas à faire connaître ce que Charles Dolfuss affirma être « la première école d’aviation au monde ». Prédominance historique de l’aérostation C’est effectivement dans le département actuel de l’Essonne, à Champlan, plus précisément sur la Butte Chaumont, que de 1906 à 1910, quelques pionniers s’adonnèrent tous les dimanches de la belle saison, à des expériences de « planement ». Si l’on peut écrire qu’à la fin du XIXe et au tout début du XXe siècle, les planeurs avaient… le vent en poupe, c’est bien l’aérostation qui était la branche principale de cette science nouvelle qu’était l’aéronautique. Les sociétés les plus en vue de cette époque, que ce soit l’École normale d’aérostation, l’Aéro-club de France, etc., œuvrent à la promotion du ballon et dans une certaine mesure au dirigeable. Il n’en n’est pas autrement à l’Aéronautique-club de France (ACDF). Cette société [aujourd’hui ce serait une association, nous sommes avant la promulgation de la « loi de 1901 » – NDLR], fondée à l’initiative de Jules Saunière(2) en octobre 1897 par des civils aux professions diverses, mais tous anciens conscrits ayant effectué leur service militaire dans les compagnies d’aérostiers, notamment du 3e Génie d’Arras, offre à ses membres, moyennant cotisation, la possibilité d’ascensions en ballon, mais aussi une formation au brevet de pilote aérostier. Dans le même temps, société à l’esprit patriotique, préparation de la Revanche après la défaite de 1870 oblige, l’ACDF pourvoie à la formation des futurs aérostiers militaires à travers son école fondée en septembre 1898, école qui alimenta les compagnies d’aérostiers du Génie, puis du 25e bataillon de Versailles. Intérêt pour le «plus lourd que l’air» Il est donc entendu qu’au tournant du siècle, l’étude du plus lourd que l’air n’intéresse que peu de monde. De ce «monde » émerge une personnalité : Ernest Archdeacon. Informé par le capitaine Ferdinand Ferber des expériences de vols motorisés menés aux États-Unis par les frères Wright, le riche avocat Ernest Archdeacon publie en 1903, une lettre ouverte, où il regrette le peu d’intérêt porté en France à l’aviation. Il se propose dès cette date d’organiser avec l’Aéro-Club de France, un concours d’appareils de planement, afin de favoriser l’émergence de projets et de travaux et d’effacer ainsi la honte que la France « Patrie des Montgolfier » aurait de « laisser ailleurs cette ultime découverte de la science aérienne ». Cette même année, il fonde à l’Aéro-club de France, la Sous-commission des expériences d’aviation et lance une souscription dotée de 3 000 francs destinée à couvrir Histoire m Cette série de clichés (à l’origine, stéréoscopiques) est issue du fonds Lucien Rudaux, préservé par les archives départementales de la Manche. m En contrebas, sans chapeau, le pionnier du plus lourd que l’air Gabriel Voisin, concepteur et constructeur du planeur. 46


les frais d’un concours de planeurs. À la suite de cette annonce, une commission présidée par le colonel Renard, autre pionnier quelque peu oublié, se met à la recherche d’un terrain approprié. Les conditions sont précises: il doit s’agir d’une colline à pentes douces, descendant vers le vent régnant. Le profil ne doit pas dépasser les 30% et la pente doit atteindre au moins 150 mètres, les 100 premiers mètres étant réservés aux expériences de vols planés. Plusieurs sites sont proposés, de Montfermeil à Berck, en passant par les Buttes-Chaumont à Paris. La Butte Chaumont à Champlan, n’est pas du tout évoquée. À la section lyonnaise de l’Aéronautiqueclub de France, l’intérêt pour l’aviation est plus précoce qu’à la section centrale parisienne de l’ACDF. Ainsi, dès janvier 1904, à l’initiative des Lyonnais, le capitaine Ferber fait une conférence au Grand amphithéâtre du Palais des Arts de Lyon, sur l’aviation et les expériences de vol plané. L’année d’après, en décembre 1905, une section « Aviation » est créée. Elle recense rapidement 30 membres sous la présidence de Ferber. À Paris, au sein de l’ACDF central, un « Comité d’études pour l’aviation », dont la présidence d’honneur est assurée par Ernest Archdeacon, est annoncé à la séance du Comité de direction du 20 décembre 1905. Le 7 février 1906, l’ACDF parisien organise une conférence sur l’aviation. Présenté par Ernest Archdeacon devant 800 personnes, cet exposé fait le point sur les travaux et expériences diverses menées par les pionniers de l’aviation, en France comme à l’étranger. Le succès est important et à des conséquences immédiates au sein de l’ACDF. En effet, dès le 13 mars 1906, le Comité de direction indique dans l’Aéronautique, débloquer des fonds pour construire un aéroplane inspiré des travaux de Chanute, à des fins « d’expériences et d’essais » pour le Comité d’aviation de l’ACDF, comité dont la présidence sera assurée dans les mois à venir par Alfred de Pischof. La construction de ce planeur est confiée à la société Blériot-Voisin, dont l’atelier est situé au 4, rue de la Ferme à Boulogne-Billancourt. Dans le même temps, l’ACDF se met en quête d’un lieu adapté au vol plané, lieu qu’elle finit par trouver à Champlan, petite commune entre Longjumeau et Palaiseau et qui a l’avantage de posséder sur son territoire la Butte Chaumont et d’être desservie par la route et le train de la ligne Paris-Chartres. m Essais et réglages du planeur Voisin à la Butte Chaumont de Champlan. On déduit la légèreté de la structure du planeur. m Course au décollage du planeur Voisin. Il est inspiré des travaux de l’ingénieur franco-américain Octave Chanute. m Vue des environs (vers le sud, donc pas du côté des vols), depuis le sommet de la Butte Chaumont, un terrain militaire sans utilité pour l’armée... Novembre - Décembre 2022 47


La Butte Chaumont, «aérodrome» de l’ACDF À l’époque, la Butte Chaumont appartient à l’armée. Elle fait partie de la ceinture de forts et d’ouvrages fortifiés protégeant Paris. Située à proximité du fort de Palaiseau, l’intérêt stratégique de ce relief est négligeable. Peu ou pas entretenus, les abris sont en mauvais état ou obstrués par des éboulis, le tout au milieu de cultures. Les bonnes relations que l’ACDF entretient avec le ministère de la Guerre facilitent probablement la décision de ce dernier de louer les terrains à la société. Cette colline, orientée est/ouest et d’une altitude de 137,5 mètres, a la particularité d’avoir une pente abrupte exposée aux vents dominants à l’ouest, mais d’être « un peu étroite et bordée de vignes aux ceps menaçants et d’un redoutable vieux cerisier ». Les photos en notre possession montrent en effet la présence d’arbres aux abords de « la piste d’envol », ce qui ne manquera pas, on le verra, d’avoir des conséquences sur les machines(3). Le dimanche 20 mai 1906, l’appareil construit par Voisin est présenté au public lors d’une manifestation qui se déroule sur la butte. Au milieu d’une foule de curieux, Gabriel Voisin inaugure ainsi le « Parc d’aviation » de Champlan. Voisin, qui apprécie l’esprit démocratique de l’Aéronautique-Club de France, fait don du planeur à la société. Malgré un fort vent d’ouest qui gêne les essais, il mène à bien les réglages de la machine. À Gabriel Voisin succèdent quelques membres, dont les résultats des vols « sont suffisants pour la première fois,puisqu’il a fallu naturellement faire l’éducation,toute spéciale, des expérimentateurs ». Nul doute que certains « expérimentateurs » connurent des difficultés, à l’exemple d’Édouard Bourdariat qui cassa la machine. Le 10 juin 1906, c’est le capitaine Ferber qui est présent à Champlan. Comme Voisin, il fait don à l’ACDF de son appareil. Celuici est modifié courant 1907 par l’ajout d’un gouvernail à l’avant, ce qui le fait se rapprocher d’un avion « type Wright ». Aux planeurs donnés par Gabriel Voisin et par le capitaine Ferber, d’autres machines construites par les membres vont être expérimentées à Champlan. Il en est ainsi de l’Orthoptère de M. Florencie. Cette machine reliée à un fil tendu entre deux poteaux est actionnée à l’aide des jambes du pilote. Il est noté dans l’article de la revue de l’ACDF, l’Aéronautique, que « les études » et la persévérance de M. Florencie « feront certainement un grand pas à la navigation aérienne ». D’autres membres, peut-être plus prudents, se contentent de faire voler des cerfs-volants cellulaires de type Hargrave. Tous ces aéronefs sont dans un premier temps, transportés à la main, du sommet de la colline, pour être remisés chez Élie Lassagne(4), aéronaute et membre de l’ACDF, dont les ateliers sont situés au 4, boulevard de la Grande ceinture à Palaiseau. Fin 1907, Élie Lassagne fait construire un grand hangar de 50 mètres au pied de la butte Chaumont, route de Corbeil à Champlan(5). L’entretien, les réparations et les frais de garage des planeurs sont à la charge des membres du Comité d’aviation. Cependant des aides et des prix servent à l’encouragement des essais de «planements». Ainsi, un premier concours de vol plané est-il organisé à Champlan durant l’été 1907. Le concours devient mensuel à partir de juillet 1909. Cette même année, l’ACDF indique officiellement dans les colonnes de l’Aérophile et dans son Annuaire de juillet, l’existence à Champlan d’une « École pratique de vols planés », ce qui en fait selon Charles Dollfus, la première école d’aviation au monde. Sans douter de l’enthousiasme des membres de l’Aéronautique-club présents et de la Histoire m Ces vues ont été prises le 20 mai 1906. Évidemment, les planeurs n’ont pas tardé à être cassés et à exiger de nombreuses réparations… 48


qualité de certains vols, les propos lucides d’Alfred de Pischof, rapportés dans un numéro de l’Aéronautique de 1922 sont nuancés: tous y « passèrent leur dimanche, mais le plus souvent occupés à des réparations qu’à des essais, car notre habileté fut faible, le terrain peu propice et, faute de moyens pécuniers suffisants, les essais cessèrent lorsque nos deux appareils, dont nous avaient fait don le capitaine Ferber et M. Gabriel Voisin furent brisés ». Le vol motorisé supplantant peu à peu le vol plané, le président Saunière annonce en mars 1910 que les adhérents de l’ACDF peuvent avoir accès au terrain d’Issy-les-Moulineaux sur présentation de leur carte de membre et que des demandes de concessions de terrains pour l’édification de hangars ont été déposées. En septembre de la même année, Louis Paulhan offre à l’ACDF un hangar sur le terrain d’Issy, hangar qui sera utilisé comme atelier pour les élèves du cours d’aviation. Malgré cela, grâce à la passion de quelques membres de l’ACDF pour le vol plané, en parallèle du terrain d’Issy, Champlan demeure pour quelque temps encore «l’aérodrome» de l’ACDF. Épilogue Le 27 janvier 1930, à la préfecture de Versailles, il est procédé à la vente par adjudication des terrains militaires de la Butte Chaumont. En 1956, Édouard Bourdariat, qui fut parmi les pionniers de la Butte Chaumont, sollicite la commune de Champlan afin que soit fêté le cinquantenaire de l’École de vols planés de l’ACDF. La commune de Champlan ne s’oppose pas au projet, mais au vu de ses ressources, ne souhaite pas participer aux frais. On ne sait si l’ACDF finalement organisa cette commémoration. Philippe LAMY Président de l’Aéronautique-club de France Photos collection de l’auteur m L’« Orthoptère » Florencie a lui aussi été construit par les frères Voisin. Un système de lancement de ce type a également été employé en 1905 par le capitaine Ferber à Chalais-Meudon. - L’Aéronautique, revue de l’ACDF (1902-1908). Archives de l’ACDF – Meaux. - L’Aérophile, revue de l’Aéro-Club de France. Gallica. - Compte-rendu du Conseil municipal de Palaiseau, daté du 21 septembre 2015. - Palaiseau Mag’, décembre 2015-janvier 2016. - L’Aéronautique, éditeur Berger-Levrault n° 135, août 1930. Gallica. - Joël Dugué, l’Ecole d’aviation de Champlan, bulletin de l’association Renaissance et Culture, Longjumeau. - L’Essonne, un berceau de l’Aviation 1909-1960, Mémoire et documents de la Société historique et archéologique de l’Essonne et du Hurepoix, Tome XXIII-2013. - Archives départementales de l’Essonne. - Fonds photographique Lucien Rudaux, archives départementales de la Manche. - Icare, revue trimestrielle du SNPL, janvier 1965. m Le planeur offert par Ferdinand Ferber à l’ACDF « en opérations » à Champlan, le 10 juin 1906. (1) Le Vol à Voile, brochure éditée en 1930 par le Comité de propagande aéronautique, si elle documente les clubs étrangers, réduit à peu de chose le chapitre consacré à la France. Il n’est fait aucune mention de Champlan et Ferber, Voisin, Archdeacon ne sont pas évoqués… (2) Jules Saunière (1872-1967) : architecte de profession, aéronaute. Il fonde le 20 octobre 1897, l’Aéronautique-club, qui deviendra à partir de 1905, l’Aéronautique-club de France, dont l’activité se maintient 125 ans, après sur l’aérodrome de Meaux-Esbly (77). (3) Le terrain de l’ACDF était situé au-dessus de l’actuelle rue des Acacias, à Champlan. Les photos prises par Lucien Rudaux, montrent bien l’étroitesse du lieu, ainsi que la présence de la végétation. (4) Élie Lassagne (1867-1948): aéronaute. S’installe en 1898 à Palaiseau pour y développer ses activités aéronautiques. Membre de l’ACDF Depuis 2015, à Palaiseau, une allée piétonne porte son nom. (5) Actuelle avenue de Stalingrad.. Les sources bibliographiques et iconographiques Novembre - Décembre 2022 49


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