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Le Nunavoix - Édition du 12 mai 2021

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ISSN 2291-8914 & ISSN 2291-8922

Édition du 12 mai 2021

Le Nunavoix nes du Nunavut o ph o c an fr es d Le journal

L’art de dompter le vent Lors des journées venteuses à Iqaluit, il n’est pas rare de voir des skieurs voguer sur la glace ou sur la neige avec un cerf-volant. Mais en quoi consiste ce sport exactement? Gabrielle Poulin (Le Nunavoix)

Crédit : Courtoisie de Benoit Havard

Le paraski, ou la « voile à neige », comme l’appelle le spécialiste local, Benoit Havard, se pratique à l’aide d’une voile avec laquelle on peut sillonner en skis sur des surfaces gelées ou enneigées en utilisant le vent. Cette invention québécoise, inspirée du kitesurf, un sport d’été au concept similaire qui se pratique sur l’eau, voit de plus en plus d’adeptes dans le Grand Nord. Il existe deux types de disciplines pour ce sport  d’hiver : le «  kiting  », plus difficile à manœuvrer et donc plus dangereux, et le paraski, facile à enseigner et accessible à tous, même aux enfants. Propriétaire de la compagnie de plein air White Bear Adventures, Benoit Havard pratique le paraski depuis 2006. Après avoir fait le tour du monde à vélo, ce grand voyageur s’est retrouvé dans le nord du Québec, au Nunavik, pour y organiser des expéditions en voile à neige. «  Ça a été assez déterminant comme nouveau sport pour moi, explique-t-il. C’était une nouvelle façon de voyager, c’est devenu un peu mon vélo des neiges ».

Hugh Karpik travaillait en tant que mentor au Centre de jeunesse de Pangnirtung durant cette période. Il explique avoir organisé un événement pour les jeunes avec le programme de voile à neige de Benoit. «  Ça a permis aux jeunes de faire quelque chose de différent et d’apprendre un nouveau sport, se souvient-il. Les jeunes pouvaient rester occupés avec une activité qui ne se produit pas généralement dans la communauté. C’était un bon moment pour eux. » Habitant à Iqaluit depuis maintenant sept ans, Benoit Havard enseigne la voile à neige à quiconque voulant braver le vent.

Crédit : Courtoisie de Benoit Havard

« Les gens sont de plus en plus vendus à vouloir essayer ce sport. Avec le confinement et les sports intérieurs qui ne sont plus possibles en ce moment, la voile

Du nouveau pour la communauté inuite de Winnipeg C’est dans un objectif d’amélioration du bien-être social, mental et émotionnel de la communauté inuite de Winnipeg qu’ont décidé de s’associer le Musée des beaux-arts de Winnipeg et Tunngasugit. Alors que l’annonce des diverses initiatives est accueillie favorablement par la communauté inuite de la capitale manitobaine, des voix s’élèvent au Nunavut afin d’obtenir un plus grand accès à leur art. Karine Lavoie (IJL - Réseau.Presse - Le Nunavoix)

à neige fonctionne super bien », Benoit Havard pratique la voile à neige depuis 2006.

Assez rapidement, il a fait le tour du Nunavik en voile, si bien que les Inuits de la région le surnommaient Aputikut Tingiqautalik, soit «  l’homme qui voyage à voile sur la neige  » en Inuktitut. Son objectif était de documenter en photos ce sport à travers les différentes communautés du Nord. «  C’est devenu une façon pour moi d’être plus proche des éléments arctiques », témoigne-t-il. En 2009, Benoit déménage à Pangnirtung, au Nunavut, où il développe un programme de voile à neige qui a été un grand succès pour les jeunes de cette communauté.

explique-t-il. Il rappelle toutefois l’importance d’avoir une bonne connaissance du sport avant de se lancer seul à l’aventure. Et jusqu’à quand peut-on pratiquer la voile à neige? «  Tant et aussi longtemps qu’on tient sur la neige ou sur la glace, parfait!  », s’exclame l’adepte de plein air. Pour les intéressés à Iqaluit, des cours de paraski peuvent être offerts avec Arctic Snow Sailing and Kiting lorsque les mesures sanitaires le permettront. 

Le nouveau Centre d’art inuit du Musée des beauxarts de Winnipeg (WAG), nommé Qaumajuq qui signifie «  c’est brillant, c’est lumineux  » en Inuktitut, présente la plus grande collection publique d’art inuit contemporain au monde. L’ouverture de ce pavillon qui met de l’avant la culture inuite a conduit à la collaboration du WAG avec Tunngasugit. Créé en décembre 2017, Tunngasugit est un organisme offrant des services de première ligne à la communauté inuite de Winnipeg en permettant de faciliter leur transition vers un environnement urbain tout en exerçant les valeurs traditionnelles inuites. suite en page 2

Le Nunavoix

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Du nouveau pour la communauté inuite de Winnipeg (suite)

Projection d’aurores boréales sur la façade extérieure de Qaumajuq.

Crédit : Courtoisie du Musée des beaux-arts de Winnipe

«  Le partenariat du WAG avec Tunngasugit s’inscrit dans l’esprit de réconciliation. Avec l’ouverture de Qaumajuq, le WAG est honoré de redonner à une communauté qui a partagé sa créativité avec le monde. Nous sommes ravis que la communauté inuite grandissante du Manitoba profite des espaces de Qaumajuq et nous sommes impatients de développer plus de programmes ensemble », déclare le Dr Stephen D. Borys, directeur et chef de la direction du WAG.

S’allier dans le respect de la culture inuite Les échanges entre les deux organisations ont débuté il y a environ un an. «  Lorsque le WAG a commencé à tenir des consultations communautaires spécifiquement avec la communauté inuite, il était évident qu’un partenariat avec Tunngasugit était une solution naturelle. Nous l’avons donc rendu plus formel en mettant sur pied un protocole d’entente en collaboration », explique Nikki Komaksiutiksak, directrice générale de Tunngasugit.

à leur art. Elle affirme que le fait que les œuvres soient exposées à Winnipeg représente un obstacle au public nunavois et a qualifié la situation de « déchirante ».

Cette collaboration correspond aux lignes directrices prônées par Tunngasugit : « Il est important que la communauté inuite ait un lien avec le plus grand centre d’art inuit au monde. Avoir une représentation a toujours été un aspect important pour moi lors de l’établissement de relations et de partenariats », affirme-t-elle.

La direction du WAG se veut, quant à elle, rassurante à ce sujet  : «  Nous avons un partenariat officiel et permanent avec le gouvernement du Nunavut concernant sa collection et sa programmation des beaux-arts. Le défi actuel est la pandémie, mais avec notre programmation virtuelle, nous espérons rendre la collection plus accessible aux gens du Nord  », détaille Julia Lafreniere. L’exposition INUA est disponible virtuellement jusqu’en décembre 2021.

«  Avant la pandémie, nos conversations en partenariat provenaient d’une observation des besoins avec la communauté inuite, d’autant plus que le WAG a l’habitude de faire franchir ses portes à des gens de la classe moyenne ou supérieure qui ne sont pas Inuits. Nous savions donc tout de suite que nous devions travailler ensemble pour découvrir comment nous pouvions rendre Qaumajuq plus accueillent pour la communauté inuite  », ajoute la directrice.

Depuis 2016, le WAG héberge la collection d’art inuit du gouvernement du Nunavut en attendant qu’une installation soit créée sur le territoire pour pouvoir l’exposer. Cette collection contient un peu plus de 8000 œuvres conçues sur une période de 70 ans par des artistes inuits de partout à travers le Nunavut.

Crédit : Calvin Lee Joseph, Courtoisie du Musée des beaux-arts de Winnipeg

« Étant donné que la collection est prêtée au WAG-Qaumajuq, le plan est que les œuvres d’art retournent un jour chez elles dans le Nord », conclut-elle en spécifiant que, d’ici là, les œuvres seront conservées soucieusement conformément au traité 1 signé par les peuples autochtones du Manitoba.  

De gauche à droite: Maxine Anguk, membre de Tunngasugit ; Jackie et Steve Massey, membres du conseil d’administration de Tunngasugit ; Julia Lafreniere, gestionnaire des initiatives autochtones au WAG-Qaumajuq; Nikki Komaksiutiksak, directrice générale de Tunngasugit.

Ainsi, le WAG s’engage à faciliter l’utilisation de Qaumajuq par les membres de Tunngasugit afin qu’ils puissent y recevoir des cours en Inuktitut. Il fera aussi en sorte de faciliter le transport sur une base régulière entre les deux endroits pour la communauté inuite. De plus, les deux organisations travaillent à établir une façon de faire qui permettra de faciliter régulièrement les visites de galeries en Inuktitut.

Chers Franco-Nunavois et Franco-Nunavoises,

Ce sont les besoins exprimés par la communauté inuite qui orienteront ensuite les projets futurs. « Le partenariat est ouvert à d’autres initiatives : journées familiales pour les Inuits, camps culturels; tout ce que la communauté inuite aimerait voir  », explique Julia Lafreniere, gestionnaire des initiatives autochtones au WAG-Qaumajuq.

L’équipe de l’Association des francophones du Nunavut espère que vous prenez bien soin de vous et de vos familles durant ces temps difficiles. On a très hâte de vous revoir en personne!

Un partenariat profitable pour tous Cette collaboration a des impacts positifs pour les Inuits, mais les retombées toucheront également la population générale : « C’est également bon pour les non-Inuits de Winnipeg, car les initiatives d’éducation seront dirigées par des Inuits », poursuit Madame Lafreniere. Nikki Komaksiutiksak soutient que la communauté inuite du Manitoba a été négligée dans le passé et qu’elle est à présent ravie d’être représentée. « Le fait que Tunngasugit soutienne la connexion avec le WAG par l’intermédiaire de Qaumajuq profitera à la communauté inuite ainsi qu’à Winnipeg dans son ensemble », indique-t-elle.

Restez prudents,

L’accessibilité à l’art au Nunavut

#çavabienaller

Depuis mars 2021, l’exposition inaugurale INUA est présentée dans la galerie principale de Qaumajuq. Composée d’une multitude d’œuvres d’artistes de partout dans les territoires inuits, elle rallie l’ancien, le moderne et le contemporain.

981, promenade Nunavut, Iqaluit (C.P. 880)

www.afnunavut.ca

Jessica Kotierk, conservatrice au musée Nunatta Sunakkutaangit d’Iqaluit, a récemment déclaré s’inquiéter de l’accessibilité qu’ont les Inuits du Nunavut Le Nunavoix

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Articles de l'Arctique Une collaboration des journaux francophones des trois territoires.

Le Nord se souvient avec émotion du juge Berger Crédit : Denis Lord/Archives l’Aquilon

Reconnu pour son écoute, l’ex-juge Thomas Berger (1933-2021) aura été une figure marquante du mouvement des droits civils autochtones. Denis Lord

Dans les trois territoires, un concert d’éloges fait écho au décès d’un géant, Thomas Berger, qui a joué un rôle déterminant dans l’Enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie. « Il était très juste, très Déné dans ses manières », affirme l’artiste et chroniqueur Antoine Mountain. « Thomas Berger a fait une différence, pas juste pour les Autochtones dans le Nord, mais partout au Canada », déclare le journaliste retraité de CBC North, Paul Andrew. En 1974, Thomas Berger était nommé commissaire de l’Enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie, aussi appelée Commission Berger. Il devait statuer sur les avantages et les inconvénients de deux projets de gazoduc reliant l’Alaska à l’Alberta en passant par le Yukon et la vallée du Mackenzie. Les consultations furent d’une ampleur sans précédent chez les peuples autochtones. Durant 20 mois et dans 35 collectivités, un millier de personnes et environ 300 experts témoignèrent. En 1977, Thomas Berger émettait plusieurs recommandations à l’encontre du projet au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de l’époque, Warren Allmand. Pour des raisons d’ordre environnemental, Berger s’inscrivit en faux contre le passage du pipeline dans le nord du Yukon. Il préconisa de préserver le delta du Mackenzie de toute infrastructure de transport d’énergie afin de protéger son écosystème, ses bélugas et ses oiseaux.

Deux monuments se retrouvent. En 2015 Thomas Berger (1933-2021), commissaire de l’enquête sur le pipeline du Mackenzie, et le théologien de la libération du Nord, René Fumoleau (1935-2019), échangent en marge d’une conférence à Yellowknife. Le juriste Thomas Berger est resté actif jusqu’à la fin. Au moment de son décès, il attendait encore le verdict de la dernière cause de droit autochtone qu’il a défendue, un litige opposant la nation crie Perry Ballantyne au gouvernement de la Saskatchewan. 

une réunion en Alberta. Il était alors chef de la Fraternité des Indiens des Territoires du NordOuest, une organisation précurseure de la Nation dénée. «  En 1973, raconte François Paulette, j’étais un jeune chef, je ne le connaissais pas. Il était néodémocrate, il était un juge, avocat, ça sonnait bien. Il ne faisait pas l’unanimité, mais nous penchions vers lui. Et en 1974, il a été choisi [pour mener les consultations sur le pipeline]. » « Les débuts de la Commission ont donné aux Dénés un sentiment d’équité, analyse François Paulette. Ça venait du caractère de Berger. Quand il est venu au Nord, il nous a permis de commencer les rencontres avec des prières. Il est venu avec les bras ouverts. Une confiance mutuelle s’est installée. »

Les gens d’affaires étaient pour Aujourd’hui officier de l’Ordre du Canada, François Paulette se souvient de l’ampleur des consultations, bénéficiant de radiodiffusions en langues autochtones. Il rappelle que l’activiste Nelson Small Legs, un membre de la Première nation Pikuni, s’est suicidé pour protester contre le traitement des peuples autochtones après de s’être exprimé devant la Commission.

S’il jugeait possible d’un point de vue environnemental de construire un pipeline le long du Mackenzie, Berger statuait que ce pipeline ne résoudrait pas les problèmes économiques du Nord et aurait des répercussions sociales dévastatrices. Il recommanda de régler les revendications territoriales autochtones avant d’entreprendre l’érection du pipeline. Il préconisait un moratoire de dix ans sur la construction du gazoduc.

« Les gens du monde des affaires et du pétrole étaient pour le pipeline, mais, les gens en général, ceux dans la rue, ceux qui aiment la nature, ils parlaient à ces audiences  », se souvient l’ainé. «  À la fin, leur demande majoritaire de ne pas construire le pipeline, les ramifications légales de la cause Paulette et les revendications territoriales ont donné le ton à son rapport. »

Un sentiment d’équité

Le journaliste à la retraite Paul Andrew était chef de Tulita à l’époque de la Commission Berger. «  On ne savait pas quel type de commissaire serait Berger, se remémore-t-il. Mais parce qu’il avait travaillé avec des Autochtones en ColombieBritannique, nous avons pensé qu’il pourrait nous écouter. Personne ne nous avait jamais écoutés. Le gouvernement avait dit qu’avec les traités, nous avions abandonné notre terre. Mais les survivants de cette époque disaient que ça n’a jamais été le cas. Alors on a commencé à se méfier vraiment des personnes non autochtones. Thomas Berger était différent. »

La Commission Berger débuta avec deux importants jugements à l’arrière-plan, celui de la cause Paulette, qui statuait que les traités 8 et 11, dont les Dénés sont signataires, n’avaient pas éteint les droits autochtones, et l’Affaire Calder, qui portait sur les titres fonciers des Nisga’a en Colombie-Britannique. Thomas Berger avait plaidé la partie civile pour cette dernière cause. Le nom de Berger comme commissaire potentiel a commencé à circuler alors que François Paulette, celui de la cause éponyme, assistait à

Le premier à écouter les Dénés

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Pour M. Andrew, candidat à plusieurs reprises aux élections ténoises, Berger a fait ce que personne avant lui n’avait jamais fait : participer à des danses, à des repas, jouer au baseball avec les gens des collectivités. « Les gens l’arrêtaient dans la rue et il les laissait faire », dit-il.

Un apport pancanadien Selon Paul Andrew, Thomas Berger ne s’est pas laissé détourner de sa mission par ses mandataires d’Ottawa qui lui disaient que la Commission durait trop longtemps et coutait trop cher. La cause Calder et l’Enquête sur le pipeline ont abouti aux revendications territoriales modernes, analyse-t-il. « Autrement, observe Paul Andrew, nous n’aurions eu que ce qui est dans les traités : un mille carrés de terre par famille de cinq. »

« Si la Commission Berger n’a pas accéléré le règlement des revendications, ajoute-t-il, le gouvernement s’est mis à adopter des termes comme “gouvernement autonome”, “droits autochtones”, des choses qu’il n’avait jamais reconnues avant. Thomas Berger a fait une différence, pas seulement pour les Autochtones dans le Nord, mais partout au Canada. »

Sympathique et accessible À l’époque de l’Enquête, Antoine Mountain agissait à titre de secrétaire pour le défunt prêtre et auteur René Fumoleau, travaillant principalement sur des textes reliés à la cause Paulette. suite en page 4

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Cette cause, avance-t-il, a contribué à mobiliser les gens pour la Commission Berger. Simultanément, Antoine Mountain collaborait à la radio de la Fraternité indienne. «  Nous aidions à organiser les gens pour qu’ils participent aux consultations, précise-til. La Fraternité indienne n’était pas contre le développement. Nous voulions simplement avoir notre mot à dire. À l’époque, le terme “Déné” n’était pas utilisé du tout. Nous devions nous battre pour nos droits. » «  Thomas Berger était très juste, très Déné dans ses manières, note Antoine Mountain. Il écoutait puis il prenait ses décisions. Il était très sympathique, très facile d’approche. »

Au Yukon et au Nunavut L’Association inuite du Qikiqtani et le premier ministre du Nunavut, Joe Savikataaq, ont également honoré la mémoire de Thomas Berger.

« Les nombreuses contributions de M. Berger au bienêtre et à l’avancement des populations autochtones et inuites ont touché le Nunavut de manière significative, a souligné M. Savikataaq dans un communiqué. Son rapport de 2005 sur le projet Nunavut a joué un rôle essentiel dans la définition de la voie à suivre pour une importante participation des Inuits du Nunavut à notre territoire et à notre société. »

Lutter contre le Le Nunavut souligne la racisme anti-asiatique Semaine nationale des soins infirmiers Le conseil municipal d’Iqaluit a proclamé le 10 mai la Journée de mobilisation contre le racisme anti-asiatique. Gabrielle Poulin (Le Nunavoix) Crédit : Amanda Graham

Le Nord se souvient avec émotion du juge Berger (suite)

La Journée de mobilisation contre le racisme anti-asiatique, proclamée le 10 mai par le conseil municipal d’Iqaluit, concorde avec le Mois du patrimoine asiatique.

Le maire d’Iqaluit, Kenny Bell, demande à ses citoyens de «  mieux connaître, de côtoyer et de soutenir  » la communauté diversifiée de la capitale territoriale. Une proclamation en faveur de la Journée de mobilisation contre le racisme anti-asiatique a été adoptée à l’unanimité lors de l’assemblée du conseil municipal du 27 avril dernier. « J’encourage tout le monde à mieux connaître le patrimoine asiatique afin de prendre conscience des nombreuses richesses historiques qui fondent notre communauté  », déclare le maire Bell dans un communiqué de presse. Il ajoute également que c’est l’occasion d’en apprendre davantage sur le racisme systémique ancré dans les milieux de travail, les espaces publics et les systèmes d’éducation au Nunavut et partout au Canada.

À Whitehorse, la vie du juriste a été commémorée lors d’une cérémonie, le 4 mai.

Crédit : Nelly Guidici

En 2017, Thomas Berger avait défendu en Cour suprême du Canada la préservation du bassin versant de la rivière Peel contre le développement minier, pour le compte d’un regroupement de nations autochtones et de groupes environnementaux, dont le chapitre yukonnais de la Société pour la nature et les parcs du Canada.

Rassemblement de plusieurs dizaines de personnes à Whitehorse, le 4 mai 2021, à la mémoire de Thomas Berger.

«  Il ne faut pas sous-estimer l’importance du fait qu’il ait pris en charge ce dossier, assure le directeur de l’organisme, Chris Rider. Parce qu’il était un tel visionnaire. Il a vu une façon de gagner cette cause que personne d’autre n’avait vue. Il savait dès le départ que le dossier pourrait se rendre en Cour Suprême. Et il a gagné. » Décédé d’un cancer le 28 avril à l’âge de 88 ans, Thomas Berger a aussi eu une carrière politique dans les années 1960. Il a été député, d’abord au fédéral puis au provincial. En 1969, il a brièvement été chef du NPD de la Colombie-Britannique. Il est l’auteur de A Long and Terrible Shadow, un essai sur l’histoire des droits des peuples autochtones en Amérique depuis 1492. 

Proclamée le 10 mai, la Journée de mobilisation contre le racisme anti-asiatique fait parallèle au Mois du patrimoine asiatique, qui a lieu tout au long du mois de mai à travers le Canada. Le thème de ce Mois cette année, «  Reconnaissance, résilience et audace  », fait appel aux Canadiens et Canadiennes de s’unir dans la lutte contre toutes les formes de racisme anti-asiatique et de discrimination. Selon Patrimoine canadien, le racisme envers les personnes d’ascendance asiatique est une réalité « vécue au quotidien » pour un trop grand nombre de communautés asiatiques au Canada. Dans un rapport publié par le Conseil national des Sino-Canadien.ne.s (CCNC) à Toronto, on déclare que «  le Canada a un nombre plus élevé de rapports de racisme anti-asiatique par habitant.e que les États-Unis  ». Entre le 10 mai 2020 et le 28 février 2021, près de 1150 incidents racistes anti-asiatiques ont été recensés, peuton lire dans le rapport, dont 40 % et 44 % ayant eu lieu en Ontario et en Colombie-Britannique, respectivement. Intitulé Une année d’incidents racistes : le racisme anti-asiatique au Canada un an après le début de la pandémie, le rapport met en évidence les tendances de la montée du racisme anti-asiatique reliée à la COVID-19 en se basant spécifiquement sur des expériences canadiennes. Selon Statistique Canada, les personnes qui se sont identifiées comme asiatiques dans le recensement de 2016 représentaient la plus grande partie de la population des minorités visibles du Nunavut. Sur une population des minorités visibles de 905 dans le territoire, 480 individus se sont identifiés comme étant SudAsiatique, Chinois, Philippin, Asiatique du SudEst, Asiatique occidental, Coréen ou Japonais. 

Le Nunavoix

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Gouvernement du Nunavut

Du 10 au 16 mai, le Canada célèbre la Semaine nationale des soins infirmiers. Aussi, le ministère de la Santé veut souligner l’important travail et le dévouement du personnel infirmier nunavois. Le thème de cette année est «  Nous répondons à l’appel  », ce qui résonne à merveille avec le dévouement envers les patients et le courage que démontrent jour après jour les infirmières et les infirmiers du Nunavut. La pandémie de la COVID-19 a braqué les projecteurs sur le rôle crucial que joue le personnel infirmier dans le parcours d’un patient dans le système de santé. Toujours en première ligne pour soigner les patients, les infirmières et les infirmiers du Nunavut ont su épouser de nouveaux rôles pour protéger la santé et la sécurité de la population. Leur contribution sur différents fronts a été capitale dans la gestion des vagues de COVID-19, les interventions et les rétablissements.

Que ce soit par son intervention face à la pandémie ou la poursuite de son important travail d’amélioration des soins donnés aux Nunavummiut, notre personnel infirmier a répondu à l’appel. En cette Semaine des soins infirmiers, remercions et encourageons nos infirmières et infirmiers. Pour en savoir plus sur la infirmière au Nunavut, https://www.nunavutnurses.ca/. 

profession visitez

ANNONCES COMMUNAUTAIRES Affichage de poste L'AFN est en période de recrutement pour le poste de coordination de la radio CFRT 107.3 FM. Pour les détails, consultez www. afnunavut.ca/medias/communiquesnouvelles/ Franco-Centre En raison des restrictions sanitaires en place, le centre est fermé jusqu'à nouvel ordre. Pour toute question, communiquer avec Ivo Vigouroux. Pour contacter l'Association des francophones du Nunavut Christian Ouaka, directeur général: [email protected] Ivo Vigouroux, coordonnateur du Franco-Centre : [email protected] Mathieu Bonenfant, coordonnateur radio CFRT : [email protected] Gabrielle Poulin, rédactrice en chef du Nunavoix : [email protected]

Articles de l'Arctique Une collaboration des journaux francophones des trois territoires.

Vent de changement à la baie d’Hudson Dans le Nord-du-Québec, un projet d’éoliennes par et pour les Autochtones promet de réduire les gaz à effet de serre tout en faisant collaborer deux communautés parfois distantes.

La centrale au diésel d’Hydro-Québec alimente en électricité deux collectivités imbriquées, mais ayant des administrations distinctes : Whapmagoostui, du côté des Cris, et Kuujjuarapik, chez les Inuits.

Les travaux doivent commencer en 2022 et les éoliennes doivent être assemblées et entrer en fonction en 2024. Un système de batterie permettra de stocker l’énergie pour la distribuer dans les heures de consommation de pointe.

Ensemble, elles ont formé la Société d’énergie renouvelable Kuujjuarapik-Whapmagoostui, qui veut vendre l’électricité produite par les deux éoliennes de 1,5 mégawatt à HydroQuébec. L’acceptation de cette dernière est conditionnelle à l’approbation de l’étude d’impact environnemental par le Comité d’évaluation de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.

Une dizaine d’Inuits et de Cris doivent recevoir en 2022 une formation au centre de recherche appliquée en énergies renouvelables de NERGICA, dans l’est du Québec. Trois personnes seront choisies parmi eux pour continuer leur formation à la mine Raglan, au Nunavik, puis sur le chantier des éoliennes.

« C’est la première étude

Denis Lord

Selon M. Schiettekatte, il faudra débourser plus de 300 000 $ pour former les opérateurs. « Mais nous voulons que ce soit des personnes du Nord », précise-t-il.

environnementale jamais faite par les Cris et les Inuits, assure

Les travaux pour la construction de deux éoliennes au Nunavik devraient commencer en 2022.

M. Schiettekatte, et le premier projet éolien québécois 100 %

À l’écart des migrations aviaires

autochtone. Ils ont aussi organisé toutes les consultations publiques. Ils s’approprient l’expertise et le processus. C’est une innovation,

Crédit : Patrick Finnegan

Dans la partie québécoise de la baie d’Hudson, où commence le territoire des Inuits et finit celui des Cris, les deux peuples participent à un projet d’éoliennes qui leur permettrait de diminuer de près de moitié l’utilisation du diésel pour la production d’électricité. «  C’est l’équivalent de 4000 automobiles de moins », de dire Jean Schiettekatte, vice-président à l’énergie renouvelable de Yab Management, la firme gestionnaire du projet, impliquée dans de nombreuses constructions au Nunavut, dont celle de l’hôpital d’Iqaluit.

nous espérons que ça va continuer comme ça. » La Société a déposé son étude le 31 mars dernier. «  Nous espérons avoir l’autorisation en juin  », commente M. Schiettekatte, lui-même un ancien employé d’Hydro-Québec.

Des retombées de 24 M$ Le vice-président assure que les 45 millions $ nécessaires à la construction des éoliennes sont sécurisés et il anticipe des retombées de 24 millions $ pour la communauté, au cours des 25 prochaines années.

Le Petit Passe-Temps Franco

Trois emplois à temps plein seront créés, en plus de postes d’aides-opérateurs.

Les consultations publiques se sont déroulées de janvier à mars 2021, avec des assemblées spécifiques pour les Inuits et pour les Cris, mais aussi pour les femmes, les trappeurs et les gens d’affaires. Suite aux commentaires recueillis, les entrepreneurs du projet ont décidé de ne pas construire une troisième éolienne, dont l’emplacement se serait retrouvé sur un territoire de trappe. Les deux éoliennes seront situées en territoire cri, à l’est des collectivités et au nord de la Grande Rivière de la Baleine. Le site est réputé être à l’écart des migrations d’oiseaux. Sur Facebook, 99 % des quelque 300 commentaires des Inuits et des Cris étaient favorables aux éoliennes, assure le vice-président de Yab Management. suite en page 6

Services en français Une division au ministère de l’éducation dédiée à l’éducation en français sur le territoire

À chaque année, trois semaines sont dédiées à la tenue de tribunaux en français où siège un juge francophone

un insecte

Gratuit

un module de jeu

un filet de basketball

Plus de 500 offres d’emplois en français affichées dans les médias du Nord

une branche d'arbre

Partage avec nous une photo de ton Petit Passetemps Franco via notre page facebook Canadian Parents for French - Québec & Nunavut ____ @cpfQuebecNunavut

Maintien d’un poste d’agent de recherche et d’enquête en français au Bureau du Commissaire aux langues

Canadian Parents for French (CPF) est un réseau national de bénévoles qui valorisent la langue française comme composante intégrale du Canada et qui se dévouent à la promotion et à la création d’occasions d’apprentissage du français comme langue seconde pour les jeunes du Canada. Contact : [email protected] / qc.cpf.ca Le Nunavoix

Chaque année, 12 séries de cours de français sont offertes au personnel de première ligne à Iqaluit, Pond Inlet, Rankin Inlet et Cambridge Bay

Les services d'un avocat francophone pour traduire en français les textes législatifs et les documents fondamentaux du Nunavut

une poubelle

Plus de 1 000 nouveaux livres en français aux bibliothèques publiques d’Iqaluit, de Rankin Inlet et de Cambridge Bay

Les services d'un interprète médical francophone à l'Hôpital général Qikiqtani

Les services de deux consultants de langue française en matière de dotation en personnel

1 interprète médical francophone à l’Hôpital général Qikiqtani

Des services d'interprétation en français à la Cour de justice du Nunavut

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Mélanie Joly : les francophones doivent rester mobilisés pour revendiquer leurs droits

Crédit : Société d’énergie renouvelable Kuujjuarapik-Whapmagoostui

Vent de changement à la baie d’Hudson (suite)

La ministre fédérale des Langues officielles, Mélanie  Joly, s’est prêtée au jeu de répondre aux questions de quelques experts des langues officielles dans le cadre d’une conférence Ricard organisée le 5  mai. Outre la modernisation de la Loi sur les langues officielles, les thèmes de l’éducation préscolaire et postsecondaire ont dominé la conversation. La ministre a évoqué l’importance pour les communautés francophones en situation minoritaire de s’organiser et de se mobiliser.

Une collaboration sans précédent

La ministre fédérale des Langues officielles, Mélanie Joly, s’est prêtée au jeu de répondre aux questions de quelques experts des langues officielles dans le cadre d’une conférence Ricard organisée le 5 mai.

Le projet d’éolienne a été amorcé il y a déjà 20 ans par la Première Nation de Whapmagoostui. « Ça a été un chemin de croix, concède Jean Schiettekatte. Il y avait beaucoup de réticences à abandonner le diésel chez Hydro-Québec. Mais en 2017, une décision de la Régie de l’Énergie l’a obligée à aller vers les énergies renouvelables. Depuis 2018, la collaboration est fantastique. »

Crédit : Capture d’écran Francopresse

Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse)

Un schéma préliminaire des futures installations.

En 2017 également, la Régie de l’énergie du Québec recommandait aux deux collectivités de collaborer. La Société d’énergie renouvelable KuujjuarapikWhapmagoostui a été incorporée en 2020. Elle est la propriété en parts égales des Inuits et des Cris. La discussion, modérée par le juriste Gabriel  Poliquin, visait d’abord à discuter des impacts du dépôt du livre blanc sur les langues officielles par la ministre Joly en février dernier.

« C’est peut-être le premier projet majeur qu’on fait ensemble », pense Benjamin Masty, un Cri qui a coordonné les consultations et a présenté le projet aux trappeurs.

Cette dernière a indiqué que ce document de réforme vise en partie à accroitre le bilinguisme chez les anglophones canadiens, qui sont à la traine lorsqu’on les compare aux francophones. Un moyen, selon Mélanie Joly, de s’assurer que « les francophones soient encore plus respectés ».

« C’est le premier gros projet où ils travaillent ensemble, approuve Jean Schiettekatte. Ça n’a pas été facile les premières années. Nous rencontrions les Cris et les Inuits séparément. Il y avait de la méfiance. C’est pour ça que je trouve ça beau maintenant. » 

Stéphanie Chouinard, professeure au Département de sciences politiques du Collège militaire royal du Canada, a souligné que les francophones au pays auraient largement préféré voir le dépôt d’un projet de loi.

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La ministre Joly a répliqué que le document de réforme était tout de même nécessaire pour assurer la création d’un consensus parmi les parlementaires, dans un contexte où le projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles a été retardé de quelques mois à cause de la pandémie.

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Stéphanie  Chouinard a ajouté que si la Loi sur les langues officielles est la « coupe Stanley  » pour les francophones hors Québec, le document de réforme a eu beaucoup moins de traction chez les Québécois – même si les propos de la députée libérale Emmanuella  Lambropoulos, en novembre 2020, ont augmenté la visibilité de l’enjeu. Ce qui complique la donne au Québec, c’est l’imminent projet de loi du gouvernement Legault pour renforcer la Charte de la langue française : « Ça risque de brasser », croit la politologue, puisque le gouvernement caquiste a déjà annoncé son intention d’avoir recours à la clause dérogatoire.

La petite enfance est la clé Gino LeBlanc, directeur du Bureau des affaires francophones et francophiles de l’Université Simon  Fraser, a observé que si l’article  23 de la Charte canadienne des droits et libertés cible l’éducation primaire et secondaire, c’est plutôt l’éducation à la petite enfance qui est la clé pour assurer la transmission de la langue dans les communautés francophones en situation minoritaire.

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Mélanie  Joly en a profité pour indiquer qu’à cet effet, le gouvernement propose dans son budget  2021-2022 d’investir 30  milliards  $ dans les garderies au cours des cinq prochaines années – une opportunité pour créer au réseau de garderies francophones au pays.

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Selon la ministre, « c’est fondamental que les communautés francophones au pays s’organisent pour aller chercher leur juste part du financement qu’on va vouloir mettre sur la table avec les provinces ».

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« Je ne pense pas que le système de garderie va se faire avec 13 provinces et territoires [en claquant des doigts]. Je pense qu’il va se faire par province, et certaines provinces vont vouloir aller plus vite que d’autres là-dessus », ce qui renforce d’autant plus l’importance de la mobilisation des communautés francophones, ajoute-t-elle. 

Rendu possible grâce au soutien financier du Ministère de la Culture et du Patrimoine du Gouvernement du Nunavut et à Patrimoine canadien.

Le Nunavoix

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suite en page 7 Édition du 12 mai 2021

Un dictionnaire francophone qui efface frontières et insécurité linguistique

Marine Ernoult (Francopresse)

Outil recensant plus de 400  000  termes et expressions populaires et plus de 600 000  définitions, le Dictionnaire des francophones (DDF) est un espace où il est possible de circuler à saute-frontière, au gré des mots. Il propose un voyage à travers le français où l’on découvre des termes spécifiques à certaines régions, tels les sans-confiances (tongs) que l’on porte beaucoup au Cameroun  ; des faux-amis comme l’abbé utilisé en Suisse, qui désigne un président d’une confrérie agricole  ; de vieilles connaissances tel le berlicoco (qui désigne à la fois un bigorneau ou un cône de conifère en Acadie) ; et des glissements de sens avec la baise, qui va de la bise à la raclée selon les lieux. «  C’est comme les rayons d’une bibliothèque où l’on peut s’étonner, musarder, faire de belles trouvailles  », affectionne Carol  Léonard, professeur associé en éducation au Campus Saint-Jean de l’Université d’Alberta et auteur d’ouvrages sur la toponymie de la région des Prairies. À la différence d’un dictionnaire classique, le DDF illustre les usages de diverses régions du globe. Un même mot renvoie à plusieurs significations en fonction de l’aire géographique où il est utilisé. Et selon le pays d’origine du visiteur, l’ordre des définitions change. Selon l’Institut international pour la Francophonie (2IF), un mois et demi après son lancement, il compte déjà plusieurs dizaines de milliers d’utilisateurs, qui viennent à parts égales du Canada, du Cameroun, de Côte d’Ivoire et de France.

« Légitimer tous les parlers » « Mettre sur un pied d’égalité toutes les variétés du français est un beau projet  », salue MarieÉva  de Villers, lexicographe et auteure du Multidictionnaire de la langue française. « Rassembler au même endroit tous les mots de la francophonie sans aucun élément de jugement, sans conseil du type à éviter, déconseillé ou vulgaire, est une excellente initiative  », renchérit Shana Poplack, professeure à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en linguistique. À l’image des deux expertes, tous les lexicographes, linguistes et sociolinguistes

Vers des emprunts linguistiques?

Crédit : Capture d’écran Francopresse

N’ayez plus peur de faire un chameau – grosse faute de langage en République démocratique du Congo –, la diversité de la langue française est maintenant consignée dans le Dictionnaire des francophones! L’ouvrage numérique et collaboratif, développé par la France en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), a été mis en ligne en mars dernier. Ce grand effort d’inventaire offre un panorama de la francodiversité qui pulvérise les frontières du « bon français ».

Ils estiment que la veille permanente assurée par un comité de relecture est un gage de qualité.

À la différence d’un dictionnaire classique, le DDF illustre les usages de diverses régions du globe.

interrogés louent une initiative qui décrit et reflète au mieux les subtilités et les richesses de la francophonie. D’autant plus que la croyance dans une norme supérieure caractérise le monde francophone  : «  C’est le français hexagonal, défini par des grammairiens et des lexicographes de l’Académie française, qui fait référence  », observe JeanBenoît  Nadeau, journaliste et écrivain, qui se spécialise dans les questions de langue. Le DDF s’inscrit donc à l’opposé de ce mouvement prescripteur. «  Nous revendiquons la diversité, nous voulons légitimer tous les parlers et montrer qu’ils se valent. C’est un discours de politique linguistique novateur  », souligne Noé  Gasparini, coordonnateur du DDF à l’Institut international pour la Francophonie (2IF) à Lyon, en France.

Lutter contre le « sentiment de faute » Le DDF semble être un outil efficace pour lutter contre l’insécurité linguistique. Aux yeux de JeanBenoît  Nadeau, il permet de battre en brèche le «  mythe erroné de cette norme unique et immuable » et de lutter contre le « sentiment de faute » très fort dans la francophonie. « C’est un outil contre la norme, avec lui il n’y a pas de voix prévalente. On cesse de se comparer au français standard », résume-t-il. D’après les études menées par le laboratoire de sociolinguistique de Shana Poplack, à l’Université d’Ottawa, il n’existe d’ailleurs aucune preuve scientifique attestant d’une  «  manière correcte de parler  ». L’universitaire se montre néanmoins prudente au sujet du DDF  : «  C’est difficile de prédire quel impact il aura réellement, cela dépendra de la confiance que lui accordent les gens. » Le fait que le projet soit né en France en 2018, à la suite d’un discours d’Emmanuel  Macron devant l’Académie française, est loin d’être anodin. «  Jusqu’alors, les Français jouaient un rôle dans le blocage de l’évolution de la langue en considérant qu’elle était à eux », analyse JeanBenoît Nadeau. «  La France reconnait ainsi l’adaptation du français aux sociétés et communautés à travers le monde », complète Marie-Éva de Villers. Le DDF est également participatif  : n’importe qui peut l’enrichir de ses mots. Les premiers utilisateurs y ont déjà inscrit plus de 300  définitions et à peine une vingtaine ont dû être supprimées. Les spécialistes voient ce modèle de contribution libre, inspiré du Wiktionnaire, d’un bon œil. Le Nunavoix

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Au-delà de la communauté scientifique, monsieur et madame Tout-le-Monde vontils réellement s’approprier ce nouvel outil? L’ambition affichée par les créateurs sur ce point est claire, mais Marie-Éva  de Villers se montre sceptique  :

«  Je ne suis pas sure qu’il sera consulté au quotidien par le grand public. Il intéressera avant tout les amoureux de la langue », augure-t-elle. « Il va progressivement rentrer dans les habitudes », escompte pour sa part Noé  Gasparini, coordonnateur du projet. Jean-Benoît Nadeau est quant à lui persuadé que le DDF va créer de nouveaux usages, car il permet de voir « comment d’autres sens remplissent des vides lexicaux ». « Chaque locuteur est tenu par les règles implicites de sa propre communauté linguistique », tempère Shana Poplack. « Et les raisons pour lesquelles un mot connait du succès au sein de la population demeurent mystérieuses », poursuit Marie-Éva de Villers. Le DDF n’en est qu’à ses débuts. De nouvelles ressources lexicographiques vont être intégrées, l’interface va évoluer et un forum de discussion sur les origines étymologiques est évoqué par Noé  Gasparini. Surtout, d’ici quelques mois, les visiteurs devraient entendre différentes prononciations pour chaque mot.

« Le génie de la langue se trouve dans la grammaire » « C’est un outil d’apprentissage phénoménal qui montre aux élèves la vision locale de leur parler », s’enthousiasme Jean-Benoît Nadeau. Le spécialiste de la langue aimerait également avoir accès à tous les synonymes de la francophonie. « On travaille justement à la création de réseaux de synonymes et de représentations sous forme de cartes », révèle Noé Gasparini. Shana Poplack plaide pour sa part en faveur de l’intégration de données sur les variations grammaticales  : « C’est un manque, car le génie de la langue se trouve dans la grammaire […] La grammaire est davantage stigmatisée, c’est principalement elle qui cause l’insécurité linguistique. » Ce dictionnaire mis au service du public et détaché de toutes ambitions commerciales connaitra-t-il le même succès que le Larousse, qui un siècle après sa création fait toujours figure de référence? Il est encore trop tôt pour le dire, estiment les experts consultés. Tout dépendra de l’appui et des financements qu’il recevra de la part des pouvoirs publics. « On ne peut savoir s’il sera utile à tous les francophones ou s’il intéressera les jeunes, mais il est essentiel de laisser de telles traces pour éviter que les singularités de la langue disparaissent », plaide le professeur Carol Leonard. 

Déclaration de Francis Sonier, président de Réseau.Presse, dans le cadre de la Journée mondiale de la liberté de la presse. « La crise de la COVID-19 a chamboulé le monde entier. Comme bien d’autres secteurs, la presse n’a pas été épargnée. Les citoyens cherchent à s’informer sur la progression de la situation, mais rencontrent des défis pour accéder à de l’information de qualité. La pandémie ayant forcé la fermeture des accès au terrain et aux sources pour les journalistes, ces derniers ont vu leur travail se complexifier. En parallèle, les journalistes ont dû faire face à la recrudescence du phénomène des fausses nouvelles sur internet et les réseaux sociaux. En ces temps d’incertitude et de confusion, il est difficile pour le citoyen moyen de s’y retrouver. Ce constat prouve l’importance du journalisme de qualité comme “vaccin contre la désinformation”. Le Baromètre de confiance Edelman 2021 révèle un déclin de la confiance des Canadiens envers les élus, les chefs d’entreprise et les médias. Le sondage nous apprend que près de la moitié des Canadiens estiment que les médias communiquent volontairement de fausses informations. Dans toute l’histoire de la presse libre, l’impact des théories complotistes et des fausses nouvelles se fait sentir plus que jamais. Le thème de la Journée mondiale de la liberté de la presse de cette année est  :  L’information comme bien public. La presse communautaire est demeurée intègre à son public, malgré les défis rencontrés lors de la dernière année et a continué à jouer un rôle fondamental dans la protection de la démocratie en offrant de l’information de qualité sur les enjeux locaux. Sans leur journal communautaire, il aurait été impossible pour les citoyens de rester à l’affut de la progression de la pandémie dans leur communauté respective. Leurs journaux communautaires ont redoublé d’efforts pour leur offrir une information de qualité qui leur ressemble. Je salue également le travail des journalistes d’ailleurs dans le monde, qui jour après jour, courent des risques afin d’informer le public et de protéger les démocraties. Malheureusement, la crise sanitaire est une occasion pour certains gouvernements autoritaires de censurer l’information disponible. Le classement mondial de la liberté de la presse 2020 de Reporters sans frontières (RSF), où le Canada occupe le 16e rang sur 180  pays et territoires, révèle que  : “la crise de la COVID-19 met en lumière et amplifie les menaces au droit à une information libre, indépendante, pluraliste et fiable”. La protection de la liberté de presse est notre responsabilité commune. Des médias indépendants, transparents et qui pensent librement sont au cœur même de toute démocratie. Ils sont aussi nos meilleurs alliés afin de combattre la désinformation. Aujourd’hui et tous les jours, défendons ensemble l’information, notre bien public ! » Le 3  mai a été proclamé Journée mondiale de la liberté de la presse  par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993, suivant la recommandation adoptée lors de la vingtsixième session de la Conférence générale de

l’UNESCO en 1991. Ce fut également une réponse à l’appel de journalistes africains qui, en 1991, ont proclamé la Déclaration de Windhoek sur le pluralisme et l’indépendance des médias. – Site Web de l’ONU  

Articles de l'Arctique Une collaboration des journaux francophones des trois territoires.

Faire parler l’ADN des plantes historiques L’analyse des sédiments d’un lac de l’île de Baffin permet de mieux comprendre et d’envisager les changements climatiques. Nelly Guidici

donc ce climat. La lecture de l’ADN a permis de montrer qu’une variété de bouleau nain poussait aux abords immédiats du lac alors que cette variété est présente 400 kilomètres plus au sud à l’heure actuelle. Cette conclusion est fascinante, selon Mme Crump, car elle montre les capacités d’adaptation de la végétation aux changements climatiques : « Il y a eu une redistribution assez substantielle des plantes autour de l’Arctique et nous savons que les arbustes de l’Arctique et de la forêt boréale poussaient plus au nord. »

Effet sur les changements climatiques Pour la chercheuse, la flore arctique joue un rôle important qu’il faut prendre en compte dans les prévisions du changement climatique. Si l’Arctique continue de se réchauffer à la même cadence, la végétation évoluera afin de s’adapter. Cependant, la présence d’arbustes plus grands n’est pas anodine et pourrait aggraver

Crédit : Zach Montes, Orijin Media

« Le journalisme de qualité, un vaccin contre la désinformation »

Les résultats des analyses de l’ADN ont révélé que la végétation autour du lac était beaucoup plus luxuriante il y a 120 000 ans.

La végétation arctique était plus luxuriante il y a 120 000 ans. C’est ce que révèle les travaux d’une équipe de chercheurs qui a effectué des analyses d’ADN sur des sédiments déposés au fond d’un lac à proximité de la collectivité de Clyde River, au Nunavut. L’équipe de 13 chercheurs issus de différentes universités du Colorado, de la Californie, de l’état de New York et de l’Alaska s’est rendue à plusieurs reprises sur le site afin de collecter les sédiments présents dans la couche de vase au fond du lac. « Les sédiments se sont accumulés au fond du lac et représentent une très belle archive continue de la façon dont le paysage autour du lac a changé au fil du temps », explique Sarah Crump, boursière en recherches postdoctorales à l’université Santa Cruz et spécialiste en paléoclimatologie. Présente sur le terrain en 2017, elle s’est ensuite rendue au laboratoire spécialisé de l’université Curtin de Perth, en Australie, afin d’analyser elle-même l’ADN présent dans les carottes de sédiments extraites à l’aide d’une nouvelle technologie appelée Sedimentary Ancient DNA qui permet l’extraction d’ADN directement de la vase. «  Il s’agit d’une technique assez nouvelle qui nécessite une configuration de laboratoire vraiment spécifique pour éviter la contamination lorsque nous travaillons sur cet ADN dégradé très ancien, précise la chercheuse. J’y ai travaillé pour extraire et séquencer l’ADN végétal qui nous intéressait. »

le réchauffement. Ces arbustes, par leur ombre, rendraient la surface neigeuse plus sombre et réfléchissante et permettraient ainsi une plus grande absorption de l’énergie solaire qui contribue au réchauffement du sol. « Comme l’Arctique continue de se réchauffer, les changements dans l’aire de répartition des espèces végétales seront une réalité et je ne pense pas que nous puissions empêcher cela, indique la paléoclimatologue. Par contre, nous pouvons comprendre comment ces changements se produiront et il est important de les prendre en considération. » Alors que la pandémie remet en cause les possibilités de retour sur le terrain afin de poursuivre la collecte de sédiments sur d’autres sites du territoire, l’équipe travaille actuellement à la création de documents à l’intention de la collectivité de Clyde River, afin de communiquer les résultats de leurs recherches.  

Le Nunavoix Directeur : Christian Ouaka Rédactrice en chef : Gabrielle Poulin Si vous désirez collaborer au Nunavoix, être ajouté à la liste d'envoi ou faire paraître une publicité ou une annonce communautaire, veuillez communiquer avec nous à [email protected] Le Nunavoix est rendu possible grâce au soutien financier du ministère de la Culture et du Patrimoine du Nunavut et à Patrimoine canadien.

L’adaptation des plantes en milieu arctique Les résultats de cette recherche ont donc permis de mettre à jour un environnement arctique bien différent de ce que l’on connait aujourd’hui. Il y a 120 000 ans, à cette latitude, le climat était plus chaud avec des températures de 5 degrés plus élevés qu’aujourd’hui. La végétation reflétait Le Nunavoix

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